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Décisions | Chambre civile

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C/5548/2018

ACJC/90/2023 du 24.01.2023 sur JTPI/14432/2021 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5548/2018 ACJC/90/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 24 JANVIER 2023

 

Entre

A______ SA, sise ______ [VD], appelante d'un jugement rendu par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 15 novembre 2021, comparant par
Me Damien CAND, avocat, GILLIOZ DORSAZ & ASSOCIÉS, rue du
Général-Dufour 11, case postale 5840, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [VD], intimé, comparant par
Me Marc GILLIERON, avocat, Chabrier Avocats SA, rue du Rhône 40, case
postale 1363, 1211 Genève 1, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/14432/2021 du 15 novembre 2021, notifié aux parties le 19 novembre 2021, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure ordinaire sur demande en paiement, a débouté A______ SA de sa demande (chiffre 1 du dispositif), débouté B______ de sa demande reconventionnelle (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 51'021 fr. 10, les a compensés à due concurrence avec les avances fournies par les parties, les a mis à charge des parties à raison de 44'901 fr. 10 pour A______ SA et de 6'210 fr. pour B______, a ordonné la restitution par les Services financiers du Pouvoir judiciaire de 698 fr. 90 à A______ SA et de 280 fr. à B______ (ch. 3), condamné A______ SA à verser 34'000 fr. de dépens à B______ (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

B. a. Par acte expédié à la Cour le 4 janvier 2022, A______ SA forme appel contre ce jugement, sollicitant l'annulation des chiffres 1 à 5 de son dispositif. Elle conclut, à titre principal avec suite de frais judiciaires et dépens d'appel et de première instance, à ce que la Cour condamne B______ à lui payer 1'699'283 fr. 70 avec intérêts à 8% l'an dès le 13 octobre 2016, prononce la mainlevée définitive de l'opposition formée par B______ au commandement de payer notifié dans la poursuite n° 1______ à concurrence de 1'699'283 fr. 70, dise que la poursuite n° 1______ ait sa voie. Subsidiairement, elle conclut avec suite de frais judicaires et dépens à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Dans sa réponse, B______ conclut, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que la Cour déboute A______ SA de toutes ses conclusions et confirme le jugement querellé.

c. Les parties ont respectivement répliqué et dupliqué, persistant chacune dans leurs conclusions.

d. La cause a été gardée à juger le 19 avril 2022.

C. Les faits suivants résultent de la procédure :

a.a A______ SA est une société anonyme ayant son siège à C______ (VD) et dont le but social consiste en l'exploitation d'une entreprise de nettoyage sous toutes ses formes. Elle dispose de plusieurs succursales en Suisse romande.

a.b B______, domicilié à D______ (VD), est un homme d'affaires qui a été actif, au travers de diverses sociétés, dans les domaines de l'entretien, de la maintenance, du nettoyage de bâtiments, ainsi que dans l'immobilier. Il a été membre du conseil d'administration de nombreuses sociétés.

a.c. Au moment des faits litigieux, B______ était l'unique propriétaire et l'unique administrateur de E______ SA, société ayant son siège à F______ (FR), active dans le nettoyage d'immeubles et la gestion de sociétés d'entretien d'immeubles.

Cette société détenait alors l'intégralité du capital-actions de G______ SA, de H______ SA et de I______ SA. B______ était l'unique administrateur de ces trois sociétés. E______ SA était également l'unique associée de J______ & CIE SARL. B______ en était l'unique gérant.

a.d B______ est également administrateur avec droit de signature individuel et actionnaire unique de K______ SA, dont le but social consiste en l'exploitation d'une entreprise générale exerçant toute activité dans le domaine du bâtiment.

b. En 2015, B______ a souhaité recentrer son activité sur la gestion du patrimoine immobilier dont il était propriétaire, notamment au travers de K______ SA, et cesser son activité dans le domaine du nettoyage.

Par contrat du 7 juillet 2015, il a mandaté L______ afin de lui trouver un acquéreur pour les sociétés du groupe E______ actives dans le secteur du nettoyage, de la conciergerie et de l'entretien des espaces verts pour un prix qui ne devait pas être inférieur à 4'000'000 fr.

De son côté, A______ SA était désireuse d'augmenter, notamment par le biais d'acquisitions, son activité dans le nettoyage sur le marché suisse.

Dans ce contexte, L______ a mis en contact B______ et A______ SA.

c. E______ SA et les sociétés qu'elle détenait étant actives non seulement dans le domaine du nettoyage, mais également dans celui de l'immobilier, B______ et A______ SA se sont entendus pour que le premier restructure l'activité du groupe avant que la seconde n'acquière E______ SA.

Dans le cadre de cette restructuration, E______ SA a vendu à K______ SA la totalité du capital-actions de I______ SA. En parallèle, les activités de I______ SA en lien avec le secteur du nettoyage ont été transférées à E______ SA et le personnel affecté par I______ SA à des activités en lien avec le nettoyage a été repris par M______ SARL, une filiale de E______ SA nouvellement constituée.

d. Le 17 février 2016, B______ et A______ SA ont signé une lettre d'intention (ci-après : LOI) dans laquelle, notamment, le principe de l'acquisition par A______ SA de E______ SA a été prévu "sur la base des informations fournies à ce jour" pour un prix de vente arrêté à 3'900'000 fr., un complément de prix de 200'000 fr. devant être payé au plus tard le 30 septembre 2016 pour autant que certaines conditions soient réalisées.

Dans un courriel du 23 avril 2016, N______, administrateur de A______ SA, a résumé les "termes définitifs" relatifs à l'acquisition du groupe E______ par A______ SA. Il mentionnait le prix de 3'900'000 fr., le complément de prix de 200'000 fr. et la révision par une fiduciaire agréée des comptes des sociétés comprises dans "le périmètre d'acquisition".

Le 30 mai 2016, les parties ont signé une "convention supplémentaire à la LOI".

e. Après la signature de la lettre d'intention, A______ SA a procédé à une due diligence sur le plan légal et financier de E______ SA afin de déterminer l'état des comptes de cette dernière en tenant compte uniquement des activités entrant dans le périmètre d'acquisition. O______ a été chargé de la partie juridique et P______ de la partie financière.

Les documents comptables de E______ SA sur support papier ont été mis à disposition de A______ SA, sous réserve des documents comptables relatifs à I______ SA, cette dernière n'étant pas incluse dans le périmètre d'acquisition.

A la suite de sa due diligence, P______ a établi un "tableau des retraitements". Sur la base de ce tableau, il a pu établir un EBITDA ["Earning before interests, taxes, depreciation and amortization", soit, en français, bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement] retraité pour l'année 2015 de 445'251 fr. Par "retraitement", il faut entendre les correctifs comptables qui devaient être apportés pour établir un EBITDA n'incluant que les éléments compris dans le périmètre d'acquisition.

Ce tableau a été analysé par B______, qui a présenté ses observations dans un document intitulé "Due diligence – analyse traitement des comptes". Selon lui, quelques modifications devaient être apportées, en particulier "certains chiffres [n'avaient] pas été retraités et des charges [avaient] été mises en compte par erreur". Après correction, l'EBITDA était de 715'752 fr. de sorte que "les conditions de rentabilité que l'acheteur [s'était] fixées [étaient] largement atteintes, même si la LOI ne mentionn[ait] aucune condition par rapport à la rentabilité. En conclusion, la LOI avec le prix négocié [devait] être respecté[e]".

f. Le 15 juillet 2016, N______, administrateur de A______ SA, a adressé un courriel à L______ exposant que le premier tableau d'EBITDA retraité qui lui avait été présenté avait été rédigé par le vendeur. Le prix de vente avait été arrêté sur cette base. Certains des retraitements pris en considération dans ce tableau n'avaient pas fait l'objet de la due diligence et avaient été acceptés par A______ SA sur la présomption de bonne foi du vendeur. Après la due diligence, lors d'une séance en avril 2016, les éléments de retraitement avaient été discutés. A______ SA et B______ étaient alors convenus que l'EBITDA retraité était "du niveau de" 550'000 fr. A nouveau, certaines parties comptables n'avaient pas pu être vérifiées. Pour cette raison, N______ exigeait un engagement du vendeur sur le niveau d'EBITDA et sur la sincérité des déclarations. Il demandait par conséquent que l'alinéa "s" du projet de l'art. 6 de convention de vente soit rédigé en incluant les points suivants : "1. L'EBITDA normatif (corrigé des éléments non liés à l'exploitation des sociétés du périmètre d'acquisition) et tel que présenté dans l'annexe XYZ s'est élevé au minimum à 550 kCHF en 2015, base essentielle du prix proposé par l'acquéreur. 2. Les corrections pour aboutir à cet EBITDA normatif reflètent sincèrement la réalité de ces coûts. 3. A la connaissance du vendeur, il n'est survenu aucun élément susceptible de remettre en cause ce niveau d'EBITDA depuis le début de l'exercice 2016. De notre côté, il nous reste à faire le retraitement de l'EBITDA sur la base des comptes 2015 audités que vous nous avez adressés. Cela sera fait début août 2016 par P______".

