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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/16202/2010

AARP/78/2023 du 16.03.2023 sur JTCO/125/2021 ( PENAL ) , ADMIS

Recours TF déposé le 03.05.2023, 7B_104/2023
Descripteurs : ESCROQUERIE;CONTRAT D'AFFRÈTEMENT;LETTRE DE CRÉDIT
Normes : CP.146; CP.158
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16202/2010 AARP/78/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 mars 2023

 

Entre

A______, domicilié c/o Mme B______, ______ [VD], comparant par Me C______, avocat, ______ [GE]

LA MASSE EN FAILLITE DE D______ SA en liquidation et D______ SA en liquidation, parties plaignantes, comparant par Me E______, avocat, ______ [VD],

appelants,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant joint,

 

contre le jugement JTCO/125/2021 rendu le 11 novembre 2021 par le Tribunal correctionnel,

et

F______ SA, partie plaignante, comparant par Me Guy-Philippe RUBELI, avocat,
MLL MEYERLUSTENBERGER LACHENAL FRORIEP SA, rue du Rhône 65, case postale 3199, 1211 Genève 3,

intimée.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______, D______ SA en liquidation et sa masse en faillite, respectivement le Ministère public (MP), forment appels et appel joint contre le jugement du 11 novembre 2021, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a acquitté A______ de gestion déloyale (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 du code pénal [CP]) en lien avec le chiffre B.I.2 de l'acte d'accusation, ainsi que de tentative d'extorsion et de chantage (art. 22 al. 1 cum 156 ch. 1 CP). Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, assortie du sursis à raison de 24 mois, avec délai d'épreuve de quatre ans, pour gestion déloyale en lien avec le chiffre B.I.1 de l'acte d'accusation, vol (art. 139 ch. 1 CP) ainsi que banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie (art. 163 ch. 1 CP).

Le TCO a condamné A______ à payer à la masse en faillite de D______ SA en liquidation des dommages-intérêts de EUR 2'385'506.30, avec intérêts à 5% dès le 30 mai 2011, prononcé contre le précité une créance compensatrice de CHF 1'153'465.05 en faveur de l'Etat et levé les séquestres encore en cours.

Les conclusions en indemnisation de A______ ont été rejetées et il a été condamné aux frais de la procédure, en CHF 28'615.20, ainsi qu'à verser à F______ SA et à la masse en faillite de D______ SA en liquidation respectivement CHF 310'924.95 et CHF 165'000.- pour leurs frais de défense.

b. A______ conteste partiellement ce jugement et conclut, frais à la charge de l'Etat, à son acquittement des chefs de gestion déloyale et de vol, au constat d'une violation du principe de célérité, au prononcé d'une peine pécuniaire clémente avec sursis, complémentaire à celles prononcées les 15 mai et 7 décembre 2020, subsidiairement à une réduction de la peine de six mois au moins en conséquence de la violation du principe de célérité, au déboutement des parties plaignantes de leurs conclusions civiles et en indemnisation, à l'allocation d'une indemnité de CHF 79'764.55 pour ses frais de défense, étant précisé qu'il conteste également le prononcé d'une créance compensatrice.

D______ SA en liquidation et sa masse en faillite contestent partiellement ce jugement. Elles concluent à la fixation des dommages-intérêts en leur faveur à USD 4'070'256.18 avec intérêts à 5% dès le 13 mai 2011, subsidiairement à USD 4'015'885.50 (avec intérêts à 5% dès le 16 mai 2011 sur USD 250'000.- et dès le 30 mai 2011 sur USD 3'765'885.50), et à un verdict de culpabilité du chef d'escroquerie en lieu et place de celui de vol, ainsi que de tentative d'extorsion et de chantage.

Le MP conteste partiellement ce jugement et conclut, avec suite de frais, à un verdict de culpabilité des chefs de gestion déloyale en lien avec le chiffre B.I.2 de l'acte d'accusation, d'escroquerie en lieu et place de celui de vol et de tentative d'extorsion et de chantage, ainsi qu'au prononcé d'une peine privative de liberté de 40 mois et d'une créance compensatrice de CHF 1'707'117.05.

c. Selon l'acte d'accusation du 2 octobre 2020, complété lors des débats de première instance, il est reproché ce qui suit à A______.

c.a. De juillet 2008 à mars 2010, il a conclu, pour le compte de sa société G______ Ltd, des contrats aux termes desquels cette dernière a perçu, sans la moindre justification commerciale, des commissions calculées au prorata de la quantité de marchandise vendue par F______ SA, son employeur, en parallèle de contrats de fourniture de produits pétroliers qu'il avait lui-même négociés pour le compte de cette dernière. Il a agi ainsi à huit reprises pour un montant total de USD 749'406.12 (ch. B.I.1 de l'acte d'accusation – gestion déloyale aggravée).

c.b. Entre fin 2009 et début 2010, pour le compte de D______ SA ou de la société H______ (UK) LTD, ou à tout le moins en étroite collaboration avec elles, il a négocié et conclu des contrats portant sur la fourniture de produits pétroliers que F______ SA aurait pu proposer à la vente, avec des clientes de cette dernière ou d'autres sociétés. Il devait toucher 50% des bénéfices en découlant. Il a pour ce faire mis à profit ses contacts commerciaux avec la clientèle de son employeur, pour la rediriger vers les sociétés précitées, sans hésiter à la dissuader activement d'entrer en relation avec F______ SA. Il a en particulier agi dans le cadre de 19 transactions, dont il a retiré à tout le moins USD 605'616.- (ch. B.I.2 – gestion déloyale aggravée).

c.c. En mai 2011, agissant par l'intermédiaire de I______ Ltd et à l'insu de J______ et K______, il a conclu avec la société turque L______ un contrat de vente de produits pétroliers acquis par D______ SA auprès de la société autrichienne M______ GmbH et fait verser le produit de la vente sur le compte de sa propre société I______ LTD, totalisant USD 4'015'885.50. D______ SA n'a ainsi pas bénéficié dudit produit de vente, tout en ayant dû acquitter le prix d'achat de la marchandise auprès de M______ GmbH pour un montant de EUR 2'385'506.30, en exécution d'une lettre de crédit ouverte en faveur de cette dernière le 26 avril 2011 (ch. B.II.3).

Contrairement à l'avis du MP qui avait requis une condamnation du chef d'escroquerie, le TCO a retenu pour ces faits la qualification de vol.

c.d. Le 30 mai 2011, A______ a amené J______ à signer une "letter of amicable agreement" (ci-après : l'accord du 30 mai 2011), aux termes de laquelle D______ SA s'engageait à payer à I______ LTD USD 2.5 millions, moyennant quoi celle-ci reverserait à celle-là le montant total reçu de L______. A______ a agi ainsi pour recouvrer sans droit des créances à l'encontre de D______ SA et/ou de J______ (ch. B.III.4 – tentative d'extorsion et de chantage).

c.e. Le 7 juillet 2015, A______, à l'encontre duquel un acte de défaut de biens avait été dressé à la suite de trois poursuites initiées par F______ SA, a dissimulé à l'Office des poursuites qu'il disposait d'une fortune d'à tout le moins USD 3'083'000.- ainsi que d'un bien immobilier à BN______ (ch. B.IV.5).

Le TCO a reconnu A______ coupable de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie pour ces faits (art. 163 ch. 1 CP), dont ni l'établissement ni la qualification juridique ne sont litigieux en appel, étant précisé que l'appelant a rappelé en appel avoir acquis l'immeuble susmentionné au prix de CHF 1 million.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

i) F______ SA ainsi que les sociétés de A______ et de J______

a. F______ SA, sise à Genève, est active dans ______, ______, l'achat et la vente de toutes matières premières, notamment de produits pétroliers et ______. N______ en était l'administrateur depuis le 4 décembre 2007, avec signature individuelle.

A______ a été employé à 100% par F______ SA en qualité de trader du 1er février 2008 au 23 septembre 2010, date à laquelle il a été licencié au motif qu'il avait détourné des clients vers sa propre société G______ LTD. Son salaire s'élevait à CHF 185'000.- bruts par an, auxquels s'ajoutait un bonus discrétionnaire.

Aux termes de son contrat de travail (PP 10'004 ss), il était chargé de rechercher et de négocier des opportunités commerciales pour la société, d'administrer l'exécution des contrats signés et de contrôler les activités quotidiennes correspondantes. Il devait également aider la direction, à laquelle il était supposé régulièrement rendre des comptes, et les autres traders à se tenir informés de l'évolution de l'affrètement des produits et de l'activité de transport maritime de pétrole et de produits spéciaux.

Il devait consacrer ses heures de travail uniquement à son employeur et il n'était pas autorisé à prendre part à des activités en conflit d'intérêts avec ce dernier. Il ne pouvait pas non plus exercer un autre travail rémunéré ni prendre des participations à des fins d'investissement dans des sociétés se trouvant dans un rapport d'affaires ou de concurrence avec son employeur, ni communiquer à des tiers toute information relative à F______ SA, ses employés ou sa clientèle, sans le consentement écrit de cette dernière.

Il n'avait pas le pouvoir de représenter F______ SA, mais selon les indications données par N______, il disposait de blancs-seings de sorte à pouvoir travailler en cas d'urgence et en l'absence de ce dernier.

Le séquestre de ses comptes bancaires auprès de O______ ordonné dans le cadre de la présente procédure a été levé le 28 décembre 2010.

b. Le ______ 2008, A______ a créé G______ LTD, enregistrée en Dominique. Ayant droit économique de la société, il disposait d'une procuration lui permettant de l'engager et d'un droit de signature exclusif sur le compte bancaire de cette dernière auprès de O______. Le séquestre de ce compte a été levé le 28 décembre 2010.

Le ______ 2010, A______ a créé la société I______ LTD, également en Dominique, dont il est directeur.

c.a.a. D______ SA, sise à Genève, était, à tout le moins en 2010, active dans ______, ______, l'achat et la vente de matières premières, dont les produits pétroliers. P______ en était l'administrateur, ne s'occupant toutefois pas de l'activité commerciale de la société, et J______ l'ayant droit économique et dirigeant effectif. Ce dernier disposait d'un pouvoir de signature sur les comptes de la société auprès de Q______. Il se faisait verser un salaire, en tous les cas en 2010 (PP 40'011 ss). Il représentait D______ SA, avec son assistante personnelle K______. Maîtrisant l'anglais, celle-ci se chargeait de la négociation et de la conclusion des contrats.

Son principal fournisseur était la raffinerie de R______ en Ouzbékistan. Son adresse électronique @S______.ch a été créée par A______ sur demande de K______, par l'intermédiaire de la société T______ SA.

La société est en liquidation depuis le 7 avril 2020 pour cause de surendettement.

c.a.b. H______ (UK) LTD est une société anglaise dont J______ est l'unique ayant droit économique et sur le compte de laquelle auprès de Q______ il dispose d'un pouvoir de signature.

U______ Ltd est une autre société offshore de J______ utilisée par ce dernier, selon les explications données par A______, pour conclure des contrats ou réaliser des transferts de fonds.

c.a.c. Le séquestre du compte de D______ SA auprès de O______ ordonné dans le cadre de la présente procédure a été levé le 20 décembre 2010. Deux comptes étaient aussi ouverts auprès de Q______ au noms de D______ SA et H______ (UK) LTD, le premier ayant été clos le 26 janvier 2011 (PP 20'016 à 20'023 ; PP 35'000).

ii) Les contrats conclus par A______ parallèlement à son activité pour F______ SA

d. Entre décembre 2008 et décembre 2009, parallèlement à son activité pour F______ SA, A______ a notamment émis, pour le compte de G______ LTD, les sept factures listées dans la colonne n° 2 du tableau ci-dessous. Ce tableau indique également le montant des factures (colonne n° 5), les contrats auxquels elles font références (n° 3), les clients de F______ SA auxquels elles ont été adressées (n° 1), la quantité de marchandise faisant l'objet desdits contrats (n° 4) et les montants concrètement versés à G______ LTD (n° 6). Il est reproché à A______ d'avoir perçu ces montants au titre de commissions en lien avec la vente de marchandise par F______ SA aux mêmes clients (cf. supra let. A.c.a.). Figurent donc également dans le tableau ci-dessous les contrats entre F______ SA et ses clients concernant ladite vente ainsi que la quantité et le prix de la marchandise en faisant l'objet (nos 7 et 8).

1

2

3

4

5

6

7

8

Sociétés clientes

Factures émises par G______ LTD

Contrats et services visés par les factures de G______ LTD

Quantité de marchandise visée par les factures G______ LTD (en tonnes métriques / tm)

Montant des factures G______ LTD (USD)

Montants crédités sur le compte bancaire de G______ LTD (USD)

Contrats entre les sociétés clientes et F______ SA

Quantité de marchandise visée (tm) et prix (USD)

V______ Ltd, Dubaï

Facture #01 du 20.12.08

(72'087)

Contrat N°-101

 

Consulting services

 

(pas au dossier)

9'626.53 tm

139'559.81

27'360.-

le 03.03.09

(30'384)

 

41'055.-

le 14.04.09

(30'386)

 

41'001.-

le 16.07.09

(30'388)

 

Contrat BO#130

du 04.07.08

(72'089ss)

 

Contrat BO#136

du 22.07.08 (72'098ss)

9'625.365 tm

(5'480.961 + 4'144.404)

 

 

14'793'386.62

 

(72'094 et 72'105)

V______ Corp. Ltd, Inde

Facture #02 du 20.12.08 (70'027 ; 72'044)

Contrat N°-102

 

Consulting services

 

(pas au dossier)

17'812.67 tm

279'478.66

77'985.-

le 17.03.09

(30'384)

 

61'724.33 le 20.05.09 (30'386)

 

69'869.67 le 14.09.09 (30'388)

 

69'842.67 le 25.01.10 (30'393)

 

Contrat BO#131

du 9.7.08

(72'045ss)

 

Contrat BO#127

14.7.08

(72'074ss)

 

Contrat BO#135

22.7.08

(72'063ss)

 

17'812.673 tm (6'126.492 +

5'108.911 + 6'577.270)

 

 

27'947'865.87

 

(72'051ss ; 72'079ss ; 72'071ss ;

72'044)

W______ Ltd, Inde

Facture PPCL-03 du 01.07.09 (72'016)

Contrat #103

 

(pas au dossier)

2'952.998 tm

44'242.97

44'182.97 le 20.07.09 (30'388)

Contrat BO #152 du 06.05.09 (72'018ss)

 

Addendum n°1 du 16.05.09 (72'023)

 

2'953.123 tm

 

 

1'668'514.50

 

(72'033)

X______, Turquie

Facture LKP-01 du 05.08.09 (72'034)

Contrat #104 du 03.08.09 (70'021)

 

Consulting services

 

 

1'963.417 tm

 

29'451.26

USD 15.- / tm

29'417.26 le 18.08.09 (30'388)

 

Connaissement,certificat de quantité et facture du 05.08.09 (72'035 et 72'036, 72'041)

 

1'963.417 tm

 

 

1'295'855.22

 

(72'041)

V______, Dubaï

Facture GML-02 du 08.08.09 (72'107)

Contrat #101

 

(pas au dossier)

 

5'960.224 tm

 

 

89'403.36

 

Commission de USD 15.- / tm

 

 

 

 

89'403.36 le 26.08.09 (30'388)

Contrat BO#153 du 13.06.09 (PP 72'109ss)

5'961.358 tm

 

 

(72'115)

Y______,

Turquie

Facture NDA-01 du 06.08.09 (70'016)

Contrat N°-105 du 06.08.09

(70'014ss)

 

Consulting services

 

 

50'000.-

49'950.- le 10.08.09

(30'388)

 

 

X______, Turquie

Facture LKP-02 du 02.12.09 (70'023 ; 72'002)

Contrat #104 du 03.08.09

(70'021)

 

Consulting services

1'858.309 tm

27'874.64

 

Commission USD 15.- / tm

27'840.64 le 12.01.10 (30'393)

Contrat BO#158 du 18.09.09 (72'003ss)

 

Addendum n°1 du 21.10.09 (72'008)

 

1'858.309 tm

 

 

 

1'384'440.21

(72'014)

 

Total

 

 

660'010.70

629'631.90

 

 

A______ a ainsi encaissé des clients de F______ SA par le biais de G______ LTD à tout le moins CHF 629'631.90.

Il a par ailleurs perçu les montants suivants, représentant une somme totale de USD 139'304.49, toujours sur le compte de G______ LTD : USD 39'666.94 et USD 40'331.79 versés par W______ Ltd les 5 février et 14 avril 2009 (PP 30'384 et 30'386), ainsi que USD 59'305.76 versé par Z______ le 19 août 2009

La totalité des montants reçus par le prévenu sur le compte de G______ LTD entre mars 2009 et janvier 2010 s'élève ainsi à USD 768'936.39 (USD 629'631.90 + USD 139'304.49).

e.a. En 2010, A______ a négocié et conclu, pour le compte de D______ SA et H______ (UK) LTD, en collaboration avec J______, des contrats de vente portant sur la fourniture d'huiles de base. Pour ce faire, il entretenait de nombreuses conversations via le logiciel Skype avec J______ et son assistante K______. Il utilisait aussi l'adresse électronique A______@S______.ch, grâce à laquelle il échangeait notamment des courriels avec les sociétés clientes avec qui il traitait. Il était convenu qu'il percevrait 50% des bénéfices sur ces transactions.

Il a ainsi négocié et permis la conclusion des contrats suivants, étant précisé qu'une partie des acheteurs étaient aussi des clients de F______ SA, et qu'il lui est reproché, en leur vendant de la marchandise, d'avoir privilégié les intérêts des sociétés de J______ sur ceux de son employeur (cf. supra let. A.c.b.) :

Contrat, facture et date

Vendeur

Acheteur

Types d'huile de base

Prix (USD) total ou par tonne métrique (tm)

Pièces

Contrat P-10/02 du 20.01.2010

H______ (UK) LTD

AA______ A.S, Turquie

I-12A, I-20A

735/tm

70'101ss

Contrat du 25.02.2010

H______ (UK) LTD

AB______, Turquie

I-12A, I-20A

760/tm

70'087ss

Contrat du 25.02.2010

H______ (UK) LTD

AC______ Ltd, Turquie

I-12A, I-20A

760/tm

70'096ss

 

Contrat n° 129 du 25.03.2010

 

Facture D___/AD___-1 du 29.03.2010

D______ SA

AD______ GmBH, Allemagne

Slack wax

755/tm, soit au total 279'368.88

70'044, 35'887

Facture D___/AD___-2

D______ SA

AD______ GmBH, Allemagne

Slack wax

356'155.95

35'876

Contrat n° 129 du 25.03.2010

 

Facture D___/AD___-3 du 21.05.2010

D______ SA

AD______ GmBH, Allemagne

Slack wax

850/tm, soit au total 44'031.70

70'040, 35'874

Contrat du 23.02.2010

 

Facture P-09-2010 du 23.02.2010

 

H______ (UK) LTD

Y______, Turquie

I-12A, I-20A

760/tm, soit au total 4'788'000.00

70'080

Contrat du 26.03.2010

H______ (UK) LTD

Y______, Turquie

I-12A et/ou SN 150

840/tm

70'075ss

 

Contrat du 28.05.2010

D______ SA

AE______, Italie

SN-150 (I-20A)

980/tm

50'029ss

Contrat du 23.06.2010

D______ SA

AF______ LLC, USA

I-20A

920/tm

70'033ss

10'033

Contrat du 28.06.2010

 

Facture P-39-2010 du 10.08.2010

H______ (UK) LTD

AG______, Turquie

I-20A, I-50A

945/tm pour le I-20A, 985/tm pour le I-50A, soit au total 2'032'860.09

70'082ss, 35'576

Contrat du 30.06.2010

D______ SA

AF______ LLC, USA

I-12A

920/tm

50'020ss

 

Contrat n° 129 du 25.03.2010

 

Facture D___/AD___-4 du 07.06.2010

D______ SA

AD______ GmBH, Allemagne

Slack wax

850/tm, soit au total 442'949.45

70'045, 35'870

Contrat n° 129 du 25.03.2010

 

Facture D___/AD___-5 du 01.07.2010

 

 

D______ SA

AD______ GmBH, Allemagne

Slack wax

850/tm, soit au total 360'595.50

70'040, 35'865

Contrat n° 129 du 24.06.2010

 

Facture D___/AH___-1 du 05.07.2010

D______ SA

AH______ Ltd, Turquie

I-20A

891'511.28

70'072, 30'141

 

Contrat du 24.06.2010

 

Facture PL/OZ-1 du 05.07.2010

D______ SA

AI______ Ltd, Turquie

I-20A

933'930.64

70'073, 30'141

 

Facture D___/AD___-6 du 21.07.2010

D______ SA

AD______ GmBH, Allemagne

 

218'080.25

35'863

Facture D___/AD___-7 du 28.07.2010

D______ SA

AD______ GmBH, Allemagne

 

221'434.35

35'861

Contrat du 16.07.2010

 

Factures D___/AZ___-3 et D___/AZ___-4 du 19.10.2010

D______ SA

AZ______, Turquie

SN-150 (I-20A)

38'884.39

1'937'278.09

154'920.-

773'205.-

699'940.50

300'000.-

449'940.50

70'068ss, 35'831, 35'832, 35'835, 35'838, 35'841, 35'844, 35'844-1, 50'046

e.b. A la suite de ces opérations, A______ a reçu, entre les 24 mars et 19 juillet 2010, les montants suivants sur le compte de G______ LTD auprès de O______ :

-               USD 82'500.- versés par H______ (UK) LTD le 24 mars 2010 (PP 30'393 et 35'511) ;

-               USD 67'700.- versés par H______ (UK) LTD le 7 avril 2010 (PP 30'395 et 35'548) ;

-               USD 89'400.- versés par H______ (UK) LTD le 16 avril 2010 (PP 30'395 et 35'536) ;

-               USD 156'500.- versés par H______ (UK) LTD le 30 avril 2010 (PP 30'395 et 35'529) ;

-               USD 34'879.- versés par AK______ Ltd le 9 juin 2010 (PP 30'395) ;

-               USD 84'637.- versés par U______ LTD le 19 juillet 2010 (PP 30'398 et 60'072) ;

-               CHF 62'000.- versés par U______ LTD le 19 juillet 2010 (PP 30'407).

