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Décisions | Chambre civile

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CR/8/2022

ACJC/1250/2023 du 26.09.2023 ( XCR ) , MODIFIE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

CR/8/2022 ACJC/1250/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 26 SEPTEMBRE 2023

Entre

Hoirie de feu Monsieur A______, soit pour elle :

1) Madame B______, domiciliée à Dubaï, Emirats arabes unis,

2) Madame C______, ______, Etats-Unis d'Amérique,

3) Monsieur D______, domicilié ______, Royaume- Uni,

4) Monsieur E______, domicilié ______, Royaume-Uni,

5) Madame F______, domiciliée ______, Royaume-Uni,

recourante contre une ordonnance rendue par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 22 mars 2022, représentée par Me Christophe EMONET, avocat, Pestalozzi Avocats SA, cours de Rive 13, 1204 Genève,

et

G______ SA, sise ______ [GE], intimée, représentée par Me Guillaume VODOZ, avocat, RVMH Avocats, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8.

Cause renvoyée par arrêt du Tribunal fédéral du 13 juin 2023


EN FAIT

A. a. A______ était le directeur général de H______ de l'Etat I______ (ci-après : H______) de 1984 à mai 2012, puis d'octobre 2012 à janvier 2014.

Un important litige oppose les précités, dans le cadre duquel H______ reproche à son ancien directeur général de s'être enrichi illégitimement à son détriment durant de nombreuses années, en obtenant le paiement de commissions secrètes sur des investissements effectués auprès d'établissements financiers, dont G______ SA. H______ soutient notamment que des commissions auraient été versées sur des comptes ouverts auprès de G______ SA et détenus par A______ ou par un intermédiaire financier, J______, qui transférait ensuite celles-ci à A______.

b. En 2012, le Ministère public de la Confédération (ci-après : MPC) a ouvert une procédure pénale à l'encontre de A______ pour notamment soupçons de blanchiment d'argent et de gestion déloyale (procédure n° 1______). H______ s'est constituée partie plaignante.

Dans le cadre de cette procédure, G______ SA a transmis au MPC toute la documentation bancaire relative au compte n° 2______ détenu par K______ SARL.

Par décision du 10 janvier 2017, le Tribunal pénal fédéral a considéré que H______ était une entité de nature quasi-étatique, de sorte qu'il existait un risque concret de "transmission intempestive" à l'Etat I______ de tous documents obtenus dans la procédure pénale n° 1______. Le Tribunal pénal fédéral a donc limité l'accès au dossier de H______, en ce sens qu'elle pouvait uniquement consulter celui-ci dans les locaux du MPC, sans possibilité d'en lever des copies.

c. En 2019, une procédure pénale a été initiée au I______ à l'encontre de A______.

Le 4 janvier 2021, les autorités de I______ ont déposé auprès du MPC une requête d'entraide judiciaire internationale en matière pénale (procédure n° 3______) visant l'obtention des documents bancaires produits dans la procédure n° 1______, notamment ceux relatifs au compte n° 2______. J______ s'est opposé à cette requête.

d. En 2019, H______ a initié une action civile au Royaume-Uni à l'encontre de A______, ainsi que d'autres défendeurs, dont G______ SA et J______, par-devant THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES.

e. Le 7 février 2022, le Tribunal de première instance a reçu du THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES une demande d'entraide judiciaire internationale en matière civile, formée le 17 janvier 2022, soit une commission rogatoire au sens de la Convention de La Haye du 18 mars 1970 sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale (CLaH70; RS 0.274.132), tendant à la fourniture par G______ SA des documents relatifs aux comptes n° 4______ 5______ et 6______.

L'annexe n° 2 de cette commission rogatoire comportait la liste des documents requis (notamment les documents d'ouverture de compte, sur la connaissance du client, contractuels, les relevés de comptes, les formulaires d'avis de crédit et débit, les notes de services internes ou encore toutes les communications entre la banque et le bénéficiaire ou les tiers autorisés, les prestataires de services fiduciaires, ainsi que le Procureur général suisse). La transmission de ces documents avait pour but de permettre à G______ SA de se défendre face aux accusations de H______ formulées à son encontre, sans violer le secret bancaire suisse.