Dans un courriel du 4 août 2016, l'avocat de A______ SA a rappelé à l'avocate de B______ qu'il était nécessaire de maintenir l'article 6 let. s du projet de convention concernant les déclarations et la garantie de la venderesse concernant l'EBITDA. Après avoir reçu une nouvelle version de la convention, l'avocat de A______ SA s'est adressé à sa consœur en ces termes : "[l]a rédaction concernant l'EBITDA n'est pas acceptable. Il est indispensable d'avoir là un engagement concret et ferme de M. B______. Ainsi, s'agissant de l'article 6 lit. s, M. B______ doit déclarer et garantir que les retraitements présentés par lui reflètent fidèlement les corrections à apporter aux résultats comptables. Ainsi, ce retraitement présente une image sincère de la profitabilité réelle des activités de propreté, objet de la présente acquisition. M. B______ garantit que cet EBITDA est d'un niveau de Frs 540'000.- au minimum. Concernant l'article 7 lit e, il demandait qu'il soit complété par la phrase suivante : "[c]es vérifications reposent sur les éléments fournis par le vendeur".

g. Par convention conclue le 12 septembre 2016, A______ SA a acquis l'intégralité des actions au porteur de E______ SA et, par là même, l'intégralité du capital-actions de G______ SA et de H______ SA, ainsi que l'ensemble des parts sociales composant le capital-social de J______ & CIE SARL. Les points suivants ressortent notamment du texte de cette convention :

-          Dans le cadre des pourparlers, B______ et A______ SA ont "travaillé ensemble sur un tableau d'EBITDA retraité présentant un niveau d'environ CHF 540'000 pour l'année 2015" (préambule, point o).

-          "L'acquéreur a procédé à une due diligence comptable, juridique et fiscale sur E______ SA et ses filiales" (préambule, point o).

-          "Le vendeur déclare vendre à A______ SA qui, par son administrateur-président, Monsieur Q______, déclare acquérir, les 10'000 (dix mille) actions au porteur d'une valeur nominale de Frs 10.- (dix) chacune de E______ SA" (art. 1 § 1).

-          "Le prix de vente des 10'000 (dix mille) actions composant le capital-actions de E______ SA est arrêté à Frs 3'900'000.- (trois million neuf cent mille). Ce prix de vente inclut la vente des trois sociétés filles détenues à 100% par E______ SA soit : G______ SA ; H______ SA ; J______ & CIE SARL" (art. 2.1).

-          "Le vendeur déclare et certifie à l'acquéreur, et se porte garant du fait que les quatre sociétés sont, au jour de la signature de la présente convention, à jour dans le dépôt de leurs déclarations fiscales et sociales et dans le règlement de leurs impôts et charges sociales dont elles sont redevables. Les éventuelles corrections opérées par l'Autorité fiscale dans le cadre de la taxation des périodes fiscales antérieures au jour de la signature de la présente convention demeurent à charge exclusive du vendeur. Il en va de même, s'agissant des charges sociales" (art. 6 let. m).

-          "Les informations financières fournies à l'acquéreur par le vendeur et ses collaborateurs ayant permis de déterminer l'EBITDA retraité ont été transmises de bonne foi. Le vendeur a décrit et répondu de bonne foi aux questions de l'acquéreur et de ses conseils, afin de leur permettre de déterminer le principe des retraitements à effectuer pour déterminer l'EBITDA retraité correspondant à la seule activité de "propreté et services assimilés" à prendre en compte dans le périmètre des sociétés cédées à l'acquéreur. Le vendeur a communiqué, sur la base des informations comptables, les montants concernant les retraitements à effectuer et notamment les informations relatives à l'activité "travaux immobiliers" non concernée par la cession mais comptabilisées chez les sociétés cédées, les informations à prendre en compte au titre de l'activité propreté mais comptabilisées chez des sociétés non concernées par la cession, ainsi que les éléments concernant les dépenses prises en charge au titre de M. et Mme B______. Les retraitements présentés par le vendeur reflètent ainsi fidèlement les corrections à apporter aux résultats comptables et le retraitement tel que présenté dans le tableau de retraitement de l'EBITDA annexé à la présente convention présente une image sincère de la profitabilité réelle des activités de "propreté et services assimilés", objet de la présente acquisition. Le vendeur certifie ainsi que l'EBITDA retraité présente un niveau d'environ CHF 540'000.- pour l'année 2015. Le vendeur certifie également que, depuis le 31 décembre 2015 et jusqu'à la date de signature de la présente convention, à sa connaissance, aucun événement n'est venu affecter défavorablement et significativement le niveau de rentabilité constaté en 2015" (art. 6 let. s).

-          "L'acquéreur déclare avoir procédé avec l'aide de ses conseils à un examen des informations concernant la détermination de l'EBITDA retraité, comprenant notamment des contrôles de cohérence et des contrôles arithmétiques ainsi que la validation de la nature des retraitements à effectuer. Ces vérifications reposent sur les éléments fournis par le vendeur" (art. 7 let. e).

-          L'article 8.1 de la convention prévoyait que "[l]e vendeur s'engage[ait] à indemniser, selon les conditions décrites ci-après, l'acquéreur pour tout dommage, perte, dette, obligation, prétention, décision, jugement, coût et frais, y compris les frais d'avocats, résultant de l'inexactitude, du caractère incomplet (sur un élément important) ou trompeur ou du non-respect des garanties du vendeur. Le vendeur s'engage[ait] à verser toute indemnité due selon le présent article à l'acquéreur ou à la société que l'acquéreur pourra[it] désigner au vendeur".

-          L'article 8.3 de la convention prévoyait que "l'acquéreur notifiera[it] au vendeur, par courrier recommandé, toute demande d'indemnisation au plus tard 30 jours à compter de la découverte de l'état de fait pouvant donner lieu à une telle demande, en spécifiant, pour autant qu'il soit déterminable, le montant du préjudice indemnisable (l'"Appel en garantie"). Faute de respecter ce délai, l'acquéreur sera[it] déchu de son droit à l'indemnisation selon l'article 8.1 de la présente convention pour l'état de fait en question. Au cas une des sociétés objets de la présente convention serait poursuivie par un tiers pour une prétention susceptible d'engager la responsabilité du vendeur aux termes des présentes garanties, l'acquéreur devra[it] le notifier au vendeur dans les 10 jours ouvrables dès réception de la demande d'indemnisation de la part du tiers".

-          Les parties ont convenu que le droit suisse était applicable (art. 20) et ont prévu un for en faveur des tribunaux genevois, indépendamment de leur domicile actuel ou futur (art. 21).

-          Il ressort de l'annexe 3 à la convention que les parties ont estimé le montant de l'EBITDA à 541'450 fr.

Un tableau de l'EBITDA retraité 2015 était notamment joint à la convention.

Cette convention a été exécutée le 13 octobre 2016 (closing).

h. Par courriel du 27 septembre 2016, N______, administrateur de A______ SA, a demandé à L______ des explications documentées quant à "la dégradation importante du résultat d'exploitation (marge opérationnelle EBITDA)" entre 2015 et 2016, précisant qu'il ne s'agissait pas de négocier le prix convenu, mais de se conformer à la convention qui stipulait que le vendeur s'engageait à informer A______ SA de tout événement pouvant avoir une influence sur la marche des affaires.

L______ a répondu le 5 octobre 2016 que l'EBITDA au 31 août 2016 n'avait pas subi de variation significative par rapport à 2015 et qu'aucun événement n'était venu affecter défavorablement et significativement le niveau de rentabilité constaté en 2015. L______ joignait une "note de synthèse sur les retraitements" ainsi qu'un fichier Excel "avec le calcul de l'EBITDA et le détail des variations/retraitements" et la copie de "tous les justificatifs des retraitements".

i. Le 6 octobre 2017, A______ SA a adressé une lettre à B______ valant "appel en garantie" au sens des articles 8.3 et 18 du contrat portant sur un montant de 1'905'596 fr. "correspondant au montant du préjudice indemnisable pour les faits qu'il concerne" et pour lui notifier un "franchissement de seuil au sens de l'article 8.3 bis de la convention".

