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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3481/2023

JTAPI/457/2024 du 15.05.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;SOINS MÉDICAUX
Normes : LEI.30; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3481/2023

JTAPI/457/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, agissant en leurs noms et pour le compte de leurs enfants mineurs, C______ et D______, représentés par Me Laïla BATOU, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1991, sa compagne Madame B______, née le ______ 1992, et leurs enfants mineurs C______ et D______, nées le ______ 2011 et le ______ 2018, sont tous ressortissants de Colombie.

2.             Le 17 juillet 2022, M. A______ a été interpellé par la police suite à un accident de la circulation. Lors de son audition, il a notamment reconnu avoir conduit en état d’ébriété qualifiée et séjourné illégalement en Suisse. Il a également indiqué avoir été élevé par sa mère et sa grand-mère en Colombie. Il y avait terminé l’école obligatoire et y avait suivi une formation d’électronicien. Il avait ensuite travaillé comme chauffeur, soudeur et pour une entreprise de pétrole, avant d’arriver en Suisse en février 2018.

3.             Le 9 février 2023, M. A______ et Mme B______ ont été convoqués dans les locaux de l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) afin d’examiner leurs conditions de séjour. Ils ont notamment déclaré résider en Suisse depuis le 7 février 2018 pour Monsieur et depuis le 17 octobre 2018 pour Madame et les enfants. Ils avaient quitté leur pays d’origine en raison de l’insécurité qui y régnait et afin d’offrir de bonnes études à leurs enfants. Ils travaillaient tous les deux et recevaient l’aide financière du père de Madame. La grand-mère et l’oncle de Monsieur se trouvaient en Colombie, ainsi que toute la famille de Madame. La mère et le frère de Monsieur vivaient à Genève. Ils étaient heureux en Suisse et souhaitaient régulariser leurs conditions de séjour.

4.             Par ordonnance pénale du 22 février 2023, le Ministère public du canton de Genève a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de 160 jours-amende à CHF 30.-, avec un sursis et un délai d’épreuve à 3 ans, et à des amendes de CHF 960.- et CHF 2’220.- pour conduite d’un véhicule automobile en état d’ébriété qualifié, tentative d’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire, violation simple des règles de la circulation routière, violation des obligations en cas d’accident et infraction à l’art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

5.             Le 19 avril 2023, par l’intermédiaire du syndicat SIT, M. A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur en faveur de lui-même et de sa famille.

Il était arrivé en Suisse le 5 février 2018 et sa compagne et leurs enfants le 16 octobre 2018. Il travaillait en qualité de peintre et Madame comme femme de ménage. Leurs revenus leur permettaient de subvenir aux besoins de leur famille. Ils étaient très bien intégrés, n’avaient ni poursuite ni casier judiciaire et n’avaient jamais bénéficié de l’aide sociale. Ils maîtrisaient le français et s’étaient inscrits pour passer le test FIDE. Pour l’ensemble de ces raisons, ils estimaient remplir les conditions d’un cas de rigueur, bien que la famille ne comptabilisât pas tout à fait cinq années de séjour.

À l’appui de sa requête, il a joint divers documents, dont notamment des formulaires M, une copie de son contrat de travail auprès de E______ Sàrl, des fiches de salaire, des formulaires « économie domestique » de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), une copie des passeports, des attestations d’absence d’aide financière de l’Hospice général, des relevés de transferts d’argent depuis la Colombie, ainsi que des preuves de séjour.

6.             Par courrier du 27 avril 2023, M. A______ a transmis à l’OCPM des pièces complémentaires, soit notamment des extraits du registre des poursuites et du casier judiciaire, des inscriptions à l’examen de langue française FIDE et des preuves de séjour.

7.             Par courrier du 6 juin 2023, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de refuser de faire droit à sa demande et de prononcer son renvoi de Suisse.

Un délai de 30 jours lui était imparti pour exercer, par écrit, son droit d’être entendu.

8.             Dans le délai prolongé au 21 août 2023, M. A______ a usé de ce droit.

L’enfant C______ souffrait d’un trouble du déficit de l’attention et était suivie par le service de protections des mineurs (ci‑après :  SPMi). Selon le médecin de famille, un retour au pays serait délétère pour cette enfant, ce d’autant plus qu’elle rentrait dans la période d’adolescence.

