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Décisions | Chambre civile

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C/6766/2014

ACJC/244/2018 du 26.02.2018 sur JTPI/7251/2017 ( OO )

Descripteurs : SÛRETÉS ; OBSERVATION DU DÉLAI ; SUSPENSION DE LA PROCÉDURE ; GARANTIE RÉELLE ; DÉPENS
Normes : CPC.99
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/6766/2014 ACJC/244/2018

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du LUNDI 26 FEVRIER 2018

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ Genève, appelant d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er juin 2017 et cité sur requête en fourniture de sûretés, comparant par Me G______, avocat, ______ Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

1) Monsieur B______, domicilié ______(GE), intimé et requérant sur requête en fourniture de sûretés, comparant par Me Claudio Fedele, avocat, rue Saint-Léger 6, case postale, 1211 Genève 4, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

2) Monsieur C______, p.a. D______, ______ Genève, autre intimé et requérant sur requête en fourniture de sûretés, comparant par Me Miguel Oural, avocat, route de Chêne 30, 1211 Genève 1, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Le 4 avril 2014, A______ a ouvert devant le Tribunal de première instance de Genève une action en responsabilité délictuelle contre B______, C______ et la E______ en vue d'être indemnisé pour le dommage qu'il soutenait avoir subi à la suite de son éviction du restaurant qu'il exploitait. Il a pris des conclusions non chiffrées, un expert devant être chargé de les chiffrer à la valeur hypothétique du restaurant au 31 décembre 2025.

Il a fait valoir en tout cas un dommage de 2'880'000 fr. à titre de gain manqué (qu'il aurait pu réaliser s'il avait conservé l'exploitation du restaurant jusqu'au 31 décembre 2025 [144'000 fr. x 20]), 1'500'000 fr. correspondant à la moitié du produit de la vente du restaurant, 250'000 fr. pour ses frais d'avocat dans les diverses procédures et 150'000 fr. à titre de tort moral, soit un montant total de 4'780'000 fr.

Il a allégué que B______ s'était approprié le restaurant, alors qu'il n'y avait aucun droit, en ayant eu recours à l'escroquerie et à la contrainte, que Me C______, qui savait qu'il était le concubin et associé de F______, avait présenté en justice une version mensongère des faits, ce qui lui avait permis d'instrumentaliser la justice et de permettre la spoliation du restaurant à son détriment et qu'enfin, la bailleresse, la E______, avait autorisé la reprise du commerce sans le consulter alors qu'elle savait qu'il en était l'associé et s'opposait à la vente de celui-ci.

b. Par décision du Vice-Président du Tribunal civil du 15 avril 2014, A______ a été mis, pour cette action en responsabilité, au bénéfice de l'assistance judiciaire, qui a été limitée aux premières plaidoiries, Me G______ lui étant désigné comme avocat d'office.

c. Le Tribunal de première instance a condamné A______, par ordonnance du 5 janvier 2015, à fournir des sûretés en garantie des dépens de 50'000 fr. à B______, de 57'000 fr. à C______ et de 51'400 fr. à la E______.

d. Statuant sur une requête d'extension de l'assistance judiciaire formée par A______, le Vice-Président du Tribunal civil l'a exonéré partiellement de l'obligation de fournir des sûretés à concurrence de 38'000 fr. pour les deux premiers défendeurs et a rejeté entièrement sa requête d'exonération en ce qui concernait la E______. Il a exclu que les conclusions du demandeur à l'encontre de cette dernière aient des chances de succès (absence d'acte illicite) et il a limité à 1'250'000 fr. les postes du dommage du demandeur qui avaient des chances de succès à l'encontre des deux autres défendeurs.

e. Statuant sur recours de A______ le 28 septembre 2015, le Vice-président de la Cour de justice a exonéré partiellement celui-ci de l'obligation de fournir des sûretés à concurrence de 40'500 fr. à chacun des deux premiers défendeurs et a refusé toute exonération à l'égard de la E______. Il a également considéré que la demande était dépourvue de chances de succès à l'encontre de cette dernière et a ajouté un poste de dommage de 250'000 fr. pour frais d'avocats qui avait également des chances de succès à l'égard des deux autres défendeurs.