Dans ce courrier, A______ SA se plaignait plus particulièrement du fait que le chiffre d'affaires lié au client K______ SA était de 108'018 fr. en 2015 et nul en 2016. Elle émettait des doutes sur la nature exacte des prestations fournies par E______ SA à ce client en 2015, et même sur leur existence. Par ailleurs, un montant important du chiffre d'affaires lié à des travaux immobiliers, soit 155'915 fr., n'avait pas été retraité lors du calcul de l'EBITDA 2015 retraité (client S______ SA). En tenant compte de ces deux montants, l'EBITDA 2015 retraité n'était plus que de 277'517 fr. De ce fait, le prix de vente devait être réduit de 1'905'596 fr. (108'018 fr. + 155'915 fr. = 263'933 fr. * 7.22 = 1'905'596 fr.). Elle reprochait à B______ de lui avoir sciemment fourni des informations lacunaires et frauduleusement mensongères "afin de gonfler artificiellement l'EBITDA retraité", et donc le prix qui avait été fixé "sur la seule base d'un multiple de l'EBITDA 2015 retraité". Le prix avait donc été déterminé de manière erronée à 3'900'000 fr. Le dommage se montait à 1'905'596 fr. A______ SA invoquait la nullité de la clause limitative de garantie, au vu du comportement frauduleux de son cocontractant et demandait que ce dernier lui verse ce montant dans un délai de 10 jours, à défaut de quoi un intérêt moratoire de 8% serait dû dès le onzième jour.

Par courrier du 15 novembre 2017, B______ a contesté cet appel en garantie, exposant que A______ SA avait eu accès à l'ensemble de la documentation utile, avait pu poser des questions à ses collaborateurs et avait elle-même choisi l'auditeur qui avait établi le tableau de la consolidation du chiffre d'affaires, de sorte qu'elle invoquait des éléments dont elle avait connaissance avant la signature de la convention du 12 septembre 2016. Il contestait en outre que le prix de vente avait été fixé sur la base de l'EBITDA retraité pour l'exercice 2015. Au demeurant, la clôture intermédiaire des comptes au 31 août 2016 montrait que l'EBITDA n'avait pas subi de variations significatives, de sorte que même si la fixation du prix de vente reposait sur l'EBITDA, A______ SA n'avait subi aucun dommage. En tout état, l'appel en garantie était tardif.

j. A______ SA a procédé le 1er décembre 2017 à une deuxième notification d'appel en garantie portant sur la somme de 5'941 fr. 90, exposant, dans un courrier adressé à B______, que "[d]ans le cadre de la cession de [ses] titres de la Société E______ SA, [il s'était] engagé à [lui] garantir pour tout dommage, perte, dette, obligation, prétention, décision, jugement, coût et frais, y compris les frais d'avocats, résultant de l'inexactitude, du caractère incomplet ou trompeur ou du non-respect des garanties du vendeur, relative à cette société et dont la cause serait antérieure à la vente, soit le 12 septembre 2016". Elle avait fait l'objet d'un redressement de cotisations paritaires à hauteur de 2'079 fr. pour les exercices 2014 et 2015, dont elle avait été informée par un courrier de la Caisse [de compensation AVS] AB______ du 31 octobre 2017 qu'elle avait réceptionné le 3 novembre 2017.

Dans son courrier responsif du 6 décembre 2017, B______ s'est référé à l'article 8.3 de la convention et a refusé d'entrer en matière au motif que la demande était tardive puisque A______ SA avait reçu le redressement le 3 novembre 2017 et avait attendu le 4 décembre 2017 pour lui notifier un appel en garantie.

k. A______ SA a requis la poursuite de B______ pour un montant de 1'734'100 fr. plus intérêts moratoires à 8 % l'an à compter du 13 octobre 2016. L'Office des poursuites du district de AA______ [VD] a notifié le 9 mars 2018 un commandement de payer, poursuite n° 1______, à B______ qui l'a frappé d'opposition.

l. Par demande déposée le 30 juillet 2018 au Tribunal, A______ SA a assigné B______, avec suite de frais et dépens, en paiement de 1'835'544 fr. plus intérêts moratoires à 8% l'an dès le 13 octobre 2016. Elle a en outre conclu au prononcé de la mainlevée de l'opposition formée par B______ au commandement de payer poursuite n° 1______ à hauteur de 1'734'100 fr.

m. Dans sa réponse, B______ a conclu, principalement, au rejet de la demande avec suite de frais judiciaires et dépens. Reconventionnellement, il a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à la condamnation de A______ SA à lui verser 50'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2018, ainsi que 29'806 fr. 80 avec intérêts à 5% l'an dès le 28 mai 2018.

n. Dans sa réplique et réponse à la demande reconventionnelle, A______ SA a conclu, avec suite de frais judiciaires et dépens, à ce que B______ soit débouté de toutes ses conclusions.

B______ a dupliqué, et persisté dans ses conclusions.

o. Le Tribunal a ordonné une expertise aux fins de déterminer, dans le cadre de l'analyse détaillée des factures 2015, si une partie du chiffre d'affaires réalisé par le Groupe E______ et comptabilisé afin de déterminer l'EBITDA était lié à des travaux de nature immobilière hors du périmètre d'acquisition, cas échéant d'en déterminer le montant, de déterminer si les opérations facturées à S______ SA et à [la régie immobilière] T______ mentionnaient le nom d'employés occupés à l'activité immobilière des sociétés de B______, soit le nom d'employés ne figurant pas pour l'exercice 2015 dans les décomptes de salaires des sociétés reprises, dont les contrats de travail n'avaient pas été transférés au "closing" dans M______ SARL et dont les charges n'avaient pas été ajoutées aux charges d'une sociétés du Groupe E______ aux fins de la déterminations de l'EBITDA 2015, de déterminer si le chiffre d'affaires réalisé par le Groupe E______ avec le client S______ SA depuis l'acquisition des actions de E______ SA était différent de celui comptabilisé durant l'exercice 2015, cas échéant dans quelle mesure, de déterminer si aucun chiffre d'affaires n'avait été enregistré par E______ SA en relation avec K______ SA durant les exercices 2012 à 2014, de déterminer la nature des travaux effectués pour K______ SA, voire s'il s'agissait de prestations fictives, ou, si elles étaient réelles, si elles entraient de par leur nature dans le périmètre d'acquisition des actions de E______ SA après restructuration, de déterminer l'EBITDA de E______ SA pour l'exercice 2015, de déterminer la nature des garanties et du contenu de l'annexe 3 de la convention de vente d'actions du 12 septembre 2016. Il a nommé à cette fin U______.

o.a Dans son rapport du 29 juin 2020, l'expert a constaté que des factures pour un montant de 128'789 fr. 35 concernaient des travaux qui n'entraient pas dans la description du périmètre d'activité et qui avaient été exécutés par deux employés dont le salaire avait fait l'objet du retraitement, car ils étaient exclus du périmètre d'acquisition, l'un étant employé de I______ SA aux dires de B______, l'autre ayant été transféré dans M______ SARL après le "closing".

Le chiffre d'affaires réalisé par E______ SA avec S______ S.A était de 204'894 fr. HT en 2015 et de 59'163 fr. HT en 2016. Il n'y avait pas eu de chiffre d'affaires avec K______ SA durant les exercices 2012 à 2014, cette dernière n'ayant été constituée que le 28 avril 2015.

Les deux factures adressées à K______ SA pour des montants de 89'500 fr. HT et 18'518 fr. 50 HT faisaient état de nettoyage de fin de chantier à AC______ [VS]. L'expert a exposé n'avoir pas pu accéder aux archives de la société pouvant contenir des éléments probants pouvant justifier ces factures. L'expert a relevé que, pour autant que les travaux aient été réellement effectués, ils entraient de par leur nature dans le périmètre d'acquisition.

S'agissant de l'EBITDA de E______ SA pour l'exercice 2015, l'expert a relevé n'avoir pas effectué une revue détaillée de l'EBITDA retraité ayant servi de base à la transaction, mais s'être concentré sur les points litigieux en considérant les éléments suivants :

a)      Les factures concernant les travaux effectués par V______ (16'953 fr. 60) n'influençaient pas l'EBITDA dans l'hypothèse où son salaire aurait été refacturé par I______ SA et était donc inclus dans l'EBITDA retraité. L'éventuelle marge était peu significative.

b)      Les prestations fournies à K______ SA étaient considérées comme justifiées et n'entraînaient pas une correction de l'EBITDA retraité.

c)      Les factures concernant les travaux effectués par W______ (111'835 fr. 75) étaient déduites de l'EBITDA retraité dans la mesure où son salaire n'y figurait plus.

d)     Le redressement de l'AVS (620 fr. 95) de l'exercice 2015 était déduit de l'EBITDA retraité.

e)      Partant, l'EBITDA de E______ SA pour l'exercice 2015 était de 428'993 fr. 30, soit 541'450 fr. (EBITDA retraité initial) moins 111'835.75 fr. (factures W______) moins 620 fr. 95 (redressement AVS).

