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Décisions | Chambre civile

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C/2620/2022

ACJC/252/2024 du 27.02.2024 sur JTPI/3378/2023 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2620/2022 ACJC/252/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 27 FEVRIER 2024

 

Entre

Feu Monsieur A______, soit pour lui Madame B______, Messieurs C______, D______, E______ et F______, appelant d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 mars 2023, représenté par
Me François MEMBREZ, avocat, WAEBER AVOCATS, rue Verdaine 12, case
postale 3647, 1211 Genève 3,

et

1) Madame G______, domiciliée ______, intimée,

2) Les mineurs H______ et I______, représentés par leur mère, Madame G______, domiciliés ______, autres intimés,

Tous représentés par Me Mirolub VOUTOV, avocat, DE CANDOLLE AVOCATS, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/3378/2023 du 16 mars 2023, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal de première instance a déclaré irrecevable l'action en constatation de non paternité déposée par A______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 940 fr., compensés par les avances fournies par celui-ci et mis à sa charge, ordonné en conséquence aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de lui restituer le solde de ses avances, soit 500 fr. (ch. 2), condamné A______ à verser aux mineurs H______ et I______, ainsi qu'à G______, solidairement entre eux, 1'500 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 27 avril 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, il a conclu, principalement, au renvoi de la cause au Tribunal afin qu'il statue sur sa demande en constatation de droit. Subsidiairement, il a conclu, préalablement, à ce que la Cour ordonne une expertise ADN sur lui-même et les mineurs H______ et I______ et, au fond, dise qu'il n'était pas le père de ces derniers et déboute G______ de toutes autres conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens de première et seconde instances.

b. Dans leur réponse, G______ et les mineurs H______ et I______ ont conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.

c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par courrier du 30 novembre 2023, le conseil de A______ a informé la Cour du décès de celui-ci en date du ______ novembre 2023.

e. Par courrier du 19 décembre 2023, le conseil de feu A______ a requis de la Cour la suspension de la procédure, au nom des "ayants droit" du précité.

f. Dans leurs déterminations du 18 décembre 2023, G______ et les mineurs H______ et I______ se sont opposés à la suspension de la procédure. Ils ont actualisé leurs conclusions, sollicitant, principalement, que la Cour déclare l'appel sans objet et raye la cause du rôle, subsidiairement, déclare celui-ci irrecevable, plus subsidiairement encore, le rejette.

g. Dans ses déterminations du 9 janvier 2024, le conseil de feu A______ a fait valoir que l'épouse actuelle de celui-ci, B______, ainsi que ses quatre autres enfants issus de précédentes relations, soit C______, D______, E______ et F______, avaient un intérêt digne de protection à faire constater que les mineurs H______ et I______ n'étaient pas les descendants du défunt, avec pour conséquence de préserver leurs droits dans la succession de celui-ci.

Il a produit l'acte original de "notoriété de décès" du de cujus établi par le Tribunal cantonal tunisien de J______ le ______ novembre 2023.

h. Dans leurs déterminations du 19 janvier 2024, G______ et les mineurs H______ et I______ ont requis un délai au 26 janvier 2024 pour se prononcer sur la suspension de la procédure.

Ils ne se sont pas déterminés dans ledit délai.

i. Par avis du greffe de la Cour du 6 février 2024, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure:

a. G______, née en 1982, a donné naissance à l'enfant H______ le ______ 2008 à J______ (Tunisie). A______, né en 1943, a reconnu l'enfant et a été inscrit au Registre d'état civil de J______ comme étant le père de celui-ci.

b. G______ et A______ se sont mariés le ______ 2010 à J______.

c. G______ a donné naissance à l'enfant I______ le ______ 2011. A______ a été inscrit au Registre d'état civil de J______ comme étant le père de celle-ci.

d. A des dates indéterminées, la famille s'est installée en Suisse, puis G______ et A______ se sont séparés. Ce dernier est retourné vivre en Tunisie.

e. Le 20 février 2017, A______ a déposé par-devant le Tribunal de première instance de J______ une requête visant à annuler sa paternité sur les mineurs H______ et I______ (ci-après: les mineurs ou les enfants).