B. a. Par ordonnance du 22 mars 2022, le Tribunal a ordonné à G______ SA de produire les documents listés dans l'annexe n° 2 de la commission rogatoire relatifs aux comptes de A______ et de J______ (chiffre 1 du dispositif) et imparti à la banque un délai de deux mois dès la notification de cette ordonnance pour s'exécuter (ch. 2).

Le Tribunal a retenu que G______ SA avait renoncé à faire valoir le secret bancaire, dès lors qu'elle avait elle-même sollicité la commission rogatoire visant à ce qu'elle fournisse des renseignements. De plus, les ayants droit économiques des comptes bancaires visés étaient parties à la procédure au fond, de sorte qu'ils avaient été vraisemblablement indirectement entendus sur la mesure d'entraide judiciaire requise.

b. G______ SA a reçu cette ordonnance le 23 mars 2022 et transmis celle-ci à A______ par courrier du 24 mars 2022.

C. a. Par acte expédié le 4 avril 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé recours contre l'ordonnance susvisée, dont il a sollicité l'annulation. Cela fait, il a conclu à ce que la Cour ordonne au Tribunal de surseoir à statuer sur la requête d'entraide judiciaire formée par THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES visant à l'obtention des documents relatifs aux comptes n° 5______ et 6______ jusqu'à ce qu'une décision définitive et exécutoire soit rendue dans la procédure d'entraide judiciaire en matière pénale n° 3______ et, en cas de rejet définitif et exécutoire de l'octroi de ladite entraide, rejette la présente requête d'entraide judiciaire en matière civile.

b. Dans ses déterminations, le Tribunal s'en est rapporté à l'appréciation de la Cour quant au fond du recours.

c. Dans sa réponse, G______ SA a conclu au rejet du recours, sous suite de frais judiciaires et dépens.

d. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs argumentations et conclusions.

e. Par arrêt ACJC/1007/2022 du 22 juillet 2022, la Cour a déclaré recevable le recours interjeté le 4 avril 2022 par A______ contre l'ordonnance du 22 mars 2022 rendue par le Tribunal, a annulé l'ordonnance précitée et rejeté la demande d'entraide judiciaire internationale en matière civile formée par THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES et reçue le 7 février 2022, les parties étant déboutées de toutes autres conclusions. Les frais du recours ont été arrêtés à 1'000 fr., mis à la charge de G______ SA, condamnée à les rembourser à J______, aucun dépens n'étant dû.

f. A______ est décédé le ______ 2022.

Ses héritiers sont sa veuve, F______, et ses quatre enfants.

D. Saisi d'un recours formé par G______ SA, le Tribunal fédéral a, par arrêt 4A_387/2022 du 13 juin 2023, admis ledit recours, réformé l'arrêt rendu par la Cour de justice en ce sens que la demande d'entraide judiciaire internationale présentée le 17 janvier 2022 par THE SENIOR MASTER OR THE SENIOR COURTS OF ENGLAND AND WALES était admise, ordre étant donné à G______ SA de produire les documents listés dans l'annexe 2 de ladite commission rogatoire dès réception de l'arrêt motivé. Le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la Cour pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

E. a. La cause a été réinscrite au rôle de la Cour.

b. Invitée à se déterminer à la suite du renvoi du Tribunal fédéral, l'hoirie de feu A______ a, par courrier du 17 juillet 2023, conclu à ce que la Cour, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, fixe des dépens "dans le cas de la fourchette prévue à l'art. 86 RTFMC et de prendre ce faisant en considération l'esprit des articles 88 et 90 RTFMC". S'agissant des frais judiciaires, aucun motif ne commandait de revoir leur montant.

c. G______ SA a, par écritures du 31 août 2023, conclu à ce que l'intégralité des frais et dépens de seconde instance soient mis à la charge de l'hoirie de feu A______, les dépens devant être arrêtés à 1'453 fr. 95, débours et TVA inclus.

d. En l'absence de déterminations spontanées, les parties ont été avisées par la Cour par pli du 19 septembre 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. La recevabilité du recours interjeté le 4 avril 2022 par feu A______ a déjà été tranchées dans l'arrêt de la Cour du 22 juillet 2022 et n'a pas été contestée devant le Tribunal fédéral, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y revenir.