S'agissant des garanties, l'expert a relevé que "[l]'annexe 3 de la convention de vente d'actions du 12 septembre 2016 détaill[ait] les retraitements de l'EBITDA de E______ SA. Selon l'article 6 par. s de la convention de vente d'actions, le vendeur a[vait] communiqué, sur la base des informations comptables, les montants concernant les retraitements à effectuer pour déterminer l'EBITDA retraité correspondant à la seule activité de "propreté et services assimilés". Les travaux mentionnés dans le lot de factures analysées ne concern[ai]ent pas l'activité de "propreté et services assimilés". Une communication du vendeur aurait ainsi dû être faite".

A titre de remarques complémentaires sur la détermination du prix de vente, l'expert a relevé que "[l] L'EBITDA et son multiple [étaient] des éléments importants dans la détermination de la valeur d'une entreprise. Il [était] toutefois utilisé fréquemment en complément d'autres facteurs plus ou moins objectifs tels que l'appétit de l'acheteur, les possibilités de synergies possibles après l'acquisition, les prévisions économiques, etc. Dans un courriel du 15 juillet 2016, Monsieur N______ expliqu[ait] aux parties qu'une due diligence a[vait] été faite pour estimer un EBITDA. Certaines contreparties comptables n'[avaient] toutefois pas pu être vérifiées. Il indiqu[ait] également que l'EBITDA servait de base à l'acquisition des sociétés. Il ressort[ait] de ce courriel que, dans le cadre de ses travaux de due diligence, la demanderesse aurait dû ou pu avoir connaissance des différentes factures mentionnées dans le présent rapport. Il ne s'agi[ssait] en effet pas de contreparties comptables, mais de libellés et de justification des factures. S'agissant de montants importants dont certains avec des sociétés appartenant à la partie venderesse, on p[ouvait] imaginer que ces factures [avaient] été identifiées et analysées attentivement, ou auraient dû l'être, lors des travaux de due diligence. Enfin, le multiple de l'EBITDA indiqué par la demanderesse (7.22) n'[était] pas spécifiquement mentionné dans la convention de vente des actions. Il [était] donc probable que l'EBITDA, bien qu'étant un indicateur important de la capacité bénéficiaire de la société, n'[était] pas le seul facteur ayant été pris en compte. Cette absence de relation mathématique entre l'EBITDA et le prix de vente [était] corroborée par un email de Monsieur N______ du 27 septembre 2016 demandant des explications sur la dégradation de l'EBITDA du 31 août 2016 et précisant qu'il ne s'agi[assai]t pas de négocier le prix convenu".

o.b Lors de son audition devant le Tribunal, l'expert a confirmé son rapport du 29 juin 2020. En lien avec le point 5, la phrase "la rémunération de W______ a été diminuée des charges dans le calcul de l'EBITDA retraité de E______ SA " devait être comprise en ce sens que les coûts salariaux liés à cet employé avaient effectivement été retraités conformément au contrat. En rapport avec le point 10 de son rapport ("une communication du vendeur aurait ainsi dû être faite"), il fallait comprendre que, dans la mesure ou seul un secteur d'activité avait été vendu, l'autre secteur aurait dû être mentionné. Il ne savait pas pourquoi il n'avait pas eu accès à la comptabilité de A______ SA.

p. A______ SA a requis un complément d'expertise afin que l'expert puisse rendre son rapport après avoir eu accès à la comptabilité de A______ SA.

Par ordonnance du 10 décembre 2020, le Tribunal a rejeté la requête en complément d'expertise au motif que la production de la comptabilité de A______ SA pour que l'expert puisse, sur cette base, compléter son rapport, constituerait un moyen de preuve nouveau qui devrait remplir les conditions restrictives de l'art. 229 CPC, ce qui n'était pas le cas. Aussi, l'expert devait remplir sa mission sur la seule base des moyens disponibles.

q. Le Tribunal a entendu les parties ainsi que plusieurs témoins :

q.a Entendu en qualité de représentant de A______ SA, Q______ a exposé occuper une fonction dirigeante au sein de A______ SA depuis 2015 et être président depuis janvier ou février 2021. Il avait piloté le projet d'acquisition de E______ SA pour le compte du groupe A______. Le prix d'achat avait été déterminé en lien avec la rentabilité de l'entreprise. Pour une entreprise de service, il était fait référence à un facteur, soit l'EBITDA qui correspondait à la trésorerie générée chaque année et de façon récurrente. L'EBITDA était central dans la fixation du prix d'achat de E______ SA. Cela ne valait pas que pour E______ SA, mais pour toutes entreprise de service, que ce soit en Suisse ou à l'étranger. A la question de savoir si un EBITDA retraité constituait une méthode comptable précise ou de la pure estimation, il a répondu que la comptabilité n'était pas une science exacte mais comprenait des règles précises. Il n'était pas en mesure de fixer la date précise à laquelle l'EBITDA retraité pour 2015 avait été arrêté à 540'000 fr. C'était néanmoins quelques mois avant la signature de la convention. Il s'agissait d'un EBITDA minimum qu'il fallait figer pour pouvoir confirmer le prix fixé entre les parties.

Il était exact qu'à la suite d'une due diligence limitée, à savoir qu'elle avait porté sur les éléments comptables, la sincérité et la validité des retraitements (nature et estimation), un tableau de retraitement avait permis de fixer l'EBITDA retraité pour 2015 à 445'251 fr., soit un montant inférieur à ce qui avait été retenu préalablement par les parties. Ce n'était qu'après la signature de la convention qu'il avait eu accès à l'intégralité de la comptabilité de E______ SA. Avant cela, la due diligence avait été limitée en termes d'accession aux dossiers, au personnel et en temps. Une telle opération s'effectuait en en temps normal sur plusieurs semaines, ce qui n'avait pas été le cas en l'occurrence car le vendeur ne souhaitait pas que l'on sache que sa société était en vente. L'accès aux documents était par ailleurs restreint car les deux sociétés étaient concurrentes.

Le multiple de 7.22 qui avait été utilisé pour déterminer le prix d'achat en fonction de l'EBITDA correspondait à un multiple usuel pour ce type d'activité au niveau européen. Il était juste d'affirmer que sans promesse d'un EBITDA à 540'000 fr., il n'aurait pas conclu de convention avec un prix de vente fixé à 3'900'000 fr. Il ne s'agissait pas d'une question particulière liée à E______ SA, mais d'une pratique usuelle dans le domaine. Le montant de l'EBITDA corrélait directement le prix de vente, c'était pour cela que de nombreux échanges avaient eu lieu à ce sujet et que A______ SA avait demandé des garanties. Selon lui, B______ n'avait pas fait preuve de bonne foi et de sincérité dans les négociations. Il avait été de mauvaise foi en cachant des éléments qui auraient abouti à une fixation plus basse de l'EBITDA, en incluant par exemple des transactions afférant manifestement à d'autres sociétés dont il était mandataire ou actionnaire. Il avait parfaitement connaissance de ces éléments qu'il avait sciemment cachés, ne respectant pas le principe de sincérité.

