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Décisions | Chambre civile

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C/18496/2021

ACJC/983/2023 du 20.07.2023 sur OTPI/170/2023 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CC.163; CC.176; CC.285
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/18496/2021 ACJC/983/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 20 JUILLET 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'une ordonnance rendue par la 12ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 mars 2023, comparant par Me Eric BEAUMONT, avocat, EARDLEY AVOCATS, rue De-Candolle 16, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par Me Vincent MAITRE, avocat, WAEBER MAITRE, quai Gustave-Ador 2, case postale 3021, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/170/2023 du 16 mars 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre de la procédure en mesures protectrices de l'union conjugale pendante entre B______ et A______, a condamné B______ à payer à A______, par mois et d'avance, la somme de 6'270 fr. à titre de contribution à l'entretien de cette dernière (ch. 1), ainsi que les sommes, allocations familiales non comprises, de 1'330 fr. pour l'entretien de l'enfant C______ (ch. 2) et de 1'460 fr. pour l'entretien de l'enfant D______ (ch. 3). En outre, le Tribunal a condamné B______ au paiement d'une provisio ad litem en faveur de son épouse à hauteur de 22'550 fr., en le condamnant à payer immédiatement 10'000 fr. directement en mains de A______ et 12'500 fr. en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de couverture de l'avance de frais due par A______ (ch. 4).

Pour le surplus, le Tribunal a annulé l'ordonnance ORTPI/244/2023 du 23 février 2023 (portant sur une avance supplémentaire de frais d’expertise), condamné B______ à payer 6'050 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de solde de l'avance de frais (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte du 27 mars 2023, A______ forme appel contre cette ordonnance et conclut à l'annulation des chiffres 1, 2, 3 et 6 du dispositif.

Cela fait, elle sollicite préalablement une provisio ad litem de 3'000 fr. pour couvrir les frais judiciaires de la procédure d'appel.

Principalement, elle réclame une contribution pour son propre entretien à hauteur de 18'000 fr. par mois du 1er février au 30 novembre 2021, puis de 20'000 fr. par mois dès le 1er décembre 2021, sous déduction des montants déjà versés. Concernant l'entretien des enfants, elle conclut au paiement de 2'700 fr. par mois du 1er février au 30 novembre 2021, puis de 3'000 fr. par mois dès le 1er décembre 2021 pour l'entretien de C______, ainsi que de 2'200 fr. par mois du 1er février au 30 novembre 2021, puis de 2'500 fr. par mois dès le 1er décembre 2021 pour l'entretien de D______, le tout sous déduction des montants déjà versés.

b. Dans sa réponse, B______ conclut au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, tant préalables qu'au fond.

c. Par avis du greffe de la Cour du 2 mai 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure.

a. A______, née ______[nom de jeune fille] en 1994, et B______, né en 1971, se sont mariés le ______ 2017 à E______ (Genève).

Les époux sont soumis au régime de la séparation de biens.

b. Deux enfants sont issus de leur union, soit C______, né le ______ 2017 et D______, née le ______ 2020.

B______ est également le père d'un enfant né d'une précédente union, F______, lequel est aujourd'hui majeur.

c. Les époux se sont séparés le 12 février 2021, date à laquelle B______ a quitté le domicile familial. Les enfants vivent depuis lors avec leur mère.

B______ était officiellement domicilié à G______ [UAE] de juin 2014 jusqu'au 1er septembre 2021.

D. a. Par acte du 29 septembre 2021, A______ a déposé par-devant le Tribunal une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, assortie d'une requête de mesures superprovisionnelles.

A titre superprovisionnel, elle a notamment conclu à l'attribution de la jouissance du domicile conjugal et au versement d'une contribution de 18'000 fr. par mois pour son propre entretien ainsi qu'une contribution d'entretien en faveur des enfants de 2'700 fr. par mois pour C______ et de 2'200 fr. par mois pour D______.

Au fond, elle a sollicité l'attribution de la jouissance du domicile conjugal, la garde des enfants et a formé des prétentions en entretien similaires à celles requises sur mesures superprovisionnelles.

b. Statuant sur mesures superprovisionnelles par ordonnance du 29 septembre 2021, le Tribunal a condamné B______ au paiement, par mois et d'avance, de contributions d'entretien de 6'100 fr. en faveur de son épouse, 1'800 fr. en faveur de C______ et 1'300 fr. en faveur de D______, et l'a condamné à verser à A______ les allocations familiales versées en faveur des enfants.

c. Sur mesures provisionnelles, seule la question de l'entretien de la famille est litigieuse.