B. Par jugement du 1er juin 2017, le Tribunal de première instance a dit que l'action déposée par A______ le 4 avril 2014 à l'encontre de B______ et C______ était prescrite (ch. 1 du dispositif), débouté en conséquence A______ de ses conclusions (ch. 2), statué sur les frais judiciaires et les dépens (ch. 3 à 5), ordonné la libération des sûretés en faveur de C______ à hauteur de 16'500 fr. et en faveur de B______ à hauteur de 12'000 fr. (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7);

C. a. Par acte expédié au greffe de la Cour le 6 juillet 2017, A______ a formé appel contre ce jugement. Il a conclu, principalement, à son annulation et, cela fait, à ce qu'il soit dit qu'aucune prescription n'était intervenue dans cette cause et, si mieux n'aimait la Cour, à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause au Tribunal ou encore, à ce que différentes preuves soient administrées et, cela fait, à ce que le jugement attaqué soit annulé et à ce qu'il soit dit qu'aucune prescription n'était intervenue, le tout avec suite de frais.

b. Le 19 septembre 2017, C______ a formé une requête en fourniture de sûretés à l'encontre de A______. Il a invoqué que celui-ci était obéré et a réclamé qu'il soit condamné à fournir une somme de 57'208 fr. à titre de sûretés en garantie de ses dépens.

Il a produit un extrait du registre des poursuites concernant A______, lequel fait état de 38 actes de défaut de biens après saisie délivrés à son encontre.

c. Le 20 septembre 2017, B______ a également formé une requête en fourniture de sûretés, fondée sur le même motif, aux termes de laquelle il a conclu à la condamnation de A______ à fournir un montant de 50'000 fr. à titre de sûretés en garantie de ses dépens.

d. Par ordonnance du 5 octobre 2017, reçue le lendemain par A______, la Cour lui a imparti un délai de dix jours dès réception de ladite ordonnance pour se déterminer sur les deux requêtes de sûretés.

e. Le 17 octobre 2017, A______ a déposé ses observations au greffe de la Cour. Il a expliqué, dans un courrier d'accompagnement, qu'un problème informatique avait frappé la veille l'étude de son conseil, rendant impossible toute opération. Il déplorait cette situation indépendante de sa volonté et déposait ses écritures avant même l'heure à laquelle elles auraient été délivrées par la Poste s'il avait pu les imprimer. En toute hypothèse, les pièces étant toujours recevables à ce stade de la procédure, il sollicitait de pouvoir plaider cette cause.

f. B______ a fait valoir que les déterminations de A______ ne contenaient aucun développement nécessitant un commentaire et qu'il renonçait à répliquer. Lesdites déterminations étaient cependant tardives.

g. C______ a considéré que les écritures de A______ étaient tardives et donc irrecevables, relevant qu'aucune prolongation de délai ou demande de restitution n'avait été formée. Pour le surplus, A______ reconnaissait que sa situation était obérée. L'insolvabilité de ce dernier remontait à tout le moins à mai 2000, de sorte qu'il ne pouvait être à l'origine de celle-ci.

h. A______ a contesté que ses écritures étaient irrecevables par courrier du 20 novembre 2017.

i. Le 27 novembre 2017, A______ a sollicité la suspension de la procédure en application de l'art. 126 CPC car des procédures pénales P/1______ et P/2______ avaient été ouvertes pour délit contre l'honneur et que le sort de la présente procédure dépendait du sort desdites procédures, dont il a sollicité l'apport. Il a expliqué que ces deux procédures permettraient d'établir des faits qui auraient une incidence très concrète sur la présente cause, notamment en ce qui concernait la prescription.

j. Par courrier du 4 décembre 2017, C______ a persisté à considérer irrecevables les écritures de A______ déposées le 17 octobre 2017.

k. B______ a déclaré ne rien avoir à ajouter sur la question des sûretés et s'opposer à la suspension de la procédure.

l. Le 8 janvier 2018, A______ a répété que ses écritures avaient été reçues par la Cour vraisemblablement avant même la distribution du courrier postal et qu'il avait formé une demande de restitution dans le délai.

m. Les parties ont été informées par avis du greffe de la Cour du 25 janvier 2017 de ce que la cause était gardée à juger sur sûretés.

