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Décisions | Chambre civile

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C/25602/2019

ACJC/721/2023 du 06.06.2023 sur JTPI/2595/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CC.279.al1; CC.205.al3; RTFMC.84; RTFMC.85
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25602/2019 ACJC/721/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 6 JUIN 2023

 

Entre

Madame A______, domiciliée c/o B______, ______, appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 février 2022, comparant par Me Jean-Marie FAIVRE, avocat, rue de la Rôtisserie 2, case postale 3809, 1211 Genève 3,

et

Monsieur C______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Cyril AELLEN, avocat, AAA AVOCATS SA, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/2595/2022 du 28 février 2022, reçu par A______ le 3 mars 2022, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure simplifiée, a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, la demande en paiement formée par A______ (ch. 1 du dispositif), mis les frais judiciaires, arrêtés à 2'100 fr., à la charge de A______ et les a laissés, en l'état, à la charge de l'Etat et dit que celle-ci pourrait être tenue à leur remboursement dans la mesure de l'art. 123 CPC (ch. 2), condamné A______ à payer à C______ 4'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié à la Cour le 4 avril 2022, A______ a formé appel contre ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, elle conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, principalement, à ce que C______ soit condamné à lui payer 28'866 fr. 30 avec intérêts "de droit" dès le 1er décembre 2013 et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal.

b. Dans sa réponse du 22 août 2022, C______ a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que le jugement querellé soit intégralement confirmé.

c. Le 3 octobre 2022, A______ a répliqué, persistant intégralement dans ses conclusions. Elle a produit une nouvelle pièce.

d. C______ a dupliqué le 7 novembre 2022, persistant intégralement dans ses conclusions.

e. Par courrier du 24 novembre 2022, le greffe de la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Les époux C______, né le ______ 1964 à D______ (France), et A______, née A______ [nom de jeune fille] le ______ 1966 à E______ (France), tous deux de nationalité française, ont contracté mariage le ______ 1994 à F______ (France).

Quatre enfants sont issus de leur union, à savoir :

- G______, aujourd'hui majeur, né le ______ 1992 à H______ (France);

- I______ et J______, aujourd'hui majeures, nées le ______ 1996 à K______ (France); et

- L______, né le ______ 2002 à Genève (GE).

b. Par jugement JTPI/14444/2013 du 30 octobre 2013, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a notamment condamné en son chiffre 5 C______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, à titre de contribution à l'entretien de sa famille, un montant de 6'400 fr. à compter du 1er janvier 2013 - sous déduction des montants déjà versés à ce titre entre le 1er janvier 2013 et le prononcé du jugement -, les montants se décomposant de la manière suivante : 3'400 fr. en faveur de A______ et 3'000 fr. en faveur des enfants I______ et J______, nées le ______ 1996, et L______, né le ______ 2002.

Dans la partie "EN FAIT" de sa décision, le Tribunal a retenu notamment que "depuis la séparation, C______ s'[était] acquitté de l'entier des charges de la famille et a[vait] également versé à son épouse un montant de 320 fr. par semaine pour la nourriture jusqu'au 6 février 2013. En mars 2013, il a[vait] encore versé un montant de CHF 400.-."

Dans sa motivation, le Tribunal a considéré "qu'il se justifi[ait] de donner un effet rétroactif à la présente décision, et ce au 1er janvier 2013, sous déduction des montants déjà versés par le requérant à titre de contribution à l'entretien de sa famille (tels que loyer, frais relatifs à l'immeuble sis en France, et contribution pour la nourriture)."