B______ a, par écritures du 17 mai 2022, conclu à l'annulation de l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 29 septembre 2021 et, cela fait, à ce qu'il lui soit donné acte de son engagement à verser mensuellement des contributions d'entretien à hauteur de 3'464 fr. en faveur de A______ et de 600 fr. en faveur de chaque enfant.

d. Dans ses écritures du 15 septembre 2022, A______ s'est opposée aux conclusions formées par son époux et a persisté dans ses propres prétentions en entretien, en sollicitant, en outre, l'effet rétroactif à la date de la séparation des parties et en augmentant lesdites contributions dès le 1er décembre 2021.

Elle a ainsi conclu au versement, par mois et d'avance, d'une contribution pour elle-même de 18'000 fr. du 1er février jusqu'à fin novembre 2021, puis de 20'000 fr. dès le 1er décembre 2021. Pour les enfants, elle a sollicité le versement de 2'700 fr. du 1er février jusqu'à fin novembre 2021, puis de 3'000 fr. pour C______, ainsi que de 2'200 fr. du 1er février jusqu'à fin novembre 2021, puis de 2'500 fr. pour D______. En outre, elle a requis une provisio ad litem de 18'000 fr.

e. Les parties ont répliqué et dupliqué sur mesures provisionnelles les 15 novembre 2022 et 9 février 2023, sollicitant toutes deux, réciproquement, la production de pièces complémentaires par leur partie adverse.

B______ a modifié ses conclusions, offrant de payer une contribution d'entretien de 3'873 fr. en faveur de son épouse, de 594 fr. en faveur de C______ et de 767 fr. en faveur de D______.

A______ a, pour sa part, augmenté à 26'000 fr. le montant sollicité à titre de provisio ad litem et persisté pour le surplus dans les conclusions prises antérieurement.

f. En cours de procédure, le Tribunal a, par ordonnance du 28 janvier 2022, réservé à B______ un droit de visite sur les enfants devant s’exercer, après trois premières rencontres, chaque samedi de 10h à 18h et ordonné l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance du droit de visite.

g. La situation financière de la famille s'établit comme suit.

g.a A______ ne travaille pas et n'est au bénéfice d'aucune formation.

Ses charges mensuelles ont été fixées à 5'532 fr. par le Tribunal. Elles comprennent son montant de base OP (1'350 fr.), son loyer, charges et parkings compris (2'849 fr., soit 70% de 4'070 fr.), son assurance-maladie de base et complémentaire (615 fr. 75 + 240 fr. 30), les SIG (36 fr. 60), ses frais de téléphone (160 fr.), ses frais médicaux non remboursés (126 fr. 30), son assurance protection juridique (34 fr. 50), les frais d'entretien d'animaux domestiques (50 fr.) et ses frais de transport (70 fr.).

A______ a fait l'objet de plusieurs poursuites, dont certaines introduites pendant la vie commune et trois postérieurement à la séparation des époux. Elle ne semble pas disposer d'économies substantielles, étant relevé qu'elle a emprunté de l'argent à sa grand-mère en mai, juin et juillet 2021.

g.b B______ exerce de nombreuses activités tant au niveau national qu'international. Il est impliqué dans diverses sociétés à Genève, au Royaume-Uni et à G______, en tant qu'administrateur-président, associé-gérant ou encore directeur. Il est, par ailleurs, actionnaire de certaines des sociétés.

A Genève, il est notamment administrateur-président et actionnaire unique de H______ SA. Depuis le 1er septembre 2021, B______ est employé à 80% par cette société pour un salaire mensuel brut de 10'000 fr., versé 12 fois l'an, soit 8'376 fr. nets, selon le contrat de travail produit.

A teneur des pièces produites, H______ SA a généré un bénéfice net de 41'342 fr. en 2020 et une perte de 2'940 fr. en 2021. En 2021, elle a versé des salaires pour un total de 387'867 fr. Selon le bilan au 31 décembre 2021, le compte courant actionnaire de B______ s'élavait à 88'567 fr. au 31 décembre 2020 et à 85'614 fr. au 31 décembre 2021.

Depuis le prononcé des mesures superprovisionnelles le 29 septembre 2021 portant sur les contributions d'entretien, totalisant 9'200 fr. par mois, celles-ci sont versées à A______ par la société H______ SA.