Par jugement du 27 avril 2017, cette requête a été rejetée pour vice de forme.

f. Le divorce entre G______ et A______ a été prononcé en Tunisie le 4 avril 2018, dans le cadre duquel la garde des mineurs a été attribuée à la mère.

g. Par requête en conciliation déposée le 31 janvier 2022, déclarée non conciliée et introduite au Tribunal le 21 juin 2022, A______ a formé une action en constatation de non paternité à l'encontre de G______ et des mineurs. Il a conclu, préalablement, à ce que le Tribunal ordonne une expertise ADN sur lui-même et les enfants et, au fond, dise qu'il n'était pas le père de ceux-ci et les déboute, ainsi que leur mère, de toutes autres ou contraires conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a allégué s'être disputé, le soir du réveillon 2007, avec G______, laquelle avait quitté la soirée et n'était rentrée à leur domicile que le lendemain. Le mineur H______ était né neuf mois plus tard. Durant leur relation, G______ lui avait régulièrement menti et elle avait "laissé entendre" qu'il n'était pas le père biologique des enfants. Depuis plusieurs années, elle refusait qu'il entretienne des relations avec ceux-ci. Il bénéficiait d'un intérêt digne de protection à la constatation de sa non paternité, la réalité juridique n'étant pas conforme à celle biologique.

h. Dans leur réponse, G______ et les mineurs ont conclu, principalement, à l'irrecevabilité de la demande et, subsidiairement, à la constatation que A______ était le père biologique et légal des enfants, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Ils ont fait valoir que A______ n'avait pas respecté les échéances pour introduire une action en contestation de paternité. Il ne pouvait donc pas agir en constatation de non paternité dans le but de contourner les délais applicables à ladite action, ce qui constituait un abus de droit. La mère avait, à plusieurs reprises, proposé à A______ de voir les enfants, ce que ce dernier avait refusé. Il n'avait d'ailleurs versé aucune contribution à l'entretien de ceux-ci.

i. Par ordonnance du 13 décembre 2022, le Tribunal a limité la procédure à la question de la recevabilité de l'action.

j. Dans ses déterminations, A______ a conclu à la recevabilité de son action en constatation de non paternité, qui ne constituait pas un abus de droit.

k. Dans leurs déterminations G______ et les mineurs ont persisté à conclure à l'irrecevabilité de l'action, A______ ne disposant d'aucun intérêt digne de protection.

l. A______ a répliqué en persistant dans ses conclusions.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que le délai légal de cinq ans pour contester la reconnaissance de paternité, respectivement pour agir en désaveu de paternité, était échu. Or, l'action en constatation ne pouvait pas être utilisée pour pallier les carences de A______, puisqu'il nourrissait déjà des doutes sur sa paternité dès 2017, à tout le moins.

Par surabondance, l'intérêt des mineurs commandait de ne pas admettre que A______ avait un intérêt digne de protection à agir en constatation.

La demande du précité était ainsi irrecevable.


 

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement querellé est une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire non patrimoniale, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et les formes prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 145 al. 1 let. a CPC), l'appel est recevable.

2. Il n'est, à juste titre, pas contesté que les juridictions genevoises sont compétentes et que le droit suisse est applicable, compte tenu de la résidence genevoise des mineurs (art. 66 et 68 LDIP).

3. La Cour dispose d'un pouvoir d'examen complet en fait et en droit (art. 310 CPC).

4. L'appelant a reproché au Tribunal d'avoir procédé à une constatation incomplète des faits sur plusieurs points. L'état de fait présenté ci-dessus a donc été complété dans la mesure utile, sur la base des actes et pièces de la procédure.

5. Dans un premier grief d'ordre formel, l'appelant s'est plaint d'une violation de son droit d'être entendu, considérant que le Tribunal n'avait pas pris en compte tous ses allégués et n'avait pas examiné son argumentation juridique.

5.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2; 142 II 154 consid. 4.2; 141 IV 249 consid. 1.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_17/2020 du 20 mai 2020 consid. 3.2.1).

La jurisprudence admet qu'un manquement au droit d'être entendu puisse être considéré comme réparé si la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de seconde instance disposant d'un pouvoir de cognition complet en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4) et, lorsqu'il s'agit d'un vice grave, si le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; 137 I 195 consid. 2.3.2; 136 V 117 consid. 4.2.2.2).

5.2 En l'occurrence, l'appelant a reproché au Tribunal de ne pas avoir tenu compte du fait que l'intimée refusait qu'il entretienne des relations avec les mineurs et qu'elle lui aurait menti, à plusieurs reprises, durant leur relation. Ces faits, contestés, ne sont pas établis par les éléments du dossier, de sorte que le premier juge était fondé à ne pas en tenir compte dans le jugement entrepris.

