Décisions | Chambre civile
ACJC/1263/2023 du 28.09.2023 sur JTPI/302/2023 ( OO ) , MODIFIE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/9278/2022 ACJC/1263/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU JEUDI 28 SEPTEMBRE 2023 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ (VS), appelant d'un jugement rendu par la 23ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 9 janvier 2023, représenté par Me Daniel MEYER, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève,
et
Madame B______, domiciliée ______ [GE], intimée, représenté par Me Yann LAM, avocat, MBLD ASSOCIÉS, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge.
A. Par jugement JTPI/302/2023 du 9 janvier 2023, reçu par A______ le 13 janvier 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a modifié le chiffre 3 du dispositif du jugement JTPI/15524/2013 du 19 novembre 2013, confirmé par arrêt ACJC/1228/2014 de la Cour de justice du 10 octobre 2014, pour la période du 1er juillet 2022 au 30 avril 2026 (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, 2'400 fr. à titre de contribution d'entretien post-divorce du 1er juillet 2022 au 30 avril 2026 (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 2'500 fr., compensés avec l'avance de frais versée par A______ et mis à charge des parties à raison d'une moitié chacune, condamné B______ à verser 1'250 fr. au précité, ordonné aux Services financiers du Pouvoir judiciaire de restituer à A______ le solde de son avance (ch. 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4), condamné les parties à respecter et exécuter le jugement (ch. 5) et débouté celles-ci de toutes autres conclusions (ch. 6).
B. a. Par acte expédié le 13 février 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel de ce jugement, sollicitant l'annulation du chiffre 2 du dispositif. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour dise qu'il ne devait plus contribuer à l'entretien de B______ à compter du 1er juillet 2022.
Il a produit une pièce nouvelle, soit l'établissement par la Caisse fédérale de compensation en date du 9 janvier 2023 de ses acomptes de cotisations AVS pour personne sans activité lucrative pour l'année 2023 (pièce n° 23).
b. Dans sa réponse, B______ a conclu au rejet de l'appel, sous suite de frais judiciaires et dépens.
c. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.
d. Par avis du greffe de la Cour du 14 juillet 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. B______, née B______ [nom de jeune fille] le ______ 1962, et A______, né le ______ 1962, se sont mariés le ______ 1986 à C______ (VS).
Ils sont les parents de deux enfants, aujourd'hui majeurs.
b. Par jugement JTPI/15524/2013 du 19 novembre 2013, le Tribunal a notamment prononcé le divorce des parties et condamné A______ à verser à B______ 3'500 fr. par mois à titre de contribution d'entretien jusqu'au 10 avril 2026, sous déduction du loyer de la précitée tant que celui-ci était directement prélevé sur le salaire de A______ (chiffre 3 du dispositif). Le Tribunal a également ordonné le transfert de 170'395 fr. 30 sur le compte de libre passage de B______ à titre de partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés durant le mariage.
Le Tribunal a retenu que A______ disposait d'un solde mensuel de 5'500 fr. [9'500 fr. de revenus - 4'000 fr. de charges incompressibles, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), son loyer (950 fr.), sa prime d'assurance-maladie (304 fr. 85), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (1'353 fr.)]. B______ subissait un déficit mensuel de 1'500 fr. [1'550 fr. de revenus - 3'050 fr. de charges incompressibles, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), le loyer de l'ancien domicile conjugal directement prélevé sur le salaire de son ex-époux, celui-ci étant un logement de fonction (1'024 fr.), sa prime d'assurance-maladie (435 fr. 25), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (338 fr.)]. Compte tenu de la durée du mariage et du fait que la précitée avait cessé de travailler à la naissance des enfants, elle pouvait prétendre au versement d'une pension. Elle avait repris une activité lucrative à temps partiel durant le mariage, qui ne lui permettait toutefois pas de subvenir seule à son entretien. Il se justifiait ainsi de fixer la contribution due à son entretien à 3'500 fr. par mois pour couvrir ses charges incompressibles et se constituer une prévoyance appropriée jusqu'à l'âge de sa retraite.
c. Par arrêt ACJC/1228/2014 du 10 octobre 2014, la Cour a confirmé le chiffre 3 du dispositif du jugement susvisé.
