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Décisions | Chambre civile

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C/2597/2020

ACJC/1435/2021 du 22.10.2021 sur OTPI/574/2021 ( SDF ) , RENVOYE

Normes : CPC.303.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/2597/2020 ACJC/1435/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 22 OCTOBRE 2021

 

Entre

Mineurs A______ et B______, représentés par leur mère, Madame C______, avenue ______, Genève, appelants d'une ordonnance rendue par la 15ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 13 juillet 2021, comparant par Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat, rue du Mont-de-Sion 8, 1206 Genève, en l'Étude duquel ils font élection de domicile,

et

Monsieur D______, domicilié ______ [GE], intimé, comparant par Me Lezgin POLATER, avocat, Archipel, route de Chêne 11, case postale 6009, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/574/2021 du 13 juillet 2021, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal), statuant par voie de procédure sommaire, a dit que l'entretien convenable de l'enfant A______ et de l'enfant B______ était de 3'359 fr. chacun (chiffres 1 et 2 du dispositif), condamné D______ à contribuer à l'entretien des deux mineurs à hauteur de 200 fr. par mois, d'avance et par enfant, allocations familiales et d'études non comprises, à compter du 1er avril 2021 et jusqu'à droit jugé au fond dans la procédure (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et réservé le sort des frais judiciaires à la décision au fond (ch. 5).

B.            a. Par acte du 26 juillet 2021, les mineurs A______ et B______, représentés par leur mère, C______, ont formé appel contre l'ordonnance du 13 juillet 2021, reçue le 15 juillet, concluant à l'annulation du chiffre 3 de son dispositif et cela fait, à ce que D______ soit condamné "à verser à A______, en mains de C______, mensuellement et d'avance, allocations familiales non comprises, une contribution d'entretien de 3'359 fr. par enfant dès le 1er avril 2021 et jusqu'à droit jugé dans la procédure au fond" (sic), avec suite de frais et dépens à la charge de l'intimé.

b. Par courrier du 17 août 2021, les appelants ont adressé une pièce nouvelle au greffe de la Cour, soit la copie d'un document daté du 29 juillet 2021, rédigé par la dénommée E______, domiciliée à Q______ (France), indiquant servir régulièrement, dans son bureau de tabac à R______ (France) des personnes (un couple avec un enfant) louant une partie de la maison sise 1______ à R______ (France).

c. Dans sa réponse du 29 août 2021, D______ a conclu au rejet de l'appel, avec suite de frais et dépens.

Il a produit des pièces nouvelles (pièces 1 à 7, la mention suivante figurant sous pièce 3: "à produire").

d. Par avis du greffe de la Cour du 13 septembre 2021, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure soumise à la Cour.

a. Les enfants A______ et B______, nés le ______ 2011, sont issus de la relation hors mariage entretenue par C______, née le ______ 1965, de nationalité française et D______, né le ______ 1964, de nationalité turque, qui les a reconnus devant l'état civil français.

C______ est seule titulaire de l'autorité parentale.

Après avoir vécu dans la maison dont D______ est seul propriétaire à R______ (France), les parties ont cessé de faire ménage commun en septembre 2019, C______ et les enfants s'étant alors installés à Genève.

b. Le 4 mai 2020, les deux mineurs, représentés par leur mère, ont formé devant le Tribunal une action alimentaire à l'encontre de D______, concluant à ce que leur entretien convenable soit fixé à 1'949 fr. par mois jusqu'à leurs 10 ans, puis à 2'149 fr., à ce que D______ soit condamné à verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, pour leur entretien, 1'949 fr. chacun dès le 1er septembre 2019 jusqu'à leurs 10 ans, puis 2'149 fr. jusqu'à leur majorité ou la fin de leurs études régulièrement menées, lesdites contributions devant être indexées à l'indice suisse des prix à la consommation. Il devait par ailleurs être ordonné à D______ d'entreprendre immédiatement les démarches afin que les allocations familiales soient versées en mains de C______ et il devait être condamné à remettre à cette dernière les allocations gardées par devers lui depuis le 1er septembre 2019, avec suite de frais et dépens.