Le chiffre 5 du jugement susmentionné a été confirmé par arrêt ACJC/265/2014 de la Cour de justice du 28 février 2014.

c. En date du 13 septembre 2016, A______ a fait notifier à C______ un commandement de payer, poursuite n° 1______, à titre d'"arriéré de pensions alimentaires pour l'année 2013 selon jugement du 30 octobre 2013 et arrêt de la Cour de justice du 28 février 2014" pour un montant de 21'475 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2013, auquel il a été fait opposition.

d. Statuant sur la requête en mainlevée définitive formée le 30 mars 2017 par A______, le Tribunal de première instance, par jugement JTPI/10969/2017 du 1er septembre 2017, a débouté l'intéressée de ses conclusions, considérant que le jugement dont elle se prévalait ne chiffrait pas les montants déjà versés à déduire du montant des contributions d'entretien et qu'il ne constituait, en conséquence, pas titre de mainlevée définitive.

e. A la suite de l'introduction par C______ d'une requête en divorce le 10 décembre 2014, le Tribunal a, par jugement JTPI/17646/2019 du 10 décembre 2019, dissous par le divorce le mariage contracté par A______ et C______ (chiffre 1 du dispositif). Il a notamment condamné A______ à verser à C______ les sommes de EUR 3'680 et de 68'893 fr. (ch. 7) et dit que, pour le surplus, le régime matrimonial des parties était liquidé (ch. 8).

La liquidation du régime matrimonial a porté principalement sur la villa de F______ (France), propriété de A______. Le Tribunal a retenu que C______ avait investi certains montants en vue de l'acquisition et de l'amélioration de ladite villa de sorte que les sommes de EUR 3'680 et de 68'893 fr. lui étaient dues par A______, au titre de la restitution de ses apports.

Il ne ressort pas du jugement entrepris que A______ ait sollicité des arriérés de contributions d'entretien à titre de dettes entre époux.

f. Par arrêt ACJC/190/2021, la Cour a modifié le chiffre 7 du jugement de divorce et condamné A______ à verser à C______ les sommes de EUR 1'400 et 51'139 fr. 80, à titre de liquidation du régime matrimonial et des rapports patrimoniaux entre les époux et a confirmé le jugement entrepris pour le surplus.

g. Par acte adressé au Tribunal de première instance le 12 novembre 2019 en vue de conciliation, A______ a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que C______ soit condamné à lui payer un montant de 21'475 fr. 60, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2013.

h. A la suite de la tentative échouée de conciliation, A______ a conclu, par acte introduit le 11 février 2020 au Tribunal, à ce que C______ soit condamné à lui verser un montant de 28'866 fr. 30, avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2013 à titre d'arriérés des contributions d'entretien fixées pour l'année 2013, sous suite de frais et dépens.

Dans sa demande, elle a indiqué qu'à la suite de l'audience de conciliation, elle avait "repri[s] méticuleusement l'analyse des versements effectués par Monsieur C______ en vue de l'introduction d'une demande en paiement" et qu'elle s'était "aperç[u] ainsi que Monsieur C______ ne s'était pas acquitté des mensualités du crédit en lien avec le prêt consenti par [la banque] M______, ceci avec effet dès 2013". Ainsi, la somme réclamée était augmentée de 7'388 fr. 90, ce qui portait à 28'866 fr. 30 l'arriéré de pension dû pour 2013.

Elle a renvoyé le Tribunal aux décomptes établis par ses soins à l'appui de sa requête relatant les versements effectués par C______ de janvier 2013 à décembre 2013.

i. Par mémoire responsif du 27 avril 2020, C______ a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions, avec suite de frais et dépens. Il a notamment soulevé le défaut de légitimation active de A______ concernant ses deux filles devenues majeures avant le dépôt de la demande et la prescription des prétentions de ces dernières (non interrompue par le dépôt du commandement de payer par leur mère après leur majorité) ainsi que l'absence d'arriérés de contribution d'entretien pour l'année 2013, C______ s'étant acquitté d'un montant de 70'703 fr. 98 en 2013 à titre de contribution à l'entretien de la famille.

j. Par ordonnance du 12 mai 2020, le Tribunal a refusé d'ordonner un second échange d'écritures et a fixé des débats d'instruction.

