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Décisions | Chambre civile

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C/21813/2017

ACJC/714/2023 du 06.06.2023 sur JTPI/7923/2022 ( OO ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 10.07.2023, 4A_372/2023
Normes : CPC.55.al1; LDIP.13; LDIP.148.al2; CNY.V.letb.ch2; CO.50.al2; CC.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/21813/2017 ACJC/714/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 6 JUIN 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 29 juin 2022, comparant par
Mes Laurent CHASSOT et Yolande LAGRANGE, avocats, GBF AVOCATS SA, route de Pré-Bois 20, case postale 1911, 1215 Genève 15 Aéroport, en l'Étude desquels elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, France, intimé, comparant par
Me Christophe GAL, avocat, CG PARTNERS, rue du Rhône 100, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/7923/2022 du 29 juin 2022, notifié aux parties le 1er juillet 2022, le Tribunal de première instance a statué sur une action récursoire que B______ a intenté à l'encontre de A______ SA après s'être acquitté, en exécution d'un jugement rendu le 12 mai 2016 par le Tribunal de Grande Instance de I______ [France], d'une dette envers la société C______ dont A______ SA était solidairement débitrice.

Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal a condamné A______ SA à verser à B______ la somme de 232'196.70 EUR avec intérêts à 5% dès le 8 décembre 2016 (ch. 1 du dispositif), a écarté définitivement l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite no 1______, qui lui a été notifié par l'Office des poursuites de la République et Canton de Genève le 31 mai 2017 à concurrence de 248'752 fr. 30 pour le poste 1 du commandement de payer (ch. 2) et a condamné A______ SA à verser à B______ la somme de 39'532 EUR avec intérêts à 5% dès le 6 décembre 2018 (ch. 3).

Les frais judiciaires, arrêtés à 21'200 fr. et compensés avec les avances de frais versées par B______ et A______ SA, ont été mis à la charge de A______ SA, qui a en conséquence été condamnée à verser à B______ la somme de 20'200 fr. au titre de remboursement de l'avance de frais (ch. 4). A______ SA a également été condamnée à verser à B______ la somme de 20'194 fr. TTC à titre de dépens (ch. 5). Enfin, les parties ont été déboutées de toutes autres conclusions (ch. 6).

b. Par acte expédié le 1er septembre 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé appel à l'encontre du jugement précité, concluant, sous suite de frais, à son annulation et au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

c. Aux termes de son mémoire de réponse expédié au greffe de la Cour de justice le 17 octobre 2022, B______ a conclu, sous suite de frais, à la confirmation du jugement entrepris.

d. A______ SA a répliqué le 21 décembre 2022 et B______ a dupliqué le 30 janvier 2023, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par plis séparés du 21 février 2023, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

B. Les éléments de fait pertinents suivants résultent du dossier:

a. B______ a été, entre 2006 et 2008, employé comme responsable du secteur engrais de la société C______, sise en France.

b. A______ SA est une société, dont le siège se situe à Genève. Elle est active dans le commerce international de ______ et de matières premières.

D______ est son administrateur président.

c. A______ SA entretenait des relations commerciales avec C______, à qui elle fournissait de l'engrais.

C______ est en liquidation depuis le ______ 2013. E______, administratrice judiciaire au sein du cabinet F______, est la liquidatrice de la société.

d. A la suite d'un litige survenu entre A______ SA et C______ à propos de l'exécution d'un contrat conclu entre elles le 13 décembre 2007 portant sur la livraison d'urée par la première à la seconde, une sentence arbitrale a été rendue le 6 mai 2015 par un arbitre unique siégeant à G______ (Angleterre). Le contrat concerné était soumis au droit anglais.

Par cette sentence, C______ a été condamnée à verser à A______ SA la somme de 1'000'000 USD avec intérêts à compter du 28 mars 2008 au titre de surestaries en raison d'un retard dans le déchargement d'un navire.

Dans une seconde sentence arbitrale du 4 janvier 2016, l'arbitre a statué sur les frais de la procédure précitée et a condamné C______ à payer à A______ SA les sommes de 231'696.54 USD, 13'616.66 EUR et 9'852.81 GBP avec intérêts à compter du 6 mai 2015, ainsi que la somme de 5'450 GBP avec intérêts à compter du 4 janvier 2016.

Aucun appel n'a été interjeté contre lesdites sentences.

e. Se fondant sur les deux sentences arbitrales précitées, A______ SA a requis et obtenu, par ordonnance du 8 mars 2016 du Tribunal de première instance, le séquestre de certains avoirs bancaires de C______ à Genève.

f. Par arrêt du 27 septembre 2016, la Cour d'Appel de I______ a annulé une ordonnance du 4 juin 2015 du Tribunal de Grande Instance de I______ conférant l'exequatur à la sentence arbitrale du 6 mai 2015 et rejeté la demande d'exequatur de cette décision, au motif que ladite sentence était contraire à la conception française de l'ordre public international dès lors qu'elle permettait à A______ SA de retirer des bénéfices d'un contrat obtenu par corruption. Elle a également, par arrêt du 15 novembre 2016, annulé une seconde ordonnance du Tribunal de Grande Instance de I______ du 13 avril 2016 accordant l'exequatur à la sentence arbitrale du 4 janvier 2016.

Par arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation française a rejeté les pourvois formés par A______ SA contre les arrêts de la Cour d'appel de I______ des 27 septembre et 15 novembre 2016.

g. Parallèlement, la chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de I______ a, par jugement du 12 mai 2016, déclaré D______ et A______ SA, d'une part, et B______, d'autre part, coupables de faux, d'usage de faux et de corruption de personne n'exerçant pas une fonction publique, respectivement active pour les premiers et passive pour le second.

En substance, le Tribunal de Grande Instance de I______ a retenu que A______ SA et D______ avaient illicitement versé à B______ des commissions occultes de 2 USD par tonne d'engrais vendue par A______ SA à C______, en exécution d'un pacte de corruption. Selon le jugement, A______ SA et D______ avaient agi en Suisse et en France et B______ avait agi en France.

Le Tribunal de Grande Instance de I______ a notamment retenu que A______ SA, qui avait fait valoir qu'elle avait réalisé un chiffre d'affaires de 170 millions de dollars entre 2006 et 2008 avec C______, avait fourni plus de 83% des volumes d'engrais achetés par celle-ci, achats qui avaient représenté en 2006/2007 15% de son chiffre d'affaires. Les avantages indus consentis par A______ SA à B______ avaient conduit ce dernier à faire procéder, pour le compte de C______, à plus de 80% des achats de celle-ci, sans aucune mise en concurrence, auprès de la société A______ SA, laquelle lui avait versé en moins de dix-huit mois plus de 850'000 EUR de commissions.

B______ a été condamné à une peine d'emprisonnement délictuel de deux ans et à une amende de 75'000 EUR. D______ a été condamné à une peine d'emprisonnement délictuel d'un an et à une amende de 75'000 EUR. A______ SA a été condamnée au paiement d'une amende de 350'000 EUR.