Les charges mensuelles de B______ ont été fixées à 6'276 fr. par le Tribunal. Elles comprennent son montant de base OP (1'200 fr.), son loyer, charges comprises (2'175 fr.), son assurance-maladie de base et complémentaire (346 fr. 75 + 556 fr.), son assurance RC-ménage (21 fr.), ses frais de téléphone (79 fr. 95), ses frais de transport (70 fr.) et ses impôts (1'828 fr.).

B______ indique verser une contribution à l'entretien de son fils majeur de 3'600 fr. par mois. A l'instar des contributions à l'entretien de son épouse et de leurs enfants, cette pension est versée par le biais de H______ SA.

Selon son bordereau d'impôts 2021, B______ disposait d'une fortune brute de 5'081'343 fr. dont à soustraire 1'035'101 fr. de dettes. Il a toutefois produit des relevés de comptes bancaires desquels il ressort qu'il ne disposerait plus que d'avoirs à hauteur d'environ 500'000 fr.

g.c Les besoins de l'enfant C______ s'élèvent à 1'272 fr. par mois, comprenant son montant de base OP (400 fr.), sa part au loyer (610 fr. 50, soit 15% de 4'070 fr.), son assurance-maladie de base et complémentaire (187 fr. 75), ses frais médicaux non remboursés (29 fr.) et ses frais de transport (45 fr.).

Après déduction des allocations familiales en 311 fr., les besoins mensuels de C______ s'élèvent à 961 fr.

g.d Les besoins de l'enfant D______ s'élèvent à 1'400 fr. par mois, comprenant son montant de base OP (400 fr.), sa part au loyer (610 fr. 50, soit 15% de 4'070 fr.), son assurance-maladie de base et complémentaire (176 fr. 05), ses frais médicaux non remboursés (29 fr.) et ses frais scolaires (184 fr. 80).

Après déduction des allocations familiales en 311 fr., les besoins mensuels de D______ s'élèvent à 1'089 fr.

D. Dans la décision attaquée, le Tribunal a considéré que la situation financière de la famille était favorable et a arrêté les charges respectives des parties en fonction du minimum vital élargi du droit de la famille.

Il a relevé que B______ entretenait un certain flou sur sa situation financière réelle, compte tenu des contradictions qui résultaient des explications fournies et des pièces produites par ce dernier. Cela étant, le Tribunal a retenu que B______ percevait à tout le moins un salaire mensuel net de 8'376 fr. (10'000 fr. bruts) pour son emploi à 80% auprès de H______ SA, avant de lui imputer un revenu hypothétique de 10'470 fr. (12'500 fr. bruts) correspondant à une activité à plein temps. En outre, B______ bénéficiait d'une somme de 9'200 fr. par mois depuis le prononcé des mesures superprovisionnelles, directement versée par H______ SA à son épouse pour son compte, de sorte que ce montant devait être considéré comme une rémunération supplémentaire. Ainsi et en définitive, le Tribunal a retenu les revenus mensuels de B______ à hauteur de 19'670 fr. (10'470 fr. + 9'200 fr.) pour des charges de 6'276 fr., lui laissant un disponible de 13'394 fr.

Après paiement des charges de son épouse (5'532 fr.) et celles des enfants (961 fr. + 1'089 fr.), B______ disposait encore d'un solde de 5'810 fr., duquel le Tribunal a déduit la contribution d'entretien versée en faveur de son fils majeur, réduisant ainsi l'excédent à 2'210 fr. et a réparti ce montant entre "grandes et petites têtes" pour arrêter les contributions dues.

Les contributions arrêtées étant inférieures à celles arrêtées sur mesures superprovisionnelles, il n'y avait pas lieu de prévoir un effet rétroactif tel que requis par A______.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance rendues sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC) dans les causes patrimoniales dont la valeur litigieuse, au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure, est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

La procédure sommaire est applicable aux mesures provisionnelles prononcées dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale (art. 271 let. a CPC), réduisant le délai d'appel à 10 jours (art 314 al. 2 CPC).

En l'espèce, l'appel a été introduit en temps utile, selon la forme prescrite par la loi (art. 311 al. 1 CPC) et porte sur les contributions d'entretien en faveur de l'épouse et des enfants mineurs qui, capitalisées selon l'art. 92 al. 2 CPC, sont supérieures à 10'000 fr.