k. Lors de l'audience de débats d'instruction du 29 mai 2020, A______ a réduit ses prétentions à la somme de 27'447 fr. 88. Elle a exposé que les paiements non effectués auprès de la banque M______ étaient réclamés dans la procédure de divorce pendante entre les parties. La somme de 7'000 fr. correspondante avait ainsi été prise en compte par le Tribunal dans la fixation du montant de 69'000 fr. auquel il était parvenu, concernant la liquidation du régime matrimonial. Les parties ont sollicité l'audition de C______ sur certains de leurs allégués, sur quoi le Tribunal a réservé la suite de la procédure.

l. Par ordonnance ORTPI/492/2020, le Tribunal a rejeté les offres de preuve des parties et fixé une audience de plaidoiries finales, qu'il a transformé en plaidoiries écrites.

m. Dans ses plaidoiries finales écrites du 14 juillet 2020, A______ a notamment indiqué qu'elle avait faussement attribué à C______ des paiements effectués au titre de la propriété de F______ (France), exposant qu'un montant de l'ordre de 7'000 fr. avait été retenu par le juge du divorce au titre d'investissement de C______ dans ladite propriété.

L'arriéré dû à titre de contribution d'entretien pour l'année 2013 était donc de 21'475 fr. se décomposant à hauteur de 16'529 fr. 18 en faveur d'elle-même, 1'073 fr. 91 en faveur de L______, 984 fr. 60 en faveur de I______ et 984 fr. 60 en faveur de J______.

n. Dans ses plaidoiries finales écrites du 14 juillet 2020, C______ a persisté dans ses conclusions.

o. Par jugement JTPI/9934/2020 du 17 août 2020, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure simplifiée, a déclaré irrecevable la demande en paiement déposée le 11 février 2020 par A______ à l'encontre de C______ (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., les a mis à la charge de A______ et les a laissés, en l'état, à la charge de l'Etat étant donné que A______ était au bénéfice de l'assistance judiciaire et dit que A______ pourrait être tenue au remboursement de ces frais judiciaires dans la mesure de l'art. 123 CPC (ch. 2). Le Tribunal a ensuite condamné A______ à payer à C______ un montant de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres ou contraires conclusions (ch. 4).

En substance, le Tribunal a considéré que la demande en paiement de A______ portait sur le même objet que le jugement sur mesures protectrices de l'union conjugale du 30 octobre 2013, ce qui rendait la demande irrecevable au sens de l'article 59 al. 1 et 2 let. e CPC.

Le Tribunal a ensuite relevé que même s'il fallait considérer que les 7'388 fr. 90 réclamés ne constituaient pas un arriéré de contribution d'entretien, ce qui n'était pas clair étant donné que A______ indiquait, d'une part, qu'il s'agissait d'un arriéré de contribution d'entretien dû pour l'année 2013 et, d'autre part, qu'il s'agissait de mensualités de crédit en lien avec un prêt de M______, la demande serait tout autant irrecevable s'agissant de ces 7'388 fr. 90. En effet, si ce dernier montant ne constituait pas un arriéré de contribution d'entretien, il ne saurait y avoir connexité avec la demande principale au sens de l'art. 227 al. 1 CPC.

Dans ces circonstances, il n'y avait pas lieu d'examiner la problématique de la légitimation active ni celle de la prescription ni la question de savoir si en ne réclamant pas le paiement de 28'866 fr. 30 dans le cadre de la procédure de divorce au titre de dettes entre époux, la demanderesse avait renoncé à sa créance.

p. Par arrêt ACJC/25602/2019 du 29 juin 2021, la Cour a annulé le jugement JTPI/9934/2020 du 17 août 2020 et renvoyé la cause au Tribunal pour qu'il rende une nouvelle décision dans le sens des considérants, déboutant les parties de toutes autres conclusions.

En substance, la Cour a retenu que le jugement de mesures protectrices de l'union conjugale n'était pas exécutoire faute de chiffrer les déductions qui devaient être opérées sur les contributions d'entretiens fixées, qui étaient énumérées de manière vague. Ce vice ne pouvait pas être levé par la voie d'une interprétation ou d'une rectification, dès lors que les sommes à déduire ne ressortaient pas de sa motivation. Par conséquent, ce jugement ne déployait pas force de chose jugée, faute d'être exécutable, de sorte qu'il ne faisait pas obstacle au dépôt, par A______, d'une demande en paiement pour les montants de contribution d'entretien qu'elle estimait impayés. Aussi, c'était à tort que le Tribunal avait déclaré la demande irrecevable pour le motif invoqué.