La Cour a considéré que les revenus des parties, tels qu'arrêtés par le premier juge, étaient corrects. Bien qu'actuellement B______ n'avait pas d'emploi fixe et ne percevait plus d'indemnités chômage, elle était en mesure de percevoir un revenu net de 1'550 fr. par mois, en fournissant les efforts nécessaires. Les charges mensuelles des parties, retenues par le premier juge, étaient également correctes, à l'exception d'une dette de 500 fr. devant être ajoutée à leurs budgets jusqu'à fin avril 2016. Le loyer de B______ devait, en outre, augmenter de 500 fr. par mois dès octobre 2016, dès lors qu'elle devait quitter l'appartement de fonction de son ex-époux et assumer un loyer plus élevé. Nonobstant ces corrections, il se justifiait de confirmer le versement en faveur de la précitée d'une contribution d'entretien de 3'500 fr. par mois, montant adéquat pour couvrir son déficit, assurer le maintien de son train de vie antérieur et affecter le solde à ses besoins de prévoyance.
d. Par acte du 13 mai 2022, A______ a formé, par-devant le Tribunal, une demande en modification du jugement de divorce, concluant à l'annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement JTPI/15524/2013 du 19 novembre 2013, confirmé par arrêt ACJC/1228/2014 du 10 octobre 2014 et, cela fait, à la suppression de toute contribution d'entretien en faveur de B______ dès le 1er juillet 2022.
Il a allégué qu'il prendrait sa retraite anticipée à partir du 1er juillet 2022, soit à l'âge de 60 ans révolus, conformément au règlement interne de son employeur, de sorte qu'il ne disposerait plus de moyens financiers suffisants pour contribuer à l'entretien de son ex-épouse.
e. Dans sa réponse, B______ a conclu, principalement, au rejet de la demande et, subsidiairement, au versement en sa faveur d'une contribution d'entretien de 3'061 fr. 30 par mois.
f. Lors de l'audience du 5 septembre 2022, A______ a confirmé avoir pris sa retraite anticipée dès le 1er juillet 2022. Il avait perçu ses avoirs LPP sous forme d'un capital, soit environ 679'000 fr. Sur ce montant, il avait bloqué 400'000 fr. sur un compte pour une durée de vingt ans et prélevait, chaque mois, sur les 279'000 fr. restants, la somme de 2'000 fr. pour subvenir à ses besoins.
g. Lors de l'audience du 11 novembre 2022, A______ a déposé une réplique spontanée, par laquelle il a notamment conclu à l'imputation d'un revenu hypothétique de 4'200 fr. par mois à l'encontre de son ex-épouse pour un emploi de caissière.
Les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.
D. La situation financière actuelle des parties est la suivante :
a. A______ exerçait une activité de garde-frontière pour l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières jusqu'au 30 juin 2022.
Du 1er juillet 2022 au 30 juin 2027, soit jusqu'à ses 65 ans révolus, il perçoit une rente AVS transitoire de 2'390 fr. par mois.
Début juillet 2022, la somme de 679'853 fr. 20 a été versée sur son compte bancaire à titre de capital LPP et rente AVS (677'463 fr. 20 + 2'390 fr.). A teneur de son certificat de prévoyance au 1er janvier 2022, si A______ avait opté pour le versement d'une rente mensuelle LPP à l'âge de 60 ans, celle-ci se serait élevée, au taux d'intérêt projeté de 0.00%, à 2'523 fr. 60, à 2'734 fr. 10 à l'âge de 61 ans, à 2'945 fr. 15 à l'âge de 62 ans, à 3'169 fr. 90 à l'âge de 63 ans, à 3'402 fr. 40 à l'âge de 64 ans et à 3'642 fr. 60 à l'âge de 65 ans.
Sur le capital LPP reçu, A______ a investi 350'000 fr. en banque (150'000 fr. à terme et 200'000 fr. dans des placements) et, début septembre 2022, il lui restait 242'591 fr. 60 d'avoirs disponibles en compte. Il a allégué s'être acquitté d'impôts à hauteur de 70'000 fr. en 2023 en lien avec ce capital.
A______ a conclu un contrat de bail portant sur la location d'un bungalow dans un camping à Fribourg, dès le 1er juillet 2022, pour un loyer de 1'000 fr. par mois. Il a allégué louer en sus une chambre pour 500 fr. par mois en Valais. A cet égard, il a déclaré en audience vivre au camping à l'année, mais ne pas pouvoir y être officiellement domicilié, de sorte qu'il louait une chambre dans l'appartement d'une amie en Valais, afin d'y être domicilié, ce qui était avantageux sur le plan fiscal. Il s'y rendait une nuit par semaine, afin de justifier sa résidence principale. Il a produit deux attestations de D______ confirmant qu'il était domicilié chez elle en Valais et qu'il s'acquittait de 500 fr. par mois pour la location d'une chambre depuis le 1er novembre 2020.