Ont également été versés à G______ LTD USD 90'000.- le 14 juin 2010 par la société AL______ Inc. (PP 30'395), dirigée par AM______, sur la base d'une facture de USD 99'873.20 émise le 27 mai 2010 relative au paiement d'une commission de USD 10.- par tonne métrique, en lien avec un contrat de consulting n° 108 conclu le 3 mai 2010 (PP 70'000-6, 70'002 et 72'127). Selon les explications données par A______ au MP (PP 50'105), il s'agissait en réalité, sous couvert de cette facture émise seulement pour satisfaire des exigences bancaires, du remboursement d'un montant à l'origine versé par J______ en vue de l'achat d'un yacht. Après l'abandon de ce projet, ce dernier a demandé que le montant précité soit remboursé à A______, à qui il devait de l'argent.

e.c. Le 1er octobre 2010, A______ a transféré à U______ LTD, puis à BW______ Ltd, USD 1'237'500.- du compte de G______ LTD ainsi que USD 415'000.- de son compte bancaire auprès de O______, soit USD 1'652'500.- au total. Il a expliqué à la police et au MP avoir agi ainsi pour éviter que ces montants ne soient séquestrés et pour les mettre en commun avec les fonds de J______ (PP 40'036 et 40'033).

e.d. H______ (UK) LTD a par ailleurs vendu à F______ SA entre 1'500 et 2'300 tm d'huile de base I-20A ou SN-150 en exécution du contrat BO-165P du 31 mars 2010 (PP 72'141).

f.a. Dans un document du 29 mai 2014 destiné à G______ LTD, la société X______ a expliqué, à la demande de cette dernière, que les paiements faits en faveur de la société de A______ avaient pour objet des commissions pour des services de prise en charge et traitement de la marchandise achetée (PP 60'101). X______ a confirmé par courriel du 18 janvier 2016 n'avoir payé aucune commission en sus du prix de vente des marchandises (PP 60'178).

f.b. En réponse à une question de F______ SA visant à déterminer si un employé lui avait fourni des services de courtage en lien avec la marchandise livrée en exécution du contrat BO #152 du 6 mai 2009 (cf. supra let. d., tableau, 3ème ligne), W______ Ltd a répondu "We have not paid any brokerage for the same" (PP 60'133).

g. Entendu par le MP, N______ a expliqué qu'avant l'arrivée de A______, F______ SA avait déjà des contacts avec tous ses clients et le précité débutait dans le domaine. Son travail consistait à vendre les produits à disposition au prix du marché. Il envoyait des offres aux clients potentiels et choisissait ensuite ceux proposant les meilleurs prix. Lui-même n'intervenait pas dans les relations entre A______ et les clients, mais ce dernier lui rendait des comptes au sujet de tous les contrats négociés. A______ n'avait pas de pouvoir de représentation ni de signature.

Dès le deuxième semestre 2009, il avait observé une baisse de l'activité de A______, que celui-ci avait justifiée par la crise, laquelle avait effectivement eu une incidence mais ne pouvait expliquer une telle baisse. A______ était parallèlement régulièrement absent du bureau, en particulier les lundis et vendredis, arguant travailler depuis chez lui, ce qui était invérifiable. La qualité de son travail et de ses relations à la clientèle s'étaient progressivement dégradées.

Comme N______ n'avait jamais réussi à acheter des huiles de base à la raffinerie de R______ [Ouzbékistan], A______ lui avait proposé de se fournir auprès de J______. Il avait renoncé à cette possibilité au vu des bénéfices minimes que F______ SA pourrait en retirer. Il était difficile de savoir si A______ avait vendu de la marchandise de J______ dont F______ SA disposait au même moment, autrement dit s'il avait favorisé les sociétés du précité en défaveur de son employeur.

Les commissions perçues par G______ LTD n'étant justifiées que par une seule facture, elles constituaient nécessairement des pots-de-vin. Une véritable vente de produits pétroliers impliquait en effet l'établissement de nombreux documents et justificatifs. Il ne pouvait pas s'agir de courtage en matière de "doping" (ajout d'additifs aux fins d'améliorer la qualité du produit) dès lors qu'une société ayant besoin d'un tel service contactait elle-même un prestataire sans recourir à un courtier. La demande étant forte, les clients étaient prêts à payer une commission pour s'assurer l'achat de la marchandise. Le montant de cette dernière, à considérer comme une partie du prix que le client était disposé à payer, représentait le préjudice de F______ SA, à qui aurait également dû revenir cette part.

J______ l'avait contacté après le licenciement de A______ pour lui proposer un accord. Il était disposé à lui verser CHF 900'000.- en échange de la poursuite des relations avec F______ SA et de la cessation de la procédure pénale. Lui-même n'était pas prêt à accepter un tel accord sans convention écrite.

Il ne comprenait pas l'attitude de A______ à qui il avait pourtant généreusement consenti des bonus de CHF 400'000.- au total.

Les sociétés clientes de F______ SA n'admettraient jamais avoir versé des pots-de-vin à A______ et si ce dernier leur avait facturé une prestation réelle, elles ne le confirmeraient pas non plus, en objectant du caractère confidentiel des rapports contractuels en cause.

h.a. Entendu par la police, J______ a expliqué que D______ SA avait signé plusieurs contrats avec F______ SA. A______, devenu une bonne connaissance, n'avait jamais conclu ou traité d'affaires en dehors de son travail pour son employeur. Il ne pouvait en aucun cas avoir signé des contrats pour D______ SA et H______ (UK) LTD.

h.b. Devant le MP, il a indiqué que A______ était son seul lien avec F______ SA. Ce dernier le contactait pour acheter de la marchandise pour le compte de cette dernière et discutait les prix avec N______, avec lequel J______ ne négociait pas. Sa collaboration avec A______ s'était parallèlement développée de manière très naturelle et sans base formelle. Les traders discutaient ouvertement dans le milieu du négoce des matières premières et il était normal que A______ se tourne vers d'autres acheteurs potentiels si F______ SA décidait de ne pas acheter la marchandise. Sa participation aux bénéfices ne concernait que les ventes qu'il avait lui-même conclues. J______ n'était pas en mesure d'indiquer le chiffre d'affaires y relatif, K______ se chargeant de la comptabilité. Il ne savait rien non plus du nom de domaine @S______.ch créé par A______.

A______ l'avait informé des raisons de son licenciement. Il n'avait cependant commis aucune tromperie au préjudice de son employeur.

J______ n'avait jamais su à qui appartenait G______ LTD ni quelle était son activité. Il n'avait pas non plus entendu parler d'une activité de "doping" ou relative à d'autres services, de transport ou d'entreposage, avant que A______ ne l'évoquât en audience.

i. AO______, employée au sein de F______ SA depuis le 1er février 2011, a rapporté que lors d'une conférence durant le mois précité à laquelle elle avait participé avec AP______, plusieurs clients avaient fait allusion au fait que A______ avait pris pour lui-même des commissions fixées selon la tonne métrique sur la marchandise de F______ SA. Deux, soit AQ______ de AR______ et AS______ de AT______, avaient abordé le sujet de manière directe, mais elle n'avait pas été présente lors des entretiens avec ces derniers. Elle ignorait les raisons de ces commissions, qui n'étaient pas du tout justifiées. Le plus probable était que leur versement fût une condition de l'exécution de la transaction. Elle ne savait pas si les autres traders suivaient la même pratique.

j. Entendu par le MP, AP______, ayant succédé à A______ au sein de F______ SA, a expliqué que lors de la conférence précitée, AQ______ lui avait dit exclure de travailler avec F______ SA en raison des pratiques de celle-ci. Il n'avait pas précisé s'il s'agissait d'un problème de prix, de qualité du produit ou de commissions, mais AP______ avait compris que ces reproches étaient liés à A______. AS______ avait porté des accusations précises contre ce dernier liées à l'exigence de commissions, sans qu'il soit cependant possible de déterminer si celles-ci avaient été versées en faveur de A______ ou de F______ SA. Lui-même n'avait jamais eu connaissance d'une telle pratique en deux ans d'expérience sur le marché très particulier des huiles de base. Il concevait toutefois qu'un acheteur peinant à trouver un fournisseur pût consentir à verser une commission pour s'assurer l'achat du produit recherché.

k.a. Dans un échange de courriels intervenu en décembre 2014 et janvier 2015, AS______, employé de AT______ de 2006 à fin 2008, puis consultant auprès de la société Y______, a indiqué à N______ avoir payé CHF 50'000.- à G______ LTD pour le compte de cette dernière sur un compte dont les coordonnées lui avaient été transmises par A______ (cf. supra let. d, tableau, 6ème ligne). Il ne se souvenait plus exactement de l'objet de ce paiement mais il s'agissait assurément d'une condition pour finaliser la transaction.

k.b. Entendu par le MP, AS______ a expliqué ne pas se souvenir de ses discussions lors de la conférence en 2011, ni de la transaction évoquée dans l'échange d'e-mails précité, ni de l'objet et du motif du paiement de CHF 50'000.- à G______ LTD, auquel il n'avait pas lui-même procédé. Pour la transaction y relative, il avait inhabituellement dû laisser en attente le contrat signé avec F______ SA, pour, selon une rumeur, une raison liée à A______ personnellement. Si le paiement de CHF 50'000.- avait eu un quelconque rapport avec la signature du contrat, il en aurait été informé, en tant qu'expert en matière d'achat d'huiles de base, et l'aurait formalisé.

Il n'avait jamais vu le contrat n° 105 intitulé "consulting Services Agreement" passé avec G______ LTD. Il ne pensait pas que ce type de contrat, ayant représenté un cas unique pour lui, fût usuel pour Y______, et les tâches y décrites étaient celles qui lui incombaient en vertu de son engagement de consultant.

A______ ne lui avait jamais imposé des conditions à la signature des contrats qu'ils avaient négociés.

l. Entendu par le MP, AU______, au bénéfice de 45 ans d'expérience sur le marché des produits pétroliers, est l'auteur d'un rapport du 18 décembre 2014 réalisé sur mandat de N______ au sujet de commissions perçues par A______ (PP 60'140ss). Selon ses explications, les commissions ("brokerage fee" ou "brokerage commission"), fixées sur la base du volume de marchandise ou de la valeur du contrat, étaient habituellement versées au broker par le vendeur et non par l'acheteur. Elles pouvaient être payées pour des services allant au-delà de la mise en contact entre deux parties (assistance pour la vente, apport d'expérience en matière de shipping, etc.). Leurs montants, n'obéissant à aucune loi ou directive, étaient toutefois trois ou cinq fois inférieurs à ceux facturés par G______ LTD. Il était parfaitement possible qu'il n'y ait aucune documentation établie entre un broker et son client, ou que le recours à un intermédiaire fût seulement mentionné dans le contrat principal.

Pour lui, la marchandise de F______ SA était vendue au prix le plus bas possible, de sorte à pouvoir y ajouter le montant de la commission. La somme du prix convenu, de la commission de G______ LTD et du coût du fret correspondaient en définitive au prix du marché et à ce que le client était prêt à payer, étant précisé que ce dernier n'achetait jamais à perte.

Il était très facile d'avoir accès aux additifs ajoutés aux huiles de base, de sorte que les sociétés voulant s'en procurer n'avaient pas besoin de recourir à un intermédiaire. Il en allait de même du service d'entreposage, même s'il ne pouvait pas exclure un commissionnement dans ce cadre.

L'acceptation de verser des commissions lui paraissait inimaginable de la part des grandes sociétés en cause. Aussi, le scénario le plus vraisemblable était le versement de commissions et le reversement de rétrocommissions par et à des individus desdites sociétés. Il existait aussi une possibilité que les paiements à G______ LTD aient été réalisés à des fins d'allègement fiscal, mais cela aurait impliqué des montants bien plus élevés.

m.a. Entendu par la police, A______ a contesté les faits reprochés ainsi que d'avoir créé G______ LTD, dont il était seulement l'ayant-droit du compte bancaire à la demande de son propriétaire, AV______. Il n'avait joué qu'un rôle administratif et effectué que quelques opérations de devises avec l'autorisation du précité. Il avait été rémunéré par des retraits qu'il avait réalisés lui-même et n'avait négocié aucun contrat.

Son activité pour F______ SA avait généré des bénéfices de USD 15 millions environ, essentiellement grâce à des affaires avec V______ Ltd. F______ SA n'avait subi aucun préjudice et il ne comprenait pas les prétentions formulées contre lui par cette dernière pour environ USD 3 millions.

Il avait aidé J______, dont il était l'ami, dans la gestion administrative de D______ SA, sans être rémunéré ni conclure de contrat avec lui ou ses sociétés. Il avait utilisé l'adresse A______@S______.ch seulement pour informer les clients de F______ SA de son licenciement, sans les dissuader de poursuivre leur relation avec elle.

m.b.a. Devant le MP, A______ a reconnu que G______ LTD était sa société. Il avait bien mené une activité parallèle de vente d'huiles de base pour le compte de H______ (UK) LTD ou D______ SA. Il avait agi sur la base d'un accord purement oral, la seule trace écrite de son engagement consistant en la remise de cartes de visite de D______ SA à son nom. Il ne disposait d'aucun pouvoir de représentation, de sorte que J______ signait les contrats et était au courant de chaque négociation.

A son arrivée chez F______ SA, la société n'avait que peu de contacts et il avait travaillé avec sa propre liste de clients. Il ne faisait pas concurrence à cette dernière dans la mesure où il vendait des produits différents, dont son employeur ne voulait pas ou dont il ne disposait pas, ayant épuisé pour le produit recherché les quotas d'acquisition fixés avec ses deux fournisseurs, à savoir AW______ et AX______. Les clients étaient déjà en contact avec H______ (UK) LTD. Certains demandaient des quantités supérieures à ce dont F______ SA disposait et refusaient d'attendre. Cette dernière n'avait en outre pas de contrat d'exclusivité avec eux. Aucune entreprise n'était capable de se fournir en quantité suffisante de sorte à satisfaire toute la demande de sa clientèle. Il reconnaissait toutefois que son activité n'était pas correcte vis-à-vis de son employeur.

Il lui était arrivé à une reprise, en 2008, en accord avec N______, de conserver de la marchandise durant une année, sans la vendre, à la suite de la chute des prix, en attendant leur remontée. Il n'avait rien vendu dans l'intervalle pour le compte de J______, avec lequel il ne collaborait pas encore.

Il avait perçu, en sus de son salaire, des bonus de F______ SA de CHF 300'000.- et de CHF 100'000.- en 2008 et 2009, sur la base du bénéfice de cette dernière qui s'était élevé à USD 14 millions pour ces deux années. Il avait parallèlement retiré 50% des bénéfices des ventes effectuées pour J______, part qu'il estimait à CHF 500'000.-, ce qui n'avait pas eu d'impact sur les performances de F______ SA, de sorte que tout le monde était gagnant. Il était inhérent à sa qualité de trader d'incliner à satisfaire tous ses clients si cela lui était possible et à éviter qu'ils recourent à un concurrent faute de marchandise disponible. Dans le cas contraire, il aurait mis en péril sa réputation et par conséquent la suite de sa carrière qu'il envisageait comme indépendant.

Pour le compte de D______ SA ou H______ (UK) LTD, il avait conclu des contrats avec AY______ et AZ______ mais ne savait pas, contrairement à AT______, si elles étaient à ce moment des clientes de F______ SA. Il n'était de toute manière pas assez rentable pour F______ SA d'acheter de la marchandise à J______ pour ensuite la revendre, faute de marge suffisante, et ce dernier n'était pas intéressé à revendre sa marchandise à un autre intermédiaire.

m.b.b. Il avait reçu sa part des bénéfices des sociétés de J______, soit principalement de H______ (UK) LTD, sur le compte bancaire de G______ LTD. Les montants provenant directement des sociétés clientes concernaient des commissions de "brokering" (intermédiaire ou facilitateur) pour des services annexes d'entreposage, de "doping" ou de "blending" (mélange d'hydrocarbures aux fins d'obtenir un produit de la qualité souhaitée), dans le cadre desquels il intervenait comme courtier. Les clients de F______ SA pouvaient en effet avoir besoin de tels services, annexes et postérieurs à la vente de marchandise. Il avait aussi touché des commissions pour des contacts avec des sociétés dites "majors", soit des fournisseurs de produits raffinés en majorité de provenance américaine, ne traitant pas avec des intermédiaires comme F______ SA, mais directement avec le destinataire final.

Il ne tenait aucune comptabilité de G______ LTD et la documentation y relative était conservée dans une boîte aux lettres électronique (BA______@yahoo.com) dont il avait perdu le mot de passe et à laquelle il n'avait plus accédé depuis longtemps. La juridiction dans laquelle la société était enregistrée n'exigeait pas la tenue d'une comptabilité.

Il estimait la marge de manœuvre d'un trader sur les prix de vente fixés par l'index BB______ pour le pétrole et l'index ICIS pour les huiles de base à 1%. Un acheteur pouvait verser une commission pour s'assurer la vente lorsque le marché n'était pas à la baisse mais cela ne s'était pas produit en 2009 ou 2010. Une telle commission était toutefois exclue pour des sociétés comme V______, dont les règles de conduite étaient très strictes.

Il eût souhaité s'expliquer avec N______ mais n'en avait jamais eu l'occasion, toutes les discussions ayant eu lieu par l'intermédiaires d'avocats ou de J______ et n'ayant mené à aucun accord.

m.c. En première instance, A______ a précisé n'avoir pas bénéficié d'une grande autonomie au sein de F______ SA. Après un achat de cargaison par N______, il devait trouver des acheteurs et soumettre leurs offres à ce dernier, qui avait le dernier mot. Le contrat de travail versé au dossier avait été antidaté et signé seulement en 2010.

G______ LTD avait été créée pour lui permettre de faire des opérations à son compte, étant précisé que dans le milieu du pétrole, les contrats étaient toujours conclus entre sociétés. Il avait parlé à N______ de la possibilité d'offrir aux clients de F______ SA des services "connexes et ultérieurs", mais cela ne l'avait pas intéressé. Il avait lui-même contacté les clients de F______ SA pour les informer des services de G______ LTD, soit le "doping" ou l'entreposage, représentant un marché de plusieurs centaines de millions de dollars que se partageaient une centaine de sociétés. Pour établir les factures de sa société, très peu détaillées, il avait utilisé un modèle conservé dans le cadre de son précédent emploi, qu'il avait modifié de cas en cas. Il en avait eu besoin comme justificatif auprès des banques. Les termes "services charges", "commissions" ou "fees" étaient interchangeables et signifiaient tous la même chose, soit une rémunération. Il avait produit une attestation de la société X______ pour démontrer la réalité des prestations offertes par G______ LTD et son précédent conseil l'avait dissuadé de contacter d'autres sociétés clientes. Lui-même était réticent à cette idée, souhaitant éviter de devoir expliquer à ces dernières qu'il avait été licencié.

La perception de commissions était impensable dans le milieu pétrolier, en particulier auprès de très grosses sociétés comme V______. Tout le monde se connaissant, de telles commissions auraient le cas échéant été évoquées de manière directe et franche par les clients de F______ SA.