Afin de respecter le double degré de juridiction, la Cour ne pouvait examiner pour la première fois les questions de légitimation active, de prescription, et d'absence d'allégation devant le juge du divorce des prétentions en paiement des arriérés de contributions d'entretien. La cause a donc été renvoyée au Tribunal afin qu'il statue sur ces points.

q. Suite au renvoi de la Cause, le Tribunal a entendu les parties le 3 décembre 2021, puis rendu le jugement querellé le 28 février 2022.

D. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu, en substance, que les rapports patrimoniaux entre les parties avaient été liquidés par leur jugement de divorce qui, conformément à l'art. 205 al. 3 CC, avait réglé leurs dettes réciproques. L'autorité de chose jugée de ce jugement s'opposait donc à ce que A______ fasse valoir à l'encontre de C______ les prétendus arriérés de contributions d'entretien pour l'année 2013, qui, pour autant qu'ils soient avérés, existaient déjà au moment de la liquidation du régime matrimonial. Aussi, sa demande était irrecevable.

Dans une motivation subsidiaire, le Tribunal a considéré que même à supposer que la demande soit recevable, elle devrait être rejetée puisque A______ s'était limitée à alléguer sa créance globale en renvoyant à un décompte, sans exposer quels montants elle aurait reçus de C______ pour chaque mois de l'année 2013, ce qui aurait permis de calculer le manco. Le calcul global auquel elle avait procédé ne permettait pas de faire un calcul précis et le renvoi à des pièces qu'elle avait confectionnées était insuffisant sur le plan de l'allégation. En tout état, ces documents ne suffisaient pas à prouver la quotité de montants non-versés. Dans la mesure où elle supportait le fardeau de l'allégation sur ces points, sa demande devait être rejetée.

Au demeurant, A______ n'avait pas la légitimation active pour agir au nom de ses filles I______ et J______, ce qui devait conduire au rejet de l'action en tant qu'elle portait sur les contributions d'entretien en leur faveur, lesquelles étaient d'ailleurs prescrites.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 et 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats, ainsi que le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC), aux termes duquel le tribunal ne peut pas allouer à une partie plus ou autre chose que ce qu'elle a demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (arrêt du Tribunal fédéral 4A_397/2016 du 30 novembre 2016, consid. 2.1).

La procédure simplifiée est applicable (art. 243 al. 1 CPC).

2.  L'appelante produit une pièce nouvelle en appel, au stade de la réplique. L'intimé soutient que cette pièce est irrecevable

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération devant la Cour que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) ou s'ils ne pouvaient l'être devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle produite par l'appelante à l'occasion de sa réplique est une attestation non-datée, signée par les enfants I______, J______ et L______, aux termes de laquelle ces derniers attestent avoir cédé à leur mère "toutes prétentions utiles en lien avec les arriérés accumulés par C______ [ ]".

Faute pour ce document d'être daté et d'indications données par l'appelante à ce sujet, la Cour ignore à quelle date il a été confectionné, de sorte qu'il ne peut être considéré comme un vrai nova.

Dans la mesure où l'appelante n'expose pas les raisons qui l'auraient empêchées de produire cette pièce plus tôt, cette pièce est irrecevable quand bien même elle sous-tendrait un faux nova.

Par conséquent, cette pièce, ainsi que les faits qu'elle vise à prouver, doivent être déclarés irrecevables.