En première instance, il a allégué s'acquitter de cotisations AVS à hauteur de 61 fr. par mois, sans produire de pièce à cet égard. En appel, à teneur de la pièce nouvelle n° 23, ses acomptes annuels de cotisations 2023 ont été estimés à 1'038 fr. 80 nets. Il ressort également de cette pièce qu'une facture sera établie à l'échéance de chaque période de décompte, laquelle tiendra compte de toutes déductions et corrections éventuelles. En appel, A______ n'a pas chiffré le montant de ses cotisations AVS.
Le Tribunal a retenu que ses charges mensuelles s'élevaient à 2'201 fr. 70, puis à 2'240 fr. 45 dès le 1er janvier 2023, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), son loyer en Valais (500 fr.; la situation des parties étant serrée, le premier juge n'a pas pris en compte les frais afférents à son deuxième logement), sa prime d'assurance-maladie (412 fr. 45 du 1er juillet au 31 décembre 2022, puis 451 fr. 20 dès le 1er janvier 2023), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (19 fr. 25).
b. B______ travaille, sur appel, en qualité de "dégustatrice" pour différentes entreprises.
En 2021, elle a perçu un revenu mensuel net moyen de 224 fr. 50 et d'avril à juin 2022, celui-ci s'est élevé à 785 fr. 10 par mois. Elle a déclaré en audience que son activité avait baissé depuis le printemps 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Elle essayait de trouver un emploi dans un autre domaine, mais compte tenu de son âge cela était difficile.
En 2022, ses primes d'assurance-maladie LAMal et LCA se sont élevées à 364 fr. 85 par mois, subside déduit, respectivement à 11 fr. 80 par mois.
Le Tribunal a retenu que ses charges mensuelles s'élevaient à 3'367 fr. 10 [recte: 3'349 fr. 30], comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), son loyer (1'680 fr.), ses primes d'assurance-maladie, subside déduit (370 fr. 75), sa prime d'assurance-ménage (26 fr. 55), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (2 fr.).
E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal est entré en matière sur la demande de modification du jugement de divorce, en raison du départ à la retraite anticipée de A______, élément non pris en compte pour le calcul de la pension litigieuse dans le jugement de divorce JTPI/15524/2013 du 19 novembre 2013, confirmé par l'arrêt ACJC/1228/2014 du 10 octobre 2014.
Le Tribunal n'a pas réexaminé le caractère "lebensprägend" du mariage des parties, celui-ci ayant été admis par le juge du divorce et étant justifié par la durée de l'union et la naissance d'enfants. Compte tenu de l'âge de B______, il ne pouvait pas être exigé d'elle une augmentation de son taux d'activité ou un changement d'activité, de sorte que le revenu hypothétique de 1'550 fr. par mois imputé sur divorce était confirmé. Elle subissait ainsi un déficit mensuel actuel de 1'817 fr. 10 [recte: 1'799 fr. 30].
Les revenus de A______ étaient composés de ses rentes AVS (2'390 fr.) et LPP, celle-ci augmentant graduellement en fonction de son âge (2'523 fr. 60 pendant sa 60ème année; 2'734 fr. 10 pendant sa 61ème année; 2'945 fr. 15 pendant sa 62ème année; 3'169 fr. pendant sa 63ème année). Son disponible mensuel s'élevait ainsi à 2'711 fr. 30 du 1er juillet au 31 décembre 2022 (4'913 fr. de revenus - 2'201 fr. 70 de charges); 2'672 fr. 55 du 1er janvier au 30 juin 2023 (4'913 fr. - 2'240 fr. 45); 2'883 fr. 65 du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024 (5'124 fr. 10 - 2'240 fr. 45); 3'094 fr. 70 du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025 (5'335 fr. 15 - 2'240 fr. 45); 3'319 fr. 45 du 1er juillet 2025 au 30 juin 2026 (5'559 fr. 90 - 2'240 fr. 45). Il disposait ainsi d'une capacité financière suffisante pour couvrir le déficit de son ex-épouse, partager par moitié son solde résiduel, et lui verser la somme de 2'400 fr. par mois pour la période du 1er juillet 2022 au 10 avril 2026, "comptabilisé comme un mois plein", soit jusqu'au 30 avril 2016.
1. 1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales de première instance lorsque la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 et 2 CPC).