Sur l'action civile intentée par C______, B______, A______ SA et D______ ont été condamnés, solidairement, à payer à C______ en réparation de son préjudice matériel la somme de 852'544 USD au titre des "commissions occultes" versées par A______ SA à B______.

Le jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016 est définitif et exécutoire.

h. Par courriel du 14 septembre 2016, B______ a transmis à D______ une liste d'établissements bancaires intitulée "LISTE DES BANQUES: SA C______" accompagnée du message suivant: "Si ça peut t'aider pour récupérer tes UD 2 millions chez C______".

Dans un courrier du 24 septembre 2021 adressé au Tribunal, D______ a indiqué avoir, en mars 2016, lors d'une audience devant la chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de I______, informé B______ de l'existence des sentences arbitrales des 6 mai 2015 et 4 janvier 2016 et des sommes que C______ avait été condamnée à verser à A______ SA. B______ lui avait par la suite envoyé le courriel précité afin de l'aider à obtenir le paiement des montants dus par C______ sur la base de ces sentences.

C. a. Le 18 mai 2017, C______ a fait notifier un commandement de payer à A______ SA, portant sur la somme de 216'348 fr. 94 avec intérêts à 5% l'an dès le 12 mai 2016, fondé sur le jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016. A______ SA y a formé opposition.

b. Par requête du 15 septembre 2015, C______ a requis la mainlevée de l'opposition formée par A______ SA à ce commandement de payer. A______ SA s'est opposée à la mainlevée, en invoquant la compensation de la créance soulevée par C______ avec ses créances découlant des sentences arbitrales.

c. Par jugement du 26 avril 2018, le Tribunal de première instance a considéré, en application du droit français, que la créance poursuivie était effectivement éteinte par compensation avec les créances résultant des sentences arbitrales des 6 mai 2015 et 4 janvier 2016 détenues par A______ SA à l'encontre de C______, d'un montant de 1'741'561 fr. 61.

d. Par arrêt du 11 septembre 2018, statuant sur appel interjeté par C______, la Cour de justice a annulé ce jugement et a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer qui lui avait été notifié. La Cour de justice a retenu que, selon le droit français, la compensation supposait que la créance invoquée en compensation fût exigible, ce qui n'était pas le cas en l'espèce dès lors que cette créance se fondait sur des sentences arbitrales considérées comme contraires à l'ordre public français.

e. Par arrêt 5A_877/2018 du 25 octobre 2019, le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par A______ SA contre l'arrêt susmentionné. Il a retenu qu'en procédure de mainlevée définitive, le poursuivi ne pouvait faire valoir, s'agissant de l'extinction de la dette, qu'une extinction survenue postérieurement au jugement valant titre de mainlevée. Or, la créance opposée en l'espèce en compensation par A______ SA se fondait sur des sentences arbitrales rendues avant le jugement dont était issue la créance dont C______ poursuivait l'exécution et A______ SA n'établissait pas qu'il ne lui avait pas été possible, à teneur de la procédure applicable, de déduire sa prétention dans la procédure française sur le fond.

f. Dans un avis de droit demandé par le conseil suisse de A______ SA à l'étude d'avocats français qui avait défendu ladite société et D______ dans le cadre de la procédure pénale susmentionnée, au sujet de la compensation, en droit français, entre les créances de A______ SA contre C______ issues des sentences arbitrales britanniques et celle de C______ envers A______ SA issue du jugement français, il a été conclu que les conditions de la compensation prévues par le droit français étaient remplies en l'espèce. Cet avis de droit ne mentionne pas le fait que l'exequatur des sentences arbitrales britanniques a été refusée par les juridictions françaises.

D. a. De son côté, B______ s'est, en exécution du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016, acquitté de la somme totale de 815'187.97 EUR, soit de 875'026.10 USD, en faveur de C______, par l'intermédiaire de trois versements opérés sur le compte du cabinet F______. Il est admis que la somme versée correspond à celle due à C______ sur la base du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016.

B______ a expliqué que la somme versée correspondait au montant des commissions illicites qu'il avait reçues.

b. Un premier versement de 310'624.70 EUR a été opéré le 18 novembre 2016 par l'Agence des Consignations. Ce montant provenait de la restitution de la deuxième partie d'une caution versée par B______ en faveur de C______ dans le cadre de la procédure pénale susmentionnée.

c. Un second versement de 385'965.32 EUR est intervenu le 1er décembre 2016. B______ a exposé à cet égard qu'il avait vendu une maison, que l'argent était resté consigné chez le notaire et qu'il avait été directement versé à la liquidatrice de C______ à l'issue de la procédure pénale.

d. Selon un courriel du 9 novembre 2018 de E______, B______ demeurait, à cette date, encore débiteur d'un montant de 118'597.95 EUR en faveur de C______.

Un échange de courriels entre B______ et E______ s'en est suivi, dans le cadre duquel le premier a signalé à la seconde la compensation invoquée par A______ SA dans le cadre de la procédure de mainlevée initiée par C______ et lui a demandé la confirmation que la somme qui lui était réclamée n'était pas exigible, ce à quoi la seconde a répondu que son analyse de la situation était erronée et que la somme de 118'597.95 EUR était due.

e. Un dernier versement de 118'597.95 EUR a été effectué le 6 décembre 2018 par un notaire chargé d'instrumenter la vente d'un second bien des époux B______/H______.

B______ a exposé qu'au moment des deux premiers versements qu'il avait effectués à C______, il n'avait pas été informé que A______ SA aurait éteint, par compensation, l'entier de la dette due sur la base du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016. Après avoir appris la compensation invoquée par A______ SA le 31 mars 2017 (cf. let. D.g ci-dessous), il avait pris contact avec E______, qui lui avait confirmé le solde du montant qu'il devait à C______, de sorte qu'il avait ensuite procédé au troisième versement.

f. Par courriel du 8 décembre 2016, B______ a demandé à D______ de lui revenir avec des propositions de paiement relativement à la part de A______ SA et à la sienne sur le montant total dû ensuite du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016, soit 284'181 USD chacun.

g. Le 3 mars 2017, B______ a mis A______ SA et D______ en demeure de lui verser, sous cinq jours, la somme de 286'000 USD chacun, correspondant à 284'181 USD en capital et 1'819 USD au titre de frais supplémentaires. A______ SA s'y est opposée le 31 mars suivant en mentionnant qu'elle avait au contraire des prétentions envers lui, B______ ne s'étant notamment pas prévalu de la compensation entre la créance dont C______ lui réclamait le paiement et celles qu'elle détient contre celle-ci sur la base des sentences arbitrales.

h. Le 31 mai 2017, B______ a notifié à A______ SA un commandement de payer, poursuite no 1______, portant notamment sur les sommes de:

- 284'380 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 décembre 2016, soit la contre-valeur de 284'181 USD, correspondant à sa part de solidarité sur la base du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016 (poste no 1);

- 142'190 fr. avec intérêts à 5% dès le 8 décembre 2016, soit la contrevaleur de 142'090.50 USD, correspondant à la part de solidarité de D______ (poste no 2);

A______ SA a fait opposition à ce commandement de payer.