Concernant sa condamnation pénale, si celle-ci devait se révéler dommageable pour la demande de régularisation de sa famille, il sollicitait d’être retiré de la demande. Dans ce cas, un formulaire O de prise en charge financière pour Madame et les enfants serait transmis.

Il a produit diverses pièces, dont notamment des attestations FIDE, niveau A1 pour Monsieur et A2 pour Madame, une lettre de C______ motivant son désir de rester en Suisse, un courrier du SPMi du 6 juillet 2023 indiquant accompagner la famille depuis décembre 2021 dans le cadre d’un appui éducatif afin d’accompagner et de soutenir les parents dans la prise en charge éducative de leurs enfants, ainsi qu’un certificat médical de la Dre F______, pédiatre, selon lequel l’enfant C______ souffrait d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité et impulsivité (TDAH), ainsi que d’un problème de flexibilité mentale. Un retour en Colombie n’était pas recommandé actuellement, car l’enfant avait besoin de stabilité émotionnelle et de tranquillité mentale, et un changement de vie drastique pourrait être à l’origine de problèmes mentaux plus graves.

9.             Par décision du 19 septembre 2023, l’OCPM a refusé de faire droit à la demande de régularisation des conditions de séjour de M. A______ et de sa famille et, par conséquent, de soumettre le dossier avec un préavis favorable au secrétariat d’État aux migrations (ci‑après : SEM), et prononcé leur renvoi de Suisse, un délai au 23 décembre 2023 leur étant imparti pour ce faire.

Ils ne remplissaient pas les critères relatifs à un cas individuel d’une extrême gravité. Selon les tampons figurant sur leurs passeports respectifs, M. A______ était arrivé en Suisse le 7 février 2018 et sa compagne ainsi que leurs enfants le 16 octobre 2018. Force était ainsi de constater que les enfants séjournaient en Suisse depuis moins de cinq ans et que, par conséquent, M. A______ et Mme B______ devaient justifier un séjour sur le territoire de dix années ininterrompu.

De plus, ils ne pouvaient se prévaloir d’une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée en Suisse au point de devoir admettre qu’ils ne puissent quitter ce pays sans devoir être confrontés à des obstacles insurmontables. Ils n’avaient en effet pas créé avec la Suisse des attaches à ce point profondes et durables qu’ils ne puissent envisager un retour dans leur pays d’origine.

M. A______ n’avait pas non plus respecté l’ordre juridique suisse en ayant été condamné à des infractions à la LEI et à la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Son souhait de se désolidariser de la demande d’autorisation de séjour du reste de la famille, en raison de sa condamnation pénale, ne changerait pas la décision de refus, la condition des dix années de séjour n’étant pas remplie.

Concernant l’enfant C______, sans minimiser les difficultés qu’elle pouvait rencontrer dans son quotidien, il ne s’agissait pas de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d’urgence indisponibles dans son pays d’origine.

S’agissant de la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants, ils étaient arrivés en Suisse alors qu’ils étaient âgés de 4 et 11 ans et, bien que scolarisés, ils n’étaient pas encore adolescents, de sorte que leur intégration en Suisse n’était pas encore déterminante. Ils étaient en bonne santé dans l’ensemble et leur intégration dans leur pays d’origine ne devrait pas leur poser des problèmes insurmontables.

Enfin, ils n’invoquaient, ni a fortiori ne démontraient l’existence d’obstacles à leur retour en Colombie et le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas raisonnablement être exigée.

10.         Par acte du 23 octobre 2023, M. A______ et Mme B______ (ci-après : les recourants), sous la plume de leur conseil, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce que leur dossier soit soumis au SEM avec un préavis positif, sous suite de frais et dépens.

La décision querellée violait le principe de proportionnalité, consacrant un abus du pouvoir d’appréciation, et était contraire au principe de la bonne foi.