Le prix de 3'900'000 fr. avait été le fruit d'une négociation qu'il avait eue avec B______ ou ses représentants. Ce dernier voulait un prix supérieur qui correspondait à un certain EBITDA. Après discussion quant à la valeur de l'EBITDA, celui-ci avait été arrêté à 540'000 fr., et le prix fixé en conséquence à 3'900'000 fr.

q.b Entendu en qualité de représentant de A______ SA, X______, administrateur de A______ SA, a déclaré qu'il était usuel de se baser sur un EBITDA pour déterminer un prix de vente d'une entreprise de service. Sur une activité de cleaning, un multiple de 7 était usuel.

q.c Lors de son audition devant le Tribunal, B______ a déclaré que, s'agissant de la fixation du prix de vente, le groupe E______ avait émis un prospectus à ses consultants qui l'avaient transmis à une dizaine de sociétés pouvant être intéressées par le rachat. Il avait ensuite procédé à un biding, à savoir que chacune de ces sociétés devaient avancer un prix minimal d'acquisition. C'est sur cette base qu'il avait rencontré A______ SA. Lors de cette rencontre, il voulait un prix de 4'500'000 fr. alors que A______ SA proposait un prix de 3'800'000 fr. Ils étaient parvenus à un accord à 3'900'000 fr. plus 200'000 fr. à payer ultérieurement pour les contrats d'entretien. Ils n'avaient pas parlé d'EBITDA à ce moment. Cette notion avait été discutée pour la première fois lorsque P______ avait présenté son travail de retraitement. Dans le cadre de la due diligence, toute la documentation concernant les trois sociétés à acquérir ainsi que la documentation demandée pour I______ SA avait été mise à disposition. Il s'agissait de la documentation des cinq dernières années. Toute la facturation des sociétés avait été remise. Aucune question n'avait été posée s'agissant des factures. P______ avait établi un document qu'il lui avait montré à la fin de sa due diligence. Il avait ensuite rédigé un document après avoir reçu le retraitement établi par P______ car il n'était pas d'accord avec certains éléments. Ce document avait servi de base à une réunion tenue avec A______ SA. Lors de cette réunion, après s'être mis d'accord sur "les 3 premiers points", ils étaient arrivés à un EBITDA d'environ 540'000 fr., soit le minimum exigé par A______ SA. Aussi, les autres points n'avaient pas été discutés. En particulier, un montant de 180'000 fr. n'avait pas fait l'objet de discussion et aurait permis d'augmenter l'EBITDA à 715'000 fr. Cela montrait que l'EBITDA n'avait pas d'influence sur la fixation du prix. Un audit du groupe avait été fait au 31 août 2016, et il en était ressorti un EBITDA d'environ 500'000 fr. sur les huit premiers mois, de sorte qu'un EBITDA de 740'000 fr. était à prévoir sur l'année entière. A______ SA n'avait pas été particulièrement insistante s'agissant de l'EBITDA. Il n'avait pas participé au retraitement de l'EBITDA, c'était P______ qui l'avait fait et le lui avait présenté. Il estimait avoir agi de bonne foi et avec sincérité dans le cadre des négociations. Il avait répondu à toutes les questions et mis à disposition toute la documentation.

q.d Lors de son audition devant le Tribunal, le témoin P______ a déclaré avoir été mandaté par A______ SA depuis 2013 ou 2014 pour remplacer le directeur financier pour le reporting annuel à la maison mère. Il participait également au bouclement des comptes annuels, ainsi qu'à d'autres tâches telles que les obligations fiscales. Il avait été mis en contact avec la société L______ dans le cadre du rachat de sociétés du groupe E______, qui lui avait remis la documentation comptable. Il s'agissait d'un résumé consolidé de l'exercice 2014. Il avait reçu cette pièce dans le cadre du processus ordinaire de vente. Ce document avait ensuite été retraité par L______, puis transmis à Q______ (qui dirigeait la branche internationale de A______). C'est ce dernier qui lui avait demandé d'intervenir car il était intéressé par l'achat. Les résultats, l'EBITDA et le volume de clientèle étaient intéressants. Il n'avait pas participé à l'audit des comptes des sociétés du groupe E______. Il s'était rendu dans les locaux du groupe E______ où on lui avait mis à disposition la comptabilité complète des sociétés cibles. Il s'agissait essentiellement des exercices 2013 et 2014, l'exercice 2015 étant alors en cours de bouclement. Il n'avait eu accès qu'à la documentation papier, à l'exclusion de la comptabilité informatique, ce qui compliquait les choses et rendait difficile de pointer les bonnes factures compte tenu du nombre très important de transactions et de lignes. Il devait s'adresser au service comptabilité. Il devait agir avec discrétion pour ne pas alerter les employés et n'avait pas eu la possibilité d'emporter avec lui des copies d'extrait de la comptabilité, ni les pièces ou justificatifs. La difficulté résidait dans le fait qu'il y avait quatre sociétés dont les tâches, les charges et les revenus étaient répartis. Il y avait un système de refacturation entre toutes ces sociétés. Il était donc important d'établir un EBITDA consolidé postérieur à la vente. L'EBITDA était très important car il permettait d'évaluer la capacité d'une société à générer "du cash" et sa capacité à rembourser plus ou moins vite son prix d'achat. Il servait aussi de multiple pour calculer le prix de vente.

Il n'avait pas pu auditer certaines sociétés. La difficulté résidait dans le fait qu'il y avait deux secteurs d'activité distincts, le nettoyage et l'immobilier. Il fallait réallouer une partie du personnel dans les sociétés rachetées. Une grosse partie du personnel affecté au nettoyage était allouée à une société qui n'était pas rachetée. Dans un tel contexte, il appartenait à B______ de fournir des chiffres fiables. La société qui n'était pas rachetée était I______ SA. Il n'avait pas eu accès la comptabilité de cette société.

Il ne se souvenait pas si A______ SA avait avancé un seuil de rentabilité minimum pour le rachat des sociétés du groupe. Il fallait toutefois que l'acquisition puisse "se rembourser" dans des délais raisonnables. Le résultat obtenu pour l'EBITDA 2015 retraité était consécutif au retraitement de certaines charges, dont les plus importantes concernaient l'annulation des refacturations, la réattribution des charges du personnel, les charges exceptionnelles et les charges de B______. Il n'avait pas été question de chiffre d'affaires qui pourrait disparaître par la suite. Lorsque A______ SA avait repris la gestion des sociétés rachetées, les résultats avaient été analysés. Ils avaient constaté que les résultats n'étaient pas dans leurs attentes et les avaient comparés avec les exercices passés à l'aide du logiciel Y______, ce qui leur avait permis de faire les retraitements de l'information comptable. C'est ainsi qu'ils avaient constaté des différences. Ce retraitement informatique avait été fait lors du premier semestre 2017.

q.e Entendu en qualité de témoin, N______, ancien administrateur de A______ SA, a déclaré se souvenir que A______ SA était intéressée par le rachat des activités nettoyage et entretien du groupe E______. Les parties avaient retraité l'EBITDA 2015 dans le cadre de l'opération d'achat. Le retraitement était nécessaire pour A______ SA car elle voulait connaître l'EBITDA des sociétés dont elle souhaitait l'acquisition, sans influence des autres sociétés. Il se souvenait qu'un prix avait été proposé par A______ SA, par l'intermédiaire de Q______, avant la détermination de l'EBITDA 2015 et que c'était sur cette base que la due diligence avait ensuite été effectuée. Ce n'était pas la due diligence qui avait déterminé le prix de vente. Il confirmait que des garanties étaient nécessaires au sujet de l'EBITDA. Il y avait plusieurs sociétés qui intéressaient A______ SA mais pas toutes les sociétés du groupe E______ et de l'actionnaire. Il fallait s'assurer, pour déterminer l'EBITDA, qu'il s'agissait uniquement de celui des sociétés rachetées, sans influence des autres sociétés.

Il y avait eu deux due diligence. Une légale établie par l'avocat et une établie par P______. Il n'avait pas lui-même établi de due diligence. Il avait eu accès aux pièces comptables et avait collaboré avec les précités. Il n'avait pas rédigé lui-même le contrat de vente mais avait donné son avis au rédacteur. Il avait conseillé d'insérer une garantie au sujet de l'EBITDA dans le contrat de vente. Il confirmait que l'EBITDA était une méthode parmi d'autres pour évaluer une entreprise. La détermination du multiple dépendait de la volonté et de la stratégie de l'acquéreur. Il se souvenait que dans le cas présent, A______ SA était très intéressée à augmenter ses parts de marché dans des régions où elle était peu représentée et d'acquérir la clientèle de E______ SA. Le multiple "dépendait du prix qu'elle voulait mettre et de son intensité". Il ne savait pas comment avait été fixé le prix proposé par Q______. Il ne savait pas s'il s'agissait d'un multiple grossier de l'EBITDA avancé par L______. Les deux due diligences effectuées après que Q______ avait proposé un prix n'avaient pas pour vocation de valider le multiple. Le montant proposé pour l'achat ne dépendait pas de ces due diligences, lesquelles n'avaient pas vocation à valider le prix.