Il est ainsi recevable.

1.2 Les questions relatives aux enfants mineurs sont soumises à la maxime d'office et inquisitoire illimitée (art. 296 al. 3 CPC; ATF 147 III 301 consid. 2.2), ce qui a pour conséquence que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties et qu'il établit les faits d'office (art. 296 al. 1 et 3 CPC).

La maxime inquisitoire ne dispense toutefois pas les parties de collaborer activement à la procédure et d'étayer leurs propres thèses. Il leur incombe de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 4.3.2).

Les maximes de disposition et inquisitoire simple sont en revanche applicables s'agissant de la contribution d'entretien due entre conjoints (art. 58 et 272 CPC; ATF 129 III 417 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_315/2016 du 7 février 2017 consid. 9.1).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

La procédure sommaire étant applicable (art. 271 let. a CPC), l'autorité peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2; 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_916/2019 du 12 mars 2020 consid. 3.4).

2. Le litige est circonscrit aux contributions d'entretien allouées à l'épouse et aux enfants.

2.1 Le principe et le montant des contributions d'entretien dues selon l'art. 176 CC se déterminent en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux et des enfants (ATF 121 I 97 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_534/2019 du 31 janvier 2020 consid. 4.1).

Le juge doit partir de la convention, expresse ou tacite, que les époux ont conclue au sujet de la répartition des tâches et des ressources entre eux, l'art. 163 CC demeurant la cause de l'obligation d'entretien réciproque des époux (ATF 138 III 97 consid. 2.2; 137 III 385 consid. 3.1). La protection de la confiance mise par chacun des conjoints dans l'organisation et la répartition choisie justifie, dans la mesure du possible, le maintien du niveau de vie existant pendant la vie commune, qui constitue la limite supérieure du droit à l'entretien (ATF 147 III 293 consid. 4.4; De Weck-Immele, Droit matrimonial, Commentaire pratique, 2015, n. 19 à 21 ad art. 176 CC).

2.1.1 Toutes les prestations d'entretien doivent en principe être calculées selon la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; 147 III 308).

Cette méthode implique d'établir dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération l'ensemble des revenus. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Dans la mesure où les moyens financiers le permettent, la contribution d'entretien doit être étendue au minimum vital dit de droit familial, comprenant notamment, en sus, les impôts, les primes d'assurance-maladie complémentaires, les frais médicaux spécifiques et les frais scolaires pour les enfants. L'éventuel excédent est ensuite à répartir selon la méthode des "grandes et des petites têtes", les parents valant le double des enfants mineurs, en tenant compte de toutes les particularités du cas d'espèce (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

2.1.2 S'il existe une situation exceptionnelle dans laquelle l'application de la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent n'a tout simplement pas de sens, comme cela peut notamment être le cas en cas de circonstances financières exceptionnellement favorables (ATF 147 III 293 consid. 4.5 in JdT 2022 II 107), il convient de recourir à la méthode fondée sur les dépenses indispensables au maintien du train de vie durant la vie commune. Cette dernière méthode demeure applicable dans des cas exceptionnels (ATF 147 III 293 consid. 4.1 et 4.5 en ce qui concerne l'entretien de l'épouse in JdT 2022 II 107, 147 III 265 consid. 6.6 en matière d'entretien de l'enfant in SJ 2021 I 316).

La comparaison des revenus et des minimas vitaux est alors inopportune; il faut se fonder sur les dépenses nécessaires au maintien de ce train de vie, en y ajoutant les charges inhérentes à la séparation et en maintenant pour le surplus les postes qui existaient du temps de la vie commune du fait de la convention des parties (ATF 115 II 424 consid. 2), méthode qui implique un calcul concret. Il incombe au créancier de la contribution d'entretien de démontrer les dépenses nécessaires au maintien de son train de vie (ATF 140 III 485 consid. 3.3; ATF 137 III 102 consid. 4.2.1.1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_4/2019 du 13 août 2019 consid. 3.2 et 5A_172/2018 du 23 août 2018 consid. 4.2).

2.1.3 Lorsqu'une contribution à l'entretien est fixée en faveur d'un des conjoints, il convient de tenir compte du fait qu'il devra payer des impôts sur celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 5A_127/2017 du 29 juin 2017 consid. 3.3; 5A_165/2016 et 5A_166/2016 du 11 octobre 2016 consid. 8.3).