La durée de cinq ans, qui ne constituait qu’une valeur indicative, devait être admise puisqu’elle aurait été acquise moins d’un mois après le prononcé de la décision de refus, ceci d’autant plus que la durée de séjour du recourant était alors supérieure à cinq ans. En tout état, le tribunal de céans devait prendre en compte la durée du séjour au moment de rendre sa décision, de sorte que c’était une durée de cinq ans stricto sensu qui entrait désormais en considération.

L’ordonnance pénale prononcée à l’encontre du recourant ne lui avait jamais été notifiée, de sorte qu’elle n’était pas en force. Le recourant y avait fait opposition le 11 octobre 2023 et, conformément à la présomption d’innocence, le tribunal de céans devrait écarter cette condamnation de son appréciation.

La famille avait toujours été indépendante financièrement. Le recourant travaillait comme peintre pour un salaire mensuel d’environ CHF 4’569.- net permettant de couvrir les besoins de sa famille. La recourante s’occupait des enfants et travaillait à temps partiel comme femme de ménage. Elle suivait des cours de français à l’G______ et avait commencé une nouvelle formation en ligne en ingénierie industrielle (H______). Son projet était de faire reconnaître son diplôme colombien dans le domaine de la gestion des ventes afin de pouvoir travailler dans ce domaine en Suisse tout en finissant sa nouvelle formation.

La famille était très bien intégrée : les deux enfants étaient bilingues et les parents avaient récemment passé les tests de français FIDE. La famille s’intéressait beaucoup à la culture suisse et avait de bonnes connaissances de Genève. Ils aimaient voyager et visiter la Suisse, participaient aux fêtes de quartier et de voisins et étaient très appréciés par leurs amis et voisins. Leur intégration devait être considérée comme très réussie.

S’agissant de l’enfant C______, contrairement à ce qu’avait retenu l’OCPM, elle avait fêté ses 12 ans lorsque la décision de refus avait été prononcée. Elle était scolarisée à Genève depuis son arrivée en 2018 et ses progrès à l’école étaient remarquables. Son intégration en Suisse en général était très réussie ; elle s’était construite un réseau d’amis, était bilingue, fréquentait régulièrement les activités de la maison de quartier et avait toujours pratiqué du sport au sein de clubs différents ainsi que d’autres activités extrascolaires. Le tribunal de céans devrait tenir compte de cette période importante du développement personnel, scolaire et professionnel dans laquelle se trouvait C______ et du déracinement qu’un renvoi en Colombie pourrait lui occasionner. Ce déracinement serait d’autant plus délétère pour l’enfant compte tenu de son état de santé. Elle souffrait en effet d’un TDAH et d’un problème de flexibilité mentale, pour lesquels elle bénéficiait d’un soutien scolaire qui lui était indispensable. Il s’agissait du soutien d’une répétitrice à raison d’une heure deux fois par semaine et de mesures d’aménagements scolaires. Le cadre et les routines mis en place constituaient des facteurs importants de stabilisation et de sécurisation à la gestion de ses troubles. Ce suivi avait lié profondément et d’une manière irréversible l’enfant au milieu socioculturel suisse. Un retour en Colombie signifierait la perte de ce suivi et un déracinement pourrait aggraver ses problèmes mentaux. Un renvoi vers la Colombie mettrait doublement en danger l’état de santé de C______, d’une part, parce qu’elle était particulièrement vulnérable à l’instabilité de ses conditions de vie et, d’autre part, parce que l’OCPM n’avait pas établi qu’elle pourrait bénéficier dans son pays d’origine d’une prise en charge adéquate du trouble dont elle était atteinte, apte à lui permettre de suivre une scolarité ordinaire.

À l’appui de leur recours, ils ont notamment produit des lettres de recommandation, un album de photos de la famille, une lettre de motivation de la recourante, des attestations de cours pour Madame, des documents concernant la scolarité et les activités extrascolaires des enfants, un courrier de l’établissement I______ du 6 septembre 2022 concernant les mesures d’aménagements scolaires mises en places pour C______, ainsi qu’un courrier d’opposition à l’ordonnance pénale du 22 février 2023 adressée le 11 octobre 2023 au Ministère public.