Il en va de même des faits selon lesquels l'intimée n'avait pas dormi au domicile commun le soir du réveillon 2007 et la requête en annulation de paternité avait été rejetée par les autorités tunisiennes pour vice de forme. En effet, ces faits ne sont pas pertinents pour l'issue du litige, contrairement à ce que soutient l'appelant.

En outre, le Tribunal a considéré que l'appelant n'avait pas d'intérêt digne de protection à agir en constatation de non paternité, cette action subsidiaire ne pouvant pas être utilisée pour pallier ses carences de ne pas avoir formé une action formatrice, soit en contestation de reconnaissance, respectivement en désaveu de paternité, dans les délais légaux. En outre, l'intérêt des mineurs commandait de ne pas retenir que l'appelant avait un intérêt digne de protection à agir. Cette motivation est claire et précise, de sorte que le premier juge n'avait pas à se prononcer sur tous les arguments juridiques de l'appelant.

Il s'ensuit qu'aucune violation du droit d'être entendu du précité n'a été commise.

En tous les cas, une éventuelle violation, qui en l'espèce ne serait pas d'une gravité particulière, pourrait, quoi qu'il en soit, être réparée devant la Cour qui dispose d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit et devant laquelle l'appelant a pu s'exprimer librement à deux reprises, de sorte qu'elle serait sans conséquence.

6. L'appelant a fait grief au Tribunal d'avoir considéré qu'il ne disposait pas d'un intérêt digne de protection à la constatation de sa non paternité sur les mineurs.

6.1.1 Le tribunal examine d'office si les conditions de recevabilité sont remplies (art. 60 CPC), parmi lesquelles celle de l'intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC).

Selon l'art. 88 CPC, le demandeur intente une action en constatation de droit pour faire constater par un tribunal l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'un rapport de droit.

Il appartient au demandeur d'établir qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à la constatation, soit un intérêt personnel et actuel (art. 59 al. 2 let. a CPC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2 et 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.3; Bohnet, Commentaire romand CPC, 2019, n° 89a ad art. 59 CPC). Comme toute condition de recevabilité, cet intérêt doit exister au moment du jugement (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 4A_122/2019 du 10 avril 2019 consid. 2 et 4A_280/2015 du 20 octobre 2015 consid. 6.2.1; Bohnet, op. cit., n° 92 ad art. 59 CPC et n° 13 ad art. 60 CPC). A défaut, la demande est irrecevable (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3 et 4A_122/2019 précité consid. 2.2).

L'action en constatation de droit est ainsi recevable si le demandeur dispose d'un intérêt de fait ou de droit digne de protection à la constatation immédiate de la situation de droit. L'action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à l'action condamnatoire ou à l'action formatrice. Seules des circonstances exceptionnelles conduisent à admettre l'existence d'un intérêt digne de protection à la constatation de droit lorsqu'une action en exécution est ouverte. Un litige doit en principe être soumis au juge dans son ensemble par la voie de droit prévue à cet effet. Le créancier qui dispose d'une action condamnatoire ne peut en tout cas pas choisir d'isoler des questions juridiques pour les soumettre séparément au juge par la voie d'une action en constatation de droit (ATF 135 III 378 consid. 2.2).

L'action en constatation de droit suppose qu'il y ait une incertitude concernant les droits du demandeur, que la suppression de cette incertitude soit justifiée, en ce sens que l'on ne peut exiger du demandeur qu'il tolère plus longtemps la persistance de cette incertitude parce qu'elle l'entrave dans sa liberté de décision, que cette incertitude puisse être levée par la constatation judiciaire et qu'une action condamnatoire (ou en exécution) ou une action formatrice (ou en modification de droit), qui lui permettrait d'obtenir directement le respect de son droit ou l'exécution de son obligation, ne soit pas ouverte (ATF 141 III 68 consid. 2.2 et 2.3; 135 III 378 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_408/2016 du 21 juillet 2017 consid. 5.1 et 4A_688/2016 précité consid. 3.1).

En cas d'action en constatation négative, il faut également avoir égard à l'intérêt du défendeur (ATF 131 III 319 consid. 3.5, in SJ 2005 I 449; 123 III 414 consid. 7b, in JdT 1999 I 251; 120 II 20 consid. 3a, in JdT 1995 I 130).

6.1.2 S'agissant de l'action en désaveu de paternité, le mari doit l'intenter au plus tard un an après qu'il a connu la naissance et le fait qu'il n'est pas le père ou qu'un tiers a cohabité avec la mère à l'époque de la conception, mais en tout cas dans les cinq ans depuis la naissance, l'action pouvant être intentée après l'expiration du délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable (art. 256c al. 1 et 3 CC).