E. a. Par demande en paiement déposée en vue de conciliation le 18 septembre 2017 et introduite devant le Tribunal de première instance le 2 mai 2018, B______ a conclu, sous suite de dépens, à la reconnaissance du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016, à la condamnation de A______ SA à lui verser la somme de 230'208 EUR avec intérêts à 5% dès le 8 décembre 2016 et au prononcé à due concurrence de la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite no 1______, notifié le 31 mai 2017. Il a, par la suite, amplifié sa prétention à 232'197 EUR et requis que A______ SA soit condamnée à lui payer, en sus du montant précité, la somme de 39'532 EUR avec intérêts à 5% dès le 6 décembre 2018, compte tenu du versement de 118'597.95 EUR opéré quelques jours auparavant en faveur de C______ (cf. let. D.e ci-dessus).

B______ a fait valoir que les parties avaient commis un acte illicite et que leur faute était commune dans la mesure où elles s'étaient volontairement associées pour parvenir à procéder à des ventes importantes d'engrais par A______ SA à C______. L'accord des parties relatif aux commissions occultes avait permis à A______ SA de s'ouvrir un marché de plusieurs dizaines de millions d'euros avec C______, auquel elle n'aurait sinon pas eu accès. Les ventes de A______ SA intervenues dans ce contexte avaient représenté près d'un cinquième de son chiffre d'affaires et lui avaient permis de réaliser un bénéfice qui avait nécessairement dû se chiffrer en millions au vu des quantités en cause, lesquelles avaient été maximisées. L'intérêt de A______ SA avait ainsi été autrement plus important que le sien. La faute de A______ SA n'était pas moins grave que la sienne, dès lors que si celle-ci avait été incorruptible, il n'aurait pas pu être le corrupteur, soulignant en outre que l'amende infligée par le Tribunal de Grande Instance de I______ à A______ SA dans le cadre du volet pénal, était près de cinq fois supérieure à la sienne.

B______ a par ailleurs expliqué avoir entrepris des démarches en Grèce à l'encontre de D______, de sorte que la présente procédure ne concernait que A______ SA. Il réclamait à celle-ci le tiers du montant total qu'ils avaient, aux côtés de D______, été condamnés à verser à C______ et qu'il avait effectivement payé, ce qui correspondait à 232'196.68 EUR (310'624.70 EUR [1er paiement] + 385'965.32 EUR [2ème paiement] / 3 = 232'196.68 EUR) et à 39'532 EUR (118'597.95 EUR [3ème paiement] / 3).

b. A______ SA a conclu, sous suite de frais, au déboutement de B______ de toutes ses conclusions.

Préalablement au dépôt de son mémoire de réponse, elle a requis la fourniture, par B______, de sûretés en garantie des dépens, requête qu'elle a ensuite retirée après que ce dernier ait fourni des pièces sur sa situation financière. Par ordonnance du 18 janvier 2019, le Tribunal a pris acte du retrait de la requête en fourniture de sûretés, réservant le sort des frais à la décision finale.

A______ SA a fait valoir que la dette envers C______ dont elle était solidairement débitrice aux côtés de B______ et de D______ sur la base du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016 avait été éteinte par compensation avec ses créances résultant des sentences arbitrales. Selon le droit français applicable à la question de la compensation, celle-ci s'opérait en effet de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, les deux dettes s'éteignant réciproquement à l'instant où elles se trouvaient exister à la fois, à concurrence de leurs quotités respectives. Ainsi, B______ s'était acquitté de paiements en vue d'éteindre une dette qui n'existait plus.

A______ SA a également fait valoir, à titre superfétatoire, que B______ avait commis une faute bien plus lourde qu'elle car il avait été l'instigateur et l'un des auteurs immédiats du pacte de corruption, de même qu'il avait violé de manière flagrante ses devoirs envers son employeuse, comme cela ressortait du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016. L'acte préjudiciable avait par ailleurs été commis dans l'intérêt de B______, car il avait perçu des commissions de 852'544 USD. Elle avait, de son côté, commis une faute moindre, étant relevé qu'elle n'avait pas eu d'autre choix que de céder aux sollicitations de B______ au risque, sinon, de s'aliéner un client important. Elle avait ainsi été contrainte de réduire sa marge et n'avait pas cherché à obtenir, par la corruption, un prix s'écartant du marché, les prix pratiqués ayant même été inférieurs à celui-ci. La comparaison des amendes infligées aux parties par le juge français n'était pas pertinente dans la mesure où celles-ci étaient fixées en fonction des ressources et charges de l'auteur. Ces éléments devaient ainsi conduire le Tribunal à réduire l'étendue du recours dont B______ disposerait à son encontre. En outre, B______ ne s'était, à tort, pas prévalu de la compensation entre les créances issues des sentences arbitrales et celle de C______, alors qu'il aurait été en mesure de le faire, ce qui l'aurait également libéré envers C______, de sorte que le Tribunal devrait encore réduire l'étendue du recours dont il disposerait contre elle.

Enfin, A______ SA s'est prévalue du fait que, par la présente action, B______ tentait de récupérer une partie du montant qui lui avait été versé sans droit sur la base du pacte de corruption conclu entre eux. Le recours qu'il intentait contre elle était ainsi fondé sur une prétention illicite et contraire aux mœurs. B______ commettait un abus de droit dont le Tribunal devrait tenir compte dans l'appréciation de son droit de recours.

c. Les parties se sont déterminées dans le cadre de deux échanges d'écritures ordonnés par le Tribunal.

d. Par ordonnance du 29 novembre 2019, le Tribunal a rejeté une requête formée par A______ SA tendant à la suspension de la procédure jusqu'à droit connu dans la procédure 5A_877/2018 pendante devant le Tribunal fédéral.

e. A______ SA a sollicité l'audition de D______ en qualité de témoin, qui, malgré plusieurs tentatives, n'a pas pu être entendu durant la procédure.

D______ s'est exprimé sur les faits de la cause par écrit, par courrier du 24 septembre 2021. Lors de l'audience du 30 septembre 2021, les parties ont convenu que les déclarations contenues dans ce courrier pouvaient être considérées dans la procédure comme ayant été faites devant le Tribunal.

Le contenu du courrier a été reporté ci-dessus dans la mesure de sa pertinence pour l'issue du litige.

f. Une audience de plaidoiries finales a eu lieu le 11 novembre 2021, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs précédentes conclusions. La cause a été gardée à juger à l'issue de cette procédure.

F. Aux termes du jugement entrepris, le Tribunal, après avoir reconnu en Suisse le volet civil du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016 en application de l'art. 33 al. 1 CL, a notamment considéré que la dette de chacune des parties envers C______ résultant dudit jugement était soumise au droit français, lequel prévoyait un droit de recours d'un débiteur contre un codébiteur. L'existence d'un droit de recours de B______ à l'encontre de A______ SA devait par conséquent être admise conformément à l'art. 144 al. 1 LDIP. S'agissant du droit applicable audit recours, les parties s'étant les deux référées au droit suisse durant la procédure, une élection en faveur de ce droit pouvait être retenue, lequel était ainsi applicable à cette question.