11.         Le 1er décembre 2023, les recourants ont produit un courrier, non daté, de la Dre J______, psychologue et neuropsychologue en Colombie, qui suivait l’enfant C______ à distance depuis novembre 2022, à raison d’une séance par semaine, indiquant qu’un retour de l’enfant en Colombie n’était pas recommandé à l’heure actuelle.

12.         Dans ses observations du 21 décembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Les conditions restrictives de l’art. 30 al. 1 let. b LEI en lien avec l’art. 31 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel, n’étaient pas réalisées dans le cas d’espèce.

13.         Dans leur réplique du 25 janvier 2024, les recourants ont persisté dans leurs conclusions. Ils sollicitaient que la recourante soit autorisée à exercer une activité lucrative auprès de K______ Sàrl le temps de la procédure.

14.         Le 14 février 2024, l’OCPM a informé le tribunal qu’une autorisation de travail temporaire avait été délivrée à la recourante. Pour le surplus, il n’avait pas d’observations complémentaires à formuler.

 

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCPM relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Les recourants contestent l’application faite par l’OCPM, dans leur cas, des critères de reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité.

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des personnes étrangères dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Colombie.

7.             Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte des cas individuels d’extrême gravité.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’une telle situation, il convient de tenir compte, notamment, de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g). Selon l’art. 58a al. 1 LEI, les critères d’intégration sont le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), ainsi que la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/1669/2019 du 12 novembre 2019 consid. 7b).

8.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L’autorité doit néanmoins procéder à l’examen de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce pour déterminer l’existence d’un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2).

9.             L’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d’origine, mais implique qu’il se trouve personnellement dans une situation si grave qu’on ne peut exiger de sa part qu’il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d’une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d’exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n’exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d’un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/92/ 2020 du 28 janvier 2020 consid.4f).

10.         La reconnaissance de l’existence d’un cas d’extrême gravité implique que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d’existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d’autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d’admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3).

11.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

12.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d’un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée, soit une période de sept à huit ans (ATA/667/2021 du 29 juin 2021 consid. 6c ; ATA/200/2021 du 23 février 2021 consid. 8c ; ATA/684/2020 du 21 juillet 2020 consid. 7e; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

Le Tribunal fédéral a considéré qu’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les années passées sur le territoire suisse dans l’illégalité ou au bénéfice d’une simple tolérance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_926/2010 du 21 juillet 2011 consid. 6.2, cf. aussi ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 consid. 6d).

13.         S’agissant de l’intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l’octroi d’une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d’admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l’octroi d’un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d et les arrêts cités).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

De plus, il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; C-7467/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine).

14.         Lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, elle y reste encore attachée dans une large mesure. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

15.         Il convient également de tenir compte de l’art. 3 par. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996, instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), qui impose d’accorder une importance primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant. Les dispositions de cette convention ne font toutefois pas de l’intérêt de l’enfant un critère exclusif, mais un élément d’appréciation dont l’autorité doit tenir compte lorsqu’il s’agit de mettre en balance les différents intérêts en présence, étant rappelé que l’art. 3 CDE ne confère aucun droit de séjour en Suisse (ATF 139 I 315 consid. 2.4 et les références citées).

16.         Les enfants mineurs partagent, du point de vue du droit des étrangers, le sort des parents qui en ont la garde (arrêts du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.3 ; 2C_257/2020 du 18 mai 2020 consid. 6.1). Afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur indicative (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 – état au 1er avril 2024 [ci-après : directives LEI], ch. 5.6.10.4). Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu’entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d’origine. Il faut prendre en considération qu’un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d’un cas personnel d’extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 10a).

17.         D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet (arrêts du TAF F-3493/2017 du 12 septembre 2019 consid. 7.7.1 ; C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.4 et la référence citée). Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L’adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b). Sous l’angle du cas de rigueur, le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 par. 1 CDE (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 et 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1 ; cf. aussi ATA/404/2021 du 13 avril 2021 consid. 7).