Il avait manqué de confiance en N______ et lui avait caché ses activités parallèles. Ce dernier aurait refusé qu'il les réalise s'il lui en avait parlé et il aurait pu perdre son emploi. Il regrettait son manque d'honnêteté, mais considérait que ses autres activités n'avaient pas nui à F______ SA, qu'il avait toujours privilégiée et pour laquelle il avait réalisé de gros profits.

iii) Les opérations relatives à la marchandise achetée à la société M______ GmbH et l'accord du 30 mai 2011

n.a. Dans le cadre de son association avec J______ (cf. supra let. B.e.a.), A______ a représenté D______ SA dès fin 2010 au titre de "Managing Director", cette fonction ressortant en particulier de la signature de ses courriels et de la carte de visite à sa disposition.

Les 30 mars et 1er avril 2011, il a en cette qualité négocié avec M______ GmbH un contrat, en définitive signé par J______, selon lequel D______ SA achèterait à cette société autrichienne 3'000 tm de produits pétroliers (dont 2'000 à EUR 815.-/tm et 1'000 à EUR 795.-/tm), moyennant l'ouverture d'une lettre de crédit de EUR 2'450'000 en faveur de cette dernière. La marchandise devait être livrée depuis BD______ en Serbie BE______ en Ukraine au moyen de barges (PP 10'089).

Le 26 avril 2011, D______ SA a ouvert auprès de [la banque] BF______ la lettre de crédit précitée (PP 10'093 ss). Elle prévoyait un paiement à vue, contre la présentation de certains documents, soit la déclaration de M______ GmbH certifiant que le montant du prix demeurait impayé, une copie de sa facture et une déclaration de sa part certifiant que tous les documents nécessaires selon le contrat de vente avaient été transmis à D______ SA.

Les connaissements pour le transport de la marchandise ont été établis les 5 et 10 mai 2011. I______ LTD y était mentionnée comme destinataire, recevant les notifications pour le compte de D______ SA (PP 39'219, 39'220 et 39218).

n.b. Le 12 mai 2011, K______, représentant D______ SA, a offert à la société turque L______ de lui vendre la marchandise au prix de USD 1'420/tm. L______ a répondu être prête à prendre la marchandise au prix de USD 1'380/tm (PP 37'360 et 37'358).

Le 13 mai 2011, A______ a proposé à cette même société, pour le compte de I______ LTD, un prix de USD 1'360/tm, offre qui a été acceptée. Un contrat de vente a été conclu avec L______, stipulant le paiement d'une avance de CHF 250'000.-. Celle-ci a été versée à I______ LTD le 16 mai 2011 (PP 10'193). La marchandise ne devait pas être livrée au port de BH______ en Turquie avant le 25 mai suivant (PP 38'565 ss).

Le 14 mai 2011, A______ a affrété le navire MT BG______ pour le compte de I______ LTD afin d'assurer la livraison de la marchandise à L______ depuis BE______. Il en a informé M______ GmbH le même jour (PP 10'276).

Le 19 mai 2011 (PP 10'166), A______ a fait établir les documents de transport par le capitaine du MT BG______, faisant figurer sur les connaissements L______ comme consignataire ou destinataire de la marchandise et I______ LTD comme expéditeur. Il en a informé M______ GmbH (PP 10'278), laquelle a pris part à l'établissement et à la correction de ces documents (PP 10'283 ss). La marchandise a été chargée à BE______ entre les 25 et 27 mai 2011.

Les documents de transport ont été établis et signés à la date du 27 mai 2011 (PP 10'098 ss).

A cette même date, A______ a émis trois factures pour le compte de I______ LTD à l'attention de L______ pour un montant total de USD 4'015'885.50 (PP 10'191, 39'142 ss), dont cette dernière a versé le solde, après déduction de l'avance de USD 250'000.-, le 30 mai suivant.

n.c.a. Le 25 mai 2011, K______ a écrit à A______ qu'elle ne parvenait pas à ouvrir sa messagerie. Il lui a répondu qu'il y avait une panne complète du serveur et qu'elle devait utiliser dans l'intervalle sa messagerie privée (PP 10'287).

A teneur des explications fournies à ce sujet par T______ SA le 16 mai 2014, hormis les procédures de maintenance habituelles, le serveur qui hébergeait ses services n'avait pas connu de pannes ou de problèmes techniques spécifiques. Il n'était pas possible de savoir si l'adresse K______@S______.ch avait été momentanément désactivée ou si sa configuration ou ses données avaient été modifiées (PP 37'322).

n.c.b. Le 27 mai 2011, K______, J______ et A______ se sont entretenus sur Skype en russe. P______ a produit une retranscription et une traduction en français de ces conversations le 31 août 2011, (PP 10'254/10'293), dont il résulte ce qui suit. J______ s'est inquiété auprès de A______ de ne pas avoir reçu les documents, notamment la lettre de crédit, en lien avec la livraison de la marchandise à Y______. A______ a soutenu n'avoir encore rien reçu et que la marchandise ne serait pas déchargée au port de BE______ [Ukraine] dans l'intervalle. J______ a voulu tout arrêter et trouver lui-même un acheteur. A______ lui a proposé de patienter, dès lors qu'il n'y avait pas encore de connaissement. La marchandise n'arriverait que cinq jours plus tard et elle serait soit chargée sur le navire pour Y______, soit entreposée BE______ pour USD 16.- par tonne et par jour. A______ a informé un peu plus tard J______ avoir eu un retour de Y______. La personne en charge du dossier était malade mais la société allait envoyer les documents demandés. Il a également demandé à J______ que K______ lui fasse parvenir un projet de lettre de crédit au bénéfice de D______ SA, à finaliser, ce que cette dernière a fait (PP 10'293 et 10'294, 39'225 et 39'226).

n.d. A une heure indéterminée le 30 mai 2011, le MT BG______ est arrivé [au port de] BH______ [en Turquie].

Le même jour, M______ GmbH, au titre de propriétaire d'origine, a enjoint MT BG______ de ne pas décharger la marchandise, faisant l'objet, selon les informations qui lui avaient été transmises, d'une grave fraude et d'un vol (PP 10'300).

K______ a informé les agents du port que la marchandise appartenait à D______ SA et a demandé de ne pas la décharger (PP 10'299).

A______, au nom de I______ LTD, a informé le MT BG______ que sa société n'avait pas de lien avec "AK______" et que cette dernière n'avait pas le droit de donner des instructions. Il a requis le déchargement de la marchandise comme prévu (PP 10'305 ; 39'235).

AM______, ship broker pour la société AL______ INC, soit la personne chargée de trouver un bateau pour transporter la marchandise et d'assurer le suivi du transport, dont le paiement du fret, est aussi intervenu. Il a transmis aux agents du port un courriel de I______ LTD les enjoignant d'ignorer les messages de tiers, qui n'avaient pas de prétentions sur la marchandise, de poursuivre le déchargement du MT BG______, dès lors que l'ensemble des documents étaient en ordre et que les factures avaient été payées, et de ne suivre que les instructions de l'affréteur ou de son broker (PP 10'303).

n.e. Le 31 mai 2011, M______ GmbH a fait ajouter aux connaissements, sous la rubrique "consignee", D______ SA et, sous la rubrique "Notify adress", "D______ SA for L______" (PP 10'025 ss ; 38'796 à 38'800).

M______ GmbH a indiqué aux agents du port avoir déposé une action en justice fondée sur le vol de la marchandise, au vu de laquelle, à l'instar de D______ SA, elle leur demandait de ne pas procéder au déchargement (PP 10'311 ; 39'241 ; 10'313 ; 39'243).

Dans un courrier du 9 juin 2011 envoyé à tous les protagonistes, M______ GmbH a en substance expliqué que A______ était à l'origine de la situation. Alors qu'il avait organisé pour le compte de D______ SA la livraison de la marchandise, il l'avait assignée à I______ LTD sans qu'aucun contrat de vente ne soit intervenu avec cette dernière, puis vendue à L______. La situation était néanmoins sur le point de se résoudre, dans la mesure où cette dernière avait bloqué son versement en faveur de I______ LTD (PP 39'247 à 39'248).

L______ a par la suite initié avec succès une procédure civile auprès des autorités turques afin de se voir attribuer la marchandise nonobstant l'opposition de D______ SA, au motif qu'elle seule figurait comme destinataire sur les connaissements émis par le capitaine du navire (PP 10'121).

n.f. Les 7 et 8 juin 2011, M______ GmbH a envoyé à [la banque] BF______ les documents nécessaires au paiement de la lettre de crédit (PP 37'021, 39'153 et 39'154, 37'954 à 37'965).

Le 15 juin 2011, BF______ a informé D______ SA que le paiement aurait lieu le 20 juin 2011 (PP 39'151).

Par ordonnance du 19 juillet 2011, le MP a prononcé le séquestre conservatoire de la créance née de la lettre de crédit.

Parallèlement, par décisions successives du Tribunal civil, de la Cour de justice et du Tribunal fédéral rendues entre le 26 août 2011 et le 16 avril 2012, la requête civile de D______ SA visant à faire interdiction à BF______ de payer M______ GmbH a été rejetée pour les motifs suivants. En substance, cette dernière avait rendu vraisemblable avoir fourni sa prestation en qualité de vendeur et présenté à la banque les documents mentionnés dans la lettre de crédit. Toujours sous l'angle de la vraisemblance, la cargaison avait certes été détournée par A______, mais M______ GmbH ne s'était pas elle-même comportée de manière frauduleuse. Elle n'avait pas non plus agi comme complice du précité ni dû nourrir des doutes à propos de sa probité.

Le 19 novembre 2012, le MP a levé le séquestre conservatoire de la créance de M______ GmbH (PP 37'518).

La lettre de crédit a finalement été exécutée postérieurement.

o.a. Le 22 avril 2011, A______ a adressé à K______ des décomptes relatifs aux diverses opérations auxquelles il avait participé pour le compte de J______, dont, selon ses explications au MP, les lignes finales représentaient la part de 50% lui étant due (PP 37'755). K______ lui a répondu qu'elle transmettrait les documents à J______ (PP 37'767 à 37'778). Le 30 mai 2011, elle lui a remis des décomptes d'activité concernant les opérations Y______/M______ GmbH et X______ (PP 37'779 à 37'791).

o.b. A la même date, AM______ a pris le rôle de conciliateur entre A______ et J______, selon ses explications à la demande de ce dernier. Il a adressé à A______ un projet d'accord amiable entre D______ SA et I______ LTD prévoyant le versement par la première en faveur de la deuxième de USD 2'500'000.- sur le compte bancaire de sa société BI______ SA. Ce montant serait consigné tant que I______ LTD n'aura pas reversé à D______ SA le montant de la vente de la marchandise transportée par MT BG______ (39'191 à 39'192).

Parallèlement, AM______ a remis à K______ un projet d'accord ainsi qu'une facture de BI______ SA de USD 2'500'000.-, précisant que le courrier devait être signé par l'administrateur de D______ SA (39'252 à 39'254). K______ a renvoyé le courrier signé avec le tampon de D______ SA comportant des modifications, notamment en ajoutant la valeur de la marchandise, soit USD 4'012'000.- (39'255 à 39'256). AM______ l'a interpellée sur le fait que le fret avait été payé par leurs soins et sur le montant de USD 4'012'000.- indiqué sur la lettre. D'autres modifications ont, durant les jours qui ont suivi, été négociées et apportées au projet.

L'accord du 30 mai 2011, que J______ et A______ ont signé quelques jours plus tard pour D______ SA et I______ LTD, stipulait en définitive ce qui suit. D______ SA s'engageait à payer le lendemain USD 2'500'000.- à BI______ SA, escrow agent. A cette condition, I______ LTD reverserait le montant payé par L______ pour la marchandise de M______ GmbH, soit USD 4'012'000.-, sous déduction du montant du fret du MT BG______ (PP 10'334). A réception de ces fonds, le montant de USD 2.5 millions serait immédiatement versé à I______ LTD. D______ SA confirmait que cela fait, A______ avait rempli toutes ses obligations à son égard et qu'elle n'avait plus aucune prétention, d'ordre civil ou pénal, à faire valoir à son égard.

Cet accord n'a cependant jamais été exécuté.

o.c. Le 27 juillet 2011, A______ a transmis à D______ SA un décompte des créances et dettes de I______ LTD à l'égard de cette dernière, aboutissant à un solde en faveur de sa société de USD 549'951.- (PP 38'092 ss). Ce décompte tenait compte, respectivement au titre de dette et de créance de I______ LTD, des montants de USD 4'012'000.- et de USD 2'500'000.- stipulés dans l'accord du 30 mai 2011. Il retenait en sus, en faveur de I______ LTD, USD 2'061'951.99 de frais que la société avait assumés, consistant dans le dommage dû [à] MT BG______, le coût de fret, les frais de douane, les prétentions de L______ pour le retard de livraison ainsi que des honoraires d'avocat en Suisse, à Londres, en Turquie et en Lettonie.

Le décompte du 27 juillet 2011 mentionnait également, "à titre indicatif", la liste des montants encore dus par J______ ou les sociétés qu'il contrôlait du chef des opérations d'achat/vente de produits pétroliers, totalisant USD 3'333'791.-. Cette somme comprenait les deux versements effectués par A______ en septembre ("Transfer Sept") de USD 1'235'000.- et USD 415'000.- (cf. supra let. B.e.c). Y était porté en déduction le total des montants versés à I______ LTD entre octobre et décembre 2010 de USD 250'760.-, réduisant la créance de cette dernière à USD 3'083'031.-.

p. Entendue par le MP, BJ______, collaboratrice de D______ SA, a expliqué n'avoir pris aucune décision ni accompli aucune tâche pour cette société. Russophone, elle officiait uniquement comme intermédiaire entre P______ et les animateurs de D______ SA. J______ lui avait demandé de convaincre A______ de régler leur litige en laissant D______ SA hors de cause. En parlant au précité, elle avait compris, bien qu'aucun montant ne fût articulé, qu'il réclamait de l'argent à J______.

q. Devant le MP, ce dernier a expliqué que A______ n'avait jamais représenté D______ SA. Lui-même et K______ lui avaient demandé d'établir le contrat avec M______ GmbH, laquelle était un bon fournisseur. A______ avait exigé d'être le seul revendeur et de s'occuper personnellement de l'établissement des documents de transport. Il s'était aussi engagé à mener toutes les discussions visant le rachat de la marchandise avec Y______ et lui avait demandé de ne pas intervenir, promettant que cette dernière leur transmettrait rapidement un contrat et une lettre de crédit. Or, J______ était resté sans nouvelle de la cargaison plusieurs jours et A______, lorsqu'il l'interrogeait, lui disait d'attendre. Il avait ensuite compris que ce dernier cherchait à gagner du temps pour mener son propre projet. Il avait alors demandé à K______ de localiser la marchandise et de bloquer son déchargement. Elle avait découvert que cette dernière avait été chargée sur un autre navire à destination de la Turquie. Il s'y était lui-même rendu et, en discutant avec les représentants de L______, avait réalisé l'existence et le rôle de I______ LTD. Lui-même et K______ avaient choisi Y______ comme acheteur, société qui leur avait également été présentée par A______. Ne maîtrisant pas le français, il avait demandé à ce dernier de mener les négociations. A______ et K______ devaient finaliser une lettre de crédit et signer un contrat, mais rien n'avait pu être fait, le précité, qui détenait toutes les informations relatives à la marchandise et à son transport, ayant conclu un contrat avec L______.

Il avait régulièrement versé à A______ sa part du bénéfice sur les diverses opérations menées par ce dernier. Il lui avait indiqué qu'après l'opération avec M______ GmbH, cette part serait réduite à 20%. A______, en le menaçant, lui et sa famille, l'avait forcé à signer l'accord du 30 mai 2011, qu'il considérait comme un torchon.

Il lui avait antérieurement et parallèlement proposé d'investir dans un business commun. A______ avait dans ce cadre versé sur un compte bancaire à BY______ [Lettonie] appartenant à la société U______ LTD un total de USD 1'630'000.-. USD 360'000.- lui avaient été restitués un mois plus tard lorsqu'il lui avait demandé le remboursement de son investissement. J______ contestait les décomptes de A______ selon lesquels il lui devait encore USD 3'100'000.-. Il n'avait jamais discuté avec ce dernier du remboursement d'un montant supérieur aux USD 1'630'000.- précités.

r. Entendue par le MP, K______ a indiqué que la signature de ses mails par A______ comme "Managing Director" l'avait choquée. Elle savait néanmoins que des discussions entre lui et J______ avaient eu lieu au sujet de son éventuel engagement par D______ SA. Cela expliquait également l'existence de cartes de visite de A______ comportant ce même titre.

Le 27 mai 2011, informé par A______ que la marchandise n'était pas encore prête, J______ attendait un contrat et une lettre de crédit signés de Y______. Elle en avait réalisé un projet transmis à A______, celui-ci étant en charge de finaliser la transaction, essentiellement pour des raisons de langue. Le 30 mai 2011, J______, sans nouvelles de la marchandise ni des documents précités, lui avait demandé de contacter M______ GmbH, laquelle l'avait informée que la marchandise avait en réalité déjà quitté le BE______ depuis trois ou quatre jours, sur un bateau à destination de la Turquie. Les démarches initialement débutées par M______ GmbH puis par elle-même avaient permis de faire stopper le navire et son déchargement, mais D______ SA n'avait en fin de compte pas obtenu gain de cause devant les autorités turques au vu des documents produits mentionnant L______ comme seule destinataire. Elle avait appris l'existence et le rôle de cette dernière en contactant les agents du port à la fin de la journée.

A______ réclamait de l'argent à J______ et l'avait menacé d'un événement dramatique pouvant arriver à sa famille s'il ne s'exécutait pas. Aussi J______ lui avait-il demandé de faire le nécessaire pour que l'accord du 30 mai 2011 soit signé.

s. Les employés suivants de M______ GmbH ont été entendus par le MP.

BK______ a expliqué avoir suivi pour chaque étape du transport de la marchandise les instructions de A______. Il avait appris le conflit entre ce dernier et D______ SA seulement le 30 mai 2011. Il s'était rendu à deux reprises en Turquie pour comprendre ce qui se passait et défendre les intérêts de son acheteur, bien qu'au titre de vendeur FOB (Free on Board), M______ GmbH ne fût plus responsable de la marchandise une fois celle-ci chargée sur le bateau.

BL______ a dit ne s'être jamais doutée que A______ agissait pour son compte personnel. Les instructions données par ce dernier par le biais de la messagerie de D______ SA, mentionnant un autre destinataire, n'étaient pas surprenantes car la marchandise avait pu être revendue à un tiers durant son transport (vente "back to back").

BM______, responsable des aspect logistiques liés aux transactions de matières premières, a expliqué que A______ avait dès le départ représenté D______ SA et été à ce titre leur unique interlocuteur. Il n'avait pas connaissance des accords internes entre J______ et ce dernier ou entre D______ SA et I______ LTD, mais dans ce genre d'opération, il était normal qu'une cargaison passe d'un destinataire à un autre. Pour M______ GmbH, le destinataire final avait toujours été L______. Le 30 mai 2011, il avait été informé par K______ que la marchandise avait été détournée par A______, que lui-même n'avait pas réussi à joindre. Après examen, M______ GmbH, qui n'avait plus le contrôle de ladite marchandise, était arrivée à la conclusion que l'acheteur et l'affréteur étaient bien D______ SA. Elle s'était efforcée de défendre les intérêts de cette dernière, et indirectement les siens en tant que bénéficiaire de la lettre de crédit, notamment en faisant ajouter son nom sur les connaissements par le biais de leur agent à BE______ [Ukraine].

t. Entendu par le MP, AM______ a expliqué avoir été en contact dans le cadre de plusieurs transactions tant avec A______ que J______, lesquels représentaient une seule et même entité. Il avait en général envoyé sa facture à D______ SA, parfois à une société tierce. Dans le cas de la marchandise vendue par M______ GmbH, D______ SA était pour lui l'affréteur du bateau et il ne s'était pas intéressé à l'identité de l'acheteur et du vendeur. Cet aspect était habituellement sans influence sur son activité, qui consistait essentiellement à assurer la livraison de la marchandise et le paiement du fret. Le changement d'affréteur, de D______ SA à I______ LTD, n'avait également rien d'inusuel ni n'avait impacté ses tâches.

Le 30 mai 2011, contacté par J______ qui considérait que A______ lui avait volé la marchandise, il avait compris que le problème concernait la répartition des profits entre les précités. A______ réclamait USD 3.2 millions et J______ parlait de USD 800'000.-. Ils ne parvenaient plus à se parler et lui-même s'était retrouvé au milieu de leur litige. Il les avait encouragés à utiliser son compte bancaire pour consigner les montants dus. Après avoir récolté un maximum d'informations de part et d'autre, il avait rédigé une première version de l'accord du 30 mai 2011. La version finale n'avait pas été signée sous la pression d'une quelconque menace. J______ lui avait envoyé le "swift" concernant le versement de USD 2.5 millions sur son compte mais ce montant ne lui était jamais parvenu.

u.a. Entendu par la police, A______ a en substance expliqué avoir agi en parfaite entente avec J______, avec lequel il devait partager le bénéfice de la vente. Il n'avait cependant conclu aucun accord formel avec lui, ni exercé une quelconque forme de contrainte pour qu'il signât l'accord du 30 mai 2011.

u.b. Entendu par le MP, il a affirmé que dans le cadre de sa collaboration avec J______, après son licenciement par F______ SA, il avait bénéficié du titre de "Managing Director", sans avoir signé de contrat de travail, ni reçu de salaire ni bénéficié de pouvoir de représentation formel. Il avait à titre d'exemple signé un contrat pour D______ SA en février 2011 avec L______, avec l'autorisation de J______ (PP 37'740). Son pouvoir de représentation résultait pour lui du fait qu'il percevait une part des bénéfices de la société.