Contrairement à ce que soutenait A______ SA, la créance de C______ issue du jugement français du 12 mai 2016 n'était pas éteinte par compensation avec ses dettes résultant des sentences arbitrales britanniques lorsque B______ avait procédé au paiement des montants dus. Le droit applicable à la compensation était, selon l'art. 148 al. 2 LDIP, celui applicable à la créance de C______ envers A______ SA, soit le droit français. La question de savoir si les conditions que devaient remplir les créances invoquées en compensation, soit celles de A______ SA envers C______, étaient réunies, relevait en revanche du droit anglais appliqué dans les sentences arbitrales desquelles étaient issues ces créances. Si les créances résultant des sentences arbitrales britanniques étaient probablement exigibles selon le droit anglais, il ne pouvait cependant être admis qu'une compensation soumise au droit français puisse déployer ses effets alors que le recouvrement de ces créances avait été refusé en France au motif qu'elles étaient contraires à la conception française de l'ordre public international.

Le Tribunal a également retenu que le rapport de solidarité institué entre les parties et D______ par le juge français pour la réparation du dommage causé à C______ était une solidarité légale. Il s'agissait en conséquence d'une solidarité parfaite, ce que les parties n'avaient pas contesté. L'étendue du droit de recours de B______ devait ainsi se déterminer selon les prescriptions de l'art. 50 al. 2 CO et non par tête comme le prévoyait l'art. 148 al. 1 CO, la première disposition prévalant sur la seconde. Il ne saurait être reproché à B______ de ne pas s'être prévalu d'une compensation entre la créance de C______ et celles de A______ SA puisqu'une telle compensation ne pouvait pas être invoquée au regard du droit français applicable au rapport entre les intéressés. Au demeurant, B______, qui n'était pas titulaire des créances invoquées en compensation, ne pouvait, tant selon le droit français que le droit suisse, pas faire valoir la compensation vis-à-vis de C______. Si B______ semblait admettre avoir initié le processus de corruption en indiquant avoir été le corrupteur tout en estimant avoir pu l'être parce que A______ SA était corruptible, il n'en demeurait pas moins que le Tribunal de Grande Instance de I______ a retenu que les parties avaient mis en place ensemble un pacte de corruption. En outre, le procédé corruptif avait pu aboutir et causer un préjudice à C______ uniquement grâce à la participation de A______ SA. L'argument de celle-ci selon lequel elle aurait été prise en otage et contrainte de céder aux sollicitations de B______ au risque sinon de s'aliéner un client important ne trouvait pas d'assise dans le dossier. Il n'y avait ainsi pas lieu, dans ces circonstances, de considérer que la faute de A______ SA serait moindre.

Par ailleurs, si A______ SA avait certes réduit sa marge pour payer les commissions à B______ et qu'elle n'avait pas, selon les éléments retenus par les juges français, pratiqué des prix supérieurs au marché, elle avait bénéficié d'une augmentation du volume de ses ventes. Selon le jugement du Tribunal de Grande Instance de I______, le chiffre d'affaires qu'elle avait réalisé avec C______, qui lui avait acheté 83% des volumes d'engrais acquis, s'était élevé à 170 millions de dollars entre 2006 et 2008, ce qui représentait 15% de son chiffre d'affaires en 2006/2007. Ainsi, même sans connaître le bénéfice précis réalisé par A______ SA sur les ventes effectuées à C______ ensuite de la mise en place du pacte de corruption avec B______, il pouvait être retenu que son intérêt dans ce processus était important. B______, pour sa part, avait un intérêt à maximiser les quantités achetées, vu le versement de commissions occultes par A______ SA par tonne d'engrais vendu, qui avaient totalisé environ 850'000 USD, et à minimiser les prix d'achat puisqu'il était également intéressé par les résultats dégagés par le département engrais de C______. Dans ces circonstances, les parties avaient toutes deux un intérêt important dans le processus corruptif qu'elles avaient mis en place.

Enfin, le Tribunal a estimé que la prétention de B______ n'était pas illicite ou contraire aux mœurs, le montant accordé à C______ correspondant à la réparation du préjudice matériel subi mais non aux commission occultes elles-mêmes, ni abusive, A______ SA ayant également profité du montage mis en place par les parties. Celle-ci devait en conséquence être tenue d'assumer une part d'au moins un tiers de la somme totale payée à C______, représentant le montant maximum pouvant être alloué à B______ vu ses conclusions.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 30 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 145 al. 1 let. b et 311 CPC), contre une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC) rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est, compte tenu des prétentions élevées en première instance, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

Le mémoire de réponse est également recevable pour avoir été déposé dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 312 CPC). Il en va de même des écritures subséquentes des parties (art. 316 al. 2 CPC).

1.2 La Chambre de céans revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans les limites posées par les maximes des débats et de disposition applicables au présent contentieux (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC). La procédure ordinaire s'applique (art. 219 et ss CPC).

2. L'appelante reproche au premier juge d'avoir omis de prendre en compte certains faits allégués par ses soins. L'état de fait ci-dessus a été complété dans la mesure utile.

2.1 L'appelante reproche également au premier juge d'avoir violé la maxime des débats en retenant des faits non formellement allégués par les parties, à savoir, d'une part, que l'avis de droit français produit par ses soins émanait de l'étude d'avocats française qui l'avait défendue dans le cadre de la procédure pénale introduite par C______ et, d'autre part, qu'elle avait, dans le cadre de ladite procédure pénale, fait valoir qu'elle avait réalisé un chiffre d'affaires de 170 millions de dollars entre 2006 et 2008 avec C______, qu'elle avait fourni plus de 83% des volumes d'engrais achetés par celle-ci et que ces achats avaient représenté en 2006/2007 15% de son chiffre d'affaires.

2.2 Conformément à la maxime des débats (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès, c'est-à-dire d'alléguer les faits pertinents (fardeau de l'allégation subjectif) et d'offrir les moyens de preuve propres à établir ceux-ci (fardeau de l'administration de la preuve) (ATF
144 III 519 consid. 5.1). Les faits pertinents doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur (art. 221 al. 1 let. d et 222 al. 2 CPC). Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux (art. 229 al. 2 CPC), c'est-à-dire avant les premières plaidoiries au sens de l'art. 228 CPC (ATF 147 III 475 consid. 2.3.2 et 2.3.3; 144 III 67 consid. 2.1; 144 III 519 consid. 5.2.1). Ils doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués) pour que la partie adverse puisse se déterminer sur eux et que le juge puisse savoir quels sont les faits admis, respectivement les faits contestés sur lesquels des moyens de preuve devront être administrés (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 67 consid. 2.1;
144 III 519 consid. 5.2.1.1).

Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question de la prise en considération des faits dits exorbitants, c'est-à-dire des faits qui n'ont pas été allégués par les parties, mais qui ressortent de l'administration des preuves. Il est néanmoins admis que des faits ressortant de l'administration des preuves peuvent être pris en considération s'ils ne font que concrétiser des faits déjà suffisamment allégués, de sorte qu'ils sont "couverts" par celle-ci. Leur prise en considération s'inscrit dans le cadre de la libre appréciation de la force probante du moyen de preuve administré (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2014 et 4A_197/2014 du 27 novembre 2014 consid. 7.1 à 7.3). Si, en revanche, les faits révélés par l'administration des preuves n'ont nullement été allégués auparavant - et s'ils ne peuvent pas non plus l'être par la suite, en tant que nova admissibles au sens de l'art. 229 al. 1 CPC -, le juge ne peut pas les prendre en considération (Bastons Bulletti, in CPC Online, newsletter du 14 juillet 2016 relative à l'ATF
142 III 462 consid. 4.3-4.4).

Il convient de se montrer souple et d'admettre la prise en considération des faits exorbitants, lorsqu'ils se situent encore dans le cadre de ce qui a été allégué, c'est-à-dire lorsqu'ils se rattachent aux faits allégués par l'une ou l'autre des parties (Bastons Bulletti, op. cit.).

Ainsi, si une partie invoque un extrait de compte pour tirer argument du montant et de la date des paiements qui y figurent, le tribunal peut prendre en considération, dans l’appréciation de cette preuve, les autres paiements qui y sont mentionnés, sans que la partie adverse doive les alléguer séparément (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_539/2016 du 6 mars 2017 consid. 5). De même, le juge peut tenir compte d'une cession de droits non alléguée, mais résultant d’un contrat de leasing qui a été globalement allégué et dont le texte a été produit sans violer la maxime des débats (arrêt du Tribunal fédéral 4A_28/2017 du 28 juin 2017 consid. 3).

2.3 En l'espèce, l'appelante s'est, tant dans la partie en fait qu'en droit de ses écritures responsives de première instance (p. 15 et 19), prévalue de l'avis de droit français produit par ses soins afin d'appuyer sa position selon laquelle la créance de C______ acquittée par l'intimé avait été éteinte par compensation avec ses créances issues des sentences arbitrales. Ainsi, il y a lieu d'admettre que les précisions données par le premier juge au sujet de l'auteur de l'avis de droit se situent dans le cadre des allégations de l'appelante et sont en conséquence admissibles. En tout état, il n'apparaît pas que cet élément factuel soit décisif pour l'issue de la cause, comme l'admet d'ailleurs l'appelante.

Par ailleurs, toujours dans ses écritures responsives de première instance, l'appelante a, afin de démontrer que la faute commise par l'intimé était plus importante que la sienne, allégué, en se référant au jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016, qu'elle avait accepté de réduire sa marge pour payer les commissions occultes (allégué no 26), que les prix qu'elle avait pratiqués à l'égard de C______ étaient inférieurs à ceux du marché (allégué no 27) et que l'intimé n'avait, en violation de ses obligations professionnelles, pas rechercher le fournisseur offrant les meilleures conditions (allégué no 28). Le premier juge était ainsi autorisé, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation du moyen de preuve proposé par l'appelante, à tenir compte d'autres éléments factuels pertinents en résultant pour statuer sur la question juridique qui lui était soumise. La prise en considération de ces éléments demeurait en effet dans le cadre des allégations de l'appelante ainsi que du contexte juridique du litige. Au demeurant, une partie des faits litigieux (fourniture par l'appelante de plus de 83% des volumes d'engrais achetés par C______, ce qui représentait en 2006/2007 15% de son chiffre d'affaires) ont été allégués par l'intimé dans sa réplique de première instance (page 15 in fine). Contrairement à ce que soutient l'appelante, ces faits ne sauraient être écartés au seul motif qu'ils figurent dans la partie en droit de la réplique dans la mesure où ils ont été formulés en réponse à ses propres allégations relatives à la gravité des fautes respectives des parties et exposés de façon suffisamment motivée pour lui permettre de se déterminer sur eux dans sa duplique. Retenir le contraire reviendrait à faire preuve de formalisme excessif.

Le grief de violation de la maxime des débats est en conséquence infondé.

3. Les parties ne contestent pas la reconnaissance en Suisse du volet civil du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016, l'existence d'un droit de recours de l'intimé envers l'appelante et enfin que le droit applicable audit recours est le droit suisse.

Il n'y a en conséquence pas lieu de revoir ces points.

4. L'appelante reproche au premier juge d'avoir violé les art. 13 et 148 al. 2 LDIP en estimant que la créance de C______ issue du jugement français du 12 mai 2016 n'avait pas été éteinte par compensation avec ses propres créances résultant des sentences arbitrales britanniques pour le motif que ces sentences contrevenaient à la conception française de l'ordre public. Elle soutient en substance que le refus des juridictions françaises de reconnaître lesdites sentences ne fait pas obstacle à une compensation dès lors que le droit français ne pose pas comme condition à la compensation que la créance compensante fasse l'objet d'un jugement ou d'une sentence arbitrale exécutoire, que le droit français ne s'applique qu'aux conditions de la compensation, la question de la reconnaissance d'une décision étrangère relevant des dispositions de droit international applicables en Suisse et enfin que la question de savoir si la créance compensante existe et satisfait aux conditions de la compensation posées par le droit français, notamment à celle de l'exigibilité, ressortit exclusivement au droit applicable à celle-ci, soit au droit anglais, lequel considère que les créances invoquées en compensation par ses soins sont exigibles.

4.1 Il est acquis que le droit applicable à une compensation entre les créances que l'appelante et C______ détiennent réciproquement l'une contre l'autre est le droit français en application de l'art. 148 al. 2 LDIP, selon lequel en cas d'extinction par compensation, le droit applicable est celui qui régit la créance à laquelle la compensation est opposée.

Le droit applicable à la compensation en détermine les conditions d'admissibilité (même nature des prestations, exigibilité, caractère liquide de la créance, etc ), sa mise en œuvre (compensation ipso-iure, déclaration écrite du débiteur, jugement formateur du juge) et ses conséquences juridiques (extinction ex nunc ou ex tunc, conséquences pour le cours des intérêts, etc.) (Dutoit/Bonomi, Droit international privé suisse, 6ème éd., 2022, n. 8 ad art. 148 LDIP; Dasser, Basler Kommentar Internationales Privatrecht, 4ème éd., 2021, n. 23 ad art 148 LDIP; Bonomi, Commentaire romand LDIP – CL, 2011, n. 9 ad art. 148 LDIP). En revanche, la question de savoir si ces exigences sont remplies dans le cas d'espèce relève du statut de la créance invoquée en compensation (Dasser, op. cit., n. 23 ad art 148 LDIP).

4.2 Aux termes de l'art. 13 LDIP, la désignation d'un droit étranger par la loi fédérale sur le droit international privé comprend toutes les dispositions qui d'après ce droit sont applicables à la cause.