En l'espèce, le litige porte sur le versement de contributions mensuelles qui, capitalisées selon l'art. 92 al. 1 CPC, sont supérieures à 10'000 fr. La voie de l'appel est dès lors ouverte.
Interjeté dans les délai et forme utiles (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.
1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs formulés contre le jugement attaqué
(ATF 142 III 413 consid. 2.2.2).
Les maximes des débats et de disposition (art. 58, 277 al. 1 et 284 al. 3 CPC) sont applicables.
2. L'appelant a produit une pièce nouvelle devant la Cour.
2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).
2.2 En l'occurrence, la pièce nouvelle n° 23 produite par l'appelant, concernant ses cotisations AVS 2023, a été établie par la Caisse fédéral de compensation le 9 janvier 2023, soit après que la cause a été gardée à juger par le premier juge en date du 11 novembre 2022. Elle est donc recevable, de même que les faits y afférents.
3. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir maintenu une contribution d'entretien post-divorce en faveur de l'intimée. En particulier, il lui reproche d'avoir mal établi les situations financières des parties, soit leurs revenus et leurs charges respectifs.
3.1.1 La modification de la contribution d'entretien due à l'ex-conjoint, fixée dans un jugement de divorce, est régie par l'art. 129 CC. Selon cette disposition, si la situation du débiteur ou du créancier change notablement et durablement, la rente peut être diminuée, supprimée ou suspendue pour une durée déterminée. La modification de la pension suppose que des faits nouveaux importants et durables soient survenus dans la situation du débirentier ou du crédirentier, qui commandent une réglementation différente. La procédure de modification n'a pas pour but de corriger le premier jugement, mais de l'adapter aux circonstances nouvelles. Le fait revêt un caractère nouveau lorsqu'il n'a pas été pris en considération pour fixer la contribution d'entretien dans le jugement de divorce. Ce qui est déterminant, ce n'est pas la prévisibilité des circonstances nouvelles mais exclusivement le fait que la pension ait été fixée sans tenir compte de ces circonstances futures. On présume néanmoins que la contribution d'entretien a été fixée en tenant compte des modifications prévisibles, soit celles qui, bien que futures, sont déjà certaines ou fort probables (ATF 141 III 376 consid. 3.3.1;
138 III 289 consid. 11.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_902/2020 du 25 janvier 2021 consid. 5.1.1 et 5A_230/2019 du 31 janvier 2020 consid. 6.1).
Lorsque le juge admet que les conditions de l'art. 129 CC sont remplies, il doit en principe fixer à nouveau la contribution d'entretien sur la base des critères de l'art. 125 CC, après avoir actualisé tous les éléments pris en compte pour le calcul dans le jugement précédent, en faisant usage de son pouvoir d'appréciation. Pour que le juge puisse procéder à cette actualisation, il n'est pas nécessaire que la modification survenue dans ces autres éléments constitue également un fait nouveau (ATF 138 III 289 consid. 11.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_515/2015 du 8 mars 2016 consid. 3).
3.1.2 Aux termes de l'art. 125 al. 1 CC, si l'on ne peut raisonnablement attendre d'un époux qu'il pourvoie lui-même à son entretien convenable, y compris à la constitution d'une prévoyance vieillesse appropriée, son conjoint lui doit une contribution équitable.
L'entretien convenable doit être déterminé après avoir constaté le niveau de vie des époux pendant le mariage (respectivement pendant la séparation si celle-ci a duré dix ans environ), lequel constitue la limite supérieure de l'entretien
(ATF 141 III 465 consid. 3.1; 137 III 102 consid. 4.2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1053/2020 du 13 octobre 2021 consid. 5.2.1).
3.1.3 Conformément à la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes), les besoins sont déterminés en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille, lequel comprend notamment les impôts et les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence. Il convient de procéder par étapes, par exemple en tenant compte d'abord des impôts de toutes les personnes intéressées, puis en ajoutant chez chaque personne les forfaits de communication et d'assurance, etc. L'éventuel excédent est ensuite réparti en fonction de la situation concrète, en tenant compte de toutes les circonstances (ATF 147 III 265 consid. 7.1, in SJ 2021 I 316).
Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 147 III 265 précité consid. 7.3).