Dans le cadre de la transaction avec M______ GmbH, il avait représenté D______ SA et agi avec l'assentiment complet de J______. Il l'avait en particulier informé de l'intervention de I______ LTD, qui reprendrait la marchandise comme affréteur puis la revendrait à un tiers. Ils avaient établi une liste d'acheteurs potentiels, essentiellement turcs, dont L______ et Y______. D______ SA savait que la marchandise était destinée à L______ depuis mi-mai 2011. Il s'agissait d'une opération de compensation dans la mesure où D______ SA lui devait USD 3'100'000.-. Il n'avait jamais été question qu'il conserve l'entier du produit de la vente. Ce procédé devait aussi permettre à cette dernière de ne pas être taxée sur les bénéfices de la transaction, J______ ayant l'habitude de travailler avec des sociétés exemptes d'impôts. Il n'avait en définitive jamais été question de conclure la vente avec Y______ et la lettre de crédit attendue devait être établie par L______ (PP 37691). K______ et J______ étaient au courant de tous les détails de l'opération et l'avaient assisté ou lui avaient donné des instructions pour la mener à terme.

Il n'avait pas interféré dans la gestion des boîtes aux lettres @S______.ch, sujettes à des problèmes de connection sporadiques en mai 2011, et lui-même était parvenu à utiliser son adresse électronique A______@S______.ch après plusieurs essais.

Il contestait entièrement l'authenticité de la retranscription produite au dossier de ses échanges avec J______ et K______ le 27 mai 2011 (PP 37'713 et 37'797 ss).

M______ GmbH n'était pas au courant de l'accord précité mais il était normal de ne pas informer le vendeur des détails de telles transactions, qui ne le concernaient plus. Il se justifiait aussi de ne pas communiquer à l'acheteur final l'identité du fournisseur, de sorte à éviter un contact direct entre ces derniers, susceptible de léser les marges et bénéfices de l'intermédiaire.

Au titre de représentant de I______ LTD, soit de l'affréteur, il avait donné les instructions au capitaine du navire d'émettre de nouveaux connaissements.

Après le paiement du prix de la marchandise par L______ à I______ LTD, il était supposé reverser à J______ USD 1 million, mais ce dernier lui avait fait savoir attendre le double de ce montant, ce que lui-même avait refusé. J______ avait alors cherché à récupérer la marchandise et pour cette raison dit à M______ GmbH qu'elle avait été détournée.

Il avait transmis à K______ dès fin avril 2011 plusieurs décomptes de ses prétentions concernant les opérations précédentes. Aucun n'avait été définitivement avalisé au vu du litige intervenu en lien avec la cargaison de M______ GmbH.

Il n'avait pas rédigé l'accord du 30 mai 2011 et l'avait reçu signé de J______ avec le sceau de D______ SA. Le 10 juin 2011, il avait appris de BJ______ que USD 1 million avait été versé par J______ sur le compte de BI______ SA. Il n'avait jamais encaissé ce montant, qui avait été retourné à J______, dès lors que leur accord portait sur USD 2.5 millions. Il ne comprenait pas l'attitude de ce dernier, lequel avait exécuté partiellement leur accord, produit un faux swift pour lui faire croire avoir transféré l'entier des USD 2.5 millions, puis affirmé avoir signé ledit accord sous la contrainte. Lui-même n'avait pas introduit d'action civile pour recouvrer le montant précité mais porté plainte pour faux dans les titres et tentative d'escroquerie.

u.c. En première instance, A______ a confirmé que J______, par l'intermédiaire de D______ SA, lui devait USD 3'083'000.-, correspondant à sa mise de départ de USD 1'650'000.- et le bénéfice de 50% sur les opérations pour lesquelles il n'avait pas encore été rémunéré. Leurs rapports n'avaient jamais été formalisés conformément à l'usage entre eux.

Il n'avait pas abusé de la confiance de J______. L'intervention de I______ LTD participait de la volonté de ce dernier de vendre à cette société la marchandise à un prix inférieur à celui auquel elle serait revendue à L______ aux fins d'alléger la charge fiscale de D______ SA.

J______ et lui-même n'avaient jamais formalisé leurs relations mais il était prévu qu'ils signent un contrat après la vente à L______.

Il avait agi sur ses instructions, notamment en envoyant à L______ une seconde offre au nom de I______ LTD, à un prix inférieur, car la société turque n'était plus disposée à payer le premier prix proposé.

v. En première instance, F______ SA a conclu au versement par A______ de CHF 310'924.95 au titre d'indemnité pour ses frais de défense. Ce montant comprenait CHF 290'541.35 d'honoraires de son conseil pour son activité du 22 juin 2010 au 31 octobre 2020, ainsi que CHF 18'375.-, hors TVA et frais, pour tenir compte de la durée des débats estimée à quatre jours. Ceux-ci se sont en réalité tenus sur trois jours et ont duré au total 18h30, auxquelles on peut ajouter 1h30 (30 minutes par jour) pour tenir compte du temps de déplacement, ce qui représente une intervention totalisant 20h de présence.

D______ SA en liquidation a conclu au versement par A______ de CHF 4'070'256.18 avec intérêts à 5% dès le 13 mai 2011 (conclusions principales) et CHF 165'000.- au titre de dommages-intérêts et d'indemnité pour ses frais de défense. Selon le décompte produit, les honoraires de son conseil pour son activité entre le 8 mars 2013 et le 7 novembre 2021, facturée sur la base des tarifs horaires de CHF 450.- pour le chef d'étude et de CHF 350.- pour les collaborateurs, représentaient, TVA comprise, un montant de CHF 159'901.-.

A______ a conclu à l'indemnisation de ses frais de défense à hauteur de CHF 79'764.55.

C. a. Durant les débats d'appel, avant l'ouverture de la procédure probatoire, la Chambre d'appel et de révision (CPAR) a informé les parties de son intention d'examiner les faits décrits dans l’acte d’accusation sous chiffre B.II.3 (cf. supra let. A.c.c.) également sous l’angle de la gestion déloyale aggravée au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 et ch. 2 CP.

b.a. Durant les débats d'appel, A______ a précisé que, dans le cadre de son travail pour F______ SA, son rôle était de procéder à un appel d'offres auprès de ses contacts pour vendre la marchandise acquise ou à acquérir par N______, lequel avait le dernier mot. Ce dernier lui soumettait deux à trois cargaisons par mois, qu'il avait toujours revendues, prioritairement et avec beaucoup de bénéfices. Parallèlement, il avait de sa propre initiative fait d'autres affaires pour le compte de J______, lesquelles représentaient 25% de son activité et étaient plus rentables. Il ne tenait pas de comptabilité formelle de G______ LTD mais un décompte très basique sur feuille excel. De manière générale, la demande était plus forte que l'offre et dépassait en particulier ce que N______ pouvait acquérir, en raison de limites imposées pour la raffinerie ou pour des motifs politiques.

D______ SA, soit pour elle J______ et K______, était dès le début au courant du contrat conclu entre I______ LTD et L______ ainsi que de l'affrètement du MT BG______, ce qu'avait confirmé AM______, l’agent de D______ SA. J______ s'était opposé à l'exécution de ce contrat lorsqu'il lui avait annoncé ses prétentions en partage du bénéfice à hauteur de USD 3'083'000.-, comprenant sa mise de départ. Il n'avait jamais eu avec lui sur Skype la conversation du 27 mai 2011 telle que retranscrite au dossier, qui était modifiée du début à la fin. I______ LTD était intervenue à la demande de J______ pour des raisons fiscales, ce qui avait été convenu oralement. Ils n'avaient pas eu le temps de rédiger un contrat, mais il était de toute manière usuel entre eux de procéder sur la base d'accords purement oraux. I______ LTD avait fait une offre à L______ après que cette dernière avait retiré sa première offre à D______ SA. Il avait lui-même rédigé le contrat de vente entre I______ LTD et L______, ainsi que cela était déjà arrivé, bien qu'en général cette tâche fût dévolue à K______.

Dans l'hypothèse où l'accord du 30 mai 2011 eût été valable, il aurait admis devoir à D______ SA USD 1.5 million environ, soit la différence entre le montant que I______ LTD aurait dû recevoir (USD 2.5 millions) et celui qu'elle aurait dû reverser (USD 4 millions). En acceptant USD 2.5 millions, il aurait renoncé à une partie de sa créance, qu'il avait toujours fait valoir à hauteur de USD 3'083'000.-, comprenant sa part du bénéfice sur la transaction de mai 2011. Au vu des frais d'affrètement de USD 150'000.-, ce bénéfice se montait à environ USD 800'000.-.

Pour verser directement les USD 1.5 million précités à I______ LTD, il aurait eu besoin d'une facture. Il attendait désormais l'issue de la présente procédure pour réaliser le versement dû, étant rappelé qu'il avait aussi acheté une maison à BN______ pour CHF 1 million.

AM______ était une connaissance mutuelle et dans cette affaire, il avait défendu les intérêts de D______ SA.

b.b. Par la voix de son conseil, A______ a requis à titre préjudiciel qu’il soit constaté que la surveillance exercée par F______ SA sur son poste de travail était illicite, de sorte que les pièces recueillies par ce biais, soit les PPs 10'025 à 10'076, 60'018 à 60'025, 60'051 à 60'075, 70’006 à 70'107, 72’002, 72'016, 72'017, 72'034, 72'044, 72'087, 72'088, 72'107, 72'108, 72'118, 72'127 et 72'140 devaient être écartées de la procédure.

Pour les motifs exposés infra au consid. 2, la requête de A______ a été rejetée.

b.c. Sur le fond, A______ persiste dans ses conclusions et tient celles de D______ SA en liquidation et de sa masse en faillite concernant sa culpabilité pour irrecevables, faute de qualité pour recourir de ces dernières sur ce point.

b.c.a. Malgré une instruction très fouillée, le dossier ne comportait aucune preuve du versement de commissions. Au contraire, des éléments tels les attestations de la société X______ ou des témoignages démontraient qu'il avait été rémunéré pour des services distincts. Même AU______ considérait le versement de pots-de-vin comme peu probable. Lui-même avait donné des explications claires et constantes au sujet des liens entre les versements à G______ LTD et les services d'entreposage et de traitement qu'il avait offerts et qui n'entraient pas en concurrence avec les activités de F______ SA.

Le dossier ne comportait pas non plus de preuve d'un quelconque dommage causé à F______ SA par la vente des produits de J______. Il avait au contraire produit un tableau devant les premiers juges illustrant qu'il avait systématiquement vendu toute la marchandise de son employeur, pour un chiffre d'affaires de CHF 137 millions. Même N______ n'avait pas pu affirmer que des clients avaient acheté les produits de J______ en lieu et place de ceux de F______ SA.

Le dossier ne le faisait pas non plus apparaître comme un gérant. Tout comme cela résultait à nouveau des débats d'appel et avait été expliqué par N______, son rôle était limité à un travail de marketing, soit d'envoyer et de recevoir des offres de vente et d'achat de marchandise, dont même le suivi administratif ne lui incombait pas. Dépourvu de pouvoirs de représentation, il n'était pour le surplus pas inscrit au registre du commerce, n'avait pas accès aux comptes de F______ SA, et il agissait toujours sous le contrôle de N______. Il ne pouvait enfin utiliser les blancs-seings signés par ce dernier qu'en cas d'urgence.

b.c.b. Faute de tromperie astucieuse, il ne s'était pas rendu coupable d'escroquerie. Il avait expliqué dès le départ, comme ultérieurement confirmé par AM______, avoir convenu avec J______ de l'intervention de I______ LTD, étant rappelé que ce dernier se servait toujours de sociétés tierces dans les transactions qu'il organisait.

Les explications de J______ étaient contradictoires et évolutives. Il avait participé à la falsification des connaissements pour tenter de récupérer la marchandise en Turquie. L'échange skype du 27 mai 2011, principal élément à charge qu'il avait systématiquement contesté dès novembre 2012, était objectivement douteux. Plutôt qu'en une capture d'écran, il consistait en une retranscription dépourvue de date, qui avait donc pu être modifiée et adaptée.

Il avait agi sans dessein d'enrichissement illégitime, ayant convenu avec J______ que le partage du bénéfice de cette transaction devrait permettre de solder sa créance, conformément au décompte transis à AM______.

Un acte de disposition au sens de la définition de l'escroquerie faisait défaut selon la jurisprudence si un acte subséquent de l'auteur était nécessaire. L'infraction de vol était exclue par le défaut de soustraction, D______ SA n'ayant jamais été en possession de la marchandise. L'infraction de gestion déloyale n'entrait pas non plus en ligne de compte, la qualité de gérant, non mentionnée dans l'acte d'accusation, ne ressortant pas du dossier, faute de pouvoir de représentation, dont il n'avait donc pas pu abuser. La seule infraction envisageable était l'appropriation illégitime, mais elle était déjà prescrite et n'était pas visée par l'acte d'accusation.

b.c.c. Il ne s'était pas rendu coupable d'extorsion dans la mesure où il n'avait pas usé de menaces, même implicites, et s'était contenté d'exciper de compensation, étant rappelé qu'il n'avait pas non plus agi avec un dessein d'enrichissement illégitime puisqu'il avait seulement cherché à recouvrer sa part de bénéfices.

b.c.d. La peine à prononcer, complémentaire et avec sursis, devait tenir compte de ce que le principe de célérité avait été violé, qu'il avait bien collaboré à l'instruction de la cause en fournissant des explications détaillées, qu'il était père de bientôt deux enfants et qu'il n'avait commis aucune infraction en Ukraine, là où il vivait.

c. Par la voix de leur conseil, D______ SA en liquidation et sa masse en faillite persistent dans leurs conclusions. Elles chiffrent leurs conclusions en indemnisation de leurs frais de défense en appel à CHF 15'578.47, sur la base d'une activité effective, facturée selon le tarif horaire de CHF 450.- pour le chef d'étude, de 10h jusqu'au 14 novembre 2022 (annonce et déclaration d'appel, communications, recherches juridiques et examen des pièces "centrales"), puis d'une préparation des débats ainsi que d'une durée de ceux-ci estimée à 12h et 10h.

c.a. Bien que la qualification de vol eût été juste si l'astuce était exclue et que certains actes pussent être qualifiés d'abus du pouvoir de représentation, le comportement de A______ représentait un cas d'escroquerie par excellence.

Pour tromper, il avait constamment mêlé le vrai au faux et promis des pièces qu'il n'avait jamais produites. Cela était particulièrement visible dans la discussion Skype du 27 mai 2011, dont il avait finalement dit, au vu de son caractère accablant, qu'elle était fausse. Ses agissements avaient eu des conséquences destructrices pour tous les acteurs de l'opération.

Concrètement, il avait fait émettre une lettre de crédit par D______ SA en faveur de M______ GmbH en dissimulant sa volonté de détourner la marchandise. Agissant à l'insu de J______ et K______, il avait donné pour instruction dès le 10 mai d'établir des connaissements au nom de I______ LTD, dissimulant le légitime possesseur de la marchandise, et fait une offre plus avantageuse à L______ pour inciter la société turque à conclure rapidement avec sa propre société. Il avait pressé les agents du port de BE______ [Ukraine] d'agir le plus vite possible. Le 25 mai, il avait allégué un problème d'e-mails pour justifier l'absence de nouvelles concernant la marchandise. Quand K______ avait appris le départ des péniches, il lui avait fait part de l'urgence d'obtenir de Y______ la signature d'un contrat et d'une lettre de crédit. Lorsque, le 30 mai, J______ et K______ s'étaient rendus compte de ce qui s'était passé, L______ avait déjà tout payé, de sorte à obtenir légitimement le déchargement de la marchandise.

L'astuce avait été indument écartée par le TCO. J______ n'avait pas fait preuve d'imprudence en donnant toute latitude à A______ au vu de leur collaboration fructueuse jusqu'alors, ayant porté sur 16 transactions menées sans difficulté. J______ ne parlant que le russe, il était dépendant des informations que lui fournissait A______.

Dès lors que D______ SA avait émis une lettre de crédit, A______ avait fait en sorte qu'elle ne prît plus aucune initiative en usant de dissimulation et de mensonge. Or, le fait de ne pas agir pour défendre ses droits constitue un acte de disposition au sens de l'élément constitutif de l'escroquerie.

Subsidiairement, A______ s'était aussi rendu coupable de vol, en prenant le contrôle de la marchandise par l'établissement de connaissements au nom de I______ LTD et en la faisant charger sur MT BG______, de sorte à la mettre hors de portée de D______ SA. Il avait également et à plusieurs reprises abusé de son pouvoir de représentation, bien réel bien que non formalisé, en n'agissant pas dans l'intérêt du représenté.

L'argument fiscal, progressivement développé par A______, était vain dès lors que les sociétés suisses étaient à l'époque des faits très peu imposées sur leurs activités à l'étranger.

c.b. D______ SA ne reconnaissait pas devoir quoi que ce soit à A______. L'accord du 30 mai 2011 avait été signé par J______ dans un état de panique eu égard à la perte de marchandise d'une valeur de USD 4 millions. Cet accord était de toute manière invalide, inexécutable ou sans effet pour les motifs suivants : il avait fait l'objet d'une contre-proposition de A______ le rendant caduc, J______ n'avait pas la capacité de le signer, ses pouvoirs étant limités aux actes courants de la société et ne lui permettant pas de l'engager de manière préjudiciable à ses intérêts, la mise de départ investie par A______ avait été versée à U______ LTD, D______ SA se serait appauvrie en s'exécutant dès lors qu'elle avait dû payer le prix de vente de la marchandise, l'accord était subordonné à un premier paiement, et il ne pouvait en tout état de cause pas annuler une dette née de la réalisation d'une infraction pénale.

Le moyen de contrainte consistait dans la rétention de USD 4 millions. A______ en avait par ailleurs profité durant la procédure, dont il avait beau jeu de critiquer la lenteur.

c.c. Les prétentions civiles de D______ SA ne pouvaient pas être limitées au montant de EUR 2 millions, correspondant au prix d'achat de la marchandise, mais devaient s'étendre au prix du marché au moment de la revente, conformément au tarif ICIS, de USD 1'400.- / tm, soit plus de USD 4 millions au total. A______ ne pouvait pas faire valoir la compensation avec une chose soustraite sans droit, étant rappelé qu'il n'avait pas établi être titulaire d'une créance à hauteur de USD 2.5 millions.

d. Le MP persiste dans ses conclusions.

d.a. La qualité de gérant de F______ SA de A______ résultait de son indépendance complète au titre de trader, se reflétant dans son salaire, l'absence de surveillance de son activité et l'accès aux documents à l'en-tête de la société, dont il devait favoriser les intérêts pécuniaires.

Aucun élément concret n'étayait les activités de G______ LTD créée huit mois après le début de sa relation de travail avec F______ SA, de sorte que les factures versées à la procédure ne consistaient qu'en des justificatifs pour les commissions perçues à hauteur d'environ USD 700'000.- au total. Deux témoins avaient indirectement rapporté leur existence. Aucun client ne les avait directement confirmées car personne ne voulait admettre avoir versé des pots-de-vin. Le recours à un consultant externe n'avait aucun intérêt, en particulier pour des grandes sociétés comme Y______, qui disposaient de leurs propres ressources dans ce domaine. L'expertise de AU______ expliquait de manière convaincante que les commissions, largement supérieures à l'usage, venaient en réalité s'ajouter au prix officiel, fixé au plus bas.

L'activité développée parallèlement par A______, en collaboration avec J______, n'était pas contestée. Il n'était pas imaginable qu'elle n'ait pas porté préjudice à F______ SA. S'il n'était pas établi qu'elle aurait conclu les mêmes contrats au même moment, A______ avait admis en appel n'avoir pas cherché à savoir ce que son employeur avait à disposition et pouvait donc offrir. Il n'avait ainsi pas soumis à F______ SA les opportunités de gains supplémentaires dont il avait personnellement tiré profit. Son rôle était pourtant de s'assurer qu'elle pût répondre au mieux aux intérêts de ses clients, et la baisse de son activité depuis 2009 tendait à démontrer qu'il n'avait pas suffisamment agi dans ce sens.

d.b. Les premiers juges avaient à tort écarté l'existence d'un acte de disposition et de l'astuce comme éléments constitutifs de l'escroquerie.