EN DROIT

1. 1.1 Les requêtes de sûretés ont été déposées selon la forme prescrite, de sorte qu'elles sont recevables.

1.2 La question de la recevabilité de la réponse auxdites requêtes se pose en revanche puisque celle-ci a été déposée après le délai qui avait été imparti au cité pour se déterminer.

Selon l'art. 143 al. 1 CPC, les actes doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai soit au tribunal soit à l'attention de ce dernier, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse.

En l'espèce, aucune prolongation du délai de réponse n'avait été requise. Le cité s'est limité à invoquer un problème informatique pour expliquer le non-respect du délai, sans que son affirmation ne soit d'ailleurs étayée d'une quelconque manière. En outre, l'argument selon lequel ses écritures, déposées au greffe de la Cour, avaient été reçues avant même le moment où elles auraient été délivrées par la Poste ne change rien au fait que le délai n'a pas été observé conformément à ce que prévoit l'art. 143 al. 1 CPC.

Le cité n'a par ailleurs formulé aucune requête de restitution dans le délai de l'art. 148 al. 2 CPC, contrairement à ce qu'il affirme. Le simple fait d'affirmer avoir subi une panne informatique ne constitue pas une telle requête, en l'absence de conclusions en ce sens. Une telle requête aurait, en tout état de cause, dû être rejetée puisque, comme déjà indiqué, le problème informatique invoqué n'est rendu vraisemblable d'aucune manière.

Les déterminations du cité sur la requête de sûretés sont donc irrecevables.

La recevabilité des pièces qui accompagnaient lesdites déterminations n'a quant à elle pas besoin d'être tranchée dans la mesure où elles ne sont pas déterminantes pour l'issue de la requête en fourniture de sûretés en garantie des dépens.

La procédure sommaire est par ailleurs applicable à la procédure relative aux sûretés, ce qui implique une certaine célérité. Il ne se justifie donc pas de donner suite à la demande du cité de plaider cette question, étant relevé qu'il ne fournit, quoi qu'il en soit, aucune explication à l'appui de cette requête qui permettrait de considérer qu'une plaidoirie pourrait être nécessaire.

2. Le cité a sollicité la suspension de la présente procédure en application de l'art. 126 CPC dans l'attente de l'issue des deux procédures pénales. Il invoque qu'elles permettront d'établir des faits qui ont une incidence sur la présente procédure.

Il n'explique cependant pas de quels faits il s'agit ni en quoi ils seraient susceptibles d'avoir une quelconque influence sur la présente procédure.

La requête de suspension sera donc rejetée.

3. Les requérants ont sollicité la fourniture de sûretés en garantie de leurs dépens par le cité au motif qu'il serait obéré.

3.1 Selon l'art. 99 al. 1 let. b CPC, le demandeur – ou l'appelant en deuxième instance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_26/2013 du 5 septembre 2013 consid. 2.2) – qui paraît insolvable, notamment en raison d'une mise en faillite, d'une procédure concordataire en cours ou de la délivrance d'actes de défaut de biens, doit, sur requête du défendeur, fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens, sous réserve des cas prévus (art. 99 al. 3 CPC), soit en cas de procédure simplifiée (art. 243 ss CPC, à l'exception de l'art. 243 al. 1 CPC), de procédure de divorce et de procédure sommaire (art. 248 ss CPC).

3.2 En l'espèce, il ressort des pièces produites par les requérants que le cité fait l'objet de plusieurs poursuites et que plusieurs actes de défaut de biens ont été délivrés à ses créanciers.

Des sûretés avaient en outre déjà été requises du cité et leur fourniture ordonnée pour la procédure de première instance et aucun élément ne permet de retenir que sa situation financière se serait améliorée depuis.