L'objectif est d'appréhender sans restriction le droit applicable dans la mesure où il est important pour l'appréciation juridique des faits concernés. Un renvoi du droit international privé suisse au droit étranger comprend donc en principe toutes les règles étrangères applicables à la situation. Le droit matériel étranger doit être appliqué par le juge suisse de la même manière que le ferait le juge étranger (Mächler-Erne/Wolf-Mettier, Basler Kommentar Internationales Privatrecht, 4ème éd., 2021, n. 6 ad art. 13 LDIP). L'ordre public du droit applicable doit être pris en compte (ATF 118 II 468 consid. 4).

La question de savoir si la résolution d'une question préalable soulevée par le droit étranger applicable doit intervenir sur la base du droit rendu applicable par le droit international privé de l'Etat dont le droit régit la question principale (rattachement dépendant selon la lex causae) ou au contraire selon le droit désigné par le droit international privé de l'Etat du juge (rattachement indépendant selon la lex fori) est controversé.

Si un rattachement indépendant est le plus souvent retenu, tant en Suisse que dans d'autres pays, un rattachement dépendant peut se justifier lorsque la question préalable présente des liens particulièrement intenses avec l'ordre juridique auquel est rattachée la question principale ou lorsque la question principale ne fait pas partie du noyau dur des effets de la relation juridique dont l'existence est contestée à titre préalable (tel est par exemple le cas du nom des conjoints en cas de mariage). En outre, lorsque la règle de conflit poursuit un objectif de droit matériel, une question préalable, si elle se pose, devrait être résolue dans un sens cohérent avec l'objectif poursuivi (Dutoit/Bonomi, op. cit., n. 4 ad art. 13 LDIP). Le choix du droit international privé applicable à la question préalable a pour objectif de trouver le système de droit international privé le mieux placé pour assurer l'homogénéité du rapport de droit et de ses effets (Bucher, Commentaire romand LDIP - CL, 2011, n. 64 ad art. 13 LDIP).

4.3 Selon l'ancien code civil français, applicable à l'époque du prononcé du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016, lorsque deux personnes se trouvaient débitrices l'une envers l'autre, il s'opérait entre elles une compensation qui éteignait les deux dettes, de la manière et dans les cas ci-après exprimés (art. 1289 aCCF). La compensation s'opérait de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs; les deux dettes s'éteignaient réciproquement, à l'instant où elles se trouvaient exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives (art. 1290 aCCF). La compensation n'avait lieu qu'entre deux dettes qui avaient également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui étaient également liquides (c'est-à-dire chiffrées; Cabrillac, Droit des obligations, 9ème éd., 2010, p. 363) et exigibles (art. 1291 aCCF).

4.4 Tant la Suisse que la France sont parties à la Convention de New York pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères du 10 juin 1958 (CNY - RS 0.277.12).

Selon l'art. V ch. 2 let. b CNY, la reconnaissance et l’exécution d’une sentence arbitrale pourront être refusées si l’autorité compétente du pays où celles-ci sont requises constate que la reconnaissance ou l’exécution de la sentence serait contraire à l’ordre public de ce pays.

D'après la conception juridique suisse, les promesses de versement de pots-de-vin sont illicites et contraires aux mœurs et, partant, nulles en raison du vice affectant leur contenu. Elles contreviennent également à l'ordre public (ATF 119 II 380 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_50/2017 du 11 juillet 2017 consid. 4.3.2). En revanche, les contrats qui ont été conclus à la suite du versement de pots-de-vin n'ont pas en tant que tels un contenu contraire au droit ou aux mœurs. Il y a lieu de les considérer comme nuls lorsque la punissabilité s’étend également au contenu du contrat ou que le contenu du contrat lui-même est contraire au droit ou à la morale au sens de l’art. 20 CO (cf. ATF 147 IV 479 consid. 6.5.4.3 = JdT 2023 IV 10; 129 III 320 consid. 5.2 = JdT 2003 I 331; 119 II 380 consid. 4c).

La violation d'un droit étranger impératif entraîne l'immoralité d'un acte juridique au sens de l'art. 20 al. 1 CO si, de ce fait, il est également ressenti comme immoral selon l'opinion suisse. Cela présuppose que la disposition étrangère violée protège des intérêts de l'individu et de la communauté humaine d'une importance fondamentale et essentielle ou que des biens juridiques qui, selon une conception éthique générale, pèsent plus lourd que la liberté de contracter sont en cause (ATF 76 II 33 consid. 8; arrêt du Tribunal fédéral 4A_753/2011 du 16 juillet 2012 consid. 6.5).

4.5 En l'espèce, les créances invoquées en compensation par l'appelante résultent de deux sentences arbitrales britanniques du 6 mai 2015 et 4 janvier 2016. L'examen des conditions d'admissibilité d'une éventuelle compensation, sous l'angle du droit français, des créances que l'appelante et C______ détiennent réciproquement l'une contre l'autre suppose ainsi au préalable de déterminer si lesdites sentences sont susceptibles d'être reconnues. Est toutefois débattue la question de savoir s'il convient, pour résoudre ce point, d'appliquer le droit international privé de la lex causae, soit le droit français, ou de la lex fori, soit le droit Suisse. La résolution de cette question peut demeurer indécise pour les motifs qui suivent.

La reconnaissance de sentences arbitrales étrangères est régie, tant en Suisse qu'en France, par la Convention de New York pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères du 10 juin 1958.

En application de l'art. V ch. 2 let. b de cette convention, les autorités judiciaires françaises ont refusé de reconnaître la sentence arbitrale du 6 mai 2015, au motif que cette sentence, qui permettait à l'appelante de retirer des bénéfices du pacte corruptif la liant à l'intimé, était contraire à la conception française de l'ordre public international. Elles ont également, par voie de conséquence, refusé de reconnaître la sentence arbitrale du 4 janvier 2016.

L'inefficacité des contrats dont le contenu a été influencé par un pacte corruptif consacrée par le droit français, en tant qu'elle relève de l'ordre public, présente un caractère impératif. L'application de cette réglementation a pour but la lutte contre la corruption, laquelle constitue un enjeu majeur tant au niveau mondial qu'en Suisse. La Convention des Nations Unies contre la corruption compte ainsi 187 Etats parties, dont la France et la Suisse, et celle-ci sanctionne pénalement la corruption (art. 322ter et ss CP). Il s'agit ainsi d'une valeur fondamentale conforme à la conception suisse de la morale, qui tend à protéger des intérêts fondamentaux. La corruption est en effet une entrave au développement: elle entraîne la perte d'importantes ressources financières, nuit à la cohésion sociale, empêche la transparence et fausse la concurrence.

Il y a en conséquence lieu de considérer, au regard des développements qui précèdent, que les sentences arbitrales britanniques, en tant qu'elles donnent, en violation du droit français impératif, effet à un contrat dont le contenu a été influencé par le versement de pot-de-vin, sont contraires à la conception suisse de la morale et contreviennent en conséquence également à l'ordre public suisse.

Tant l'application du droit international privé français que du droit international privé suisse conduit ainsi à refuser la reconnaissance des sentences arbitrables du 6 mai 2015 et 4 janvier 2016 en application de l'art. V ch. 2 let. b CNY. A défaut de reconnaissance desdites sentences, les créances en résultant ne sauraient être invoquées à titre de compensation.