3. Dans un premier moyen, l'appelante reproche au premier juge d'avoir retenu que sa demande était irrecevable au motif que ses prétentions auraient dues être invoquées dans la procédure de divorce. Elle expose que les mesures protectrices de l'union conjugale restent valables tant que dure la procédure au fond, soit au-delà du jugement de première instance, de sorte qu'il serait impossible d'appréhender la quotité exacte des pensions à faire valoir. Elle relève au demeurant que l'arriéré de pension qu'elle réclame pour l'année 2013 intègre également des montants dus pour ses enfants mineurs, de sorte qu'ils ne pouvaient être intégrés dans la liquidation du régime matrimonial. Au surplus, la procédure avait été anormalement longue et les mesures d'instruction aptes à déterminer la quotité des prétentions réellement dues l'auraient encore allongée. Il n'y avait donc aucune raison de déclarer irrecevables ses prétentions, qui devaient faire l'objet d'une procédure ordinaire puisqu'elle s'était vue refuser l'accès à la procédure sommaire.

L'intimé soutient, quant à lui, que la demande en paiement de l'appelante serait irrecevable, puisque le jugement de divorce avait liquidé le régime matrimonial des parties, ce qui excluait que l'appelante puisse se prévaloir de créances alors existantes.

3.1 Dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, les époux règlent leurs dettes réciproques (art. 205 al. 3 CC). S'il y a divorce, la dissolution du régime rétroagit au jour de la demande (art. 204 al. 2 CC).

L’art. 205 al. 3 CC ne signifie donc pas que toutes les dettes entre époux deviennent exigibles à la dissolution et doivent être effectivement réglées au cours de la liquidation. Mais les dettes envers le conjoint, comme d’ailleurs les autres dettes, doivent au moins être inventoriées pour déterminer le patrimoine de chaque époux (Steinauer, Commentaire romand - Code civil I, 2010, n. 24 ad art. 205 CC).

Les créances d'un époux peuvent être de toutes sortes qu'elles aient ou non leur source en droit matrimonial. Les prestations d'entretien (art. 163 et 164 CC) impayées font partie des dettes réciproques au sens de l'art. 205 al. 3 CC qui résultent des effets généraux du mariage (arrêt du Tribunal fédéral 5A_850/2016 du 25 septembre 2017 consid. 2.2 et 2.3), dans la mesure où elles sont antérieures à la dissolution du régime matrimonial (cf. ACJC/255/2020 du 31.01.2020 consid. 3.2.1).

Ainsi, même si les créances d'entretien reposent sur un jugement rendu sur mesures protectrices de l'union conjugale, il incombe au juge du divorce de condamner l'époux débiteur au paiement des contributions d'entretien en souffrance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_690/2012 du 26 mars 2013 consid. 4).

Les contributions d'entretien sont dues à l'enfant et sont versées durant sa minorité à son représentant légal ou au parent qui en assume la garde (art. 289 al. 1 CC). Le créancier de l'entretien est donc l'enfant lui-même (arrêts du Tribunal fédéral 5D_103/2009 du 20 août 2009 consid. 1.3 et la référence; 5C.314/2001 du 20 juin 2002 consid. 9 non publié aux ATF 128 III 305), même si, durant sa minorité, son représentant légal est en droit de les réclamer en son propre nom et à la place de l'intéressé ("Prozessstandschaft"; ATF 136 III 365 consid. 2.2).

3.2 En l'espèce, le présent litige porte sur le paiement d'arriérés de contribution qui seraient dû pour l'année 2013, l'appelante soutenant que l'intimé lui devrait un montant de 28'866 fr. 30 à ce titre, ce que ce dernier conteste. Dans ses plaidoiries finales de première instance, l'appelante a exposé que ce montant se décomposait en 16'259 fr. 18 d'arriérés de contribution en sa faveur, 1'037 fr. d'arriérés de contribution en faveur de l'enfant L______, 984 fr. 60 en faveur de chacune des jumelles I______ et J______.

Il est constant que le Tribunal a, par jugement de mesures protectrices de l'union conjugale JTPI/14444/2013 du 30 octobre 2013, condamné l'intimé à payer à l'appelante des contributions d'entretien d'un montant mensuel de 6'400 fr. à compter du 1er janvier 2013, dont 3'400 fr. pour son entretien et 3'000 fr. pour les enfants L______, I______ et J______, alors mineurs.