En ce qui concernait la situation patrimoniale des parties, A______ et B______ ont allégué que leurs parents détenaient en copropriété un appartement situé au 2______ au S______ (Genève), lequel était loué à un tiers, D______ conservant les loyers par devers lui.

Leur mère ne travaillait plus depuis 2013 et vivait de sa fortune, sans autres précisions.

Leur père continuait de vivre dans l'ancien domicile familial à R______ (France).

c. Dans sa réponse du 15 octobre 2020, qui mentionnait l'adresse de l'appartement sis au S______, D______ a conclu à l'octroi de l'autorité parentale conjointe et à l'instauration d'un régime de garde alternée sur les deux mineurs, à ce qu'il soit dit que chaque partie devait supporter la moitié des frais courants relatifs à l'entretien des enfants, chaque parent devant assumer l'ensemble des frais ordinaires des enfants lorsqu'ils seraient sous sa garde, les frais extraordinaires devant être partagés par moitié, après concertation.

En ce qui concernait sa situation personnelle, D______ a allégué être éducateur spécialisé, pour un revenu mensuel net de 7'429 fr. Il était toutefois en arrêt de travail pour raison de maladie depuis le 8 février 2019 et s'attendait à la résiliation de son contrat de travail. Il a allégué qu'il percevrait alors des indemnités de l'assurance chômage à hauteur d'un montant encore indéterminé. Il a fait état des charges suivantes: 3'284 fr. à titre de remboursement du crédit relatif au bien immobilier sis à R______, 1'928 fr. relatifs à un emprunt contracté pour financer des travaux exécutés sur le même bien et 878 fr. relatifs au crédit contracté en lien avec l'appartement du S______. Il a contesté percevoir le moindre loyer. Il s'est également prévalu de 469 fr. de prime d'assurance maladie et d'un minimum vital de 1'350 fr.

d. Les mineurs ont répliqué le 9 novembre 2020.

Ils ont persisté à affirmer que leur père vivait dans sa maison sise en France, dont il louait une partie à des tiers via la plateforme T______ au prix de EUR 2'900 par mois. Outre l'appartement sis au S______, il louait en outre à Genève un autre appartement, dont la localisation était inconnue, pour le prix de EUR 1'800.

e. D______ a dupliqué le 3 décembre 2020. Il a notamment allégué, s'agissant de l'appartement sis au S______, que personne ne l'occupait. Il n'a fourni aucune autre indication utile concernant sa situation personnelle et financière.

f. Le Tribunal a tenu une audience le 23 février 2021. D______ a expliqué n'avoir plus perçu d'indemnités pour incapacité de travail depuis le 30 janvier 2021. Un dossier d'invalidité avait été ouvert. Il a allégué vivre dans l'appartement situé au S______ et ne pas le louer, le nom qui figurait sur la porte d'entrée, soit F______, étant celui de son ancienne amie, repartie en Espagne six mois auparavant. Cette dernière avait fourni cette adresse pour des raisons administratives, mais n'avait jamais vécu dans l'appartement. Depuis 2018, il n'avait proposé aucun bien immobilier en location sur la plateforme T______; il l'avait fait auparavant pour la maison sise à R______ (France), mais sans succès et il tentait désormais de vendre ce bien immobilier. Il avait récemment hérité de sa mère d'un appartement sis à U______ (Turquie). Il a allégué être titulaire de comptes bancaires en Suisse, en France et en Turquie, auprès de la G______, du H______, du I______ et de la J______.