Cela étant, même à supposer que la reconnaissance des sentences arbitrales devrait être admise, une compensation des créances en résultant avec celle de C______ ne pourrait en tout état intervenir. En effet, la soumission des conditions à une compensation au droit français implique de tenir compte des éventuelles règles d'ordre public françaises applicables à la situation. Dans la mesure où, selon l'ordre public français, les créances résultant de contrats influencés par un acte de corruption sont dépourvues d'effets juridiques, une compensation avec de telles créances ne saurait être opérée. Les créances de l'appelante issues des sentences arbitrales ne peuvent ainsi, selon le droit français, être opposées en compensation et ce, quand bien même, la réalisation des conditions de compensation fixées par le droit français doit être examinée à l'aune du droit anglais.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que les créances de l'appelante résultant des sentences arbitrales britanniques du 6 mai 2015 et 4 janvier 2016 et celle de C______ issue du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016 ne pouvaient pas être compensées.

Il s'ensuit qu'il ne peut être reproché à l'intimé de s'être acquitté de la totalité de la créance de C______ sans se prévaloir d'une compensation de celle-ci avec les créances de l'appelante. Les questions de savoir à quel moment l'intimé a eu connaissance de l'existence des créances de l'appelante et s'il pouvait invoquer en compensation des créances dont il n'était pas titulaire peuvent ainsi demeurer indécises.

5. L'appelante reproche au premier juge d'avoir, lors de l'examen de l'étendue du droit de recours de l'intimé sur la base de l'art. 50 al. 2 CO, considéré que sa faute n'était pas moins grave que celle de ce dernier et que les parties avaient toutes les deux un intérêt important dans le processus corruptif mis en place.

S'agissant de la gravité des fautes commises, elle soutient que le premier juge a retenu à tort que les parties avaient mis en place ensemble un pacte de corruption, ce fait n'ayant jamais été allégué par les parties et la partie du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ qui y ferait référence n'étant pas connue. Dès lors qu'elle avait versé les commissions sur sollicitation de l'intimé, lequel était ainsi l'instigateur et l'un des auteurs immédiats du pacte de corruption, que l'intimé avait négocié pour le compte de C______ de façon déloyale en s'abstenant de rechercher systématiquement les meilleurs conditions d'achat et qu'elle n'avait pas cherché à obtenir un prix de vente s'écartant du marché, il aurait dû être considéré que sa faute était moins importante que celle de l'intimé.

S'agissant de l'intérêt des parties au processus corruptif mis en place, elle fait valoir que, sur la base des faits formellement allégués par les parties, à savoir qu'elle avait réduit sa marge pour payer les commissions fixées à l'intimé et qu'elle n'avait pas pratiqué à l'égard de C______ des prix supérieurs au marché, il aurait dû être retenu que seul l'intimé avait un intérêt à ce que le pacte corruptif qu'il a proposé soit conclu.

5.1 Il n'est pas contesté que les parties répondent de la créance de C______ à leur égard sur la base d'une solidarité légale et qu'il s'agit en conséquence d'une solidarité parfaite.

5.1.1 En cas de solidarité parfaite, toutes les règles de la solidarité prévues par le CO (art. 143 et ss CO) s'appliquent directement (Werro/Perritaz, Commentaire romand CO I, 3ème éd., 2021, n. 46 et 61 ad intro art. 50-51 CO).

A teneur de ces règles, celui des débiteurs solidaires dont le paiement ou la compensation éteint la dette en totalité ou en partie libère les autres jusqu’à concurrence de la portion éteinte (art. 147 al. 1 CO). Le débiteur solidaire qui paie au-delà de sa part a, pour l’excédent, un recours contre les autres (art. 148 al. 2 CO).

5.1.2 Selon l'art. 50 al. 2 CO, le juge apprécie si les responsables d'un acte illicite ont un droit de recours les uns contre les autres et détermine, le cas échéant, l’étendue de ce recours. Cette disposition déroge à l'art. 148 al. 1 CO qui prévoit une répartition à parts égales du paiement fait au créancier uniquement en l'absence d'une autre clé de répartition conventionnelle ou légale entre les codébiteurs (Werro/Perritaz, op. cit., n. 14 ad art. 50 CO; Romy, Commentaire romand CO I, 3ème éd., 2021, n. 2 et 4 ad art. 148 CO).

L’existence et l’étendue du recours sont soumises à la libre appréciation du juge. Ce dernier peut donc décider de la répartition du poids de la réparation entre les divers responsables. Pour ce faire, il doit tenir compte de toutes les circonstances. Sa décision dépendra avant tout de la gravité des fautes de chacun des coresponsables. Ainsi, l’auteur immédiat et l’instigateur supporteront une plus grande part de responsabilité que le complice (Werro/Perritaz, op. cit., n. 14 ad art. 50 CO; Graber, Commentaire bâlois CO I, 7ème éd., 2020, n. 25 ad art. 50 CO; Schönenberger, Kurzkommentar Obligationenrecht, 2014, n. 10 ad art. 50 CO). Il est par ailleurs plus juste de faire supporter une part accrue à celui qui a déclenché le processus qui a abouti au préjudice, notamment lorsque celui qui a commis l'erreur initiale avait effectivement la possibilité d'en limiter les effets et/ou lorsque l'autre responsable a manifestement été entraîné par le cours des choses préalablement instauré. Il apparaît également équitable de faire supporter une part accrue à celui qui avait la possibilité d'éviter que l'erreur préalablement commise n'entraîne le préjudice (Bugnon, L'action récursoire en matière de concours de responsabilités civiles, 1982, p. 67).

Le juge doit également retenir toutes les autres circonstances pertinentes du cas, en examinant par exemple dans l'intérêt de qui l'acte dommageable a été commis. Il doit aussi prendre en considération les exceptions personnelles dont les responsables n’ont pas pu se prévaloir dans les rapports externes (Werro/Perritaz, op. cit., n. 14 ad art. 50 CO; Graber, Commentaire bâlois CO I, 7ème éd., 2020, n. 25 et 26 ad art. 50 CO; Schönenberger, op. cit., n. 10 ad art. 50 CO).

5.2 En l'espèce, s'il semble effectivement que l'intimé soit l'initiateur du pacte de corruption, il n'en demeure pas moins que le processus corruptif ne pouvait se mettre en place sans la participation de l'appelante comme le relève à juste titre le premier juge. Ainsi, dans la mesure où l'appelante avait la possibilité d'éviter que la corruption aboutisse et en conséquence que C______ subisse un préjudice, il n'apparaît pas, de ce point de vue, que sa faute soit moins grave que celle de l'intimé. Par ailleurs, tant l'appelante que l'intimé revêtent la qualité d'auteur direct puisqu'ils ont tous les deux été condamnés pour corruption, la première pour corruption active et le second pour corruption passive. Enfin, s'il est exact que l'appelante n'a pas cherché, par la corruption, à obtenir des prix supérieurs au marché, elle a en revanche bénéficié d'autres avantages, notamment d'une augmentation du volume de ses ventes, de sorte que cet élément n'apparaît pas déterminant.