Il y avait eu plusieurs EBITDA suite aux différents retraitements. Il avait participé aux discussions.

q.f Entendu en qualité de témoin, Z______, directeur d'exploitation au sein du groupe E______ au moment des faits litigieux, a déclaré qu'il n'avait pas participé à la transaction de vente de E______ SA à A______ SA. Il avait remis la documentation à disposition, soit une centaine de classeurs, à A______ SA et avait répondu aux questions de cette dernière, qui relevaient de l'exploitation. Il était resté au sein de la société après le rachat par A______ SA jusqu'au 4 mai 2018. Il ne savait pas comment le prix de vente avait été déterminé, ni d'ailleurs à combien il s'était élevé. L'EBITDA retraité pour 2015 ne lui disait rien. Il n'avait discuté qu'avec deux personnes de l'équipe des acheteurs, en ce sens que la fiduciaire de A______ SA lui avait posé quelques questions, de même qu'un avocat qui s'intéressait plus particulièrement aux contrats des nettoyeurs en vue de leur transfert. Les cent classeurs mis à disposition contenaient toute la documentation de la société, à savoir la comptabilité, le bouclement des comptes, les heures effectuées par les nettoyeurs, la facturation pour les trois sociétés qui faisaient l'objet de la vente, les dossiers clientèles, etc. Il avait reçu pour instruction de B______ de mettre à disposition toute la documentation. Il ne lui avait pas été demandé de dissimuler quoi que ce soit.

r. Le 15 juin 2021, les parties ont déposé leurs plaidoiries finales écrites, persistant chacune dans leurs conclusions.

s. Par courrier du 16 juin 2021, les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger à l'issue d'un délai de quinze jours.

D. Dans le jugement querellé, le Tribunal a retenu en substance que les parties avaient conclu un contrat de vente d'actions, qui devait être qualifié de contrat de vente mobilière au sens des art. 184 ss CO. Il a considéré que les parties avaient arrêté l'EBITDA retraité 2015 à 540'000 fr., mais que selon l'expert judiciaire, deux montants de respectivement 111'835 fr. 75 et 620 fr. 95 devaient en être déduits. Cela étant, il n'était pas possible, sur cette base, de déduire que l'EBITDA retraité 2015 devait être chiffré à 428'993 fr. 30, dans la mesure où l'expert avait précisé qu'il s'était limité à examiner les postes litigieux. Aussi, la preuve de ce que l'EBITDA arrêté par les parties était erroné n'avait pas été apportée. S'agissant des reproches formulés par A______ SA quant à la documentation qui lui avait été transmise, il ressortait de la procédure qu'elle avait eu accès à toute la documentation pertinente, sous réserve de quelques éléments qui devaient être tenus secrets à l'égard d'un concurrent. Il n'était pas établi que les trois postes litigieux lui avaient été cachés, l'expert ayant même souligné à ce sujet que ceux-ci auraient dû être analysés attentivement par A______ SA. Les reproches formulés par A______ SA quant au manque de sincérité de B______ n'étaient pas non plus fondés, faute pour elle d'avoir démontré "le caractère grossièrement incomplet et frauduleusement trompeur des informations communiquées". La procédure n'avait pas permis d'établir que l'EBITDA était un élément central dans la fixation du prix. Au vu de ces éléments, B______ n'avait violé aucune obligation légale ou contractuelle, de sorte que A______ SA n'était pas légitimée à faire valoir une indemnisation.

S'agissant de la demande reconventionnelle, le Tribunal a retenu que l'art. 404 CO autorisait A______ SA à résilier le mandat d'administrateur de B______, de sorte que celui-ci ne pouvait prétendre à la rémunération convenue. Quant aux frais dont il demandait le remboursement, il ne les avait pas démontrés.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans les délai et forme prévus par la loi (art. 130, 131, 142 ss et 311 CPC) par une partie qui y a intérêt (art. 59 al. 2 let. a CPC), à l'encontre d'une décision finale (art. 237 et 308 al. 1 let. a CPC), dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions de première instance est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 ss CPC). La cause est soumise aux maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC).

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit et/ou constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). La Cour dispose d'un pouvoir de cognition complet et revoit librement les questions de fait comme les questions de droit. En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF
138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

En l'espèce, les éléments de fait que l'appelante considérait comme établis de façon inexacte ou incomplète par le Tribunal ont – sur la base des actes et pièces de la procédure – été intégrés dans l'état de fait dressé ci-avant dans la mesure utile.

2. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu qu'elle n'avait pas démontré que l'EBITDA était d'un montant inférieur à celui mentionné dans la convention de vente, malgré que l'expert ait conclu que certains montants devaient en être déduits. Selon elle, l'EBITDA retraité 2015, que l'intimé avait garanti être "d'environ 540'000 fr.", avait été arrêté sur la base d'informations erronées et était en réalité inférieur de 235'357 fr. 85. La chose vendue était donc entachée d'un défaut qui aurait dû conduire le Tribunal à admettre une diminution du prix de vente – qui correspondait à un multiple de l'EBITDA (7,22) – de 1'699'283 fr. 70.

L'intimé soutient quant à lui que l'appelante ne l'avait pas avisé des défauts en temps utile.

Il se justifie de traiter l'argument de l'intimé en priorité, car l'admettre reviendrait à rejeter les prétentions de l'appelante.

2.1.1 Aux termes de l'art. 197 al. 1 CO, le vendeur est tenu de garantir l'acheteur tant en raison des qualités promises qu'en raison des défauts qui, matériellement ou juridiquement, enlèvent à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminuent dans une notable mesure. Il répond de ces défauts, même s'il les ignorait (al. 2).

Pour que le vendeur soit tenu à garantie, trois conditions doivent être remplies : il faut que la chose présente un défaut, que ce défaut ait été ignoré de l'acheteur et que celui-ci ne l'ait pas accepté. Le défaut doit être antérieur au transfert des risques (Tercier/Bieri/Carron, Les contrats spéciaux, 5ème éd., 2016, n° 661), c'est-à-dire antérieur à la conclusion du contrat de vente (Venturi/Zen-Ruffinen, op. cit. n° 9 ad art. 197 CO). La preuve de ces conditions incombe à l'acheteur (Tercier/ Bieri/Carron, op. cit., n° 656).

2.1.2 Aux termes de l'art. 205 al. 1 CO, dans les cas de garantie en raison des défauts de la chose, l’acheteur a le choix ou de faire résilier la vente en exerçant l’action rédhibitoire, ou de réclamer par l’action en réduction de prix une indemnité pour la moins-value.

L'action en réduction de prix de l'art. 205 al. 1 CO ne tend pas à la réparation d'un préjudice par l'obtention de dommages-intérêts, mais à rétablir l'équilibre des prestations réciproques des parties, laquelle est à la base des contrats synallagmatiques. Pour déterminer le prix après réduction, dans le contrat de vente, il faut diviser le prix convenu par le rapport existant entre la valeur objective de la chose supposée sans défauts et la valeur objective réelle de la chose. Pour faciliter le calcul de la réduction selon la méthode dite relative, la jurisprudence a établi deux présomptions : premièrement, la valeur de la chose exempte de défauts est égale au prix de vente convenu par les parties; secondement, la moins-value est égale au coût de l'élimination du défaut. Par analogie avec la situation régie par l'art. 42 al. 2 CO, il appartient au juge de déterminer équitablement le montant de la réduction lorsqu'il est difficile de le constater exactement (arrêts du Tribunal fédéral 4A_601/2009 du 8 février 2010 consid. 3.2.6; 4C_461/2004 du 15 mars 2005 consid. 2).

2.1.3 Aux termes de l'art. 201 al. 1 CO, l’acheteur a l’obligation de vérifier l’état de la chose reçue aussitôt qu’il le peut d’après la marche habituelle des affaires; s’il découvre des défauts dont le vendeur est garant, il doit l’en aviser sans délai.

Cette disposition est de droit dispositif, de sorte que les parties peuvent s'accorder pour modifier ce régime (Venturi/Zen-Ruffinen, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n° 5 ad art. 201 CO).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, il appartient à l'acheteur de prouver qu'il a respecté son devoir lorsque le vendeur allègue la tardiveté de l'avis des défauts (ATF 118 II 142 consid. 3a; 107 II 50 consid. 2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_28/2017 du 28 juin 2017 consid. 4; 4A_405/2017 du 30 novembre 2017 consid. 3.3).

2.2.1 Dérogeant au système légal, les parties sont convenues en l'espèce, s'agissant des délais de garantie, que l'appelante devrait, sous peine d'être déchue de son droit à la garantie, notifier à l'intimé toute demande d'indemnisation ("appel en garantie") dans les 30 jours à compter de la découverte de l'état de fait justifiant sa demande, respectivement, s'agissant d'un appel en garantie lié à une prétention soulevée par un tiers contre une des sociétés acquises, dans les 10 jours ouvrables dès la réception de la prétention du tiers (art. 8.3 de la convention du 12 septembre 2016; cf. consid. g).

2.2.2 Les parties sont également convenues d'une garantie du niveau de l'EBITDA, l'intimé certifiant "que l'EBITDA retraité présent[ait] un niveau d'environ CHF 540'000.- pour l'année 2015".