C______ a allégué pour sa part être nue-propriétaire d'une maison et d'un appartement sis dans la région V______ (France), ses parents en étant les usufruitiers. Elle a par ailleurs déclaré être titulaire de comptes auprès de K______ et du I______ et être co-titulaire, avec D______, du compte auprès du H______.

g. Le 17 mars 2021, les mineurs, représentés par leur mère, ont formé une requête de mesures provisionnelles, concluant à la condamnation de D______ à verser en mains de C______, par mois, d'avance et par enfant, allocations familiales non comprises, une contribution d'entretien de 2'149 fr. dès le 1er avril 2021 et jusqu'à l'entrée en force de la décision au fond. Ils ont également sollicité le versement d'une provisio ad litem de 10'000 fr.

h. Le Tribunal a tenu une audience le 25 mai 2021.

D______ a conclu au déboutement des mineurs de leurs conclusions sur requête de mesures provisionnelles. Il a précisé ne percevoir, depuis le 31 janvier 2021, ni salaire, ni indemnités d'une quelconque assurance-sociale, ni prestations de l'Hospice général. Il n'a pas contesté être administrateur et actionnaire de la société L______ SA, laquelle avait été constituée le 1er février 2018 dans le but d'acheter un immeuble dans le quartier W______. L'affaire n'avait toutefois pas été conclue et la société n'avait aucune activité.

Au terme de l'audience, la cause a été gardée à juger sur mesures provisionnelles.

i. La situation personnelle et financière des parties a été retenue comme suit par le Tribunal:

i.a C______ est diplômée de l'Institut X______ (France). Elle a travaillé pendant dix ans au service de M______ en tant que statisticienne, jusqu'à son licenciement en 2014. Elle a ensuite travaillé durant deux ans en tant que consultante pour une start up avec siège en Suède, puis a cessé toute activité lucrative. Ses charges ont été retenues à hauteur de 4'200 fr. par mois (1'350 fr. de minimum vital OP, 2'450 fr. de loyer (70% de 3'500 fr.) et 400 fr. de prime d'assurance maladie.

i.b D______ a été engagé le 1er octobre 2008 par Y______. Depuis le 8 février 2019, il est en incapacité de travail en raison d'une fibromyalgie. Il a perçu, jusqu'au 31 janvier 2021, des indemnités perte de gain de 7'429 fr. par mois et est actuellement dans l'attente d'une décision de l'assurance invalidité. Par courrier du 22 décembre 2020, Y______ ont confirmé qu'à compter du 31 janvier 2021, ils n'avaient plus d'obligation de lui verser un salaire et l'informaient de ce qu'il avait la possibilité de conclure une assurance perte de gain directement auprès de son assureur maladie. D______ a été licencié pour le 30 juin 2021. Le Tribunal a retenu qu'il continuait de vivre en France, avec sa nouvelle compagne, dans la maison dont il est propriétaire, l'appartement situé au S______ [GE] étant loué à des tiers, pour un loyer pouvant être estimé à 2'400 fr. par mois, aucune charge en lien avec ce bien immobilier n'ayant par ailleurs été démontrée. Il n'avait pas été rendu vraisemblable que D______ percevait d'autres revenus que celui-ci.

Le Tribunal a retenu des charges s'élevant à 1'991 fr. 50, soit 722 fr. 50 de montant de base OP [(1'700 fr./2) - 15%], 800 fr. au titre des frais de logement et 469 fr. de prime d'assurance maladie, ce qui lui laissait un solde disponible de l'ordre de 408 fr. par mois.

i.c Les charges des enfants s'élevaient à 1'559 fr. par mois et par enfant (400 fr. de minimum OP, 150 fr. de prime d'assurance maladie, 128 fr. et 106 fr. pour le restaurant scolaire et le parascolaire, 250 fr. de frais de loisirs et 15% du loyer maternel, soit 525 fr.), soit à 1'259 fr. après déduction des allocations familiales.

i.d La fortune de chacune des parties n'a pas pu être établie à ce stade de la procédure.

