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Décisions | Chambre civile

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C/2496/2021

ACJC/67/2022 du 18.01.2022 sur OTPI/277/2021 ( SP ) , CONFIRME

Normes : CPC.284.al3; CPC.276; CPC.295; CPC.303; CC.286.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2496/2021 ACJC/67/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 18 JANVIER 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [VD], appelant d'une ordonnance rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 31 mars 2021, comparant par
Me José CORET, avocat, avenue de la Gare 1, case postale 986, 1001 Lausanne, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par
Me Laura SANTONINO, avocate, SWDS Avocats, rue du Conseil-Général 4,
case postale 412, 1211 Genève 4, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

ETAT DE GENEVE, soit pour lui le SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA), sis rue Ardutius-de-Faucigny 2, 1204 Genève, comparant en personne.

 

 


EN FAIT

A. a. B______, né le ______ 2002, est issu du mariage de A______ et C______.

b. Le divorce de A______ et C______ a été prononcé par jugement du Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) du 26 novembre 2012. La garde de B______ a été confiée à C______; A______ s'est notamment engagé à verser une contribution à l'entretien de l'enfant de 1'000 fr. dès l'âge de 15 ans jusqu'à la majorité, voire au-delà, mais jusqu'à 25 ans au plus, en cas de formation professionnelle ou d'études sérieuses et régulières.

A______ s'acquitte de cette contribution d'entretien auprès du Service cantonal d'avance et de recouvrement des contributions alimentaires (ci-après SCARPA).

c. A______ est le père d'autres enfants, soit D______, né le ______ 2004, E______, née le ______ 2006, et F______, né le ______ 2020.

Des contributions à l'entretien de D______ et E______ ont été fixées par jugement du Tribunal du 14 avril 2011, s'élevant en dernier lieu à 850 fr. par enfant. A______ s'en acquitte auprès du SCARPA.

B. a. Compte tenu de la naissance de F______, A______ a anticipé l'impossibilité d'assumer l'entretien de tous ses enfants et requis le 8 février 2021 du Tribunal des mesures provisionnelles à l'encontre de son fils B______ et du SCARPA visant à réduire l'entretien dû à celui-là à 100 fr. par mois dès le 1er août 2020.

b. Par ordonnance OTPI/277/2021 du 31 mars 2021, reçue le 1er avril 2021 par A______, le Tribunal a déclaré irrecevable la requête de mesures provisionnelles au motif qu'elle s'inscrivait dans le cadre d'une modification d'un jugement de divorce et qu'en vertu de l'art. 276 CPC de telles mesures ne pouvaient être requises que dans le cadre d'une instance pendante sur le fond.

C. Par acte expédié le 12 avril 2021 au greffe de la Cour de justice (ci-après la Cour), A______ appelle de cette ordonnance, concluant au renvoi de la cause au premier juge en reprenant ses conclusions de première instance.

Il reproche au premier juge d'avoir déclaré sa requête de mesures provisionnelles irrecevable, au motif qu'il s'agirait d'une requête formée en anticipation d'une action en modification de jugement de divorce soumise à l'art. 276 CPC, alors qu'il s'agit d'une action en modification d'aliments au sens de l'art. 286 al. 2 CC. Selon lui, elle n'est donc pas soumise à l'art. 276 CPC, mais aux règles ordinaires en matière de mesures provisionnelles, soit les art. 261 et ss CPC et notamment l'art. 263 CPC qui autorise les mesures superprovisionnelles.


 

EN DROIT

1. Interjeté contre une décision provisionnelle de première instance (art. 308 al. 1 let. b CPC), auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans une cause dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1, 92 al. 1, 308 al. 2 CPC), dans le délai utile de dix jours, eu égard à la procédure sommaire applicable, et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 142 al. 1 et 3,  311 al. 1, 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

2. La seule question litigieuse consiste à déterminer si une requête de mesures provisionnelles est recevable, hors litispendance, en matière d'action alimentaire concernant un enfant majeur en vue de modifier la contribution alimentaire fixée par un jugement de divorce.

2.1.1 Les règles de procédure régissant le divorce sont applicables par analogie à la procédure de modification du jugement de divorce (art. 284 al. 3 CPC). Les mesures provisionnelles sont régies par l'art. 276 CPC. Celui-ci exclut le dépôt de mesures provisionnelles avant litispendance sur le fond (parmi d'autres ATF
138 III 646 consid. 3.3.2; ATF 137 III 614 consid. 3.2.2). La question est néanmoins discutée s'agissant de l'application analogique de l'art. 276 CPC à l'action en modification de jugement de divorce (Tappy, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 7, 8 et 9 ad art. 276 CPC, n° 14a ad art. 284 CPC).

2.1.2 La modification d'une contribution d'entretien fixée en faveur d'un enfant par un jugement de divorce, alors que l'enfant est devenu majeur, n'est pas une action en modification du jugement de divorce, mais une action alimentaire indépendante (ATF 139 III 401 consid. 3.2.2).