Avant la conclusion du contrat d'achat de la marchandise avec M______ GmbH, A______ avait déjà l'intention de la détourner. Aussi avait-il exigé d'être le seul intervenant et pressé J______ de signer. Il avait ensuite bloqué l'accès de K______ à ses e-mails et continué d'agir pour le compte de D______ SA. Il avait dissuadé cette dernière et J______ d'intervenir en leur faisant croire que la marchandise était en attente d'un acheteur.

A______ avait ainsi conduit D______ SA à émettre une lettre de crédit puis à ne plus rien entreprendre pour récupérer la marchandise. Il s'était par cette manœuvre enrichi de USD 4 millions.

Il avait donné des explications fantaisistes sur les prétendues instructions de J______ et le soi-disant but fiscal justifiant l'intervention de I______ LTD.

L'infraction de vol pouvait aussi être retenue, ou plus subsidiairement celle de gestion déloyale. Au titre de seul interlocuteur, A______ occupait une position de gérant à tout le moins dans le cadre des opérations liées à la marchandise achetée à M______ GmbH. Il devait donc protéger les intérêts de D______ SA et avait violé cette obligation en vendant la marchandise pour le compte de sa propre société.

d.c. En conservant les USD 4 millions acquis et en menaçant J______ d'un gros préjudice financier consistant dans la perte de cette somme, A______ l'avait amené à signer un accord selon lequel il était reconnu comme créancier de USD 2.5 millions, ce sans entamer la moindre procédure ni prouver ses prétentions, qu'il n'avait par ailleurs pas fait valoir dans la faillite de D______ SA.

d.d. La motivation de la peine par les premiers juges n'était en soi pas critiquable, mais celle-ci devait nécessairement être relevée, eu égard aux deux acquittements infondés et aux derniers antécédents de l'appelant.

e. Par la voix de son conseil, F______ SA conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement querellé. Elle chiffre ses prétentions en indemnisation de ses frais de défense à CHF 321'844.70 au total, dont CHF 10'919.75 pour la procédure d'appel, correspondant à 10h15 d'activité de la collaboratrice facturées CHF 375.- de l'heure, dont 10h de préparation aux débats, et à la durée de ceux-ci estimée à 16h (deux jours).

N______ avait fait confiance à A______ en lui permettant de négocier et de gérer l'exécution des contrats, sans surveillance ni obligation, si ce n'était de lui rendre des comptes.

La limitation de son rôle par A______ à celui d'un simple commercial se heurtait aux termes de son contrat de travail. Il avait lui-même déclaré devoir faire en sorte que F______ SA gagne un maximum d'argent et que cela, au titre de trader, était dans sa nature.

Il avait clairement violé ses obligations contractuelles en créant G______ LTD huis mois après son engagement. Il avait perçu des commissions sans autre justification au prorata de la marchandise vendue alors qu’il aurait dû tout reverser à F______ SA.

A______ se prévalait d'une violation du principe de célérité mais dans les faits, le prolongement de la procédure lui avait permis de profiter plus longtemps de l'argent indument perçu.

D. a. A______, ressortissant suisse et américain, est né aux Etats-Unis le ______ 1978. Divorcé, il vit en concubinage en Ukraine avec la mère de son enfant né le ______ 2020.

Titulaire d'un diplôme obtenu auprès d'une high school, il a effectué une formation commerciale, sans toutefois obtenir de titre universitaire. Il a travaillé en Suisse pour plusieurs entreprises actives dans le négoce de produits pétroliers. Il gère actuellement une activité indépendante d'importation de matériel informatique chinois, qui lui rapporte entre USD 2'500.- et USD 3'000.-, ce qui lui permet de couvrir ses charges en Ukraine.

A BO______, il est locataire de plusieurs champs agricoles, sur lesquels il a cultivé du CBD jusqu'en été 2021.

Il dispose d'environ USD 850'000.- sur un compte au Panama, ouvert au nom de BP______, société off-shore lui appartenant.

Il estime ses dettes à plus de CHF 5 millions. Selon un extrait des poursuites à la date du 16 avril 2018, il fait l'objet d'actes de défaut de biens pour un peu moins de CHF 3 millions.

Sa compagne attend un second enfant, dans la naissance est prévue en juin 2023. Elle refuse au vu de la situation actuelle de laisser ses parents seuls. Ils ont toutefois le projet de revenir en Suisse prochainement.

b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné par le Ministère public du canton de Fribourg :

-          le 15 mai 2020, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 70.-, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de deux ans, ainsi qu'à une amende de CHF 2'000.-, pour délit contre l'art. 117 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) ;

-          le 7 décembre 2020, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 50.-, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, pour banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie (art. 163 ch. 1 CP) ;

-          le 26 avril 2022, à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à CHF 50.- et à une amende de CHF 300.-, pour violation de l’obligation d’annonce au sens de l'ordonnance sur la libre circulation des personnes (OLCP) et délit contre la loi sur les armes (LArm).

E. A______ bénéficie d'une défense d'office depuis le 15 mars 2019 (PP 80'138) et était auparavant assisté d'un défenseur privé.

Me C______, son défenseur d'office, dépose un état de frais pour la procédure d'appel comptabilisant, pour le chef d'étude, 29h30 d'examen du dossier et de préparation aux débats, ainsi que deux heures d'entretien avec le client, et, pour le stagiaire, 0h10 de consultation du dossier.

Le défenseur d'office a été indemnisé en première instance à hauteur de 104 heures.

EN DROIT :

1. 1.1. Les appels et l'appel joint ont été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398, 399, 400 et 401 du code de procédure pénale [CPP]).

1.2.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. Tel est en particulier le cas du lésé qui s'est constitué demandeur au pénal, indépendamment d'éventuelles conclusions civiles (ATF 139 IV 78 consid. 3). La partie plaignante a dans ce cas qualité pour former appel sur la culpabilité non seulement pour contester un acquittement, mais également pour mettre en cause la qualification juridique retenue contre le prévenu en première instance (ATF
139 IV 84 consid. 1.1).

Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141 IV 1 consid. 3.1). La loi reconnaît à la personne morale la capacité de former et d'exprimer, au travers de ses organes, une volonté et d'agir en conséquence. Une personne morale qui est atteinte dans la libre formation ou le libre exercice de sa volonté doit être considérée comme lésée par l'infraction de contrainte (ATV 141 IV 1 consid. 3.3).

1.2.2. En l'espèce, contrairement à l'avis de A______, l'appel de D______ SA en liquidation et de sa masse en faillite est aussi recevable en tant qu'il porte sur la qualification de vol des faits qui lui sont reprochés au chiffre B.II.3 de l'acte d'accusation et sur l'infraction de tentative d'extorsion et de chantage (ch. B.III.4.).

D______ SA en liquidation, partie plaignante, est en effet constituée comme demanderesse au pénal. En cette qualité, elle peut contester en appel la qualification juridique retenue en première instance, indépendamment de l'influence de celle-ci sur le sort de ses conclusions civiles.

Elle a également la qualité de lésée, et donc pour recourir, en lien avec l'infraction de tentative d'extorsion et de chantage reprochée à A______. Au titre de personne morale, elle est en effet susceptible d'être atteinte dans la formation de sa volonté, étant rappelé que cette infraction suppose l'exercice d'une forme de contrainte (cf. infra consid. 5.1.). Les faits en cause visent de surcroît l'accord du 30 mai 2011, formellement signé par D______ SA, dont l'exécution aurait eu un impact direct sur son patrimoine, dès lors qu'elle l'aurait amenée à verser USD 2.5 millions à A______ et à reconnaître n'avoir plus de prétention à faire valoir contre ce dernier.

1.3. Au vu de ce qui précède, les appels et l'appel joint sont recevables. Il est relevé à titre superfétatoire que l'irrecevabilité de l'appel de D______ SA en liquidation et de sa masse en faillite sur les deux points précités auraient été sans portée pratique, ceux-là, visés par l'appel joint du MP, devant en tout état de cause être examinés.

Il est rappelé que la cognition de la Chambre est au surplus limitée par les violations décrites dans les actes d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Selon les dispositions transitoires du CPP, entré en vigueur le 1er janvier 2011, les procédures pendantes à ce moment se poursuivent selon le nouveau droit sauf disposition contraire (art. 448 al. 1 CPP), mais les actes de procédure ordonnés ou accomplis avant conservent leur validité (al. 2).

L'art. 164 de l'ancien code de procédure genevois (CPP-GE) permettait au juge d'instruction de recourir à tous les moyens de preuve prévus dans la mesure utile à la découverte de la vérité. L'art. 165 CPP-GE prohibait néanmoins l'usage de moyen coercitif, de menaces, de promesses, et d'autre moyen déloyal pour obtenir des aveux ou des déclarations. Selon la jurisprudence en vigueur en 2010, l'utilisation d'une preuve obtenue de manière illégale n'était inadmissible que s'il était impossible de se la procurer d'une manière conforme au droit (ATF 96 I 437 consid. 3b). Il convenait aussi de mettre en balance d'une part l'intérêt de l'État à ce que le soupçon concret soit confirmé ou infirmé et, d'autre part, l'intérêt légitime de la personne concernée à la sauvegarde de ses droits personnels (ATF 109 Ia 244 consid. 2b).

2.1.2. Selon le nouveau droit, les preuves administrées d'une manière illicite ou en violation de règles de validité par les autorités pénales ne sont pas exploitables, à moins que leur exploitation soit indispensable pour élucider des infractions graves (art. 141 al. 2 CPP). La loi pénale ne règle pas, de manière explicite, la situation dans laquelle de telles preuves ont été recueillies non par l'Etat mais par un particulier. Selon la jurisprudence, ces preuves ne sont exploitables que si, d'une part, elles auraient pu être recueillies licitement par les autorités pénales et si, d'autre part, une pesée des intérêts en présence plaide pour une exploitabilité. Dans le cadre de cette pesée d'intérêts, il convient d'appliquer les mêmes critères que ceux prévalant en matière d'administration des preuves par les autorités. Les moyens de preuve ne sont ainsi exploitables que s'ils sont indispensables pour élucider des infractions graves (ATF 147 IV 16 consid. 1.1).

2.2. Selon l'art. 328 al. 1 de la loi fédérale complétant le code civil suisse (CO, code des obligations), l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. L'art. 328b CO précise que l'employeur ne peut traiter des données concernant le travailleur que dans la mesure où ces données portent sur les aptitudes du travailleur à remplir son emploi ou sont nécessaires à l’exécution du contrat de travail. En outre, les dispositions de la loi fédérale sur la protection des données sont applicables (LPD). L'art. 26 de l'ordonnance 3 relative à la loi sur le travail (OLT 3) interdit d’utiliser des systèmes de surveillance ou de contrôle destinés à surveiller le comportement des travailleurs à leur poste de travail (al. 1).

Le Tribunal fédéral en a déduit en substance que la surveillance du comportement du travailleur est autorisée à condition d'être justifiée par un objectif légitime – tels des impératifs de sécurité ou des motifs tenant à l'organisation ou à la planification du travail, ou encore à la nature même des relations de travail –, d'être proportionnée au but poursuivi compte tenu de l'ensemble des circonstaces et d'avoir fait l'objet d'une information préalable du travailleur (ATF 130 II 425 consid. 4.4). Il est fait exception à cette dernière condition dans le cas d'une surveillance limitée dans le temps visant à la découverte de la commission de délits ou à la confirmation de soupçons d'un comportement pénalement répréhensible (arrêts du Tribunal fédéral 9C_785/2010 du 10 juin 2011 consid. 6.7.3 et 6B_563/2009 du 12 novembre 2009 consid. 3.7).

2.3. En l'espèce, il est établi que F______ SA, après avoir reçu en juin 2010 une lettre anonyme dénonçant des agissements de l'appelant contraires à son contrat de travail et pénalement répréhensibles, a mandaté une société tierce pour procéder à des investigations à ce sujet. Cette dernière a extrait des documents de son poste de travail (contrats, factures, courriels, documentations bancaires ) concernant ses activités parallèles. Au vu de la nature de ces documents, il n'est pas démontré que la société enquêtrice a eu recours à un logiciel espion. Sur cette base, elle a rendu son rapport le 22 septembre 2010, concluant au détournement de clients par l'appelant par l'intermédiaire de sociétés dans lesquelles il avait des intérêts (PP 10'012 ; cf. jugement querellé consid. 1.2). Ce rapport a également entraîné le licenciement de l'appelant le lendemain ainsi que le dépôt d'une plainte pénale contre lui le 4 octobre suivant (PP 10'000). Les pièces litigieuses ont été produites, d'une part, en annexe de ladite plainte (PP 10'015 ss) et, d'autre part, le 14 avril 2011, à la suite de l'audience du 29 mars précédent (PP 70'000 ss).

En examinant le poste de travail de l'appelant, la société enquêtrice a, durant une période délimitée de trois mois au maximum, recherché des documents précis afin de confirmer ou d'infirmer des soupçons de détournement de clientèles, constitutifs d'une violation importante de ses obligations de fidélité et de non-concurrence, ainsi que, potentiellement, d'infractions pénales graves, tels que des délits au sens de la loi sur la concurrence déloyale (art. 23 LCD) ou de gestion déloyale (art. 158 CP). Un tel comportement pouvait entraîner un préjudice financier important pour la société, étant rappelé que l'appelant bénéficiait d'un salaire élevé auquel s'ajoutaient d'importants bonus, tout en étant soumis à de très strictes clauses de non-concurrence.

F______ SA a dès lors agi dans le respect de la protection de la personnalité de l'appelant. Forte des soupçons susrappelés, elle a fait procéder à une surveillance rétrospective de son poste de travail, circonscrite aux documents relatifs à une activité lucrative parallèle, limitée dans le temps et répondant à l'intérêt légitime de la société, active sur un marché hautement concurrentiel, de vérifier la loyauté de ses employés. Une telle démarche était également nécessaire en vue de justifier, le cas échéant, le licenciement de l'appelant et le dépôt contre lui d'une plainte pénale, sans s'exposer au reproche d'une rupture de contrat abusive et de diffamation ou de dénonciation calomnieuse. Au vu des circonstances, il était légitime que la partie plaignante n'informe pas l'employé de sa démarche, qui aurait été sinon vouée à l'échec puisqu'une telle mesure n'aurait fait qu'inciter l'appelant à effacer de son poste toutes données compromettantes.

Les pièces querellées n'ont ainsi pas été recueillies de manière illicite par la partie plaignante, de sorte qu'elles peuvent être exploitées librement, que ce soit en application de l'ancien ou du nouveau droit. Il n'est au vu de ce constat pas nécessaire de procéder en sus à une pesée d'intérêts entre la protection de la sphère privée de l'appelant et l'intérêt public à élucider les infractions dont il est accusé.

3. 3.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 et 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. L'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 145 IV 154 consid. 1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ibidem).

3.2.1. L'art. 158 CP punit celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés (ch. 1 al. 1). Le cas de la gestion déloyale aggravée est réalisé lorsque l'auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ch. 1 al. 3).

3.2.2. L'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP ne peut être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant, soit une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui. La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, au plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 142 IV 346 consid. 3.2).

3.2.3. Le comportement délictueux visé à l'art. 158 CP n'est pas décrit par le texte légal. Il consiste à violer les devoirs inhérents à la qualité de gérant. Le gérant sera ainsi punissable s'il transgresse – par action ou par omission – les obligations spécifiques qui lui incombent en vertu de son devoir de gérer et de protéger les intérêts pécuniaires d'une tierce personne (ATF 142 IV 346 consid. 3.2). Savoir s'il y a violation de telles obligations implique de déterminer, au préalable et pour chaque situation particulière, le contenu spécifique des devoirs incombant au gérant. Ces devoirs s'examinent au regard des dispositions légales et contractuelles applicables, des éventuels statuts, règlements internes, décisions de l'assemblée générale, buts de la société et usages spécifiques de la branche (arrêts du Tribunal fédéral 6B_438/2019 du 28 mai 2019 consid. 4.1 et 6B_1030/2018 du 20 novembre 2018 consid. 1.1).

En particulier les administrateurs de la société anonyme doivent exercer leurs attributions avec toute la diligence nécessaire et veiller fidèlement aux intérêts de la société. Ce devoir de fidélité exige que les membres d'un conseil d'administration orientent leur comportement dans l'intérêt de la société et relèguent, le cas échéant, à l'arrière-plan leurs propres intérêts. En cas de risque de conflit d'intérêts, l'administrateur concerné doit prendre les mesures adéquates pour s'assurer de la sauvegarde des intérêts de la société (ATF 130 III 213 consid. 2.2.2).

3.2.4. L'infraction n'est consommée que s'il y a eu préjudice. Tel est le cas lorsqu'on se trouve en présence d'une véritable lésion du patrimoine, c'est-à-dire d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-diminution du passif ou d'une non-augmentation de l'actif, ou d'une mise en danger de celui-ci telle qu'elle a pour effet d'en diminuer la valeur du point de vue économique (ATF 142 IV 346 consid. 3.2). Un dommage temporaire ou provisoire est suffisant (ATF 122 IV 279 consid. 2a). Il n'est pas nécessaire que le dommage corresponde à l'enrichissement de l'auteur, ni qu'il soit chiffré ; il suffit qu'il soit certain (arrêts du Tribunal fédéral 6B_787/2016 du 2 mai 2017 consid. 2.4 et 6B_412/2016 du 10 février 2017 consid. 2.4).

L'acceptation de pots-de-vin réalise l'infraction de gestion déloyale uniquement si la prestation a conduit le gérant à adopter un comportement contraire aux intérêts économiques de l'employeur et porte préjudice à celui-ci. La simple violation de l'obligation de restituer, par exemple à un employeur, un pot-de-vin ou une commission reçue d'un tiers ne constitue pas encore un acte de gestion déloyale. Encore faut-il que la somme reçue ait déterminé l'auteur à adopter un comportement dommageable aux intérêts patrimoniaux du lésé (ATF 129 IV 124 consid. 4.1).

3.2.5. La gestion déloyale est une infraction intentionnelle. La conscience et la volonté de l'auteur doivent englober la qualité de gérant, la violation du devoir de gestion et le dommage. Le dol éventuel suffit. Vu l'imprécision des éléments constitutifs objectifs de l'infraction, la jurisprudence se montre toutefois restrictive, soulignant que le dol éventuel doit être strictement caractérisé (ATF 123 IV 17 consid. 3e ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_438/2019 du 28 mai 2019 consid. 4.1).

Le dessein d'enrichissement illégitime n'est pas requis mais constitue une circonstance aggravante (art. 158 ch. 1 al. 3 CP). Par enrichissement, il faut entendre tout avantage économique. Il n'y a pas de dessein d'enrichissement illégitime chez celui qui s'approprie une chose pour se payer ou pour tenter de se payer lui-même, s'il a une créance d'un montant au moins égal à la valeur de la chose qu'il s'est appropriée et s'il a vraiment agi en vue de se payer. Si l'auteur croit fermement, mais par erreur, que ces conditions sont réalisées, il peut bénéficier de l'art. 13 CP (ATF 105 IV 29 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_412/2016 du 10 février 2017 consid. 2.6 et 6B_108/2016 du 9 décembre 2016 consid. 4.6).

3.3.1. En l'espèce, il est établi que l'appelant A______ (ci-après : l'appelant) a, parallèlement à son emploi de trader au service de F______ SA, réalisé à tout le moins sept transactions dès la fin 2008 avec des clients de son employeur, par le biais de sa société G______ LTD, constituée deux mois auparavant (cf. supra let. B.d.a.). Il a perçu sur la base des factures émises par sa société, faisant majoritairement référence à des contrats de "consulting services" dont certains ont été versés à la procédure, un montant total de CHF 629'631.90. Chacune des transactions était liée à un contrat principal préalable, ayant eu pour objet la vente de marchandise par F______ SA aux mêmes clients.

Selon les explications de l'appelant, les montants encaissés par G______ LTD avaient pour objet des commissions pour des services d'entreposage, de "blending" ou de "doping", réalisés par d'autres sociétés pour lesquels il avait joué un rôle d'intermédiaire. Il avait ainsi donné accès à ces services aux différents clients de F______ SA et été rémunéré à ce titre.

F______ SA a par contre dénoncé et continuellement soutenu que les montants encaissés par G______ LTD représentaient des commissions versées à l'appelant, perçues par ce dernier en rémunération pour le contrat de vente principal dont il avait permis la signature. Les clients de F______ SA lui auraient ainsi versé des pots-de-vin en échange de l'acceptation de leur offre pour l'achat de la marchandise de cette dernière.

L'existence de telles commissions sur la vente de la marchandise n'est certes pas exclue par le dossier. Ce notamment selon le scénario considéré comme le plus vraisemblable par AU______, soit que ces commissions auraient été convenues de manière occulte avec seulement certains individus travaillant pour les clients de F______ SA, à l'insu de ces derniers, qui avaient de toute manière globalement versé un prix – consistant en l'addition du montant contractuel, du coût du fret et de la commission officieuse – conforme à celui du marché.