Les éléments suivants résultent par ailleurs des pièces produites, tant devant le Tribunal qu'en appel:

Les mineurs ont versé à la procédure une capture d'écran concernant la mise en location par "hôte D______" d'un "étage de 60m2 pour une famille nombreuse", dans la maison sise à R______ (France), pour le prix de EUR 2'898 par mois, réduit à EUR 1'449. Les dates qui apparaissent sur la capture d'écran vont du 30 septembre 2020 au 30 janvier 2021. Un prénommé "Z______", qui a mentionné un "séjour longue durée" et la date "août 2020", a laissé un commentaire louant l'aspect pratique de la localisation du bien immobilier. Un prénommé "AA______", dont le commentaire date de mai 2020, également pour un séjour de longue durée, a pour sa part indiqué qu'il s'agissait d'un superbe appartement, bien placé et propre.

Sur une autre capture d'écran apparaît également une offre, du même "hôte D______", pour une "chouette petite chambre pour une dame à Genève", laquelle a apparemment été louée, selon les commentaires publiés, aux prénommés AB______, AC______ et AD______. La première a notamment précisé que ses échanges avec D______ avaient été précis et que l'épouse de celui-ci l'avait initiée au fonctionnement des bus à Genève.

Par procès-verbal de constat du 18 septembre 2020, N______, huissier judiciaire, a indiqué s'être rendu au 2______, au S______ [GE], à la demande de C______. Sur la boîte aux lettres de l'appartement copropriété de cette dernière et de D______, ainsi que sur la porte d'entrée, figurait une plaque avec la mention "Famille D______ F______". L'huissier judiciaire avait constaté un léger bruit de télévision ou de radio provenant de l'appartement. Dans une attestation du 9 décembre 2020, la dénommée O______ a affirmé s'être rendue, le 7 décembre 2020, au 2______ et avoir sonné à la porte de l'appartement en cause. Une dame avait ouvert, expliquant être la locataire depuis 2015 et acquitter mensuellement 2'400 fr. en mains de D______, sans recevoir de quittance en retour.

Le 27 juin 2017, D______ a obtenu du I______ un prêt d'un montant de 570'000 fr., au taux fixe de 0,9%. Il est mensuellement redevable d'un montant de 3'283 fr. 96, comprenant une part de remboursement, les intérêts, ainsi qu'une assurance et des frais. Le 10 août 2020, D______ a contracté auprès de P______ un emprunt de 129'000 fr. pour une durée de quatre-vingt-quatre mois, avec un taux d'intérêts de 6,9%. Par courrier du 9 juin 2021, D______ a été convoqué par l'Office des poursuites afin d'y être interrogé sur sa situation patrimoniale en vue de procéder à la saisie de ses biens dans le but de couvrir le montant dû à P______, soit 134'635 fr. 60. D______ et C______ devaient par ailleurs, au 31 décembre 2017, 58'050 fr. et 261'950 fr. au H______.

D______ a versé à la procédure plusieurs certificats médicaux faisant état d'une incapacité totale de travail. Tel était encore le cas jusqu'au 30 septembre 2021.

j. La procédure au fond se poursuit devant le Tribunal.

D. a. Dans son ordonnance, le Tribunal a considéré que l'entretien convenable des enfants s'élevait à 3'359 fr. par mois et par enfant, correspondant à leurs propres charges, en 1'259 fr., auxquelles s'ajoutait une contribution de prise en charge de 2'100 fr. chacun correspondant à la moitié du déficit de leur mère. Toutefois, le solde disponible du père n'étant que de l'ordre de 400 fr. par mois, il ne pouvait être condamné à payer plus de 200 fr. par mois et par enfant à titre de contribution à leur entretien.

