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Décisions | Chambre civile

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C/463/2020

ACJC/131/2023 du 31.01.2023 sur JTPI/8578/2022 ( OO )

Normes : CPC.99.al1.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/463/2020 ACJC/131/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 31 JANVIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 juillet 2022 et citée sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens, comparant par Me Stéphane VOISARD, avocat, Bratschi SA, Rue du Général-Dufour 20, Case postale, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ LTD, sise ______, ÎLES MARSHALL, intimée et requérante sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens, comparant par Me Olivier CARRARD, avocat, CMS von Erlach Partners SA, Rue Bovy-Lysberg 2, Case postale 5067,
1211 Genève 3, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement du 13 juillet 2022, le Tribunal de première instance a condamné A______ SA à payer à B______ LTD la somme de 52'018,04 USD plus intérêts à 5% l'an dès le 4 juillet 2018 (ch. 1 du dispositif), prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______ (ch. 2), mis à la charge de A______ SA les frais judiciaires, arrêtés à 5'560 fr., et condamné A______ SA à payer ce montant à B______ LTD à titre de restitution des avances de frais (ch. 3) ainsi que 6'300 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B______ LTD réclamait le paiement de sa facture finale de 52'018,04 USD du 14 juin 2018 à A______ SA, qui ne l'avait pas payée, ainsi que la mainlevée de l'opposition formée par A______ SA au commandement de payer, poursuite n° 1______, d'un montant total de 51'339 fr. 34 correspondant au montant de la facture précitée du 14 juin 2018 converti à la date du "4 novembre 2019 à 15h23".

B. Par acte expédié à la Cour de justice le 2 novembre 2022, A______ SA a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à son annulation et au rejet de la requête de mainlevée définitive du 4 octobre 2019, subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal, le tout avec suite de frais.

C. a. Le 11 novembre 2022, B______ LTD a déposé une requête de sûretés en garantie des dépens. Elle a conclu, avec suite de frais, à la condamnation de A______ SA à verser aux Services financiers du Pouvoir judiciaire la somme de 4'770 fr. 85 à titre de sûretés.

Elle a allégué qu'il ressortait de l'extrait du registre des poursuites du 8 novembre 2022 que A______ SA faisait l'objet de trente-neuf poursuites en cours pour au moins 562'966 fr. 74. Vingt faisaient l'objet d'une réalisation en cours, onze n'avaient pas pu être notifiées et huit faisaient l'objet d'une opposition. La majorité des poursuites concernaient des créances de droit public. Sa situation financière était dès lors mauvaise, voire problématique pour sa survie.

Elle a invoqué l'art. 99 al. 1 let. b et d CPC à l'appui de sa requête.

b. Dans sa réponse du 3 janvier 2023, A______ SA a indiqué qu'elle contestait intégralement les allégations de fait de la requête et s'en rapportait à justice pour le surplus.

c. Le 24 janvier 2023, les parties ont été informées par la Cour de ce que la cause était gardée à juger sur requête en fourniture de sûretés.


 

EN DROIT

1. 1.1 La requête de sûretés a été déposée selon la forme prescrite, de sorte qu'elle est recevable.

1.2 La requête de sûretés est soumise à la procédure sommaire (ACJC/244/2018 du 26 février 2018 consid. 1.2; ACJC/794/2017 du 16 juin 2017; ACJC/818/2015 du 8 juillet 2015 consid. 2.5.1; ACJC/1405/2012 du 28 septembre 2012 consid. 1; Rüegg/Rüegg, Basler Kommentar ZPO, 3ème éd. 2017, n. 4 ad art. 100 CPC). Le juge se fondera essentiellement sur les allégations et preuves des parties (ACJC/938/2015 du 20 août 2015 consid. 2.1).

2. La requérante soutient que la citée est, si ce n'est insolvable, à tous le moins en difficulté financière, ce qui justifie la fourniture de sûretés sur la base de l'art. 99 al. 1 let b ou d CPC.

2.1 L'art. 99 al. 1 CPC, également applicable en appel et en recours cantonal (ATF 141 III 554 consid. 2.5.1; arrêt 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.2 et 2.3), dispose que le demandeur (respectivement l'appelant ou le recourant) doit, sur requête du défendeur (respectivement de l'intimé), fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens lorsqu'il paraît insolvable, notamment en raison d'une mise en faillite, d'une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d'actes de défaut de biens (let. b) ou lorsque d'autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés (let. d).

Est insolvable au sens de l'art. 99 al. 1 let. b CPC la personne qui ne dispose ni des liquidités nécessaires pour faire face à ses dettes exigibles, ni du crédit lui permettant de se procurer les moyens nécessaires (ATF 111 II 206 consid. 1). Au sens de cette norme, il suffit, selon le Code de procédure civile, que l'intéressé paraisse insolvable. La vraisemblance suffit et la preuve peut être rapportée par indices (Tappy, Commentaire romand, CPC, 2ème éd., 2019, n. 29 ad art. 99 CPC). Le texte de l'art. 99 al. 1 let. b CPC précise que l'insolvabilité est vraisemblable lorsque l'intéressé fait l'objet d'une déclaration de faillite, d'une procédure concordataire en cours ou d'actes de défaut de biens délivrés. Peu importe qu'il s'agisse d'actes de défaut de biens provisoires et un seul suffit malgré le pluriel utilisé dans le texte légal (Tappy, op. cit., n. 28 ad art. 99 CPC).