Ultérieurement, une procédure de divorce a été ouverte entre les parties, à l'issue de laquelle le Tribunal a rendu le jugement JTPI/17646/2019 du 10 décembre 2019, aux termes duquel il a notamment dissous le mariage des parties, condamné l'appelante à verser certains montants à l'intimé et dit que, pour le surplus, le régime matrimonial des parties était liquidé.

Au vu de la jurisprudence claire du Tribunal fédéral citée ci-avant, la liquidation du régime matrimonial inclut la liquidation des dettes d'entretien entre époux antérieures à la dissolution du régime matrimonial, laquelle rétroagit au jour du dépôt de la demande en divorce, soit le 10 décembre 2014 en l'espèce.

Il en découle que, dans la mesure où les créances d'entretien que l'appelante prétend détenir – lesquelles se rapportent à l'année 2013 – sont antérieures au moment de la dissolution du régime matrimonial, il appartenait à l'appelante de les faire valoir dans la procédure de divorce. Faute de l'avoir fait, elle est réputée y avoir renoncé et ne peut plus les invoquer ultérieurement, le jugement de divorce ayant autorité de chose jugée.

L'appelante ne peut être suivie lorsqu'elle affirme que la quotité des contributions d'entretien ne pouvait être déterminée durant la procédure de divorce, car les mesures protectrices de l'union conjugale déployaient encore leur effet. En effet, dans la mesure où elle ne réclame que des arriérés se rapportant à l'année 2013, leur montant lui était connu au moment de la procédure de divorce introduite en décembre 2014. De même, le fait que les mesures d'instructions aptes à déterminer la quotité des arriérés réclamés auraient prolongé la procédure de divorce déjà longue ne saurait faire obstacle à l'autorité de chose jugée du jugement rendu à son issue.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a déclaré irrecevable l'action en paiement de l'appelante, en tant qu'elle porte sur la contribution à son entretien propre.

En revanche, c'est à raison que l'appelante relève que les contributions d'entretien dues à ses enfants – mineurs ou non – ne pouvaient être intégrées à la liquidation du régime matrimonial, dans la mesure où il ne s'agit pas de dettes entre époux visées par l'art. 205 al. 3 CC (cf. ACJC/346/2022  du 30 mars 2022 consid. 9.1).

Aussi, le jugement de divorce, en tant qu'il liquide le régime matrimonial des parties, ne porte pas sur les arriérés de contributions d'entretien des enfants des parties et ne déploie, en conséquence, pas autorité de chose jugée sur cette question, de sorte que l'action de l'appelante est recevable en tant qu'elle porte sur les arriérés dus en faveur de ses enfants en 984 fr. 60, 984 fr. 60 et 1'037 fr.

4. L'appelante reproche au premier juge d'avoir considéré qu'elle n'avait pas la qualité de représenter ses enfants I______ et J______, devenues majeures, dans le cadre du recouvrement des contributions qui seraient dues par l'intimé pour leur entretien. Elle reproche également au Tribunal de n'avoir rien dit s'agissant de la contribution d'entretien qui serait due à l'enfant L______. Elle soutient en appel avoir toujours agi en accord avec ses enfants, qui auraient avalisé sa démarche judiciaire et lui auraient donné mandat d'aller de l'avant "dans le sens de la reconnaissance du bien-fondé des arriérés de pension en question", précisant que ses enfants étaient disposés à lui délivrer une confirmation écrite du mandat.

L'intimé soutient quant à lui que, pour autant que la demande soit déclarée recevable, elle devrait être rejetée faute pour l'appelante de disposer de la légitimation active pour faire valoir les créances d'entretien des enfants I______ et J______, majeures au moment du dépôt de la demande en paiement objet de la présente procédure. L'allégation de l'appelante en appel selon laquelle ces dernières lui auraient donné mandat de les représenter constituerait un fait nouveau présenté tardivement, qui serait partant irrecevable. Dans la mesure où l'appelante n'avait pas distingué, dans les conclusions de sa demande, ce qui serait dû pour son entretien propre et ce qui serait dû pour l'entretien de ses enfants, le Tribunal ne pouvait que la débouter entièrement.