b. Dans leur appel, les appelants font grief au Tribunal d'avoir mal évalué les revenus de D______. En particulier, le premier juge avait omis de tenir compte des indemnités que leur père devait vraisemblablement percevoir de l'assurance chômage, ou de l'assurance invalidité. Dans la mesure où il avait contracté un emprunt de 130'000 fr. au mois d'août 2020, soit postérieurement au dépôt de l'action alimentaire, il devait se savoir en mesure de le rembourser, intérêts compris, après le mois de janvier 2021, puisqu'à défaut il n'aurait pas pris le risque d'emprunter un tel montant. C'était également à tort que le Tribunal n'avait imputé aucun revenu hypothétique à leur père, alors que son incapacité de travailler n'était pas établie et qu'il avait constitué, en 2018, une société immobilière, dont il n'était pas crédible qu'elle n'ait aucune activité. En outre, il était établi par les pièces de la procédure que D______ mettait en location sur la plateforme T______ non seulement la villa sise à R______ (louée par ailleurs de manière permanente à plus de cinq locataires), mais qu'il proposait également à la location un autre bien immobilier à Genève, dont la localisation n'était pas connue. Ainsi et à compter du 1er avril 2021, D______ avait à tout le moins perçu les revenus mensuels suivants: 2'400 fr. pour la location de l'appartement de S______ [GE], 5'943 fr. d'indemnités de l'assurance chômage et 3'190 fr. provenant de la location de la villa sise en France, pour un total de 11'533 fr. Il était dès lors en mesure de couvrir l'intégralité de leur entretien convenable.

c. Dans sa réponse à l'appel, l'intimé a allégué avoir perçu des indemnités pour perte de gain du 8 février 2019 au 31 janvier 2021 et être toujours dans l'attente d'une décision de l'assurance invalidité. Etant incapable de travailler, il ne recevait pas d'indemnités de l'assurance chômage, étant inapte à un placement ou à une mesure de réinsertion. Sur ce point, il devait verser à la procédure la confirmation de l'Office cantonal de l'emploi mentionnant le fait qu'il ne percevait aucune indemnité chômage (pièce 3 "à produire"), document qu'il n'a toutefois jamais produit. Il a allégué ne pas parvenir à rembourser le prêt à la consommation contracté en 2020, une poursuite ayant été engagée à son encontre. L'appartement sis au S______ était en réalité inoccupé, de sorte qu'il ne percevait aucun loyer; il vivait par ailleurs seul dans la maison sise en France.

Pour le surplus, D______ a exposé s'être marié le ______ 2021, son épouse devant donner naissance à leur enfant le ______ 2021.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est dirigé contre un jugement rendu sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), dans une cause dont la valeur litigieuse dépasse 10'000 fr. au vu de la différence entre les contributions d'entretien réclamées et celles allouées par le Tribunal. La voie de l'appel est dès lors ouverte (art. 308 al. 2 CPC), étant relevé que les conditions de délai et de forme applicables à l'appel ont été respectées (art. 311 et 314 al. 1 CPC).

L'appel est recevable.

1.2 Compte tenu de la nationalité étrangère du père et de la mère des enfants, la cause présente des éléments d'extranéité. Les mineurs étant domiciliés à Genève, les juridictions genevoises sont compétentes pour statuer sur leur demande et le droit suisse est applicable, ce que les parties n'ont pas remis en cause (art. 79 al. 1 LDIP et 4 al. 1 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires).

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique les maximes inquisitoire et d'office illimitées, dans la mesure où le litige concerne des enfants mineurs (art. 296 al. 1 CPC). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, avec administration restreinte des moyens de preuve (art. 254 CPC), la cognition du juge est cependant limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5.1).

2. L'intimé a produit des pièces nouvelles devant la Cour.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

Dans les causes concernant des enfants mineurs, la Cour de céans admet cependant tous les novas (ACJC/364/2015 du 27 mars 2015 consid. 3.1 et ACJC/976/2014 du 15 août 2014 consid. 1.3).

2.2 Au vu de la jurisprudence citée ci-dessus, les pièces nouvelles produites par l'intimé devant la Cour sont recevables, en tant qu'elles concernent sa situation personnelle et financière, de nature à influer sur la fixation de la contribution à l'entretien de ses enfants mineurs.

3. 3.1.1 Selon l'art. 303 al. 1 CPC, dans le cadre d'une demande d'aliments, si la filiation est établie, le défendeur peut être tenu, sur mesures provisionnelles, de consigner ou d'avancer des contributions d'entretien équitables.