2.1.3 Dans l'action alimentaire au sens des art. 295 et ss CPC, les mesures provisionnelles sont régies par l'art. 303 CPC. La jurisprudence cantonale n'est pas univoque sur la possibilité de prononcer de telles mesures provisionnelles avant litispendance (pour : arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 17 mai 2016 n° 2016/286 consid. 3 = JdT 2016 III 116; contre : arrêt du Tribunal cantonal de Fribourg du 23 avril 2012 n° 101 2012-71). Le Tribunal fédéral n'a pas tranché la question (arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2020 du 16 mars 2021 consid. 3.2.3 et 3.2.4).

2.1.4 Le Tribunal fédéral et les tribunaux cantonaux ont rendu plusieurs arrêts contradictoires sur l'application du régime prévu aux art. 295 et ss CPC à l'action alimentaire concernant l'entretien d'un enfant majeur (contre : ATF 139 III 368 consid. 3; ATF 118 II 93 = JdT 1995 I 100 = SJ 1992 p. 462; arrêt de l'Obergericht de Zurich du 13 mars 2018 PC 180006-O/U consid. 4.3 et 4.4; pour : arrêt du Tribunal fédéral 5A_155/2013 du 17 avril 2013 consid. 2.4; arrêt de l'Obergericht de Berne du 30 octobre 2018 ZK 17 340 consid. II.6.3), discutés en doctrine (Bohnet in DroitMatrimonial.ch, Newsletter 9/2013; Heinzmann in CPC Online, newsletter du 3 mai 2018; Bastons-Bulletti in CPC Online, newsletter du 11/2019).

2.1.5 En application de l'art. 286 al. 2 CC, si la situation change notablement, le juge modifie ou supprime la contribution d'entretien de l'enfant, à la demande du père, de la mère ou de l'enfant.

Le dies a quo de la modification prononcée par le juge en application de l'art. 286 al. 2 CC est, au plus tôt, celui du jour de l'ouverture de l'action en modification lorsque celle-ci est requise par l'un des parents (Leuba, Meier, Papaux van Delden, Droit du divorce, 2021, n° 1177 et ss; Meier, Stettler, Droit de la filiation, 2019, n° 1452).

La diminution ou la suppression de la contribution d'entretien à titre provisoire dans le cadre d'une action en modification d'une contribution fixée par jugement de divorce constitue une mesure d'exécution anticipée, dont le sort définitif est réglé dans le jugement de modification au fond. Le juge de la modification statue dans le dispositif sur les contributions dues pour toute la période courant dès l'ouverture de l'action, les montants alloués en mesures provisoires étant décomptés (ATF 130 I 347 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_475/2015 du 17 décembre 2015 consid. 1.4).

2.2 En l'espèce, c'est avec raison que l'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré que la demande relevait de l'action en modification de jugement de divorce. Le premier juge n'était donc pas fondé à déclarer irrecevable la requête de mesures provisionnelles en application de l'art. 276 CPC.

En revanche, l'appelant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que des mesures provisionnelles avant litispendance peuvent être prononcées dans le cadre d'une demande en modification de la contribution d'entretien due à un enfant majeur émanant de son père. L'action en modification de la contribution ne peut, dans ce cas, rétroagir avant le dépôt de l'action au fond. Le juge des mesures provisionnelles ne saurait allouer des prétentions que le juge du fond ne peut octroyer. Dans un procès en modification de contribution d'entretien intenté par le parent débirentier, il ne saurait donc y avoir de mesures provisionnelles portant sur l'entretien antérieur à l'ouverture de l'action au fond. Seules des mesures provisoires peuvent être prononcées pendant la durée de la procédure au fond.

Ainsi, la solution à laquelle est parvenu le Tribunal sera confirmée, par substitution de motifs.

3. Les frais judiciaires d’appel seront fixés à 500 fr. (art. 96 et 104 al. 1 et 2, 105 al. 1 CPC; art. 19 LaCC; art. 33 et 37 RTFMC), mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l’avance de frais de même montant versée par l’appelant, laquelle reste acquise à l’Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Vu la très courte écriture déposée en appel et les conclusions par lesquelles l'intimé s'en est rapporté à justice, des dépens d'appel réduits, arrêtés à 200 fr., débours et TVA inclus, seront alloués à B______ et mis à la charge de l'appelant qui succombe (art. 95 al. 1 let. b et al. 3, 104 al. 1 et 2, 105 al. 2 et 106 al. 1 CPC; art. 20, 23 et 25 LaCC; art. 84 ss RTFMC). Il ne sera pas alloué de dépens au SCARPA qui plaide en personne et s'en est également rapporté à justice dans une brève écriture.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre l'ordonnance OTPI/277/2021 rendue le 31 mars 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2496/2021.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de même montant effectuée par ce dernier, laquelle est acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ la somme de 200 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur
Jean REYMOND, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.