3.1.4 S'agissant de la capacité des époux à financer leur entretien convenable, le juge tient en principe compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur. Il s'agit ainsi d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et qu'on peut raisonnablement exiger d'elle afin de remplir ses obligations (ATF 143 III 233 consid. 3.2; 137 III 102 consid. 4.2.2.2). Le juge doit examiner deux conditions, à savoir si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci - ce qui est une question de droit - et si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir - ce qui est une question de fait (ATF 147 III 249 consid. 3.4; 143 III 233 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_510/2021 du 14 juin 2022 consid. 3.2.3).
3.2.1 En l'espèce, il n'est pas contesté que la situation financière de l'appelant s'est modifiée de manière durable et significative en raison de son départ en retraite anticipée à l'âge de 60 ans révolus, soit dès le 1er juillet 2022.
Le premier juge est donc, à bon droit, entré en matière sur la demande de modification du jugement de divorce.
3.2.2 L'appelant perçoit actuellement une rente AVS à hauteur de 2'390 fr. par mois, ce qui n'est pas remis en cause par les parties.
Il a également perçu ses avoirs LPP sous forme d'un capital, soit un montant de 677'463 fr. L'appelant ne conteste pas la méthode utilisée par le premier juge consistant à mensualiser ce capital afin de déterminer la somme qu'il est en mesure de prélever chaque mois pour subvenir à ses besoins. Cette méthode sera donc confirmée. A teneur de son certificat de prévoyance au 1er janvier 2022, si l'appelant avait opté pour le versement d'une rente LPP mensuelle à l'âge de 60 ans, celle-ci se serait élevée, au taux d'intérêt projeté de 0.00%, à 2'523 fr. 60 par mois (montant de prévoyance projeté de 677'463 fr.). Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le montant de cette rente n'augmente pas en fonction de l'âge de l'appelant, mais est calculé de manière définitive sur la base des avoirs accumulés jusqu'à l'âge effectif de la retraite, soit en l'espèce 60 ans. Les projections des différentes rentes entre l'âge de 60 à 65 ans, figurant dans le certificat de prévoyance précité, permettent de comparer l'impact d'une retraite anticipée sur les prestations de prévoyance en fonction de l'âge à laquelle celle-ci est effective, mais ne correspondent pas à une augmentation graduelle de la rente en question.
Les revenus actuels de l'appelant s'élèvent ainsi à 4'913 fr. (montant arrondi; 2'390 fr. + 2'523 fr. 60), montant correspondant à ses allégations. Il confirme ainsi être en mesure de prélever chaque mois la somme de 2'523 fr. 60 de son capital LPP pour subvenir à ses besoins.
S'agissant de ses charges, l'appelant fait grief au premier juge d'avoir uniquement comptabilisé le montant de 500 fr. par mois à titre de loyer pour la location d'une chambre en Valais. Or, il est établi que l'appelant loue également à l'année un bungalow dans un camping pour un montant de 1'000 fr. par mois. Les attestations de D______ permettent de tenir pour crédibles les allégations de l'appelant, selon lesquels il vit au camping, mais doit, en outre, louer une chambre pour bénéficier d'un domicile officiel. Contrairement à ce que soutient l'intimée, ce bungalow ne constitue donc pas une location de vacances. Il se justifie ainsi de retenir les frais de logement effectifs de l'appelant, soit 1'500 fr. par mois, montant qui plus est raisonnable et inférieur au loyer de l'intimée (1'680 fr. par mois).
Le premier juge n'a pas pris en compte le paiement de ses cotisations AVS jusqu'à l'âge de 65 ans révolus, ce qui n'est pas critiquable, l'appelant n'ayant produit aucune pièce, en première instance, permettant d'établir le montant de celles-ci. En appel, la pièce produite à cet égard (n° 23), soit ses acomptes de cotisations 2023, ne permet pas non plus d'établir le montant effectif de cette charge, compte tenu des déductions à faire valoir, comme soutenu par l'intimée. L'appelant ne chiffre d'ailleurs pas cette charge dans son appel. Il était pourtant aisé d'établir le montant et le paiement effectif de celle-ci. Pour ces motifs, aucun montant ne sera retenu à ce titre dans son budget.
Pour le surplus, les autres charges mensuelles de l'appelant, telles que fixées par le Tribunal, ne sont pas contestées par les parties et seront donc confirmées.
Ses charges s'élèvent ainsi à 3'201 fr. 70 par mois du 1er juillet au 31 décembre 2022, puis 3'240 fr. 45 dès le 1er janvier 2023, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), ses frais de logement (1'500 fr.), sa prime d'assurance-maladie (412 fr. 45 du 1er juillet au 31 décembre 2022, puis 451 fr. 20 dès le 1er janvier 2023), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (19 fr. 25).