L'appelante soutient que l'EBITDA retraité pour l'année 2015 serait en réalité inférieur, exposant que celui-ci devrait être réduit de :

o   111'835 fr. 75 au motif que le montant des factures concernant les travaux exécutés par l'employé W______ pour le client S______ SA n'avait pas été déduit de l'EBITDA retraité pour l'année 2015 alors qu'il aurait dû l'être, selon elle;

o   16'953 fr. 60 correspondant à des travaux exécutés par l'employé V______ pour le client S______ SA qui n'avaient pas été déduits de l'EBITDA retraité pour l'année 2015 alors qu'ils auraient dû l'être, selon elle;

o   108'018 fr. 50 correspondant au montant facturé en 2015 à K______ SA, société détenue par l'intimé, qui n'avait pas été déduit de l'EBITDA retraité pour l'année 2015 alors qu'il aurait dû l'être, selon elle;

o   620 fr. 95 correspondant à un redressement AVS pour l'exercice 2015, qui n'avait pas été déduit de l'EBITDA retraité pour l'année 2015 alors qu'il aurait dû l'être, selon elle.

2.2.3 Chacune de ces réductions, pour autant qu'elle soit justifiée, constitue un défaut de la chose vendue, puisqu'elle correspond à une moins-value de l'EBITDA garanti par l'intimé. Pour que l'appelante puisse s'en prévaloir, il faut qu'elle en ait valablement avisé l'intimé par un appel en garantie dans le délai convenu.

L'appelante a notifié deux appels en garantie à l'intimé :

2.2.3.1 Le premier lui a été adressé par courrier recommandé du 6 octobre 2017. Il dénonçait la disparition du chiffre d'affaires lié au client K______ SA en 2016, alors qu'il était de 108'018 fr. en 2015, et l'absence de retraitement d'un montant de 155'915 fr. lié au client S______ SA, ce qui diminuait la valeur réelle de l'EBITDA retraité 2015 et entraînait une réduction du prix de vente de l'ordre de 1'905'596 fr.

Dans son courrier de réponse, l'intimé a contesté tant sa responsabilité que le respect du délai d'appel en garantie. La contestation du respect du délai de garantie a été réitérée par l'intimé dans les écritures qu'il a déposées devant le premier juge, de sorte qu'il incombait à l'appelante de démontrer le respect de ce délai.

Pourtant, l'appelante n'a pas allégué à quel moment elle aurait eu connaissance des faits qui, selon elle, fondaient ce premier appel à garantie, ni offert de le prouver.

Dans la mesure où elle a eu accès à l'ensemble de la comptabilité des sociétés qu'elle a acquises ainsi qu'à l'ensemble de la documentation de ces sociétés le 13 octobre 2016 (moment du closing) et qu'elle n'explique pas les raisons qui l'ont conduite à attendre le 6 octobre 2017, soit près d'une année, pour notifier son appel en garantie, celui-ci sera considéré comme tardif; l'appelante sera ainsi déchue de son droit à la garantie s'agissant des défauts invoqués dans l'appel du 6 octobre 2017, sous réserve d'un éventuel comportement dolosif de l'intimé (cf. consid. 3 ci-après).

2.2.3.2 L'appelante a notifié un deuxième appel en garantie à l'intimé par courrier recommandé du 1er décembre 2017 pour un montant de 5'941 fr. 90 en raison de prétentions élevées à son encontre par la Caisse [de compensation AVS] AB______.

L'intimé a contesté par courrier du 6 décembre 2017, ainsi qu'à l'occasion de ses écritures de première instance, que l'appel en garantie ait été notifié dans le délai convenu, de sorte qu'il appartenait à cette dernière de démontrer qu'elle avait respecté cette incombance.

Or, l'appelante a réceptionné le courrier de la Caisse [de compensation AVS] AB______ le 3 novembre 2017. Aussi, son appel en garantie a été formulé après l'échéance du délai conventionnel de dix jours applicable aux prétentions de tiers, sans que l'appelante n'allègue les éventuelles raisons justifiant ce retard.

Par conséquent, cet appel en garantie sera également considéré comme tardif, sous réserve d'un éventuel comportement dolosif de l'intimé (cf. consid. 3 ci-après).

3. L'appelante reproche au premier juge d'avoir retenu que la procédure n'avait pas permis de démontrer que l'intimé connaissait le caractère grossièrement incomplet et frauduleusement trompeur des informations communiquées pour déterminer l'EBITDA, de sorte que l'appelante ne pouvait se prévaloir de la mauvaise foi de l'intimée, ce qui lui aurait permis de s'affranchir du respect du délai d'appel à la garantie.

3.1 En cas de dol du vendeur, le législateur a mis en place un régime aggravé qui modifie partiellement les conditions de la garantie. En effet, le vendeur qui a induit l'acheteur intentionnellement en erreur ne peut se prévaloir du fait que l'avis des défauts n'aurait pas eu lieu en temps utile (art. 203 CO).

La dissimulation frauduleuse peut notamment consister à taire un fait tel que l'absence d'une qualité prévue de la chose vendue, dont la connaissance aurait induit l'acheteur à ne pas conclure le contrat ou à le conclure à des conditions différentes de celles convenues (ATF 132 II 161 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_70/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.1). L'expression doit être entendue de manière large : le vendeur peut induire intentionnellement l'acheteur en erreur (en lui dissimulant des défauts ou en simulant des qualités), mais aussi exploiter l'erreur dans laquelle se trouve l'acheteur (Venturi/Zen-Ruffinen, op. cit., n° 3 ad art. 199 CO).

Le vendeur agit par dol non seulement lorsqu'il fournit des indications fausses sur la qualité de la chose, mais également lorsqu'il passe sous silence certains faits que la loi, le contrat ou les règles de la bonne foi lui commandent de révéler (ATF 131 III 145 consid. 8.1; 117 II 218 consid. 6a; 116 II 431 consid. 3a). Le vendeur doit omettre consciemment de communiquer un défaut à l'acheteur – qui l'ignorait et ne pouvait le découvrir en raison de son caractère caché – tout en sachant qu'il s'agit d'un élément important pour ce dernier (arrêts du Tribunal fédéral 4A_622/2012 du 18 janvier 2013 consid. 3.2; 4A_301/2010 du 7 septembre 2010 consid. 3.2). S'agissant du devoir d'informer l'acheteur, il n'existe pas si le vendeur peut valablement supposer, selon les règles de la bonne foi, que ces défauts étaient à l'évidence connus de l'acheteur (Tercier/Bieri/ Carron, op. cit., n. 826; Venturi/Zen-Ruffinen, op. cit., n. 3 ad art. 199 CO et la référence citée). C'est en particulier le cas des défauts dont l'acheteur aurait dû s'apercevoir en faisant preuve de l'attention appropriée; il suffit en principe que l'acheteur fasse preuve de "l'attention habituelle" (cf. art. 200 CO).

Le vendeur doit avoir une connaissance effective du défaut; l'ignorance due à une négligence même grave ne suffit pas (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2009 du 20 août 2009 consid. 3.2.3). La connaissance ne doit pas nécessairement être complète ni porter sur tous les détails; il suffit que le vendeur soit suffisamment orienté sur la cause à l'origine du défaut pour que le principe de la bonne foi l'oblige à en informer l'acheteur (ATF 66 II 132 consid. 6). La dissimulation doit être intentionnelle; le dol éventuel suffit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_70/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.1). La clause limitative ou exclusive de garantie demeure valable s'agissant des défauts que le vendeur n'a pas frauduleusement dissimulés (Venturi/Zen-Ruffinen, op. cit., n. 4 ad art. 199 CO).

Le fardeau de la preuve de la dissimulation frauduleuse incombe à l'acheteur (ATF 131 III 145 consid. 8.1).

3.2 En l'espèce, l'appelante soutient que l'intimé lui aurait sciemment caché des éléments qu'il ne pouvait ignorer, notamment le fait que le montant des travaux exécutés par W______ pour un total de 111'835 fr. 75 et le montant de ceux exécutés par V______ pour un total de 16'953 fr. 60 auraient dû être retraités, de même que le montant des travaux exécutés pour le compte de K______ SA en 2015 pour un total de 108'018 fr. 50.

Il s'agit donc d'examiner, pour chacun de ces montants, si les faits qui auraient dû, selon l'appelante, conduire à leur retraitement ont été sciemment dissimulés par l'intimé.

3.2.1 S'agissant du prix des travaux exécutés par W______, l'expert judiciaire a conclu qu'ils auraient dû faire l'objet d'un retraitement.

L'appelante expose que, compte tenu de l'ampleur des documents qu'elle avait à analyser dans le cadre de sa due diligence, il lui était impossible de vérifier toutes les factures émises par les sociétés objet de l'acquisition et qu'elle avait donc accordé une confiance particulière à l'intimé.