La charge fiscale à inclure dans les besoins – élargis – de l'enfant correspond à la proportion du revenu de l'enfant (notamment la contribution d'entretien en espèces et les allocations familiales) au regard du revenu total imposable du parent bénéficiaire, appliquée à la dette fiscale totale de ce parent. Ainsi, si le revenu attribuable à l'enfant représente, par exemple, 20% du revenu du foyer fiscal, la même proportion de la dette fiscale totale du parent bénéficiaire doit être incluse dans les besoins de l'enfant et, par conséquent, seule la différence doit être incluse dans les besoins du parent bénéficiaire (ATF 147 III 457 consid. 4.2.3.5).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; 121 III 20 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_65/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3.2.1).

2.2 En l'espèce, la situation de l'intimé n'est pas contestée. Il peut ainsi être retenu qu'il réalise des revenus mensuels de l'ordre de 19'670 fr., pour des charges de 6'276 fr., lui laissant un disponible de 13'394 fr.

2.2.1 Dans un premier moyen, l'appelante reproche au Tribunal d'avoir appliqué la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, estimant qu'au vu de la situation très favorable des époux, il convenait de fixer les contributions d'entretien selon la méthode fondée sur les dépenses.

Les ressources financières de la famille se composent des seuls revenus de l'intimé, estimés à environ 19'670 fr. par mois, pour couvrir les charges des parents et de leurs deux enfants mineurs. Il ne sera tenu aucun compte, dans la suite du raisonnement, de la contribution d’entretien payée par l’intimé à son fils issu d’une précédente union, dans la mesure où il n’est pas contesté que celle-ci est versée directement par la société H______. Dès lors, si on en tenait compte dans les charges de l’intimé, il faudrait alors considérer qu’il dispose de revenus mensuels de plus de 23'000 fr.

Après paiement de toutes les charges familiales (6'276 fr. + 5'532 fr. + 961 fr. + 1'089 fr.), il résulte un excédent de l’ordre de 5'812 fr.

Bien que la situation de l'intimé demeure floue et qu'il dispose vraisemblablement de revenus plus importants, notamment du fait des rendements de sa fortune, force est de constater que les charges liées au minimum vital élargi de la famille apparaissent également élevées, laissant un disponible confortable sans être exceptionnel. L'appelante n'expose au demeurant pas quelles charges supplémentaires ne seraient pas couvertes, se limitant à alléguer des dépenses personnelles toute générales d'environ 20'000 fr. par mois effectuées au moyen d'une carte de crédit, dont les pièces établissent de surcroît que ces dépenses sont postérieures à la séparation, de sorte qu'elles ne sont pas susceptibles d'établir le train de vie de l'appelante durant la vie commune. Il en découle que si la situation de la famille apparaît certes favorable, elle n'est pas exceptionnellement favorable au sens de la jurisprudence précitée, au point de s'écarter de la méthode en deux étapes désormais préconisée par le Tribunal fédéral.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a appliqué ladite méthode.

2.2.2 Dans un deuxième moyen, l'appelante invoque une charge d'impôts à comptabiliser dans son budget et celui des enfants compte tenu des contributions d'entretien qu'elle perçoit depuis octobre 2021.

Les budgets respectifs de l'appelante et des enfants ne contiennent en effet aucune charge d’impôt. L'appelante soulève à juste titre le fait que la décision entreprise ne tient pas compte de l'incidence fiscale du versement des contributions non négligeables de 9'200 fr. par mois dès le mois d'octobre 2021, assimilées, pour elle, à des revenus. La charge fiscale doit dès lors être prise en compte dans le calcul de l'établissement des contributions.

En tenant compte des charges liées aux enfants dont l'appelante a la garde, de ses revenus, soit les allocations familiales perçues et les contributions servies telles que fixées aux termes du présent arrêt, ainsi que des déductions usuelles, les impôts de l'appelante peuvent être estimés, selon la calculette mise à disposition par l'Administration fiscale cantonale sur son site internet, à environ 10'000 fr. par an (ICC et IFD), soit 800 fr. par mois.