Le délai absolu de cinq ans commence à courir au moment de la naissance de l'enfant; sous réserve d'une restitution de délai au sens des art. 256c al. 3 CC, l'échéance du délai absolu éteint le droit du mari d'agir en désaveu, même lorsque l'intéressé ne se doute pas qu'il n'est pas le géniteur de l'enfant (Guillod, Commentaire romand CC I, 2023, n° 5 ad art. 256c CC).

Si le mari décède ou devient incapable de discernement après avoir ouvert une action en désaveu avant le prononcé du jugement, ses père et mère peuvent continuer l'action à sa place (art. 258 CC). Ses autres enfants devraient avoir également ce droit du fait de la saisine (art. 560 CC) (Montavon/Reichlin, La filiation, Abrégé de droit civil, 2020, p. 457).

6.1.3 S'agissant de l'action en contestation de la reconnaissance, le demandeur doit intenter l'action dans le délai d'un an à compter du jour où il a appris que la reconnaissance a eu lieu et que son auteur n'est pas le père ou qu'un tiers a cohabité avec la mère à l'époque de la conception, ou à compter du jour où l'erreur a été découverte ou de celui où la menace a été écartée, mais en tout cas dans les cinq ans depuis la reconnaissance, l'action pouvant être intentée après l'expiration du délai lorsque de justes motifs rendent le retard excusable (art. 260c al. 1 et 3 CC).

L'action en contestation doit dans tous les cas être introduite dans un délai de cinq ans dès la reconnaissance; lorsque l'auteur a reconnu l'enfant avant sa naissance, le délai commence à courir dès la naissance de l'enfant (Guillod, op. cit., n° 4 ad art. 260c CC).

Selon l'art. 260a al. 1 CC, la reconnaissance peut être attaquée en justice par tout intéressé, en particulier par la mère de l'enfant, les parents et descendants de l'auteur de la reconnaissance, par l'épouse de ce dernier, par l'enfant, et, s’il est décédé, par ses descendants (Montavon/Reichlin, op. cit., p. 460).

6.1.4 Le seul fait que le père légal de l'enfant ne soit pas son père biologique ne constitue pas un motif suffisant pour que la contestation de la paternité doive être considérée comme conforme à l'intérêt de l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 5C_130/2003 du 14 octobre 2003, in SJ 1966 p. 590; ACJC/696/2021 du 01.06.2021 consid. 2.1; DAS/127/11 du 28 juin 2011 consid. 4.2).

Il convient de procéder à une pesée des intérêts de l'enfant, en comparant sa situation avec et sans le désaveu. Il doit être tenu compte des conséquences d'ordre tant psycho-social que matériel, par exemple la perte du droit à l'entretien et des expectatives successorales (ATF 121 III 1 consid. 2c). Il ne sera pas dans l'intérêt de l'enfant d'introduire une telle action lorsqu'il est incertain que le mineur puisse avoir un autre père légal, lorsque la contribution d'entretien serait notablement moindre, lorsque la relation étroite entre l'enfant et ses frères et sœurs serait sérieusement perturbée et lorsqu'il n'y a pas lieu d'admettre que l'enfant serait en mesure d'entretenir une relation positive sur le plan socio-psychique avec son géniteur (arrêts du Tribunal fédéral 5A_593/2011 du 10 janvier 2012 consid. 3.1.1 et 5A_128/2009 du 22 juin 2009 consid. 2.3).

Plus longue est la période qui s'est écoulée depuis la naissance, plus grand est l'intérêt au maintien du lien de filiation établi (RMA [ancien RDT] 2010 p. 125).

6.1.5 L'action sui generis en recherche des origines est indépendante de l'action en contestation et/ou en établissement de la paternité. Le droit de connaître ses origines n'implique pas celui de voir aboutir une action en recherche de paternité avec effets d'état civil et vocation successorale indépendamment de toute limite temporelle. Elle est ouverte lorsque l'action d'état de la filiation n'est pas possible, mais également dans un simple but de connaissance de son identité. Elle permet ainsi à l'enfant, à tout le moins majeur, de concrétiser son droit à connaître ses origines en dehors de l'établissement ou de la contestation du lien juridique de filiation (Papaux Van Delden, Facettes du droit de la personnalité de l'enfant: facettes choisies, 2014, p. 125).