Il dispose ainsi d'un solde mensuel de 1'710 fr., puis de 1'670 fr. dès le 1er janvier 2023 (montants arrondis; 4'913 fr. de revenus - 3'201 fr. 70/3'240 fr. 45 de charges).
3.2.3 L'appelant soutient qu'un revenu hypothétique de 3'500 fr. par mois, et non de 1'550 fr., doit être imputé à l'intimée.
Or, cette dernière est actuellement âgée de 61 ans, de sorte qu'il ne peut pas être exigé d'elle de trouver un nouvel emploi fixe, même à temps partiel. Il n'est, en outre, pas établi qu'elle aurait la possibilité objective d'augmenter son taux d'activité en tant que "dégustatrice". Le premier juge a donc, à juste titre, maintenu le revenu imputé à l'intimée dans le cadre de la procédure de divorce, soit 1'550 fr. par mois. Compte tenu de l'imputation d'un revenu hypothétique, il n'y a pas lieu de tenir compte d'une indexation de salaire, contrairement à ce que soutient l'appelant.
S'agissant de ses charges, il ne se justifie pas de tenir compte de ses primes d'assurance-maladie complémentaire et d'assurance ménage, comme soutenu par l'appelant. En effet, celles-ci n'ont pas été comptabilisées dans son budget lors de la procédure de divorce, qui était fondé sur ses charges incompressibles au sens du minimum vital du droit des poursuites, auxquelles s'ajoutait uniquement une charge fiscale.
Pour le surplus, les autres charges mensuelles de l'intimée, telles que fixées par le Tribunal, ne sont pas contestées par les parties et seront donc confirmées.
Ses charges s'élèvent ainsi à 3'316 fr. 85 par mois, comprenant son entretien de base selon les normes OP (1'200 fr.), son loyer (1'680 fr.), sa prime d'assurance-maladie, subside déduit (364 fr. 85), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (2 fr.).
Elle subit ainsi un déficit mensuel de 1'767 fr. (montant arrondi; 1'550 fr. de revenus - 3'316 fr. 85 de charges).
3.2.4 Dans le jugement JTPI/15524/2013 du 19 novembre 2013, le juge du divorce a retenu le caractère "lebensprägend" du mariage des parties, ce qui a été confirmé par l'arrêt de la Cour ACJC/1228/2014 du 10 octobre 2014. L'appelant doit ainsi contribuer à l'entretien de l'intimée jusqu'au 30 avril 2026, date non remise en cause par les parties, dans la mesure de sa capacité financière, son minimum vital devant être préservé.
Ainsi, l'appelant sera condamné à verser à l'intimée son solde disponible, soit la somme de 1'710 fr. du 1er juillet au 31 décembre 2022, puis 1'670 fr. du 1er janvier 2023 au 30 avril 2026, afin de couvrir au mieux son déficit mensuel.
Par conséquent, le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera modifié dans le sens qui précède.
4. 4.1 Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par le Tribunal (art. 318 al. 3 CPC).
Les parties ne critiquent ni la quotité ni la répartition des frais de première instance, laquelle apparaît au demeurant conforme au règlement fixant le tarif des frais en matière civile (art. 30 RTFMC).
Les chiffres 3 et 4 du dispositif du jugement entrepris seront donc confirmés.
4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 30 al. 1 et 35 RTFMC) et mis à la charge des parties pour moitié chacune, compte tenu du sort et de la nature familiale du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera donc condamnée à verser 500 fr. à l'appelant à titre de remboursement des frais judiciaires.
Pour ces mêmes motifs, il ne sera pas alloué de dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 13 février 2023 par A______ contre le jugement JTPI/302/2023 rendu le 9 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9278/2022.
Au fond :
Annule le chiffre 2 du dispositif de ce jugement et cela fait, statuant à nouveau :
Condamne A______ à verser à B______, par mois et d'avance, à titre de contribution d'entretien post-divorce, la somme de 1'710 fr. du 1er juillet au 31 décembre 2022, puis 1'670 fr. du 1er janvier 2023 au 30 avril 2026.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus.
Déboute les parties de toute autre conclusion.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à charge des parties pour moitié chacune et les compense entièrement avec l'avance fournie par A______, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Condamne B______ à verser à A______ 500 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.
Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD,
Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sandra CARRIER, greffière.
Le président : Cédric-Laurent MICHEL |
| La greffière : Sandra CARRIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.