Décisions | Chambre civile
ACJC/614/2023 du 10.05.2023 sur OTPI/824/2022 ( SDF )
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/6662/2022 ACJC/614/2023 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MERCREDI 10 MAI 2023 |
Entre
Madame A______, domiciliée ______, appelante d’une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 décembre 2022, comparant par Me Bénédicte AMSELLEM-OSSIPOW, avocate, rue Sautter 29, case postale 244, 1211 Genève 12, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile,
et
Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par Me Aurélie GAVILLET, avocate, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile.
Vu, EN FAIT, l’ordonnance OTPI/824/2022 du 7 décembre 2022, par laquelle le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant d’entente entre les parties sur mesures provisionnelles, a réservé à B______ un droit de visite à quinzaine sur l’enfant C______, née le ______ 2021, au sein du Point rencontre, en modalité « un pour un » (chiffre 1 du dispositif), instauré une curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 2), transmis le jugement au Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant afin qu’il procède à la désignation d’un curateur (ch. 3), réservé la décision du Tribunal quant à la prise en charge de l’émolument éventuel de la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles (ch. 4), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais judiciaires (ch. 5), n’a pas alloué de dépens (ch. 6) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7);
Attendu que le 2 février 2023, A______ a formé appel contre cette ordonnance, reçue le 19 janvier 2023, concluant à son annulation et « statuant à nouveau en reprenant et complétant le dispositif du Tribunal civil avec les points suivants : ordonner à B______ de présenter à A______, à la personne qui aura la charge de la curatelle d’organisation et de surveillance des relations personnelles ainsi qu’au Point rencontre la preuve de son suivi médical régulier, en particulier par un service en addictologie ; ordonner à B______ de prouver, par un moyen reconnu, l’absence de prise d’alcool avant chaque Point rencontre ; mettre à la charge du cité les frais de la procédure »;
Que dans sa réponse du 2 mars 2023, B______ a conclu à la confirmation de l’ordonnance attaquée et au déboutement de l’appelante de ses conclusions;
Que le 13 avril 2023, A______ a sollicité l’octroi de l’effet suspensif s’agissant du chiffre 1 du dispositif de l’ordonnance attaquée, ainsi qu’une expertise, en raison de faits nouveaux;
Qu’elle a allégué que la première visite au Point rencontre avait été fixée au 19 février 2023, mais repoussée au 19 mars 2023, en raison premièrement du fait qu’elle avait préalablement eu besoin de s’entretenir avec le Service de protection des mineurs et les intervenants du Point rencontre afin d’être rassurée, puis du fait que C______ avait été malade ; que la première visite avait par conséquent eu lieu le 19 mars 2023 ; que ce jour-là, C______ avait été laissée durant une heure avec son père, qu’elle n’avait plus revu physiquement depuis le mois de janvier 2022, ainsi qu’avec un intervenant qu’elle ne connaissait pas ; que l’enfant avait éclaté en sanglots lors de la séparation d’avec sa mère, puis avait quasiment pleuré durant tout le temps de la visite, se calmant essentiellement dans les bras de l’intervenant et se détournant de son père ; que le lendemain, l’enfant s’était également mise à pleurer lorsque sa mère l’avait laissée chez sa grand-mère, alors qu’elle était pourtant habituée à ce mode de garde ; qu’un nouveau Point rencontre avait été organisé le 2 avril 2023 ; que l’enfant s’était mise à hurler dès qu’elle avait reconnu les lieux, puis avait vomi ; que l’appelante était par conséquent repartie avec la mineure, en accord avec l’intervenante du Point rencontre ; que depuis lors, l’enfant avait régressé dans son développement, notamment s’agissant du langage et avait peur des personnes qu’elle ne connaissait pas;
Qu’à l’appui de ses allégations, l’appelante a produit un courriel adressé le 12 avril 2023 par D______, sœur de l’appelante, au conseil de cette dernière, relatant les faits repris ci-dessus;
Que dans ses déterminations sur effet suspensif et sur expertise du 1er mai 2023, B______ a conclu au déboutement de sa partie adverse;