L'intérêt juridique digne de protection du père juridique qui doute ou du père biologique qui ignore, doit être admis, au nom de leurs droits de la personnalité; il mène à la consécration du droit de connaître son ascendance. La question controversée qui demeure est celle de savoir si ce droit ne peut, de lege lata, s'exercer que dans le cadre d'une action d'état, action en désaveu ou en contestation de reconnaissance, ou si le modèle de l'action sui generis en rechercher des origines est transposable. Le Tribunal fédéral a refusé qu'un demandeur hors délai à l'action en contestation de la reconnaissance puisse faire valoir un intérêt juridique propre à ce que l'enfant accède à son origine par le biais d'une expertise ordonnée par le juge, alors même que l'enfant n'en avait pas fait la demande; implicitement à tout le moins, cet arrêt revient à rejeter un droit à connaître sa descendance par une application extensive de la notion de connaissance de ses origines (arrêt du Tribunal fédéral 5A_315/2008 du 29 septembre 2008). Depuis, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si le mari, hors délai pour agir en désaveu, peut se prévaloir d'une action sui generis en constatation de sa non-paternité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_298/2009 du 31 août 2009 consid. 5). Plus récemment encore, l'intérêt du père à connaître l'existence de son enfant a été admis dans le cadre d'un litige relatif à l'instauration d'une curatelle de paternité (arrêt du Tribunal fédéral 5A_645/2013 du 6 décembre 2013 consid. 3.2.1). Enfin, le Tribunal supérieur lucernois a tranché favorablement, admettant le droit du père à connaître sa paternité ou sa non-paternité à l'encontre de son fils de 27 ans, indépendamment d'une procédure en désaveu (Obergericht des Kantons Luzern, arrêt 18.09.2012, in FamPra 2013, p. 220 n° 15) (Papaux Van Delden, op. cit., p. 127).

6.1.6 A teneur de l'art. 242 CPC, si la procédure prend fin sans avoir fait l'objet d'une décision pour d'autres raisons qu'une transaction, un acquiescement ou un désistement d'action, elle est rayée du rôle.

Tel est notamment le cas si une partie décède dans un procès non transmissible à cause de mort, comme un procès en divorce (ATF 93 II 151 consid. 3; Tappy, Commentaire romand CPC, 2019, n° 4 ad art. 242 CPC). Il en va de même pour les procès portant sur des droits strictement personnels. Les héritiers n'interviennent alors au procès qu'en ce qui concerne des frais et dépens (qui constituent des dettes successorales au sens de l'art. 560 al. 2 CC). En d'autres termes, en raison de l'absence d'objet dans la cause principale, le litige portant sur les conséquences accessoires devient de facto la cause principale (Schwander, Kommentar zur Schweizerischen ZPO, 2016, n ° 40 ad art. 83 CPC).

Dans les autres procès, les héritiers prennent automatiquement la place du défunt en cas de décès d'une partie (cf. art. 560 CC; ATF 75 II 192 consid. 1), avec la précision que le procès doit être suspendu jusqu'à ce que les héritiers soient déterminés et que l'ouverture de la succession soit établie (art. 126 CPC; Schwander, loc. cit.).

6.2.1 En l'espèce, l'appelant est décédé en cours de procédure d'appel. Il ressort de l'acte notarié produit qu'il laisse pour héritiers son épouse actuelle, ainsi que quatre autres enfants nés de précédentes relations.

Compte tenu de la qualité pour agir en contestation de reconnaissance, respectivement en désaveu de paternité, il se justifie de retenir que la présente procédure est transmissible pour cause de mort. Les héritiers susvisés semblent ainsi pouvoir se substituer au défunt dans le cadre de la procédure.

L'intérêt desdits héritiers à agir dans le cadre de ladite procédure n'a toutefois pas besoin d'être résolu, le jugement entrepris d'irrecevabilité de l'action en constatation formée par l'appelant de son vivant devant être confirmé.

6.2.2 En effet, le précité n'a pas démontré avoir, au moment dudit jugement, un intérêt digne de protection à la constatation de sa non paternité.