Il doit dès lors être admis que la condition de l'art. 99 al. 1 let. b CPC est remplie.

Il sera encore relevé que les chances de succès de l'appel ne font pas partie des conditions qui doivent être examinées dans le cadre de l'art. 99 CPC, à la différence de ce que prévoit l'art. 117 let. b CPC en matière d'assistance judiciaire. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner le fond de la cause et le bien fondé des prétentions du cité pour se prononcer sur la question des sûretés.

4. Concernant le montant que le cité pourrait être condamné à verser à titre de dépens en deuxième instance, dans l'hypothèse où il succomberait, il y a lieu de relever ce qui suit.

4.1 Selon l'art. 84 RTFMC, le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse; sans effet sur les rapports contractuels entre l'avocat et son client, il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé.

L'art. 85 RTFMC prévoit quant à lui que pour les affaires pécuniaires, le défraiement prend pour base le tarif prévu; sans préjudice de l'art. 23 LaCC, il peut s'en écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des éléments rappelés à l'art. 84 RTFMC.

Selon ledit tarif, pour une valeur litigieuse au-delà de 1'000'000 fr. et jusqu'à 4'000'000 fr., le défraiement s'élève à 31'400 fr., plus 1% de la valeur litigieuse dépassant 300'000 fr.

L'art. 90 RTFMC prévoit quant à lui que le défraiement est réduit dans la règle d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'article 85 RTFMC dans les procédures d'appel et de recours.

Des montants de 3% à titre de débours (art. 25 LaCC) et de 8%, respectivement 7,7% dès le 1er janvier 2018, à titre de TVA (art. 26 al. 1 LaCC) doivent par ailleurs être ajoutés.

4.2 En l'espèce, une valeur litigieuse d'environ 3'000'000 fr. avait été prise en compte pour fixer le montant des sûretés dues en garantie des dépens de première instance et les parties requérantes s'y sont référées.

Une telle valeur litigieuse est susceptible de permettre l'allocation d'un montant de 51'400 fr. à titre de dépens selon l'art. 85 RTFMC.

S'ajoutent à ce montant les débours et la TVA, ce qui porte le montant précité à 57'177 fr., respectivement 57'018 fr. dès le 1er janvier 2018;

Il convient encore de tenir compte de la réduction prévue par l'art. 90 RTFMC, de sorte que le montant de 57'000 fr. précité pourra être réduit à une somme (arrondie) comprise entre 19'000 fr. et 38'000 fr.

Au vu de l'ensemble des circonstances, notamment l'ampleur de la cause, qui est limitée à la question de la prescription des prétentions du cité mais l'appel comporte néanmoins 54 pages, et ses difficultés, qui ne peuvent être considérées comme négligeables, le montant des sûretés mis à la charge de l'appelant, cité sur requête de sûretés, sera fixé à 20'000 fr. en faveur de chacun des requérants, soit 40'000 fr. au total.

L'octroi d'un délai de trente jours pour réunir et communiquer les sûretés fixées dans la présente décision paraît adéquat.

Si les sûretés ne devaient pas être versées à l'échéance d'un délai supplémentaire, la Cour n'entrera pas en matière sur l'appel (art. 101 al. 1 et 3 CPC).

5. Il sera statué sur les frais et dépens de l'incident avec la décision au fond (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur requêtes en constitution de sûretés en garantie des dépens :

Déclare recevables les requêtes en constitution de sûretés en garantie des dépens formées par B______ et C______ à l'encontre de A______ dans la cause C/6766/2014-19.

Impartit à A______ un délai de 30 jours dès notification du présent arrêt pour fournir aux Services financiers du Pouvoir judiciaire des sûretés d'un montant total de 40'000 fr., en espèces ou sous forme de garantie d'une banque établie en Suisse ou d'une société d'assurance autorisée à exercer en Suisse.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Dit qu'il sera statué sur les frais et dépens de l'incident avec la décision sur le fond.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Monsieur Cédric-Laurent MICHEL et Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Audrey MARASCO, greffière.

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Audrey MARASCO

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.