4.1.1 La légitimation active ou passive dans un procès civil relève du fondement matériel de l'action; elle appartient au sujet (actif ou passif) du droit invoqué en justice et son absence entraîne, non pas l'irrecevabilité de la demande, mais son rejet (arrêt du Tribunal fédéral 4A_145/2016 du 19 juillet 2016 consid. 4.1). Elle s'examine d'office et librement, dans la limite des faits allégués et établis lorsque le litige est soumis à la maxime des débats (ATF 130 III 550 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_217/2017 du 4 août 2017 consid. 3.4.1).

4.1.2 La qualité pour agir en paiement de contributions d'entretien appartient à l'enfant (art. 279 al. 1 CC). Lorsqu'un enfant est majeur avant l'introduction de la procédure, il doit agir par la voie de l'action judiciaire en aliments pour fixer sa contribution d'entretien. En revanche, lorsque l'enfant devient majeur en cours de procédure, la faculté d'agir du parent qui détenait l'autorité parentale (art. 304 CC) perdure au-delà de la majorité de l'enfant, pour autant que ce dernier approuve les prétentions réclamées (ATF 139 III 401 consid. 3.2.2; 129 III 55 consid. 3.1.; arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2014 du 8 mai 2015 consid. 2.1).

Hormis la situation décrite ci-dessus, l'enfant est seul légitimé, dès son accession à la majorité, à réclamer une contribution d'entretien, judiciairement ou par la voie de l'exécution forcée, même si sa prétention concerne une période antérieure à sa majorité, la question de savoir si la capacité d'agir du parent perdure lorsqu'il a lui-même initié la procédure d'exécution forcée (voire la procédure de mainlevée) alors que l'enfant était encore mineur a été laissé ouverte par le Tribunal fédéral dans l'arrêt ATF 142 III 78 (cf. consid. 3.3).

En tout état, le dispositif du jugement doit toutefois énoncer que les contributions d'entretien seront payées en mains de l'enfant (ATF 139 III 401 consid. 3.2.2; 129 III 55 consid. 3.1.3 à 3.1.5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_959/2013 du 1er octobre 2014 consid. 7.2).

4.2.1 En l'occurrence, lorsque la présente procédure a été initiée par le dépôt de la requête de conciliation le 12 novembre 2019, les enfants I______ et J______ étaient déjà majeures, de sorte que l'appelante ne disposait pas de la capacité d'agir en leur nom pour le recouvrement d'arriérés de contributions d'entretien en leur faveur, quand bien même ces arriérés portaient sur la période où elles étaient mineures.

La simple allégation de l'appelante présentée en appel selon laquelle, elle aurait toujours agi avec l'accord de ses enfants est insuffisante à fonder un pouvoir de représentation, étant entendu qu'en tout état l'appelante a agi en son propre nom.

4.2.2 Reste la question des prétentions de l'appelante relatives aux arriérés de contributions d'entretien dus en faveur de l'enfant L______. Celui-ci était mineur au moment de l'introduction de l'instance et est devenu majeur en cours de procédure, le ______ 2020.

La question de savoir si son accès à la majorité en cours de procédure a eu pour effet d'anéantir la légitimation active de l'appelante pour recouvrer les prétendus arriérés de contribution d'entretien en sa faveur peut souffrir de demeurer indécise.

En effet, l'appelante a conclu à ce que l'intimé soit condamné à lui payer le montant des arriérés de contributions d'entretien, alors que ceux-ci devraient – pour autant qu'ils soient dus – être versés à l'enfant L______ directement, celui-ci étant désormais majeur.

Aussi, dans la mesure où la Cour, de même que le Tribunal, ne peut, en application du principe de disposition, attribuer autre chose aux parties que ce qui ressort de leurs conclusions, les prétentions élevées par l'appelante quant aux prétendus arriérés de contribution d'entretien en faveur de l'enfant L______ doivent être rejetées, dès lors qu'elle conclut à ce que le montant lui soit payé à elle directement.