Il est établi que, pour l'accomplissement de sa due diligence, l'appelante a disposé des documents comptables de E______ SA et de ses filiales (à l'exception de ceux de I______ SA qui n'était pas comprise dans le périmètre d'acquisition) sous format papier et qu'elle n'a pu les consulter que dans les locaux de E______ SA, ce qui avait compliqué leur analyse dans le cadre de cette due diligence.

De même, l'appelante a accordé une confiance particulière aux informations qui lui avaient été transmises par l'intimé dans le cadre de cette due diligence, notamment s'agissant des retraitements, ce qui ressort des courriels adressés à l'intimé les 15 juillet et 4 août 2016.

L'importance conférée par l'appelante à la fiabilité des informations transmises par l'intimé a été formalisée à l'article 6 let. s de la convention, qui stipule qu'elles avaient été communiquées de bonne foi. De même, les parties sont convenues que les vérifications du niveau de l'EBITDA retraité pour l'année 2015 faites par l'appelante reposaient sur les éléments fournis par les vendeurs.

Malgré ces garanties, l'intimé n'a pas fourni à l'appelante les informations lui permettant de retraiter les factures des prestations de W______.

En effet, après que l'appelante avait mené sa due diligence, elle a établi un tableau de retraitement sur la base duquel l'EBITDA retraité pour l'année 2015 était de 445'251 fr., qui a été soumis à l'intimé pour qu'il formule ses observations. Il ne ressort pas de ses observations que le montant des travaux exécutés par W______ aurait dû faire l'objet d'un retraitement.

La question de savoir si la vérification insuffisante des retraitements par l'intimé pourrait contrevenir aux garanties données souffre de demeurer indécise. En effet, il ne suffit pas que tel soit le cas pour admettre un comportement dolosif, lequel n'est pas réalisé si l'intimé ignorait qu'il fallait procéder à ce retraitement, même si cette ignorance découlait d'une négligence grave de sa part.

Il appartenait donc à l'appelante de démontrer que l'intimé avait connaissance du fait qu'il fallait procéder au retraitement concerné et qu'il l'avait dissimulé. Or, aucun élément ne permet de retenir que l'intimé savait que ce retraitement devait être effectué. En particulier, le fait allégué selon lequel l'intimé serait un homme rompu aux affaires et qu'il ne pouvait pas ignorer cela, puisqu'il connaissait bien les sociétés qu'il contrôlait, ne suffit pas à lui faire grief d'avoir ignoré la nécessité de retraiter un élément aussi particulier.

De même, le fait que l'intimé n'ait permis à l'appelante d'effectuer sa due diligence que sur la base d'éléments papiers, dans ses locaux et sans pouvoir emporter la documentation mise à sa disposition, s'explique par des impératifs de discrétion s'agissant de la négociation d'une vente d'un groupe de sociétés à un concurrent direct. Aussi, il ne peut être retenu que cette manière de procéder aurait eu pour objectif de conforter l'appelante dans l'erreur s'agissant d'éléments à retraiter.

Après le closing, l'appelante disposait encore d'un délai de trente jours pour se prévaloir de la garantie. Une vérification et un avis dans ce délai lui auraient permis de sauvegarder ses droits.

Il découle de ce qui précède que l'appelante n'est pas parvenue à démontrer que l'intimé l'aurait sciemment induite en erreur, de sorte que ce dernier était fondé à se prévaloir de la tardiveté de l'avis des défauts.

3.2.2. S'agissant du montant des travaux exécutés par V______, l'expert judicaire a exposé qu'il lui avait été indiqué par l'intimé que les charges liées aux prestations effectuées par cet employé avaient été refacturées par I______ SA à E______ SA et que si tel avait été le cas, c'était à raison que ce montant n'avait pas été retraité.

L'expert n'a pas pu vérifier l'existence de cette refacturation, faute pour l'appelante de lui avoir fourni les documents utiles, ce qui lui incombait pourtant puisqu'elle supportait le fardeau de la preuve du dol. Aussi, il lui appartenait de démontrer qu'un élément factuel lui avait été dissimulé, ce qui suppose en particulier l'existence du fait en question.

Sous réserve de cette prétendue absence de refacturation qu'elle n'a pas démontrée, l'appelante n'expose pas pour quel motif il conviendrait de s'écarter des conclusions de l'expert.

Aussi, faute pour elle d'avoir démontré que le montant des travaux exécutés par V______ aurait dû être retraité, elle n'a pas établi l'existence d'un défaut, ni a fortiori, que ledit défaut lui avait été sciemment dissimulé.

En conséquence, le dol ne sera pas retenu pour les travaux exécutés par V______, de sorte que l'intimé pouvait se prévaloir de la tardivité de l'avis des défauts y relatif.

3.2.3 S'agissant des travaux exécutés pour le compte de K______ SA en 2015, l'expert judiciaire a considéré que c'était à raison qu'ils n'avaient pas fait l'objet d'un retraitement car la mention des prestations effectuées pour ce client était justifiée. L'appelante conteste ce constat de l'expert, estimant que le montant de 108'018 fr. 50 aurait dû être retraité dans la mesure où les prestations fournies à cette société n'étaient pas comprises dans le périmètre d'acquisition, voire qu'aucune prestation n'avait été réalisée. Selon elle l'intimé aurait dû, à tout le moins, attirer son attention sur le fait que ce chiffre d'affaires n'était pas récurrent.

L'appelante n'apporte aucun élément démontrant que les prestations fournies à cette société n'auraient pas été effectuées ou respectivement ne constitueraient pas des prestations de nettoyage entrant dans le périmètre d'acquisition, ce qu'elle présente d'ailleurs sous la forme de supposition ("l'appelante reste convaincue"). Elle n'expose pas les raisons pour lesquelles l'intimé aurait été tenu d'attirer son attention sur le fait que le chiffre d'affaires réalisé en lien avec le client K______ SA n'était pas récurrent. Aucune question n'a été adressée à l'intimé sur une telle récurrence et il n'est pas allégué, ni établi que l'intimé aurait amené l'appelante à croire que ce chiffre d'affaires serait récurrent. Au contraire, il pouvait de bonne foi croire que l'appelante, qui avait mené une due diligence – certes limitée – était consciente du caractère non récurrent de certains postes. D'ailleurs, selon le témoin P______, l'appelante avait pu, avant la conclusion de la convention litigieuse, consulter les exercices comptables 2013 et 2014 du groupe E______, de sorte qu'elle disposait de l'information selon laquelle aucun montant n'avait été facturé à K______ SA en 2013 et 2014. Elle ne pouvait donc inférer du fait qu'un montant avait été facturé en 2015 que les prestations fournies à ce client se répéteraient d'année en année.

La clause prévoyant que "le vendeur ne dispose d'aucune information selon laquelle l'un ou l'autre des contrats en portefeuille dans l'une ou l'autre des autres sociétés vendues serait susceptible d'être remis en cause par un client, pour quelque motif que ce soit" n'est pas pertinente, car il n'est pas allégué ni établi que K______ SA aurait résilié un contrat de durée la liant au groupe E______.

L'appelante savait par ailleurs que cette société était détenue par l'intimé – cela étant mentionné en préambule de leur convention – de sorte qu'il lui était loisible de requérir de l'intimé qu'il lui donne des assurances quant au fait que K______ SA confierait d'autres prestations de nettoyage au groupe E______, ce qu'elle n'a pas fait.

Par conséquent, l'appelante n'est pas parvenue à démontrer que l'intimé aurait dissimulé à l'appelante des informations relatives au retraitement du chiffre d'affaires réalisé par le groupe E______ en lien avec le client K______ SA en 2015. L'intimé était donc fondé à se prévaloir du caractère tardif de l'avis des défauts.

3.2.4 En conséquence, dans la mesure où les défauts dont se prévaut l'appelante n'ont pas fait l'objet d'un avis formulé en temps utile et ne lui ont pas été intentionnellement cachés, la responsabilité de l'intimé sera rejetée indépendamment de l'existence éventuelle de ces défauts.

Le jugement sera donc confirmé par substitution de motif.

4. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 36'000 fr. et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 95, 96 et 106 al. 1 CPC; art. 17 et 35 RTFMC). Ils seront compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 98 et 111 al. 1 CPC).

L'appelante sera, en outre, condamnée à verser 27'500 fr. à l'intimée à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 85 et 90 RTFMC, art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ SA contre le jugement JTPI/14432/2021 rendu le 15 novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5548/2018.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 36'000 fr., les met à la charge de A______ SA et les compense avec l'avance de frais de même montant qu'elle a versée, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ SA à verser 27'500 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.