Il sera tout d'abord relevé que les éléments soulevés par l'appelant n'apparaissent pas suffisants pour mettre en doute sa paternité sur les mineurs. A cet égard, le fait que l'enfant H______ soit né environ neuf mois après une dispute, à la suite de laquelle l'intimée n'aurait pas dormi au domicile des parties, n'est pas probant. En tous les cas, même si ce fait avait créé une incertitude dans l'esprit de l'appelant quant à sa paternité, il a reconnu l'enfant à sa naissance. Par ailleurs, le fait, contesté, selon lequel l'intimée aurait menti à l'appelant sur plusieurs points - non précisés par ce dernier - durant leur relation n'est aucunement établi. En outre, contrairement à ce que soutient l'appelant, sa différence d'âge avec l'intimée ne constitue pas un élément pertinent pour mettre en doute sa paternité. Enfin, le fait, contesté et non établi, selon lequel l'intimée aurait indiqué à l'appelant qu'il n'était pas le père biologique des enfants n'est également pas suffisant.

En tous les cas, même si l'appelant avait eu des raisons sérieuses de douter de sa paternité, cela ne suffit pas encore à lui reconnaître un intérêt digne de protection à une action subsidiaire en constatation négative de droit. En effet, comme retenu par le premier juge, l'appelant n'a pas intenté, en Suisse, une action formatrice en contestation de reconnaissance, respectivement en désaveu de paternité, dans les délais absolus de cinq ans prévus aux art. 256c et 260c CC. Il n'a pas non plus requis de restitution de ces délais, aucun juste motif ne pouvant excuser son inaction, dès lors qu'il nourrissait des doutes sur sa paternité depuis 2017, à tout le moins, ce qui n'est pas contesté. L'appelant n'a d'ailleurs pas réintroduit une requête en annulation de paternité par-devant les juridictions tunisiennes à la suite du jugement du 27 avril 2017, rejetant sa demande pour vice de forme.

L'appelant n'ayant pas agi avec la célérité commandée par les circonstances, il se justifie de lui dénier l'existence d'un intérêt digne de protection à la constatation. En effet, son inaction durant plusieurs années démontre qu'il ne se trouvait pas dans une situation incertaine quant à sa paternité sur les mineurs, qui lui était insupportable.

Il disposait d'une action formatrice, soit l'action en contestation de reconnaissance, respectivement en désaveu de paternité, qui était immédiatement ouverte et qui lui aurait permis d'obtenir directement le respect de son droit, dès lors qu'il doutait de sa paternité depuis 2017, à tout le moins. Or, les exceptions au principe de la subsidiarité de l'action en constatation doivent être interprétées de manière restrictive, faute de quoi une incertitude serait créée quant à la voie de droit à suivre pour contester le lien de filiation paternelle, ce qui n'est pas souhaitable.

A défaut d'intérêt de digne de protection, le premier juge a, à bon droit, déclaré la requête de l'appelant irrecevable.

6.2.3 Par surabondance, le premier juge a, à juste titre, considéré que l'intérêt des mineurs commandait également de dénier un intérêt digne de protection à l'appelant.

En effet, les enfants ont vécu avec le précité de leur naissance jusqu'à la séparation des parents, soit durant plusieurs années. L'appelant les a reconnus et a été inscrit au Registre d'état civil de J______ comme étant leur père. Il a ainsi représenté pour les mineurs l'unique figure paternelle. Il n'est d'ailleurs pas allégué, ni a fortiori établi, qu'un autre lien de filiation paternelle avec un tiers pourrait être envisagé. En effet, aucune paternité biologique, autre que celle de l'appelant, n'est alléguée, ni rendue vraisemblable.

Dans ces circonstances, le seul fait que l'appelant n'a pas entretenu de relations avec les mineurs depuis un certain temps ne saurait être déterminant pour retenir un intérêt digne de protection à l'appelant pour constater sa non paternité.

Il est ainsi dans l'intérêt des mineurs de maintenir le lien de filiation avec l'appelant, qu'il soit ou non leur père biologique.

Partant, le jugement entrepris sera confirmé.

7. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 32 et 35 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe, soit pour lui B______, ainsi que C______, D______, E______ et F______ (art. 106 al. 1 CPC). Ces frais seront entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant versée par l'appelant de son vivant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant, soit pour lui B______, ainsi que C______, D______, E______ et F______, sera également condamné à verser aux intimés, solidairement entre eux, 2'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 106 al. 1 CPC; art. 86 et 90 RTFMC; art. 20, 23, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 avril 2023 par feu A______ contre le jugement JTPI/3378/2023 rendu le 16 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2620/2022.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge de feu A______, soit pour lui B______, ainsi que C______, D______, E______ et F______, et les compense entièrement avec l'avance versée par lui, acquise à l'Etat de Genève.

Condamne feu A______, soit pour lui B______, ainsi que C______, D______, E______ et F______, à verser à G______ et aux mineurs H______ et I______, pris solidairement entre eux, 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.