Par conséquent, la conclusion en paiement de l'appelante doit être rejetée dans la mesure de sa recevabilité, et le chiffre 1 du dispositif du jugement entrepris confirmé par substitution de motifs.

5. L'appelante reproche au premier juge d'avoir mis à sa charge les dépens, et de les avoir fixé à 4'000 fr., soit au double du montant fixé lors du jugement JTPI/9934/2020 du 17 août 2020, alors qu'elle émargerait à l'aide sociale. Il s'agirait, selon elle, d'une manière de la sanctionner pour l'appel qu'elle avait formé et d'un acharnement à son encontre.

5.1 Les frais (frais judiciaires et dépens) sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 1ère phrase CPC). Les dépens comprennent notamment le défraiement d’un représentant professionnel. Les cantons fixent le tarif des frais (art. 96 CPC).

Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC) ou lorsque des circonstances particulières rendent la répartition en fonction du sort de la cause inéquitable (art. 107 al. 1 let. f CPC).

Conformément à l'art. 84 RTFMC, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé. Selon l'art. 85 RTFMC, pour une valeur litigieuse comprise entre 20'000 fr. et 40'000 fr., le défraiement s'élève à 2'400 fr. plus 11% de la valeur litigieuse dépassant 20'000 fr. Il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC.

Les débours nécessaires sont estimés, sauf éléments contraires, à 3% du défraiement et s'ajoutent à celui-ci (art. 25 LaCC). Les dépens sont fixés d'après le dossier en chiffres ronds incluant la taxe sur la valeur ajoutée (art. 26 al. 1 LaCC).

5.2 En l'espèce, l'appelante ne conteste pas le montant des frais judiciaires. Seuls le principe et la quotité des dépens sont ici litigieuses.

Quant au principe, dans la mesure où l'appelante a intégralement succombé, il se justifiait de lui faire supporter les dépens de l'intimé. Le fait qu'il s'agisse d'un litige portant sur des prétendus arriérés de contributions d'entretien, soit un litige relevant du droit de la famille, n'y fait pas obstacle, de même que le fait qu'elle émarge à l'aide sociale.

Reste la question de la quotité des dépens.

La valeur litigieuse de la présente procédure s'élève à 28'866 fr. 30. Aussi les dépens, hors TVA et débours, doivent, à rigueur du calcul prescrit par le RTFMC, s'élever à 3'375 fr. 29 (2'400 + [11% * 8'866 fr. 30]). A ce montant, il convient d'ajouter la TVA en 7,7% ainsi que les débours en 3%, soit une majoration totale de 10,7%, ce qui porte le montant des dépens, TVA et débours inclus, à 3'736 fr. 45, étant précisé que le Tribunal pouvait s'écarter de ce montant de plus ou moins 10%.

En l'espèce, il se justifiait de majorer quelque peu ce montant et de l'arrondir à 4'000 fr., afin de tenir compte du travail supplémentaire causé par le renvoi de la cause en première instance. Le montant des dépens fixés dans le premier jugement (avant le renvoi de l'affaire au Tribunal par la Cour) n'est par ailleurs pas déterminant, dans la mesure où il a été annulé et où, en tout état, il ne prend pas en considération le travail de défense fourni après le renvoi de la cause en première instance.

Le grief de l'appelante sera donc rejeté et le jugement querellé intégralement confirmé sur ce point.

5.3 Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 1'800 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et entièrement compensés avec l'avance effectuée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

L'appelante sera, en outre, condamnée aux dépens d'appel de l'intimé, arrêtés à 2'000 fr., TVA et débours compris, au regard notamment de l'importance de la cause et de l'activité déployée par le conseil de l'intéressé (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 20, 25 et 26 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme et au fond :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/2595/2022 rendu le 28 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25602/2019.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais de la procédure à 1'800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance effectuée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à payer 2'000 fr. à C______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.