En application de la nouvelle jurisprudence, une part d'impôts doit être affectée aux besoins des enfants en lien avec les contributions d'entretien dues à ceux-ci. Selon la méthode préconisée par le Tribunal fédéral, il convient de tenir compte de la proportion du revenu de l'enfant par rapport au revenu total imposable du parent bénéficiaire. En l'occurrence, les contributions dues aux enfants représentent environ 15% des revenus totaux de leur mère, de sorte qu'un montant estimé à 120 fr. par mois et par enfant (800 fr. x 15%) sera déduit des impôts de celle-ci pour être intégré dans le budget de chaque enfant. La charge d'impôts en 800 fr. sera donc répartie à raison de 560 fr. chez l'appelante, 120 fr. chez C______ et 120 fr. chez D______.

A défaut d'autre grief, les charges mensuelles de l'appelante et des enfants établies par le Tribunal seront reprises en y ajoutant leur part d'impôts respectives. Partant, leurs charges seront nouvellement arrêtées à 6'092 fr. par mois (5'532 fr. + 560 fr.) pour l'appelante, 1'081 fr. par mois (961 fr. + 120 fr.) pour C______ et à 1'209 fr. par mois (1'089 fr. + 120 fr.) pour D______.

2.2.3 Dans un troisième moyen, l'appelante conteste le calcul de l'excédent familial, reprochant au Tribunal d'avoir déduit le montant versé en faveur du fils majeur de l'intimé.

Ce grief est fondé.

Comme cela a déjà été exposé sous considérant 2.2.1 ci-dessus, si le Tribunal entendait tenir compte de la contribution versée par l’intimé en faveur de son fils majeur, il aurait alors également dû augmenter les revenus de l’intimé du même montant, ladite contribution de 3'600 fr. étant directement versée par la société H______ SA, à l'instar des contributions dues en faveur de l'appelante et des enfants mineurs et par analogie avec le raisonnement tenu pour celles-ci.

Pour le surplus et comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, les explications de l'intimé selon lesquelles les montants versés par la société ne seraient qu'une avance portée sur son compte courant actionnaire ne convainquent pas, dans la mesure où son compte courant a au contraire diminué, passant de 88'567 fr. au 31 décembre 2020 à 85'614 fr. au 31 décembre 2021.

2.2.4 Enfin, l'appelante conclut à ce que les contributions d'entretien soient dues à compter du 1er février 2021, correspondant à la date de la séparation des parties. A l'appui de son grief, elle se contente d'affirmer qu'il n'y a aucune raison de ne pas accorder l'effet rétroactif. Ce faisant, l'appelante ne discute pas la motivation du Tribunal sur ce point et n'élève aucun grief en particulier, ce qui n'est pas conforme aux exigences de motivation applicables au stade de l'appel (art. 311 CPC). Par surabondance, il apparaît vraisemblable, au vu des pièces fournies par l'intimé, que ce dernier a continué, depuis la séparation des parties et jusqu’au prononcé des mesures superprovisionnelles, à pourvoir à l'entretien de la famille en s'acquittant, entre autres, des charges courantes de son épouse et des enfants notamment par le biais de sa société H______ SA.

Le dies a quo des contributions sera donc confirmé au jour du prononcé de l'ordonnance entreprise, soit, par simplification, au 1er avril 2023.

2.3 Au regard des considérants qui précèdent et des modifications apportées, les contributions d'entretien sont nouvellement arrêtées comme suit :

L'intimé dispose d'un solde disponible, après paiement de ses propres charges, de 13'394 fr. (19'670 fr. – 6'276 fr.).

L'excédent familial s'élève ainsi à 5'012 fr., en tenant compte des charges nouvellement arrêtées de l'appelante et des enfants (13'394 fr. – 6'092 fr. – 1'081 fr. – 1'209 fr.). La répartition par grandes et petites têtes conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, dont il n'y a pas lieu de s'écarter, donne droit à une part de 1'670 fr. pour chaque partie (5'012 fr. x 2/6) et une part de 835 fr. pour chaque enfant (5'012 fr. x 1/6).

La contribution en faveur de l'appelante sera dès lors fixée au montant arrondi de 7'760 fr. par mois (6'092 fr. + 1'670 fr.).

Les contributions en faveur des enfants sont, quant à elles, fixées aux montants, en chiffres ronds, de 1'900 fr. par mois pour C______ (1'081 fr. + 835 fr.) et de 2'000 fr. par mois pour D______ (1'209 fr. + 835 fr.).

Ces contributions d'entretien sont dues dès le 1er avril 2023, sous déduction des montants versés depuis lors à ce titre.