Qu’il a notamment allégué que A______ mettait tout en œuvre afin d’empêcher les relations personnelles entre lui-même et sa fille ; qu’il n’avait vu l’enfant qu’à une seule reprise, soit le 19 mars 2023, alors que six rencontres avaient été prévues depuis le début de l’année 2023 et que lui-même s’était régulièrement présenté, ce qui n’avait pas été le cas de l’appelante ; que pour le surplus, il a soutenu que les pleurs en cas de séparation, ainsi que la peur des inconnus, font partie du développement normal d’un enfant;
Considérant, EN DROIT, que la Cour est saisie d'un appel au sens de l'art. 308 CPC;
Que l’ordonnance querellée portant sur des mesures provisionnelles, l'appel n'a pas d'effet suspensif ex lege (art. 315 al. 4 let. b CPC);
Qu'à teneur de l'art. 315 al. 5 CPC, l'exécution de mesures provisionnelles peut exceptionnellement être suspendue si la partie concernée risque de subir un préjudice difficilement réparable;
Que selon les principes généraux applicables en matière d'effet suspensif, le juge procèdera à une pesée des intérêts en présence et se demandera en particulier si sa décision est de nature à provoquer une situation irréversible;
Que le père ou la mère qui ne détient pas l'autorité parentale ou la garde ainsi que l'enfant mineur ont réciproquement le droit d'entretenir les relations personnelles indiquées par les circonstances (art. 273 al. 1 CC);
Qu’autrefois considéré comme un droit naturel des parents, le droit aux relations personnelles est désormais conçu à la fois comme un droit et un devoir de ceux-ci (art. 273 al. 2 CC), mais aussi comme un droit de la personnalité de l'enfant; il doit servir en premier lieu l'intérêt de celui-ci (ATF 127 III 295 consid. 4a; 123 III 445 consid. 3b) ; c'est pourquoi le critère déterminant pour l'octroi, le refus et la fixation des modalités du droit de visite est le bien de l'enfant, et non une éventuelle faute commise par le titulaire du droit (vez, Le droit de visite – Problèmes récurrents, in Enfant et divorce, 2006, p. 101 ss, 105);
Qu’en l’espèce, le droit de visite réservé au père, devant s’exercer au sein du Point rencontre, a été instauré sur mesures provisionnelles, d’accord entre les parties;
Que l’appelante n’a pas sollicité l’effet suspensif d’entrée de cause dans le cadre de son appel, ce qui ne permet pas de retenir, contrairement à ce qu’a soutenu l’intimé, qu’elle mettrait tout en œuvre pour entraver le droit de visite;
Que la requête d’effet suspensif a été formée plus de deux mois après le dépôt de l’appel, au motif qu’une première visite s’était mal passée et qu’une deuxième n’avait pu avoir lieu en raison des pleurs et vomissements de l’enfant;
Que l’intimé n’a pas contesté ces faits, mais considère que les pleurs et la peur des inconnus font partie du développement normal d’un jeune enfant;
Que conformément à ce qui a été exposé ci-dessus, le droit de visite doit en premier lieu servir l’intérêt de l’enfant et non celui du parent qui en bénéficie ; que l’enfant C______ est actuellement âgée de moins de deux ans ; que le fait de pleurer et de vomir durant la visite ou dès son arrivée au Point rencontre ne lui permet pas de profiter du temps qu’elle devrait passer avec son père ; qu’au contraire, de telles situations, si elles devaient perdurer, risqueraient de mettre en péril son bon développement;
Qu’en l’état, il se justifie par conséquent de suspendre l’effet exécutoire attaché au chiffre 1 de l’ordonnance attaquée;
Qu’en ce qui concerne la requête d’expertise, elle sera examinée dans le cadre de l’arrêt au fond;
Qu'il sera statué sur les frais et dépens liés à la présente décision avec l'arrêt au fond (art. 104 al. 3 CPC).
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La Chambre civile :
Statuant sur requête de suspension du caractère exécutoire de l'ordonnance
entreprise :
Ordonne la suspension du caractère exécutoire attaché au chiffre 1 du dispositif de l'ordonnance OTPI/824/2022 rendue le 7 décembre 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/6662/2022.
Rejette la requête pour le surplus.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'arrêt rendu sur le fond.
Siégeant :
Madame Paola CAMPOMAGNANI, présidente; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.
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Indication des voies de recours :
La présente décision, incidente et de nature provisionnelle (ATF 137 III 475 consid. 1 et 2), est susceptible d'un recours en matière civile (art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005; LTF – RS 173.110), les griefs pouvant être invoqués étant toutefois limités
(art. 93/98 LTF), respectivement d'un recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF). Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.