Les explications de l'appelant sont en effet évolutives et frappent par leur manque de spontanéité. Elles ne peuvent s'appuyer que sur des factures ne comportant aucun détail, en particulier sur l'objet de la prestation, ainsi que sur certains des contrats de consulting formulés en termes trop généraux. L'appelant semble avoir opportunément perdu l'accès à tous les documents comptables de G______ LTD, pour autant qu'ils eussent existé, prétendument stockés dans une boîte e-mail. La plupart des personnes interrogées, y compris son associé J______, se sont montrées sceptiques quant à la possibilité d'une prestation de courtage concernant des services d'entreposage, de "blending" ou de "doping" en faveur des sociétés clientes concernées.

Nonobstant la faiblesse des moyens invoqués par l'appelant à l'appui de ses explications, il n'est toutefois pas démontré à satisfaction de droit que les montants litigieux constituaient bien des pots-de-vin et non, éventuellement, une rémunération pour des services indépendants. Aucun des clients ou des employés de F______ SA, ni aucun employé desdits clients n'ont directement confirmé les rumeurs concernant le versement de commissions sur la vente de marchandise. Les précités ont au mieux rapporté des ouï-dire ou des souvenirs imprécis, non concluants dès lors qu'ils ne se recoupent avec aucun autre élément tangible du dossier. X______ et W______ Ltd, soit deux clients sur les cinq concernés, ont au contraire affirmé par écrit que de telles commissions n'avaient pas été versées. Selon les propres explications de AU______, lesdites commissions étaient usuellement versées par le vendeur, et non l'acheteur, et leurs montants étaient entre trois et cinq fois inférieurs. L'expert privé n'est pour le surplus pas parvenu à des conclusions précises au sujet de la nature des montants encaissés par G______ LTD et a dû se limiter à l'énoncé de différentes hypothèses, plus ou moins réalistes.

Dans le respect du principe in dubio pro reo, il ne peut ainsi pas être retenu à la charge de l'appelant qu'il a perçu des commissions sur la vente de la marchandise de F______ SA.

3.3.2. Subsidiairement, l'infraction de gestion déloyale doit être exclue pour les deux motifs suivants.

La position de garant de l'appelant est incertaine à teneur du dossier. Il résulte en effet aussi bien de ses explications que de celles de N______, sur ce point constantes et concordantes, qu'il bénéficiait concrètement certes d'une certaine indépendance dans les contacts avec les clients, mais qu'il devait rendre des comptes à sa hiérarchie et leur soumettre pour acceptation chaque offre contractuelle. Il ne résulte pas des termes de son contrat, quoique prévoyant en sus, ce qui ne ressort pas des déclarations des précités, le suivi de l'exécution des contrats, une indépendance plus importante dans la conclusion des achats et ventes de produits. L'appelant n'avait pour le surplus pas de pouvoir de représentation de droit ou de fait et il n'est pas démontré qu'il a fait usage des blancs-seings à sa disposition. Il est difficile sur la base de ces éléments d'admettre qu'il disposait de manière autonome de tout ou partie des intérêts pécuniaires de F______ SA.

Le dossier ne permet pas non plus de démontrer que l'acceptation, le cas échéant, de commissions par l'appelant l'a amené à léser les intérêts pécuniaires de son employeur, au-delà du fait qu'il a accepté de percevoir les montants correspondants et ne les lui a pas reversés. Il n'est en particulier pas prouvé qu'en acceptant par hypothèse des pots-de-vin, l'appelant aurait renoncé à la vente de la marchandise, au même client ou à une autre société, à un prix plus élevé. Les seules allégations de N______ à cet égard, selon lesquelles il avait remarqué dès le deuxième semestre 2009 une baisse de la qualité de travail et une absence de l'appelant, ainsi qu'une détérioration de ses relations à la clientèle ne pouvant pas s'expliquer seulement par la crise, relèvent d'une appréciation globale et subjective non étayée. Elles ne constituent pas une telle preuve faute de pouvoir se fonder sur des éléments concrets et chiffrés ainsi que, surtout, des pièces ou des témoignages de clients concernés.

3.3.3. Au vu de ce qui précède, l'appelant doit être acquitté du chef de gestion déloyale en lien avec le chiffre B.I.1 de l'acte d'accusation et le jugement querellé réformé sur ce point.

3.4. Conformément aux considérants des premiers juges, il ne ressort pas du dossier à satisfaction de droit que l'activité parallèle menée en 2010 par l'appelant en collaboration avec J______ a concrètement porté préjudice aux intérêts patrimoniaux de F______ SA.

Il est certes établi qu'il a contrevenu à son devoir de fidélité au titre d'employé, en menant une activité indépendante de vente de produits pétroliers. Il n'est pas pour autant démontré qu'il a ce faisant économiquement lésé son employeur, en renonçant à la vente de la marchandise de F______ SA, en la retardant, ou en procédant d'une autre manière à des conditions moins avantageuses pour elle, aux fins de privilégier l'écoulement des produits des sociétés de J______. Aucun élément du dossier ne contredit les allégations de l'appelant aux termes desquelles il a systématiquement vendu les marchandises de F______ SA au meilleur prix, lui permettant ainsi de générer d'importants bénéfices, et qu'il a parallèlement offert à ses clients des produits que ceux-ci recherchaient et dont elle-même ne disposait pas.

N______ a lui-même indiqué qu'il lui était très difficile de savoir si l'appelant avait favorisé des sociétés tierces au préjudice de F______ SA. Il lui a versé USD 400'000.- de bonus sur deux ans, ce qui tend à démontrer qu'il était satisfait du résultat de son travail. Il a aussi expliqué avoir renoncé à l'achat de produits offerts par les sociétés de J______ car de telles opérations n'auraient pas offert de marges suffisantes. Le dossier révèle parallèlement, ce dont personne ne semble se souvenir, que F______ SA a acheté de la marchandise à H______ (UK) LTD en 2010 (cf. supra let. B.e.d.), ce qui montre qu'elle a pu se fournir auprès de J______ et vendre les produits de ce dernier lorsque cela lui est apparu opportun.

Au vu de ce qui précède, l'acquittement de l'appelant du chef de gestion déloyale en lien avec le chiffre B.I.2 de l'acte d'accusation sera confirmé.

4. 4.1. L'art. 146 al. 1 CP punit celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

Pour que le crime d'escroquerie soit consommé, l'erreur dans laquelle la tromperie astucieuse a mis ou conforté la dupe doit avoir déterminé celle-ci à accomplir un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. L'escroquerie ne sera consommée que s'il y a un dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_152/2020 du 1er avril 2020 consid. 3.5.1).

L'escroquerie implique que l'erreur ait déterminé la dupe à disposer de son patrimoine. Il faut ainsi un acte de disposition effectué par la dupe et un lien de motivation entre cet acte et l'erreur. L'acte de disposition est constitué par tout acte ou omission qui entraîne directement un préjudice au patrimoine. L'exigence d'une telle immédiateté résulte de la définition même de l'escroquerie, qui implique notamment que le dommage soit causé par un acte de disposition du lésé lui-même. Le préjudice est occasionné directement lorsqu'il est provoqué exclusivement par le comportement de la dupe, sans qu'une intervention supplémentaire de l'auteur ne soit nécessaire (ATF 128 IV 255 consid. 2e/aa).

Le dommage est une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (ATF 122 IV 279 consid. 2a et 121 IV 104 consid. 2c).

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas ; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier. L’escroquerie peut consister en une mise en scène caractérisée par des dispositions prises de manière intensive, planifiée et systématique, sans qu’il ne soit nécessaire que celles-ci revêtent une complexité réelle ou intellectuelle particulière (ATF
142 IV 153 consid. 2.2.2 et 143 IV 302 consid. 1.3.1).

4.2. L'art. 139 ch. 1 CP punit le vol, soit celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l’approprier.

La soustraction se définit comme la rupture de la possession d'autrui, contraire à la volonté de l'ayant droit, aboutissant à la création d'une nouvelle possession, en général en faveur de l'auteur lui-même (ATF 132 IV 108 consid. 2.1).

4.3.1. En l'espèce, il ressort de manière univoque des témoignages de K______ et des employés de M______ GmbH que dans le cadre des opérations liées à l'achat de la marchandise de cette dernière, puis de sa revente et de son transport, A______ a agi au titre de représentant de D______ SA, soit de "Managing Director", et a bénéficié d'une indépendance totale.

Alors que J______ et K______ ont toujours affirmé n'avoir pas su, jusqu'à le découvrir le 30 mai 2011, que la marchandise avait été revendue à L______ au nom et pour le compte de I______ LTD, laquelle avait également perçu le prix de cette revente, A______ a allégué avoir agi sur instructions de ces derniers, qui auraient été continuellement tenus au courant des opérations.

4.3.2. La position défendue par A______ ne résiste cependant pas à l'examen pour les motifs suivants.

La revente de la marchandise par le biais de I______ LTD, créée six mois plus tôt, ne répondait à aucune logique économique dans la perspective de D______ SA. Si le but de J______ était de ne pas faire apparaître, pour des motifs fiscaux, le bénéfice de l'opération au bilan d'une société suisse, il aurait pu faire intervenir l'une de ses propres sociétés étrangères, telles H______ (UK) LTD ou U______ LTD.

Aucune communication ni démarche de J______ ou de K______ ne reflètent une quelconque connaissance des opérations menées par A______, et encore moins d'instructions données à ce dernier. Il résulte des déclarations des précités ainsi que, en grande partie, des messages de K______ et M______ GmbH aux agents du port de BH______ [en Turquie] à partir du 30 mai 2011 que jusqu'à cette date, J______ et son assistante pensaient que la marchandise se trouvait encore à BE______ [Ukraine], que les formalités en vue de sa revente à l'acheteur approché mais encore incertain, soit Y______, étaient en cours, et qu'ils ont été frappés de stupeur en apprenant qu'elle était en réalité sur le point d'être déchargée en Turquie en faveur de L______. Ils ont alors, en collaboration avec M______ GmbH, tout fait pour empêcher ce déchargement, ce qui n'aurait pas eu de sens s'ils avaient avalisé la revente et que J______ était seulement en désaccord avec la répartition du bénéfice de l'opération. Il n'aurait dans ce cas pas pris le risque de tout faire échouer et de s'exposer à des pénalités pour retard dans l'exécution du contrat ou mauvaise exécution de celui-ci. Pour mémoire, l'appelant s'est prévalu dans son décompte du 27 juillet 2011 d'un dommage de plus de USD 2 millions à cet égard.

Il résulte de l'échange Skype du 27 mai 2011 que l'appelant a menti à J______ et K______, en leur affirmant que la marchandise n'était pas encore arrivée au port de BE______ [Ukraine] et qu'il n'avait aucune nouvelle de l'acheteur, soit de Y______ selon la compréhension des deux précités. Or, il savait à ce moment que la marchandise était à tout le moins sur le point de quitter le port à destination de BH______ [Turquie] et qu'elle avait déjà été revendue à L______. Celle-ci avait versé une avance sur le paiement du prix et l'appelant lui adressait le jour même les factures définitives, qui seraient acquittées trois jours plus tard. L'appelant remet vainement en cause l'authenticité de la retranscription de cette conversation en russe, au dossier depuis le 31 août 2011. Il a émis des objections à cet égard de manière péremptoire seulement durant l'instruction, soit la première fois en novembre 2012 (PP 37'713) et la seconde, de manière plus détaillée, en février 2014 (PP 37'797 ss). Or cette retranscription, même si on ignore de quelle manière elle a été réalisée, est détaillée (date, heure et minute des échanges, texte en russe cyrillique ou phonétique, ponctuations, ...) et aucun élément ne laisse penser qu'elle a pu être créée de toutes pièces (cf. PP 10'293). Son contenu couvre tous les sujets concernant la revente de la marchandise (formalisation du contrat avec le futur acheteur, établissement d'une lettre de crédit, délai de livraison de la marchandise à BE______, établissement des connaissements, éventuels frais de stockage, ...). Surtout, en tant qu'elle démontre que J______ et K______ ignoraient tout de ce qui se passait, la retranscription est en parfait accord avec les autres éléments du dossier. L'appelant n'a enfin jamais expliqué ni cherché à retrouver quelle aurait été la teneur réelle de ses échanges Skype avec les précités le 27 mai 2011 dans l'hypothèse qu'il défend où ils auraient été modifiés dans la version versée au dossier.

La réaction de M______ GmbH est cohérente avec le fait, comme elle l'a toujours expliqué, qu'elle avait découvert le détournement de la marchandise concomitamment à D______ SA. Cela explique pourquoi, souhaitant protéger les intérêts de cette dernière et, indirectement les siens au titre de propriétaire originaire devant encore encaisser le prix de vente, elle a fait modifier les connaissements le 31 mai 2011, demandé le blocage de la marchandise et déposé une action en justice en Turquie.

4.3.3. Au vu de ce qui précède, il est établi à satisfaction de droit que l'appelant a amené D______ SA, soit pour elle J______, à acheter à M______ GmbH sa marchandise et à émettre une lettre de crédit en faveur de cette dernière. Agissant ensuite comme seul représentant de la société et à l'insu de J______ et de K______, il a vendu la marchandise à L______ pour le compte de I______ LTD, offrant opportunément à la société turque un prix plus bas que celui proposé par D______ SA, fait émettre des connaissements en conséquence et supervisé le transport rapide de la marchandise jusqu'en Turquie de sorte à prendre de vitesse cette dernière. Il a obtenu le paiement direct du produit de la revente sur le compte de I______ LTD avant le déchargement de la marchandise, et non par le biais de l'encaissement d'une lettre de crédit comme prévu à l'origine avec son associé. Il a enfin pressé les agents du port de BH______ [en Turquie] de décharger la marchandise en faveur de L______ nonobstant les oppositions de M______ GmbH et D______ SA. Les démarches judiciaires de cette dernière visant, premièrement, à empêcher le déchargement de la marchandise à BH______ et, deuxièmement, à bloquer le paiement de la lettre de crédit en faveur de M______ GmbH ont échoué, au motif en substance que chacune de ces sociétés pouvaient fonder ses prétentions sur des documents conformes aux exigences contractuelles applicables.

Peu importe en définitive que les soupçons de la partie plaignante, selon lesquels l'appelant est responsable de la panne de sa messagerie du 25 mai 2011, n'aient pas pu être corroborés par les informations reçues de la société T______ SA trois ans plus tard.

4.4. Quoique l'appelant ait détourné la cargaison de D______ SA, les conditions de l'infraction du vol ne sont pas remplies. Il n'a en effet pas soustrait la marchandise au sens propre. Celle-ci est restée en possession des capitaines des barges l'ayant acheminée jusqu'à BE______ puis de celui de MT BG______ jusqu'en Turquie. L'appelant n'a pas brisé une telle possession, en soustrayant directement la marchandise ou les connaissements y relatifs, ces derniers ayant été émis selon ses instructions.

4.5.1. L'appelant a par contre amené la partie plaignante, soit pour elle J______, à conclure avec M______ GmbH le contrat de vente du 30 mars 2011 et à ouvrir une lettre de crédit le 26 avril suivant pour un montant de USD 2'450'000.-. Par ces actes juridiques, la partie plaignante a disposé de son patrimoine, sous la forme d'une augmentation de son passif à hauteur du montant précité, caractérisée en ce sens que l'exécution du paiement du prix était garantie par la lettre de crédit. Ce contrat, devant être qualifié de "lettre de crédit standby", était en effet autonome, en ce sens que [la banque] BF______ devait payer la somme convenue contre présentation des documents y mentionnés. Elle ne pouvait en particulier pas soulever des objections ou exceptions tirées de son rapport avec la partie plaignante (PP 38'357 : arrêt du Tribunal fédéral 4A_762/2011 du 16 avril 2012 consid. 5.1).

Or, au plus tard au début du mois de mai 2011, lorsque l'appelant a fait établir les premiers connaissements en faveur de I______ LTD, il a nourri le projet de détourner la marchandise au profit de sa propre société. Il savait que J______ ne contrôlerait pas ses agissements, dans la mesure où ce dernier lui avait délégué le suivi de toute l'opération, essentiellement pour des raisons de langue, et qu'il lui faisait toute confiance, au vu des nombreuses et fructueuses transactions réalisées avec lui depuis l'année précédente. Il a ainsi pu à son insu revendre la marchandise à L______, affréter MT BG______ pour le compte de I______ LTD, faire inscrire celle-ci comme expéditeur en lieu et place de la partie plaignante, acheminer la cargaison jusqu'en Turquie et encaisser puis conserver le prix de revente sur le compte de sa société. Il savait que M______ GmbH n'y verrait aucun problème, puisqu'il lui avait été présenté comme un "Managing director" et qu'un changement d'expéditeur et/ou de destinataire en cours de transport était usuel dans le négoce de produits pétroliers. Il a trompé la partie plaignante non seulement en lui dissimulant la réalité, mais en lui mentant sur celle-ci le 27 mai 2011. Il a fait en sorte qu'elle ne puisse pas entraver la revente de la marchandise à L______ en conduisant toute l'opération rapidement, de sorte que la marchandise est parvenue à BH______ [Turquie] et qu'il a été payé avant que la précitée ne réalise ce qu'il se passait. Il l'a incidemment privée de tout moyen juridique pour bloquer la livraison de la marchandise ainsi que l'exécution de la lettre de crédit.

L'appelant a ainsi amené par la tromperie la partie plaignante à un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires, soit à s'engager vis-à-vis de M______ GmbH par un contrat de vente et une lettre de crédit, puis à lui déléguer totalement le suivi de l'acquisition, du transport et de la revente de la marchandise. Elle n'a en conséquence jamais pu obtenir le produit de l'opération, de USD 4'015'885.50, tout en restant tenue d'acquitter le prix d'achat, de USD 2'450'000.-.

Il a agi de manière astucieuse à un double titre. D'une part, il a profité du rapport de confiance particulier noué avec J______ et, d'autre part, il a dissimulé à ce dernier et à son assistante ses agissements par des dispositions planifiées et méthodiques rapidement mises en œuvre. Ses manœuvres lui ont également permis d'obtenir l'aval de M______ GmbH, qui a en particulier approuvé l'affrètement du MT BG______ et les connaissements y relatifs, sans éveiller la méfiance de cette dernière.

Enfin, il savait, dès l’instant où D______ SA s’était engagée par le biais d’une lettre de crédit en faveur de M______ GmbH, que la banque serait tenue de respecter les conditions de celle-ci et de s’exécuter, indépendamment du déroulement final de l’opération. Connaissant les détails de cet engagement, il a fourni à M______ GmbH les documents prescrits par cette lettre de crédit. Il a agi en toute connaissance de cause pour détourner en sa faveur la teneur de celle-ci. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé, puisque la banque a débité le compte de D______ SA en faveur de M______ GmbH, contre le gré de la première, qui était liée par les termes de l’engagement pris. Celui-ci a profité exclusivement à l’appelant puisque la marchandise a été livrée à I______ LTD et non à la débitrice de la lettre de crédit. Lorsque la banque a exécuté les engagements en découlant, elle a définitivement concrétisé l’atteinte au patrimoine de D______ SA consécutive aux manœuvres de l’appelant.

4.5.2. L'appelant a agi avec un dessein d'enrichissement illégitime.

Non seulement a-t-il confirmé durant l'instruction qu'il ne pouvait pas prétendre à l'entier du prix de revente de la marchandise et la créance dont il s'est prévalu à partir du 27 juillet 2011, de USD 3'083'031.-, était substantiellement inférieure au montant illégalement obtenu. Mais cette créance, invoquée "à titre indicatif", était en outre contestée et aucun élément du dossier ne permet de l'étayer, en établissant clairement si un montant lui était dû, et le cas échéant à quelle hauteur, dans le cadre du bénéfice à partager sur les opérations menées avec J______.

On ne peut rien tirer des décomptes échangés avec K______ les 22 avril et 30 mai 2011 (PP 37'768 ss). Limités à des tableaux excel comportant des colonnes et des chiffres dont le sens n'a rien d'évident, il est impossible d'en déduire un quelconque montant dû à l'appelant. Comme celui-ci l'a confirmé durant l'instruction, aucun de ces décomptes n'a de toute manière été avalisé. Il en va de même de la liste des opérations d'achat/vente de produits pétroliers figurant dans le décompte du 27 juillet 2011, qui consiste en plusieurs lignes de chiffres liés à des intitulés peu explicites et en rien étayés, qui n'ont jamais été reconnus par J______ (cf. supra let B.o.c. ; PP 38'092 ss). Il est peu crédible au surplus que l'appelant ait laissé s'accumuler une dette de plus de USD 3 millions, sans exiger d'être payé plus tôt, respectivement concédé si facilement une réduction de cette dette à USD 2.5 millions en signant l'accord du 30 mai 2011, alors qu'il avait une position dominante dans la négociation.