1.1 Selon l'art. 107 al. 2 LTF, lorsque le Tribunal fédéral admet le recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision.

En cas de renvoi de la cause par le Tribunal fédéral conformément à l'art. 107 al. 2 LTF, l'autorité inférieure doit fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l'arrêt de renvoi. Le juge auquel la cause est renvoyée voit ainsi sa cognition limitée par les motifs de l'arrêt de renvoi, en ce sens qu'il est lié par ce qui a été tranché définitivement par le Tribunal fédéral (ATF 133 III 201 consid. 4.2 et 131 III 91 consid. 5.2).

Cela signifie que l'autorité cantonale doit limiter son examen aux points sur lesquels sa première décision a été annulée et que, pour autant que cela implique qu'elle revienne sur d'autres points, elle doit se conformer au raisonnement juridique de l'arrêt de renvoi. En revanche, les points qui n'ont pas ou pas valablement été remis en cause, qui ont été écartés ou dont il avait été fait abstraction lors de la procédure fédérale de recours ne peuvent plus être réexaminés par l'autorité cantonale, même si, sur le plan formel, la décision attaquée a été annulée dans son intégralité (ATF 135 III 334 consid. 2.1; 131 III 91 consid. 5.2; 111 II 94 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_251/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2 = RSPC 2009 p. 193).

1.2 En l'occurrence, le Tribunal fédéral a réformé l'arrêt rendu par la Cour et lui a renvoyé la cause afin qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

2. 2.1 Les frais au sens large du terme comprennent les frais judiciaires et les dépens, les cantons en fixent le tarif (art. 95 al. 1 et 96 CPC).

Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (106 al. 2 CPC).

Les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies par les parties. La partie à qui incombe la charge des frais restitue à l'autre partie les avances que celle-ci a fournies et lui verse les dépens qui lui ont été alloués (art. 11 al. 1 et 2 CPC)

Selon l'art. 84 RTFMC, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse; sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. L'art. 85 RTFMC dispose quant à lui que pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base le tarif prévu; sans préjudice de l'art. 23 LaCC, il peut s'en écarter plus ou moins de 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC. Dans les procédures d'appel et de recours, ce défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'art. 85 RTFMC (art. 90 RTFMC).

2.2 En l'espèce, la demande d'entraide civile internationale a été admise, de sorte que la partie recourante a entièrement succombé. Il se justifie en conséquence de mettre à sa charge les frais de la procédure de seconde instance. Ceux-ci seront arrêtés à 1'000 fr., montant qui n'a pas été remis en cause devant le Tribunal fédéral, entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève. La partie recourante sera dès lors condamnée à rembourser le montant de 1'000 fr. à l'intimée, ainsi qu'à lui verser la somme de 1'453 fr. 95, débours et TVA inclus, à titre de dépens de recours.

3. Il n'est pas perçu d'émoluments pour la procédure sur renvoi.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur renvoi du Tribunal fédéral :

Arrête les frais judiciaires du recours à 1'000 fr., entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, acquise à l'Etat de Genève, et les met à la charge de l'hoirie de feu A______, soit pour elle B______, C______, D______, E______ et F______, solidairement entre eux.

Condamne l'hoirie de feu A______, soit pour elle B______, C______, D______, E______ et F______, solidairement entre eux, à verser 1'000 fr. à G______ SA, à titre de remboursement de frais.

Condamne l'hoirie de feu A______, soit pour elle B______, C______, D______, E______ et F______, solidairement entre eux, à verser 1'453 fr. 95 à G______ SA, à titre de dépens de recours.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais, ni alloué de dépens pour la procédure consécutive au renvoi de la cause par le Tribunal fédéral.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.