Selon l'art. 99 al. 1 let. d CPC, le demandeur doit par ailleurs fournir des sûretés en garantie des dépens lorsque d'autres raisons que celles figurant sous lettres a à c font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés. Cette disposition est une clause générale. Celle-ci peut notamment être réalisée lorsque les indices de difficultés financières sont insuffisants pour que le demandeur apparaisse insolvable au sens de l'art. 99 al. 1 let. b CPC. Tel peut par exemple être le cas si une partie fait l'objet de multiples commandements de payer pour des causes diverses, si elle a eu besoin d'un sursis ou d'une remise concernant les frais d'une autre procédure ou si elle fait l'objet de saisies de salaire en cours. Dans le cadre d'une action en libération de dette notamment, laquelle est fréquemment intentée par un mauvais payeur cherchant à gagner du temps, les indices précités revêtiront un poids particulier (Tappy, op. cit., n. 32 et 39 ad art. 99 CPC). L'existence du risque considérable de non-paiement des dépens au sens de l'art. 99 al. 1 let. d CPC est laissée à l'appréciation du juge (arrêt du Tribunal fédéral 5A_221/2014 du 10 septembre 2014 consid. 3).

2.2 En l'espèce, l'appelante, citée sur requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens, indique dans sa réponse qu'elle conteste les allégués de fait de l'intimée, sans fournir toutefois davantage d'explications. Dans la mesure où la requête se fonde essentiellement sur un extrait du registre des poursuites établi par l'Office cantonal des poursuites, dont l'inexactitude n'est pas établie, les faits qui en résultent doivent être considérés comme suffisamment prouvés (cf. art. 8 al. 2 LP).

Il ressort dudit extrait que la citée fait l'objet de très nombreuses poursuites, par divers créanciers, pour un montant total de plusieurs centaines de milliers de francs. Si les conditions d'application de l'art. 99 al. 1 let. b CPC ne sont pas réunies, celles de l'art. 99 al. 1 let. d CPC le sont en tout cas. Il appartient dès lors à la citée, qui ne le conteste pas de manière motivée, de fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel de la requérante.

3. La requérante chiffre le montant des sûretés réclamées à 4'770 fr. 85.

3.1 Les sûretés doivent couvrir en principe les dépens présumés que les appelants auraient à verser aux intimés en cas de perte totale du procès (TAPPY, op. cit. n. 7 ad art. 100 CPC; RÜEGG, op. cit., n° 5 ad art. 99 CPC). Selon l'art. 95 al. 3 CPC, les dépens comprennent les débours nécessaires (let. a), le défraiement d'un représentant professionnel (let. b) et lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (let. c).

Le tarif des frais, qui comprend celui des dépens, est fixé par les cantons (art. 95 al. 1 et 96 CPC).

Selon le règlement fixant le tarif des frais en matière civile du canton de Genève, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse, laquelle est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC; art. 20 al. 1 LaCC).

Pour une valeur litigieuse au-delà de 40'000 fr. et jusqu'à 80'000 fr., le défraiement d'un représentant professionnel est de 6'100 fr. plus 9% de la valeur litigieuse dépassant 40'000 fr. (art. 85 RTFMC).

Pour les procédures d'appel ou de recours, le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 RTFMC (art. 90 RTFMC).

3.2 En l'espèce, la valeur litigieuse pertinente pour le calcul des sûretés peut être chiffrée à 51'339 fr.

En application des art. 85 et 90 RTFMC, le défraiement auquel la requérante pourrait prétendre en cas de gain du procès serait, en chiffres ronds, de 7'120 fr., soit un chiffre compris entre 2'373 fr. et 4'746 fr. après réduction selon l'art. 90 RTFMC. A ce montant s'ajoutent des débours (art. 25 LaCC), mais pas la TVA (art. 26 LaCC), vu que la requérante a son siège à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015 du 3 mars 2016).

La citée n'a pas contesté, en lui-même, le montant réclamé de 4'770 fr., qui est conforme aux dispositions réglementaires précitées et sera donc admis.

Les sûretés ainsi fixées devront être fournies par les citées en espèces, auprès des Services financiers de l'Etat de Genève, ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse (art. 100 al. 1 CPC) et ce dans un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt (art. 101 al. 1 CPC).

4. La citée, qui succombe – dans la mesure où elle s'en est rapportée à justice mais n'a pas acquiescé expressément à la requête (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_583/2018 du 18 janvier 2019, consid. 6) –, sera condamnée aux frais judiciaires de la présente décision (art. 106 al. 1 CPC), arrêtés à 300 fr. (art. 21 RTFMC) et compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Elle sera condamnée à verser ce montant à la requérante.

L'intimée sera également condamnée aux dépens de l'appelante, arrêtés à 800 fr. (art. 85 et 88 RTFMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens formée par B______ LTD dans la cause C/463/2020.

Au fond :

Condamne A______ SA à fournir des sûretés en garantie des dépens d'appel de B______ LTD à hauteur de 4'770 fr., en espèces auprès des Services financiers du Pouvoir judiciaire ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse.

Impartit à A______ SA un délai de 30 jours à compter de la notification du présent arrêt pour constituer les sûretés ainsi fixées.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la présente décision à 300 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de même montant, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser à B______ LTD la somme de 300 fr. à titre de frais judiciaires.

Condamne A______ SA à verser à B______ LTD la somme de 800 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président, Madame Paola CAMPOMAGNANI et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, Madame Valérie BOCHET MARCHAND, greffière.


 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les
art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.