Par conséquent, la décision attaquée sera réformée dans le sens des considérants qui précèdent.

3. Lorsque la Cour statue à nouveau, elle se prononce sur les frais fixés par le Tribunal de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'espèce, la modification de l'ordonnance entreprise ne commande pas de revoir la décision du Tribunal sur les frais de première instance, qui a réparti par moitié les frais judiciaires, compensé les dépens et alloué une provisio ad litem en faveur de l'appelante pour couvrir la part des frais judiciaires mise à sa charge ainsi que ses dépens. Cette décision ne fait du reste l'objet d'aucun grief et est conforme aux normes applicables (art. 26 RTFMC; art. 107 al. 1 let. c CPC).

4. Reste à examiner la question des frais de la procédure d'appel, pour lesquels l'appelante conclut au paiement d'une provisio ad litem de 3'000 fr.

4.1.1 Selon l'art. 106 CPC, les frais sont mis à charge de la partie succombante (al. 1) ou, lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, selon le sort de la cause (al. 2). Le juge peut néanmoins s'écarter de ces règles et répartir les frais selon son appréciation lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c).

4.1.2 La provisio ad litem a pour but de permettre à chaque conjoint de défendre correctement ses propres intérêts dans une procédure judiciaire, même de nature matrimoniale, et découle du devoir général d'entretien et d'assistance des conjoints (art. 163 CC; ATF 117 II 127 consid. 6). Une provisio ad litem est due à l'époux qui ne dispose pas lui-même des moyens suffisants pour assumer les frais du procès (ATF 103 Ia 99 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 du 13 février 2020 consid. 3.3).

Dans le cadre d'une procédure de mesures protectrices, la requête de provisio ad litem valablement formée par une partie ne perd pas son objet, bien que la procédure soit achevée, si des frais de procédure sont mis la charge de la partie qui a sollicité la provisio ad litem et que les dépens sont compensés. Dans ce cas, il convient d'examiner si celle-ci dispose des moyens suffisants pour assumer lesdits frais, question qui continue de se poser au moment où la décision finale est rendue (arrêt du Tribunal fédéral 5A_590/2019 du 13 février 2020 consid. 3.3 et 3.5).

4.2 En l'espèce, les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 2'000 fr. (art. 31 et 37 RTFMC). Au vu de la nature et de l'issue du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties, soit à raison de 1’000 fr. chacune.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.

Bien que l'appelante ne dispose pas de ressources propres pour subvenir à son entretien, elle s'est vu allouer une contribution de 6'100 fr. par mois sur mesures superprovisionnelles et de 7'760 fr. par mois aux termes du présent arrêt, couvrant ses propres charges élargies du droit de la famille et comprenant, en sus, une part à l'excédent familial de quelque 1'670 fr. En conséquence, elle sera en mesure de s'acquitter, dans un délai raisonnable, de ses frais judiciaires de seconde instance ainsi que des honoraires de son conseil, sans qu'il ne soit porté atteinte à son entretien courant, étant ici relevé que l'activité de son conseil s'est limitée au dépôt d'un bref mémoire d’appel de moins de dix pages. L'appelante sera dès lors déboutée de ses conclusions en paiement d'une provisio ad litem pour la procédure d'appel.

Partant, en l'absence d'avance versée compte tenu de la demande de provio ad litem, chaque partie sera condamnée à verser 1'000 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de frais d'appel.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 27 mars 2023 par A______ contre l'ordonnance OTPI/170/2023 rendue le 16 mars 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/18496/2021.

Au fond :

Annule les chiffres 1, 2 et 3 du dispositif de cette ordonnance et, statuant à nouveau sur ces points :

Condamne B______ à verser à A______, par mois et d'avance, la somme de 7'760 fr. à titre de contribution à son entretien dès le 1er avril 2023, sous déduction des montants versés depuis lors à ce titre.

Condamne B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, à titre de contribution à l'entretien des enfants, allocations familiales déduites, la somme de 1'900 fr. pour C______ et la somme de 2'000 fr. pour D______, le tout dès le 1er avril 2023, sous déduction des montants versés depuis lors à ce titre.

Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'000 fr. et les met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune.

Condamne en conséquence B______ à verser 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de frais d'appel.

Condamne en conséquence A______ à verser 1'000 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire à titre de frais d'appel.

 

 

 

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL et Madame Pauline ERARD, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

La présidente :

Paola CAMPOMAGNANI

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.