I______ LTD n'est de surcroît pas titulaire de cette créance, invoquée à hauteur de USD 3'083'031.-, qui concernerait exclusivement la rémunération du travail et le remboursement des investissements de l'appelant en personne. Celui-ci n'a par ailleurs entrepris ultérieurement aucune démarche judiciaire pour faire valoir ses droits, se contentant de conserver le prix de revente.

Sont en fin de compte seuls établis et reconnus les versements de A______ en faveur de U______ LTD le 1er octobre 2010 totalisant USD 1'652'500.- (cf. supra let. B.e.c.), repris dans le décompte susmentionné du 27 juillet 2011. J______ a allégué avoir remboursé ce montant à hauteur de USD 360'000.- et l'appelant, toujours selon le même décompte, avoir perçu un remboursement de USD 250'760.-. Que l'on tienne compte du premier ou du second de ces deux montants, le solde dû au précité, de USD 1'292'500.- ou de USD 1'401'740.-, est très inférieur au prix de revente de la marchandise illégalement conservée.

Il résulte ainsi du dossier que l'appelant n'était pas fondé ni ne pouvait se croire sincèrement fondé à faire valoir une créance d'un montant équivalent au montant acquis par le biais de sa tromperie astucieuse.

4.5.3. Au vu de ce qui précède, il sera reconnu coupable d'escroquerie en lien avec le chiffre B.II.3 de l'acte d'accusation et le jugement querellé réformé sur ce point.

4.6. Son comportement peut également être appréhendé pénalement sous l'angle de la gestion déloyale aggravée, soit avec dessein d'enrichissement illégitime.

A tout le moins dans le cadre de la revente de la marchandise de M______ GmbH, il était en effet perçu comme le représentant légitime et exclusif de D______ SA aux yeux des tiers, indépendamment de l'absence de pouvoir de représentation formelle. Il était identifié comme le "Managing director" de la société et il utilisait l'adresse électronique de cette dernière. Il a pu à ce titre disposer, et a effectivement disposé, de la marchandise acquise par D______ SA à sa guise, de sorte qu'il revêtait la qualité de gérant. Comme vu supra au consid. 4.5.1, il a tiré profit de la confiance de J______ et pris les dispositions nécessaires pour agir à l'insu de ce dernier et de son assistante ainsi que pour ne pas éveiller la méfiance de M______ GmbH.

Comme directeur de fait de cette opération, il avait le devoir de protéger les intérêts de D______ SA et reléguer les siens propres à l'arrière-plan. Une fois la marchandise vendue à L______, en encaissant et, surtout, en conservant le produit de la revente sur le compte de I______ LTD, il a gravement nui à son devoir, en mettant D______ SA dans une situation économique désastreuse, avec un découvert de USD 2'450'000.- correspondant au montant de la lettre de crédit du 26 avril 2011 ouverte en faveur de M______ GmbH.

Il lui a causé un dommage correspondant au prix de la revente de USD 4'015'885.50 encaissé et conservé le 30 mai 2011.

Contrairement à la position plaidée par l'appelant, une telle qualification ne se heurte pas au principe accusatoire, dès lors que l'acte d'accusation décrit l'ensemble des éléments pris en considération ci-avant. Il énonce en particulier les éléments propres à la qualité de gérant en ces termes (p. 9, 5ème §) : "Nonobstant l'absence de contrat de travail, A______ a commencé, dès fin 2010, avec l'assentiment de J______, à agir vis-à-vis des co-contractants potentiels de D______ SA comme un représentant autorisé de cette société, avec le titre de Managing Director, qu'il affichait dans la signature de courriels ainsi que sur des cartes de visite créées à son attention par K______."

La circonstance aggravante du dessein d'enrichissement illégitime est réalisée. Pour les motifs développés supra au consid. 4.5.2, l'appelant a conservé le prix de revente de la cargaison sans être fondé ni pouvoir se croire sincèrement fondé à faire valoir une créance d'un montant équivalent vis-à-vis de la partie plaignante.

L'infraction de gestion déloyale entre toutefois en concours imparfait avec l’escroquerie, laquelle a seule vocation à sanctionner le comportement du prévenu en l’espèce (ATF 111 IV 61 consid. 3).

La qualification du détournement de la marchandise d'escroquerie ou de gestion déloyale aggravée est du reste sans portée concrète sur la faute et la peine. Ces deux infractions sont sanctionnées par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou peine pécuniaire, et l'ensemble des éléments retenus à charge sont pertinents autant pour l'une que pour l'autre.

5. 5.1. L'art. 156 ch. 1 CP punit pour extorsion et chantage celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura déterminé une personne à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, en usant de violence ou en la menaçant d'un dommage sérieux.

Pour que cette infraction soit objectivement réalisée, il faut que l'auteur, par un moyen de contrainte, ait déterminé une personne à accomplir un acte portant atteinte à son patrimoine ou à celui d'un tiers. Cela implique d'abord que la personne visée ait conservé une certaine liberté de choix et se lèse elle-même ou lèse autrui par son acte. Il faut en outre un dommage, c'est-à-dire une lésion du patrimoine sous la forme d'une diminution de l'actif, d'une augmentation du passif, d'une non-augmentation de l'actif ou d'une non-diminution du passif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_275/2016 du 9 décembre 2016 consid. 4.1 et 4.2.3).

L'illicéité résulte en principe déjà de la contrainte, dans la mesure où l'auteur amène la victime à réaliser un acte préjudiciable à ses intérêts pour obtenir un avantage illicite (arrêt 6B_275/2016 précité consid. 4.2.2).

La menace d’un dommage sérieux est un moyen de pression psychologique. L'auteur doit faire craindre à la victime un inconvénient, dont l'arrivée paraît dépendre de sa volonté. Il importe peu qu'en réalité l'auteur ne puisse pas influencer la survenance de l'événement préjudiciable ou qu'il n'ait pas l'intention de mettre sa menace à exécution. La menace peut être expresse ou tacite et être signifiée par n'importe quel moyen. Le dommage évoqué peut toucher n'importe quel intérêt juridiquement protégé. Il faut toutefois qu'il soit sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient soit propre, pour un destinataire raisonnable, à l'amener à adopter un comportement qu'il n'aurait pas eu s'il avait eu toute sa liberté de décision. Le caractère sérieux du dommage doit être évalué en fonction de critères objectifs et non pas d'après les réactions du destinataire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1236 du 4 novembre 2022 consid. 3.2 ; ATF 122 IV 322 consid. 1a et 106 IV 125 consid. 2b).

Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant, et dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (arrêt 6B_275/2016 précité consid. 4.2.5).

5.2. Aux termes de l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l’exécution d’un crime ou d’un délit n’est pas poursuivie jusqu’à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l’infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.

La tentative suppose que l'auteur réalise tous les éléments subjectifs de l'infraction et qu'il manifeste sa décision de la commettre, mais sans en réaliser tous les éléments objectifs (ATF 120 IV 199 consid. 3e). S'agissant d'extorsion ou de chantage, au sens de l'art. 156 ch. 1 CP, il faut donc que l'auteur ait l'intention, dans le but de se procurer ou de procurer à autrui un enrichissement illégitime, de déterminer le lésé à un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers, soit en usant de violence (extorsion), soit en menaçant le lésé d'un dommage sérieux (chantage) (arrêt du Tribunal fédéral 6P_196/2006 du 4 décembre 2006 consid. 6.1).

5.3. En l'espèce, au moment de la signature de l'accord du 30 mai 2011, A______ était en possession du prix de la revente de la marchandise acquise auprès de M______ GmbH, d'un montant de USD 4'015'885.50, qu'il avait encaissé et conservé illégalement sur le compte de sa société.

Il a dès la date précitée, par l'intermédiaire de AM______, négocié les termes de l'accord, selon lesquels, pour que I______ LTD rembourse le montant précité à D______ SA, celle-ci devait lui verser USD 2.5 millions et reconnaître que l'exécution de l'accord valait quittance pour solde de tout compte à son égard.

L'exécution de l'accord aurait dès lors lésé le patrimoine de D______ SA, en ce qu'elle l'aurait obligée à admettre qu'une fois perçu le versement du prix de vente de la marchandise à hauteur d'un montant net arrondi à USD 1.5 million (soit la différence entre les USD 4 millions à recevoir et les USD 2.5 millions à verser), elle n'aurait plus eu aucune prétention à faire valoir contre l'appelant. Or, J______ l'a toujours contesté, n'ayant admis en cours de la procédure qu'une dette personnelle vis-à-vis de l'appelant, soit celle en remboursement de USD 1.3 million environ (USD 1'292'500.- plus précisément ; cf. supra consid. 4.5.2, avant-dernier §). A suivre le montant allégué par l'appelant, cette dette se monterait à USD 1.4 million environ (USD 1'401'740.- plus précisément ; ibidem). Aucune créance en faveur du précité n'est établie au-delà de ce montant pour les motifs développés supra au consid. 4.5.2. L'exécution de l'accord aurait dès lors appauvri D______ SA à hauteur de pour le moins USD 1.1 million (USD 2.5 millions qui auraient été versés – USD 1.4 million au plus de dette établie vis-à-vis de l'appelant).

En menaçant implicitement D______ SA de ne jamais se voir restituer le prix de la revente de la marchandise, l'appelant a exercé sur elle un moyen de pression psychologique sérieux, consistant en la perspective de perdre définitivement le montant conséquent de USD 4'015'885.50. Cela était propre à l'amener à signer puis à exécuter une convention en sa défaveur, soit par laquelle elle aurait reconnu la créance de l'appelant à son égard dans une mesure bien supérieure à ce qu'elle souhaitait et, surtout, au montant qui apparaît fondé sur la base des éléments de la procédure.

J______ n'a finalement pas exécuté l'accord et aurait même, à suivre les explications de l'appelant, tenté de le déjouer en produisant un faux swift attestant du versement de USD 2.5 millions de sa part. L'appelant, en négociant cette convention et en obtenant la signature de son adverse partie, a néanmoins réalisé tous les éléments propres à déterminer celle-ci à un acte préjudiciable à ses intérêts pécuniaires. Il ne manquait plus que le versement précité.

L'appelant a agi avec un dessein d'enrichissement illégitime pour les mêmes motifs que ceux développés supra au consid. 4.5.2. Comme rappelé ci-avant, même en tenant compte des chiffres qu'il a lui-même articulés en lien avec le remboursement de son investissement de USD 1'652'500.- du 1er octobre 2010, le solde de sa créance contre J______ s'élèverait à USD 1.4 million environ. Il n'était dès lors pas fondé ni ne pouvait pas se croire fondé à verser à D______ SA un montant net de USD 1.5 million pour solde de tout compte, ce qui serait revenu pour elle, et à travers elle pour J______, à admettre de manière définitive une dette à son égard de USD 2.5 millions.

Au vu de ce qui précède, l'appelant sera reconnu coupable de tentative d'extorsion et de chantage et le jugement querellé réformé sur ce point.

6. 6.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 et 134 IV 17 consid. 2.1).

Sauf disposition contraire de la loi, la peine pécuniaire ne peut excéder 360 jours-amende (art. 34 al. 1 aCP).

Selon l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle.

6.2. Selon l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il doit, dans un premier temps, fixer la peine pour l'infraction abstraitement – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner – la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

6.3.1. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1).

6.3.2. L'art. 43 CP prévoit que le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (al. 1). La partie à exécuter ne peut excéder la moitié de la peine (al. 2) et tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins (al. 3, 1ère phrase).

Pour fixer dans ce cadre la durée de la partie ferme et avec sursis de la peine, il y a lieu de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur. Le rapport entre les deux parties de la peine doit être fixé de telle manière que la probabilité d'un comportement futur de l'auteur conforme à la loi et sa culpabilité soient équitablement prises en compte. Ainsi, plus le pronostic est favorable et moins l'acte apparaît blâmable, plus la partie de la peine assortie du sursis doit être importante. Mais en même temps, la partie ferme de la peine doit demeurer proportionnée aux divers aspects de la faute (ATF 134 IV 1 consid. 5.6).

6.3.3. Aux termes de l'art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.

6.4. En l'espèce, la faute de l'appelant en relation avec chacun des trois crimes pour lesquels sa culpabilité a été retenue peut d'être qualifiée de grave. Il a détourné, tenté d'extorqué ou caché aux autorités de faillite des sommes de plusieurs millions. Pour mémoire, le prix de la marchandise indument encaissé et conservé par I______ LTD s'élève à USD 4'015'885.50, le montant qui aurait été versé par D______ SA pour solde de tout compte en exécution de l'accord du 30 mai 2011 à USD 2.5 millions, et l'appelant a dissimulé à l'Office des poursuites une fortune de plus de USD 4 millions, si l'on tient compte de la valeur d'acquisition de son bien immobilier de CHF 1 million. Il a agi dans le seul but de s'enrichir, sans aucun égard pour les intérêts pécuniaires de D______ SA, aujourd'hui en liquidation, ni pour ceux de ses créanciers. Il a trahi sans vergogne le lien de confiance tissé avec J______ au gré des transactions menées précédemment en association avec ce dernier et tenté d'abuser de la position de faiblesse en découlant pour lui. Il a généré un très coûteux litige aux ramifications internationales entre lui-même et le précité ainsi que leurs sociétés respectives.

Sa collaboration s'est révélée mauvaise. Il s'est certes beaucoup exprimé mais il a ce faisant livré des informations au compte-gouttes, consistant surtout en une succession de justifications, souvent inconstantes voire contradictoires, face aux éléments à charges au fur et à mesure de leur apparition. Il n'a versé à la procédure aucun document déterminant. Les pièces et informations essentielles, que l'appelant s'est fait fort de discréditer, voire dont il a requis qu'elles soient écartées du dossier, ont en effet été produites et apportées par les parties plaignantes. Il n'a en particulier en rien contribué à la découverte de la réalité dans le cadre de la revente de la marchandise de M______ GmbH. Il a au contraire profité de l'opacité des faits dont il était à l'origine et sur lesquels il avait seul une vision d'ensemble, pour laisser longtemps planer le doute sur l'implication et donc l'éventuelle responsabilité pénale de M______ GmbH ou de J______ et K______. Il n'a enfin reconnu les faits constitutifs de banqueroute frauduleuse et de fraude dans la saisie qu'à la fin des débats de première instance (cf. P.-V. du 8 novembre 2021, p. 47).

Il n'a manifesté aucun regret, ne présentant en particulier pas d'excuse à son ancien associé dont il a pourtant trahi la confiance. Il n'a effectué aucun remboursement, alors qu'il a toujours admis devoir restituer une partie du prix de vente de la marchandise détournée et disposer pour ce faire d'un solde disponible important, sans compter les USD 850'000.- sur le compte de sa société BP______. Il est en particulier rappelé qu'il disposait en 2018 d'une fortune de plus de USD 3 millions (cf. supra let. A.c.e.). Il aurait pourtant eu le temps, durant toute la procédure, de trouver une solution pour verser à tout le moins le montant qu'il reconnaissait être dû à J______. Ses déclarations en appel selon lesquelles il lui manquait une facture pour verser directement à D______ SA les USD 1.5 million reconnus dans l'accord du 30 mai 2011 dénotent sa mauvaise foi.

L'appelant ne peut pas être mis au bénéfice de la circonstance atténuante liée au temps écoulé au vu de ses trois antécédents récents pour divers délits ainsi qu'une seconde banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie.

Au vu de la gravité de la faute et des éléments liés à la personne de l'appelant mis en exergue ci-avant, une peine pécuniaire n'entre pas en ligne de compte. Les trois crimes commis, pris individuellement, devraient en effet être sanctionnés d'une peine privative de liberté. Celle-ci serait fixée à 15 mois pour l'infraction concrètement la moins grave (peine théorique), soit la tentative d'extorsion et de chantage, étant précisé que la tentative n'entraîne qu'une faible atténuation de la peine, l'appelant ayant effectué toutes les démarches en vue de la commission de l'infraction et celle-ci ayant échoué par la seule volonté de J______. La banqueroute frauduleuse pourrait être sanctionnée d'une peine privative de liberté de 18 mois (peine théorique) et l'escroquerie, soit l'infraction concrètement la plus grave, d'une peine privative de liberté de 24 mois (peine hypothétique).

Pour tenir compte de ce que ces infractions entrent en concours, la peine hypothétique précitée de 24 mois, qui constitue la peine de base, sera relevée à 36 mois.

L'appelant peut être mis au bénéfice du sursis partiel nonobstant l'absence de regrets exprimés et de réparation du dommage causé, dans la mesure où il est condamné pour la première fois à une peine privative de liberté et où l'on peut dès lors espérer que celle-ci soit propre à le détourner de la commission de nouvelles infractions contre le patrimoine. La durée de la partie ferme de la peine sera fixée à 12 mois, pour tenir adéquatement compte de sa faute et du pronostic très moyennement favorable. Au vu de celui-ci, la durée du délai d'épreuve à quatre ans est conforme au droit et sera confirmé.

7. 7.1. Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Ces dispositions consacrent le principe de la célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1). Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut. Des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3).

Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ibidem). La violation du principe de la célérité peut avoir pour conséquence la diminution de la peine, parfois l'exemption de toute peine ou encore une ordonnance de classement en tant qu'ultima ratio dans les cas les plus extrêmes (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1 et
135 IV 12 consid. 3.6).

Pour déterminer les conséquences adéquates de la violation du principe de la célérité, il convient de prendre en considération la gravité de l'atteinte que le retard dans la procédure a causé au prévenu, la gravité des infractions qui sont reprochées, les intérêts des lésés, la complexité du cas et à qui le retard de procédure doit être imputé (ATF 143 IV 373 consid. 1.4.1). L'autorité judiciaire doit mentionner expressément la violation du principe de célérité dans le dispositif du jugement voire, le cas échéant, indiquer dans quelle mesure elle a tenu compte de cette violation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_170/2020 du 15 décembre 2020 consid. 1.1).

7.2. En l'espèce, la procédure a eu pour objet deux litiges d'ampleur, l'un opposant l'appelant à son ancien employeur et l'autre à son ancien associé. L'établissement des faits a nécessité une longue instruction, impliquant la collecte et l'examen d'un grand nombre de pièces, y compris bancaires, et l'audition de nombreux témoins. Contrairement à ce dont l'appelant se prévaut, ses déclarations, par lesquelles il s'est la plupart du temps limité à commenter les éléments à la procédure et à réfuter les accusations portées contre lui, qui plus est de manière équivoque et inconstante, n'ont pas contribué à l'établissement des faits de manière déterminante. Avec l'aide des parties plaignantes, le magistrat instructeur a donc dû mener l'ensemble de l'examen ayant permis de reconnaître l'existence des contrats et transactions listées dans les tableaux figurant supra aux let. B.d. et B.e.a., leurs liens éventuels avec les contrats conclus pour F______ SA ou les transactions qu'elle aurait pu conclure ainsi que les paiements effectués sur les comptes de l'appelant ou de ses sociétés. Il a également été nécessaire d'établir le déroulement réel et complet du transport et de la revente de la marchandise achetée à M______ GmbH, au sujet duquel l'appelant a entretenu la plus grande confusion chez chacun des acteurs.

Nonobstant les considérations qui précèdent, l'instruction de la cause sur dix ans apparaît trop longue. Elle a en particulier été interrompue du 14 avril 2016 au 12 avril 2018 sans que cela n'apparaisse entièrement justifié. Les résultats d'une commission rogatoire en Turquie du 26 octobre 2016 ont certes été reçus durant cette période et les parties invitées à se déterminer sur une requête d'entraide complémentaire. Mais cette activité ne nécessitait pas d'interrompre l'instruction durant deux ans, et celle-ci aurait pu être reprise au plus tard en septembre ou octobre 2017, après que les parties ont renoncé à tout complément (PP 38'701 et ss). Le MP a en outre pris plus de deux ans, entre le 12 avril 2018 et le 2 octobre 2020, pour renvoyer le prévenu en jugement, durée que la seule complexité de la procédure ne peut pas expliquer.

Il apparaît ainsi que la procédure a souffert d'un retard d'environ deux ans globalement que ni la nature de la cause ni l'attitude des parties ne justifiaient.

Comme néanmoins souligné par les parties plaignantes, autant le prolongement de l'instruction a porté préjudice à ces dernières, dont l'une est en liquidation, autant l'écoulement du temps a, d'un point de vue économique, favorisé l'appelant, qui a pu jouir des montants illégalement acquis et dont la situation ne semble pas avoir pâti de la procédure. Les infractions reprochées à l'appelant étaient pour le surplus graves et les dommages causés aux parties plaignantes, qui n'ont jamais été indemnisées, chiffrés à plusieurs millions.