Dans la mesure où la filiation est établie, l'existence d'un devoir d'entretien à l'égard de l'enfant ne laisse guère de place au doute, raison pour laquelle l'art. 303 al. 1 ne soumet pas l'octroi de mesures provisionnelles à des conditions particulières mais laisse au contraire un grand pouvoir d'appréciation au tribunal. Les mesures provisionnelles sont ordonnées pour la durée du procès; elles sont modifiables en tout temps (Jeandin, Commentaire Romand, CPC, 2019, n° 6 et 8 ad art. 303 CPC).

Dans le cas de la procédure concernant l'enfant mineur dont la filiation est établie, les mesures provisoires ordonnées apparaissent comme des mesures de réglementation, soit des mesures qui règlent provisoirement, pour la durée du procès, le rapport de droit durable existant entre les parties. En ce sens, elles doivent être rapprochées des mesures provisoires ordonnées pendant la procédure de divorce, lesquelles sont définitivement acquises (ATF 137 III 586 ss).

3.1.2 Selon l'art. 276 al. 1 et 2 CC, les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant, en fournissant soins, éducation et prestations pécuniaires. Ils assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.

Les contributions provisoires fixées sur la base de l'art. 303 al. 1 CPC le sont conformément aux art. 285 et ss CC (stettler, meier, Droit de la filiation, 2019, n° 1503).

La contribution d'entretien en argent doit correspondre aux besoins de l'enfant. Il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant ainsi que de la participation de celui des parents qui n'a pas la garde à la prise en charge de ce dernier (art. 285 al. 1 CC). Ces différents critères doivent être pris en considération; ils exercent une influence réciproque les uns sur les autres. Ainsi, les besoins de l'enfant doivent être examinés en relation avec les trois autres éléments évoqués et la contribution d'entretien doit toujours être dans un rapport raisonnable avec le niveau de vie et la capacité contributive du débirentier (ATF 116 II 110 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_96/2017 du 20 juillet 2017 consid. 4.1; 5A_134/2016 du 18 juillet 2016 consid. 3 et les références citées).

Dans tous les cas, le minimum vital du droit des poursuites du débirentier doit être préservé (ATF 144 III 502 consid. 6.4 ; 140 III 337 consid. 4.3; 137 III 59 consid. 4.2.1; 135 III 66 consid. 2; 123 III 1 consid. 3b/bb et 5 in fine; arrêts du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3 et 5A_311/2019 du 11 novembre 2020 consid. 7.3).

3.2 En l'espèce, les liens de filiation entre les parties sont établis, de sorte que le devoir de l'intimé de contribuer à l'entretien des appelants est indiscutable.

Les charges des mineurs, telles que retenues par le premier juge, n'ont pas été remises en cause, de même que la contribution de prise en charge. Les chiffres 1 et 2 de l'ordonnance attaquée seront dès lors confirmés. Le litige devant la Cour ne porte que sur les revenus imputés à l'intimé par le Tribunal, à hauteur de 2'400 fr. par mois, correspondant au loyer perçu pour la location de l'appartement sis au S______ [GE].

Force est toutefois de constater que la situation de l'intimé est pour le moins opaque et qu'au moment où le Tribunal a rendu sa décision sur mesures provisionnelles la cause n'était pas en état d'être jugée, même si, les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, la simple vraisemblance suffit. Le dossier ne contient en effet pas suffisamment d'éléments pour établir, ne serait-ce que de façon vraisemblable, quelles sont les sources de revenus et les charges de l'intimé.