L'appréciation du premier juge selon laquelle la faute de l'appelante n'est pas moins importante que celle de l'intimé n'est ainsi pas critiquable.

S'agissant de l'intérêt des parties à la corruption mise en place, l'appelante ne critique pas le raisonnement juridique opéré par le premier juge mais lui reproche uniquement d'avoir pris en considération des faits non allégués. Or, comme retenu supra au considérant 2, la critique de l'appelante à cet égard est infondée.

L'appréciation du premier juge selon laquelle les parties avaient toutes les deux un intérêt important dans le processus corruptif mis en place peut ainsi être confirmée.

Les griefs formulés à cet égard par l'appelante sont en conséquence infondés.

6. L'appelante reproche au premier juge d'avoir nié le caractère illicite et abusif de la prétention soulevée par l'intimé. Elle soutient que le montant de 852'544 USD que les parties et D______ ont solidairement été condamnés à payer à C______ correspond aux commissions indûment perçues par l'intimé, soit au montant dont celui-ci s'est enrichi. Ainsi, par son action récursoire, l'intimé tente de récupérer une partie des commissions versées illicitement sur la base du pacte de corruption. Une distinction entre les commissions occultes en tant que telles et la réparation du préjudice matériel subi par C______ tel qu'opérée par le premier juge n'a pas lieu d'être dès lors que ledit préjudice consiste dans les commissions versées à l'intimé. L'action intentée ayant pour fondement une prétention illicite et contraire aux mœurs, le comportement de l'intimé est constitutif d'abus de droit. Cet élément aurait dû être pris en compte dans l'appréciation du droit de recours de l'intimé en vertu de l'art. 4 CC.

6.1 La détermination de l'existence et de l'étendue du droit de recours des personnes ayant causé ensemble un dommage étant laissée à la libre appréciation du juge, ce dernier doit se prononcer en appliquant les règles du droit et de l'équité conformément à l'art. 4 CC. Dans l'exercice de l'équité, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances (Bugnon, op. cit., p. 64).

A teneur de l'art. 2 al. 2 CC, l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi. Cette règle permet au juge de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes. L'abus de droit doit être admis restrictivement, comme l'exprime l'adjectif "manifeste" utilisé dans le texte légal (ATF 143 III 279 consid. 3.1; 135 III 162 consid. 3.3.1 et les arrêts cités).

Il y a notamment abus de droit lorsqu'une institution juridique est utilisée à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, c'est-à-dire quand elle est invoquée pour servir des intérêts qu'elle ne veut précisément pas protéger (ATF 138 III 401 consid. 2.4.1; 137 III 625 consid. 4.3; 135 III 162 consid. 3.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_573/2016 du 19 septembre 2017 consid. 5.3).

L'abus de droit ne peut être opposé qu'à un droit existant formellement ou à une situation juridique dont les conditions sont effectivement réalisées. La première étape du raisonnement est de vérifier l'existence du droit afin de ne pas confondre l'absence des conditions posées par la loi avec l'abus de droit (Chappuis, Commentaire romand CC I, 2010, n. 28 ad art. 2 CC).

6.2 En l'espèce, avant d'examiner l'existence d'un éventuel abus de droit, il convient préalablement de déterminer si le fait que la somme à laquelle les parties et D______ ont été condamnés solidairement à s'acquitter en faveur de C______ correspond au montant des commissions illicitement versées à l'intimé justifie que celui-ci en supporte seul le paiement. Ce n'est qu'en cas de réponse négative que la question de l'existence d'un éventuel abus de droit se posera.

Il résulte du dossier que tant l'appelante que l'intimé ont participé au mécanisme de corruption mis en place au détriment de C______, l'appelante en versant des commissions occultes à l'intimé et l'intimé en procédant, pour le compte de son employeuse, à plus de 80% des achats d'engrais de celle-ci auprès de l'appelante. L'appelante et l'intimé ont également tous deux retiré un bénéfice du pacte corruptif. L'appelante a réalisé un chiffre d'affaires de 170 millions de dollars entre 2006 et 2008 en fournissant à C______ la majeure partie des engrais acquis et l'intimé a perçu, en moins de dix-huit mois, plus de 850'000 USD de commission. Il apparaît ainsi que les parties ont contribué ensemble au préjudice causé à C______ par le processus corruptif mis en place, de sorte qu'une répartition du poids de la réparation ne saurait être considérée comme étant contraire à l'équité. Le fait que la somme allouée à C______ en réparation de son préjudice corresponde au montant des commissions indûment versées n'est pas déterminant. Contrairement à ce que soutient l'appelante, cela ne saurait avoir pour conséquence de rendre la prétention de l'intimé illicite ou contraire aux mœurs.

L'existence d'un abus de droit ne peut également être retenue. Il résulte en effet du jugement du Tribunal de Grande Instance de I______ du 12 mai 2016, comme relevé à juste titre par le premier juge, que le montant alloué à C______ tend à réparer le préjudice matériel qu'elle a subi, raison pour laquelle l'appelante a également été condamnée à s'acquitter de cette somme solidairement avec l'intimé et D______. Il importe à cet égard peu que des éléments de la procédure contiennent des contradictions à ce sujet, le jugement précité revêtant une valeur probante supérieure. Il ne saurait en conséquence être considéré que l'intimé exerce son droit de recours contrairement à son but. Il y a en effet lieu d'admettre que l'objectif poursuivi par l'intimé, par son action récursoire, n'est pas de recouvrer une partie des commissions reçues mais d'obtenir de l'appelante qu'elle assume sa part de responsabilité dans le dommage causé à C______. S'il est certes exact qu'en cas de gain du procès l'intimé récupérera indirectement une partie des commissions allouées, cette conséquence ne saurait suffire pour retenir un abus de droit, lequel doit être admis restrictivement.

Le grief de l'appelante à cet égard est en conséquence infondé.

7. Au regard des développements qui précèdent, l'appréciation à laquelle a procédé le premier juge pour fixer l'étendue du droit de recours de l'intimé à l'égard de l'appelante n'apparaît pas critiquable. Le calcul opéré pour fixer les montants dus par l'appelante à l'intimé ainsi que le point de départ et le taux d'intérêt fixés n'étant pas contestés, il n'y a pas lieu de revenir sur ces points.

Au vu de ce qui précède, le jugement entrepris sera confirmé.

8. Les frais judiciaires de l'appel seront arrêtés à 9'000 fr. (art. 17 et 35 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile - RTFMC) et mis à la charge de l'appelante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, opérée par cette dernière, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera par ailleurs condamnée à s'acquitter des dépens d'appel de l'intimé, lesquels seront arrêtés à 10'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 1er septembre 2022 par A______ SA contre le jugement JTPI/7923/2022 rendu le 29 juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/21813/2017-1.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l'appel à 9'000 fr. et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie par A______ SA, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Met ces frais à la charge de A______ SA.

Condamne A______ SA à payer à B______ la somme de 10'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.