Au vu des éléments qui précèdent, une violation du principe de célérité doit être admise, mais elle n'aura pour conséquence qu'une réduction assez modeste de la peine prononcée, soit de six mois. Celle-ci sera ainsi globalement abaissée de 36 à 30 mois, et plus particulièrement sa partie ferme de 12 à six mois.

8. 8.1. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP). Le tribunal saisi de la cause pénale juge les conclusions civiles indépendamment de leur valeur litigieuse (art. 124 al. 1 CPP). Il statue sur celles-ci notamment lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).

La partie plaignante peut réclamer la réparation de son dommage (art. 41 à 46 CO) et l'indemnisation de son tort moral (art. 47 et 49 CO), dans la mesure où ceux-ci découlent directement de la commission de l'infraction reprochée au prévenu. Elle ne peut en revanche pas faire valoir des prétentions de nature contractuelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1310/2021 du 15 août 2022 destiné à la publication, consid. 3.1.1. et 3.3).

8.2. En l'espèce, comme vu précédemment (cf. supra ch. 4.5. et 4.6.), l'appelant s'est rendu coupable d'escroquerie et de gestion déloyale aggravée en prenant les dispositions nécessaires aux fins d'encaisser et de conserver sur le compte de sa propre société, le 30 mai 2011, le prix de la revente de la marchandise acquise auprès de M______ GmbH, de USD 4'015'885.50. Il a ainsi obtenu ce montant par le biais d'une tromperie astucieuse et aurait dû, conformément à ses devoirs de gérant, entièrement le reverser à D______ SA.

Il sera dès lors fait droit aux prétentions de la masse en faillite de cette dernière à hauteur de ce montant, avec intérêts à 5% décomptés depuis la date précitée. Le jugement querellé sera réformé dans ce sens.

Il n'y a en revanche pas lieu d'examiner les prétentions légèrement plus élevées de la partie plaignante fondées sur le prix envisagé par L______ sur proposition de D______ SA le 12 mai 2011 (CHF 1'380.- / tm) ou sur le tarif ICIS
(CHF 1'400 / tm). Il n'est en définitive pas démontré qu'un contrat aurait été conclu à ce prix-là et, le cas échéant, le dommage en découlant pour la société ne résulte pas de la commission des infractions retenues.

9. 9.1. Selon l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction. Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, l'art. 71 CP autorise le juge à ordonner leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent (al. 1). Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne serait pas recouvrable ou qu'elle entraverait sérieusement la réinsertion de la personne concernée (al. 2).

Les valeurs patrimoniales résultant d'une infraction ne sont plus disponibles lorsqu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées. Le but de la créance compensatrice est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés. La créance compensatrice ne joue qu'un rôle de substitution de la confiscation en nature et ne doit donc, par rapport à celle-ci, engendrer ni avantage ni inconvénient. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si les conditions de la confiscation sont remplies dans l'hypothèse de valeurs patrimoniales disponibles, sans toutefois la nécessité d'un lien de connexité entre les valeurs saisies et l'infraction commise (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2 et les références citées).

Le montant de la créance compensatrice doit être fixé à la valeur des objets qui n'ont pu être saisis et en prenant en considération la totalité de l'avantage économique obtenu au moment de l'infraction (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_408/2012 du 28 août 2012 consid. 3.3).

9.2. En l'espèce, il est établi que la valeur de la revente de la marchandise de M______ GmbH, de USD 4'015'885.50, illicitement conservée par l'appelant sur le compte de sa société I______ LTD est le produit des infractions d'escroquerie ou de gestion déloyale aggravée dont il s'est rendu coupable. Ce montant aurait en conséquence pu faire l'objet d'une confiscation. Il n'est cependant plus disponible sur les comptes de l'appelant ou de sa société, dont les séquestres, en tant qu'ils ont été ordonnés, ont ultérieurement été levés.

Il se justifie dès lors de prononcer une créance compensatrice du montant susmentionné, avec la précision, dès lors qu'elle se confond avec les dommages-intérêts fixés en faveur de la partie plaignante, qu'elle s'éteindra automatiquement dans la mesure des versements effectués par l'appelant à cette dernière au titre de la réparation du dommage causé.

Au vu de l'opacité de la situation financière exacte de l'appelant – en particulier du solde dont il jouit encore sur le prix de vente illicitement conservé, que ce soit sous la forme de dépôts bancaires ou de biens immobiliers –, ainsi que de son niveau d'endettement actuel qui ne paraît l'entraver en rien dans ses projets futurs en Ukraine ou en Suisse, il n'est pas établi que la créance compensatrice ne serait pas recouvrable ou mettrait en péril sa réinsertion. Il ne se justifie donc pas de la réduire.

La modification du jugement querellé sur ce point ne se heurte pas à l'interdiction de la reformatio in pejus. L'appel joint du MP porte en effet sur la créance compensatrice et les conclusions plus basses prises quant à son montant ne lient par la CPAR (art. 391 al. 1 let. b et al. 2 CPP).

10. 10.1. Si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure (art. 426 al. 3 CPP).

Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure de première instance s'il est condamné. Si sa condamnation n'est que partielle, les frais ne doivent être mis à sa charge que de manière proportionnelle, en considération des frais liés à l'instruction des infractions pour lesquelles un verdict de culpabilité a été prononcé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_572/2018 du 1er octobre 2018 consid. 5.1.1 et 6B_726/2017 du 20 octobre 2017 consid. 5.1).

10.2.1. Conformément à l'art. 426 al. 2 CPP, lorsque la procédure fait l'objet d'une ordonnance de classement ou que le prévenu est acquitté, tout ou partie des frais de procédure peuvent être mis à sa charge s'il a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci.

La condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. A cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte. Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement. Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation. La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2).

10.2.3. La violation des devoirs du mandataire envers le mandant peut justifier que les frais soient mis à la charge du premier à l'issue d'une procédure pénale ouverte contre lui (arrêts du Tribunal fédéral 6B_650/2019 du 20 août 2019 consid. 3.4). Il en va de même, mutatis mutandis, dans le cadre d'un contrat d'entreprise au sens des art. 363 ss CO. Ainsi, au même titre que le mandataire est, aux termes de l'art. 398 al. 2 CO, responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat, l'entrepreneur est, en vertu de l'art. 364 al. 1 CO, soumis aux mêmes règles que le travailleur dans les rapports de travail, ce qui implique qu'il doit exécuter avec soin l'ouvrage qui lui est confié et sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes du maître (voir art. 321a al. 1 CO ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_795/2017 du 30 mai 2018 consid. 1.2).

Aux termes de l'art. 321a CO, le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié et sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l’employeur (al. 1). Pendant la durée du contrat, il ne doit pas accomplir du travail rémunéré pour un tiers dans la mesure où il lèse son devoir de fidélité et, notamment, fait concurrence à l’employeur (al. 2).

10.3. En l'espèce, l'appelant a certes été acquitté des deux infractions de gestion déloyale qui lui étaient reprochées au préjudice de F______ SA.

Il est néanmoins établi que durant son emploi au service de cette dernière, il a violé le devoir de fidélité lui incombant au titre d'employé, en exerçant une activité lucrative concurrente, soit la vente de produits pétroliers ou de services liés à ceux-ci, par le biais de sa propre société, créée huit mois après le début de son contrat de travail, ou en collaboration avec celles de J______. Il s'est en outre souvent tourné vers des clients de F______ SA, dont il a reçu d'importants montants. Son contrat de travail spécifiait qu'il devait consacrer ses heures uniquement à son employeur, qu'il ne pouvait pas exercer un autre travail rémunéré ni prendre des participations dans une société concurrente. Or, l'appelant a contrevenu à ces trois interdictions et reçu en rémunération de son activité parallèle, dont la nature demeure en partie incertaine, des montants très conséquents versés sur le compte de sa société, s'élevant au total à près de USD 1.5 million (cf. supra let. B.d. et B.e.b.).

Son comportement illicite, propre à éveiller le soupçon qu'il lésait les intérêts de son employeur, en particulier en percevant des commissions de ses clients, est en lien de causalité avec l'ouverture de la procédure du chef de gestion déloyale. Faute de collaboration décisive de l'appelant, qui a menti puis livré au compte-gouttes des informations sporadiques et inconstantes, la reconstitution du détail des transactions réalisées parallèlement, de leurs liens avec la marchandise vendue par F______ SA, de leur facturation et du flux des montants encaissés par l'appelant ou ses sociétés a été longue et fastidieuse.

Au vu de ce qui précède, les frais de la procédure de première instance relatifs aux chefs de prévention de gestion déloyale commis au préjudice de F______ SA peuvent être mis à la charge de l'appelant nonobstant son acquittement sur ces deux points.

Il en ira de même du solde desdits frais, l'appelant ayant en définitive été reconnus coupable des trois autres chefs d'accusation retenus contre lui.

11. 11.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit le droit du prévenu à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure s'il est acquitté totalement ou en partie.

Selon l'art. 430 al. 1 let. a CPP, l'autorité pénale peut réduire ou refuser l'indemnité ou la réparation du tort moral prévues par l'art. 429 CPP, lorsque le prévenu a provoqué illicitement et fautivement l'ouverture de la procédure ou a rendu plus difficile la conduite de celle-ci. L'art. 430 al. 1 let. a CPP est le pendant de l'art. 426 al. 2 CPP en matière de frais. La question de l'indemnisation (art. 429 à 434 CPP) doit être traitée après celle des frais (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1462/2020 du 4 février 2021 consid. 2). Dans cette mesure, la décision sur les frais préjuge de la question de l'indemnisation. En d'autres termes, si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue, alors que le prévenu y a, en principe, droit si l'État supporte les frais de la procédure pénale (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

11.2. En l'espèce et pour les raisons exposées supra au consid. 10, l'entier des frais de la procédure de première instance ont été mis à la charge de l'appelant, au motif qu'il avait illicitement provoqué l'ouverture de la procédure et pour le surplus été reconnu coupable des charges retenues contre lui.

Aussi, ses conclusions en indemnisation de ses frais de défense, relatifs à l'intervention de son défenseur privé en première instance, antérieurement à la désignation d'un défenseur d'office, seront entièrement rejetées.

12. 12.1. Selon l'art. 433 al. 1 let. a CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause. Tel est le cas si ses prétentions civiles sont admises et/ou lorsque le prévenu est condamné (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3). Lorsque le prévenu est condamné, la partie plaignante obtient gain de cause comme demandeur au pénal, de sorte qu'elle doit être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale (ATF 139 IV 102 consid. 4.3).

Une juste indemnité est également due par le prévenu à la partie plaignante lorsqu'il est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP.

Ladite indemnité concerne les dépenses pour un avocat de choix (ATF 138 IV 205 consid. 1). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates (cf. ATF 139 IV 102 consid. 4.3).

L'indemnité doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1183/2017 du 24 avril 2018 consid. 3.1 et 6B_47/2017 du 13 décembre 2017 consid. 1.1). La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné a lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013). Elle retient un taux horaire de CHF 350.- pour les collaborateurs (AARP/65/2017 du 23 février 2017) et de CHF 150.- pour les avocats stagiaires (ACPR/187/2017 du 22 mars 2017 consid 3.2 ; AARP/65/2017 du 23 février 2017).

12.2. En l'espèce, les parties plaignantes peuvent, sur le principe, toutes deux prétendre à l'indemnisation par le prévenu de leurs frais de défense en première instance. D______ SA obtient en définitive gain de cause aussi bien sur le plan pénal que civil, l'appelant étant reconnu coupable des chefs des deux infractions qui l'ont lésée et ses conclusions civiles étant quasi intégralement admises. F______ SA succombe sur le fond, mais l'appelant est condamné aux frais de procédure relatifs aux chefs d'accusation en lien avec lesquels elle a la qualité de lésée, au motif qu'il a illicitement causé l'ouverture de la procédure sur ce plan au sens de l'art. 426 al. 2 CPP.

12.3.1. Les prétentions de F______ SA sont conséquentes. A la lecture des times-sheets versés au dossier, on ne constate toutefois aucune activité de son conseil manifestement injustifiée ou disproportionnée, ou facturée à des tarifs supérieurs à ceux admis par la jurisprudence cantonale. Il apparaît plus globalement que ladite activité, concernant une procédure complexe, dans laquelle la partie plaignante s'est vue obliger de rechercher et de produire l'essentiel des explications et pièces permettant l'élucidation des faits, apparaît raisonnable. En tenant en effet compte du tarif horaire appliqué de CHF 375.- pour le chef d'étude, les honoraires de CHF 290'541.35 de son conseil représente, sur dix ans, une activité moyenne de 77 heures par année ou de six heures par mois (CHF 290'541.- ÷ 10 ans ÷ CHF 375.- = 77.47 heures / 77.47 heures ÷ 12 mois = 6.05 heures).

Le montant précité est dès lors fondé au titre d'indemnité en faveur de la partie plaignante. S'y ajoutent les frais d'avocat liés à la présence du chef d'étude aux débats, de 20h, temps de déplacement compris, représentant des honoraires de CHF 8'077.50 (20 heures × CHF 375.- + TVA de 7.7%).

L'appelant sera dès lors condamné à verser à F______ SA CHF 298'618.85 (CHF 290'541.35 + CHF 8'077.50) au titre d'indemnité pour ses frais de défense en première instance.

12.3.2. Les prétentions de la masse en faillite de D______ SA au même titre en CHF 165'000.- seront intégralement admises. Non seulement les tarifs horaires appliqués sont conformes à la jurisprudence cantonale et les times-sheets produits ne reflètent aucune activité inutile ou disproportionnée, eu égard à la complexité des faits dont la bonne compréhension a nécessité une instruction longue et fastidieuse. Mais plus globalement, en tenant compte du montant des honoraires de CHF 159'901.- pour une activité menée sur huit ans (de 2013 à 2021) et d'un tarif horaires moyen de CHF 400.- au vu de la part égale de travail réalisée par le chef d'étude (CHF 450.-/heure) et le collaborateur (CHF 350.-/heure), le montant précité représente une activité moyenne de 50 heures par année et de quatre heures par mois (CHF 159'901.- ÷ 8 ans ÷ CHF 400.- = 49.96 heures / 49.96 heures ÷ 12 mois = 4.16 heures). Quant à la différence de CHF 5'100.- entre le montant des honoraires de CHF 159'901.- et celui des conclusions en indemnisation de CHF 165'000.-, il est largement justifié par la présence aux débats du chef d'étude, d'une durée de 20 heures, déplacement compris (les honoraires y relatifs calculés sur la base du tarif précité de CHF 450.- s'élèveraient à CHF 9'693.- [20 heures × CHF 450.- + TVA de 7.7%]).

13. 13.1. Dans le cadre du recours, les frais de la procédure sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé (art. 428 al. 1 CPP). Pour déterminer si une partie succombe ou obtient gain de cause, il faut examiner dans quelle mesure ses conclusions sont admises en deuxième instance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1261/2017 du 25 avril 2018 consid. 2 et 6B_363/2017 du 1er septembre 2017 consid. 4.1). Lorsqu'une partie obtient gain de cause sur un point, mais succombe sur un autre, le montant des frais à mettre à sa charge dépend de manière déterminante du travail nécessaire à trancher chaque point (arrêt du Tribunal fédéral 6B_369/2018 du 7 février 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF
145 IV 90).

Les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

13.2. En l'espèce, l'appelant succombe en appel sur sa condamnation pour les faits qui lui sont reprochés en lien avec le chiffre B.II.3 de l'acte d'accusation, sa culpabilité du chef de tentative d'extorsion et de chantage, les conclusions civiles de D______ SA, le montant de la créance compensatrice ainsi que la peine. Il sera dès lors condamné aux deux tiers des frais de la procédure d'appel, qui comprendront un émolument de décision de CHF 12'000.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

F______ SA, qui succombe sur les deux autres points examinés en appel, soit la culpabilité de l'appelant pour gestion déloyale aggravée en lien avec les chiffres B.I.1 et B.I.2 de l'acte d'accusation, supportera le solde des frais.

13.3. Pour les mêmes motifs, F______ SA devra être déboutée de ses conclusions en indemnisation de ses frais de défense de seconde instance.

La CPAR a en revanche fait quasi intégralement droit aux conclusions de D______ SA, visant une fixation de la réparation du dommage subi à plus de USD 4 millions, la modification de la qualification juridique du chef d'accusation en lien avec le chiffre B.II.3 de l'acte d'accusation et la culpabilité de l'appelant pour tentative d'extorsion et de chantage. La masse en faillite de D______ SA en liquidation peut donc prétendre à l'indemnisation de ses frais de défense en appel, qui apparaissent raisonnables au vu de la nature et de la complexité des points susrappelés. L'activité du conseil de la partie plaignante se décompose comme suit : dix heures d'activé jusqu'au 14 novembre 2022, puis 12 heures de préparation aux débats et six heures de présence durant ceux-ci, soit 28 heures au total.

Cela représente des honoraires de CHF 13'570.20, TVA comprise (28 heures × CHF 450.- + TVA de 7.7%). Ce montant correspond en conséquence à l'indemnité due à la masse en faillite de D______ SA en liquidation pour ses frais de défense en appel.

L'appelant sera dès lors condamné à verser à cette dernière CHF 178'570.20 au total (CHF 165'000.- + CHF 13'570.20) pour ses frais de défense de première et seconde instances.

14. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. La durée de la préparation aux débats est en particulier justifiée par la taille du dossier ainsi que la complexité en fait et en droit des questions restées litigieuses en appel. Il sera au surplus tenu compte de la présence du défenseur d'office auxdits débats, s'étant tenus durant six heures.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 9'073.90, correspondant à 37h30 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 7'500.-), dix minutes d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 18.33), plus les forfaits de déplacement (CHF 100.- pour le chef d'étude et CHF 55.- pour le stagiaire) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 648.75.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit les appels formés par A______, LA MASSE EN FAILLITE DE D______ SA en liquidation et D______ SA en liquidation, ainsi que l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTCO/125/2021 rendu le 11 novembre 2021 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/16202/2010.

Admet presque entièrement l'appel de LA MASSE EN FAILLITE DE D______ SA en liquidation et de D______ SA en liquidation, et admet partiellement l'appel de A______ et l'appel joint du Ministère public.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ du chef de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP) en relation avec les chiffres B.I.1 et B.I.2 de l'acte d'accusation.

Déclare A______ coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP) en relation avec le chiffre B.II.3 de l'acte d'accusation, de tentative d'extorsion et de chantage (art. 22 al. 1 cum 156 ch. 1 CP) et de banqueroute frauduleuse et fraude dans la saisie (art. 163 ch. 1 CP).

Constate une violation du principe de célérité.

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 30 mois.

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de six mois.

Met pour le surplus A______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à quatre ans.

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne A______ à payer à LA MASSE EN FAILLITE DE D______ SA en liquidation USD 4'015'885.50, avec intérêts à 5 % dès le 30 mai 2011, à titre de réparation du dommage matériel.

Prononce à l'encontre de A______ en faveur de l'Etat de Genève une créance compensatrice de USD 4'015'885.50, celle-ci s'éteignant automatiquement dans la mesure du paiement par A______ des dommages-intérêts dus à LA MASSE EN FAILLITE DE D______ SA en liquidation.

Ordonne la levée du séquestre relatif au compte IBAN n° 1______ au nom de I______ LTD auprès de BR______.

Ordonne la levée des séquestres relatifs aux comptes suivants ouverts auprès de [la banque] BR______ :

- compte IBAN n° 2______ au nom de J______ ;

- compte IBAN n° 3______ au nom de BS______ LTD ;

- compte IBAN n° 4______ au nom de BT______ LTD ;

- compte IBAN n° 5______ au nom de BU______ LTD ;

- compte IBAN n° 6______ ouvert au nom de BV______ LTD.

Ordonne la levée du séquestre relatif au compte n° 7______ au nom de BW______ LTD auprès de [la banque] BX______.

Arrête les frais de la procédure de première instance à CHF 28'615.20 et ceux de la procédure d'appel à CHF 12'575.-, ceux-ci comprenant un émolument de décision de CHF 12'000.-.

Met l'intégralité des frais de la procédure de première instance, soit CHF 28'615.20, à la charge de A______.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______.

Met deux tiers des frais de la procédure d'appel, soit CHF 8'383.35, à la charge de A______, et un tiers, soit CHF 4'191.65, à la charge de F______ SA.

Condamne A______ à verser à F______ SA CHF 298'618.85 au titre d'indemnité pour ses frais de défense en première instance.

Rejette les conclusions de F______ SA en indemnisation de ses frais de défense en appel.

Condamne A______ à verser à LA MASSE EN FAILLITE DE D______ SA en liquidation CHF 178'570.20 au titre d'indemnité pour ses frais de défense en première instance et en appel.

Constate que le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de A______, ont été arrêtés à CHF 25'072.55 pour la procédure de première instance.

Arrête à CHF 9'073.90, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

28'615.20

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

360.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

140.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

12'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

12'575.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

41'190.20