Ce dernier a tout d'abord fourni des explications contradictoires sur son lieu de vie, alléguant dans un premier temps occuper l'appartement situé au S______, lequel n'était par conséquent pas loué à un tiers, pour finir par admettre vivre dans la maison dont il est propriétaire en France. Sur ce dernier point, il a affirmé l'occuper seul, alors que par ailleurs il a indiqué s'être marié en février 2021, son épouse devant prochainement donner naissance à leur premier enfant. Or, le fait de vivre en Suisse, ou en France, seul ou avec un conjoint est de nature à influer sur la fixation de la contribution d'entretien due aux appelants, y compris sur mesures provisionnelles. L'intimé a par ailleurs soutenu ne plus percevoir le moindre revenu ou prestation sociale depuis la fin du mois de janvier 2021. Il n'a toutefois par fourni d'explications utiles sur ses moyens de subsistance depuis cette date, n'a pas produit la pièce qu'il avait pourtant mentionnée dans ses écritures devant démontrer son absence de droit au chômage et n'a pas indiqué s'il a, ou pas, effectué d'éventuelles démarches pour contracter une assurance perte de gain, comme le lui avait suggéré son ancien employeur. Les appelants ont par ailleurs produit diverses pièces démontrant qu'à tout le moins durant l'année 2020 leur père louait à des tiers une partie de la maison sise en France, ainsi qu'une chambre dans un appartement sis à Genève, dont la procédure ne permet pas de déterminer où il se trouve, ni s'il appartient à l'intimé. Sur ces différents points, ce dernier s'est contenté d'alléguer qu'il ne louait plus sa maison de R______ [France] depuis 2018, ce qui apparaît être en contradiction avec les commentaires relevés sur les captures d'écran figurant à la procédure. Il a également affirmé chercher à vendre ce bien immobilier, alors qu'il a fini par admettre qu'il y vit. Il sera en outre observé qu'au moment où le jugement sur mesures provisionnelles a été rendu, l'intimé n'avait pas encore produit les extraits de ses comptes bancaires, ni ses bordereaux d'impôts; il n'avait pas davantage indiqué si la maison dont il est désormais propriétaire en Turquie est, ou pas, louée.

Au vu de ce qui précède, il paraît vain de tenter de déterminer les revenus et les charges de l'intimé, ce qui ne permet pas de fixer une contribution à l'entretien des appelants sur mesures provisionnelles. Aucune urgence ne nécessite par ailleurs de statuer sur mesures provisionnelles, alors que des mesures d'instruction complémentaires s'imposent. En effet, bien que l'intimé et la mère des appelants vivent séparés depuis septembre 2019, l'action alimentaire du mois de mai 2020 ne contenait aucune conclusion sur mesures provisionnelles; ce n'est que le 17 mars 2021 qu'une telle requête a été formée, alors que C______ allègue pourtant être sans revenus depuis plusieurs années. Il y a dès lors lieu de retenir que sa fortune, sur laquelle elle n'a pas fourni d'explications, lui permet de supporter, le temps d'une instruction complémentaire, les charges de ses enfants.

Le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée sera dès lors annulé et la cause renvoyée au Tribunal pour suite d'instruction et nouvelle décision.

4. 4.1 Les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 106 al. 1 CPC). Le Tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al.1 let. c CPC).

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'000 fr., compensés avec l'avance fournie par les appelants, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC) et mis à la charge de l'intimé, qui succombe.

Celui-ci sera par conséquent condamné à verser la somme de 1'000 fr. aux appelants, pris conjointement et solidairement, à titre de remboursement de frais.

Compte tenu de la nature familiale du litige, il ne sera pas alloué de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par les mineurs A______ et B______, représentés par leur mère, C______, contre l'ordonnance OTPI/574/2021 rendue le 13 juillet 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/2597/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif de l'ordonnance attaquée et cela fait,

Retourne la cause au Tribunal de première instance pour suite d'instruction et nouvelle décision.

Confirme l'ordonnance attaquée pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de la procédure d'appel à 1'000 fr., les compense avec l'avance de frais, qui reste acquise à l'Etat de Genève et les met à la charge de D______.

Condamne en conséquence D______ à verser la somme de 1'000 fr. aux mineurs A______ et B______, pris conjointement et solidairement, en mains de leur représentante légale, C______.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, dans les limites de l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.