18.         Dans un arrêt de principe (ATF 123 II 125), le Tribunal fédéral a mentionné plusieurs exemples de cas de rigueur en lien avec des adolescents. Ainsi, le cas de rigueur n’a pas été admis, compte tenu de toutes les circonstances, pour une famille qui comptait notamment deux adolescents de 16 et 14 ans arrivés en Suisse à, respectivement, 13 et 10 ans, et qui fréquentaient des classes d’accueil et de développement (arrêt non publié Mobulu du 17 juillet 1995 consid. 5). Le Tribunal fédéral a précisé dans ce cas qu’il fallait que la scolarité ait revêtu une certaine durée, ait atteint un certain niveau et se soit soldée par un résultat positif (ATF 123 II 125 consid. 4b). Le Tribunal fédéral a admis l’exemption des mesures de limitation d’une famille dont les parents étaient remarquablement bien intégrés ; venu en Suisse à 12 ans, le fils aîné de 16 ans avait, après des difficultés initiales, surmonté les obstacles linguistiques, s’était bien adapté au système scolaire suisse et avait achevé la neuvième primaire ; arrivée en Suisse à 8 ans, la fille cadette de 12 ans s’était ajustée pour le mieux au système scolaire suisse et n’aurait pu se réadapter que difficilement à la vie quotidienne scolaire de son pays d’origine (arrêt non publié Songur du 28 novembre 1995 consid. 4c, 5d et 5e). De même, le Tribunal fédéral a admis que se trouvait dans un cas d’extrême gravité, compte tenu notamment des efforts d’intégration réalisés, une famille comprenant des adolescents de 17, 16 et 14 ans arrivés en Suisse cinq ans auparavant, scolarisés depuis quatre ans et socialement bien adaptés (arrêt Tekle du 21 novembre 1995 consid. 5b ; arrêt non publié Ndombele du 31 mars 1994 consid. 2, admettant un cas de rigueur pour une jeune femme de près de 21 ans, entrée en Suisse à 15).

Dans le cas d’une famille avec deux enfants dont l’aîné était âgé de 13 ans, le Tribunal fédéral a estimé que l’âge de l’aîné et l’avancement relatif de son parcours scolaire étaient des éléments de nature à compliquer sa réintégration dans son pays d’origine mais qu’ils n’étaient pas suffisants, à eux seuls, pour faire obstacle au renvoi de la famille. Il était établi que l’enfant parlait parfaitement l’espagnol et qu’il n’avait pas encore terminé sa scolarité obligatoire ; la poursuite de celle-ci dans son pays d’origine devrait donc pouvoir se faire dans des conditions satisfaisantes. À cet égard, il a considéré que sa situation n’était pas comparable à celle d’un jeune qui aurait entrepris des études ou une formation professionnelle initiale en Suisse, par exemple un apprentissage, qu’il ne pourrait pas mener à terme dans son pays d’origine » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4). On ne saurait toutefois en déduire, sous peine de vider de son sens l’arrêt de principe cité ci-dessus, que seuls les mineurs ayant déjà terminé leur scolarité obligatoire et ayant entamé une formation professionnelle peuvent être reconnus comme se trouvant dans un cas d’extrême gravité. Ainsi, la chambre administrative a déjà admis l’existence d’un tel cas pour un jeune de 14 ans né à Genève, vivant seul avec sa mère et n’ayant pas encore terminé sa scolarité obligatoire (ATA/163/2013 du 12 mars 2013).

19.         Selon le Tribunal administratif fédéral, l’autorité de recours prend en considération l’état de fait existant au moment où elle statue (ATAF 2014/1 consid. 2). Appliquant ce principe dans une affaire jugée le 24 mai 2022 (F-5352/2021 consid. 7.1), le Tribunal administratif fédéral a ainsi retenu que le recourant en cause, qui avait immigré en juillet 2015, séjournait en Suisse depuis près de sept ans.

20.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). L’autorité compétente dispose d’un très large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’examen des conditions de l’art. 31 al. 1 OASA.

21.         En l’espèce, il ressort des considérants précédents que pour calculer la durée de présence en Suisse des recourants et de leurs deux filles mineures, il convient de se placer au moment où le tribunal de céans statue.

En l’occurrence, il n’est pas contesté que le recourant réside en Suisse depuis février 2018 et que la recourante et leurs enfants y résident depuis octobre 2018, à savoir depuis un peu plus de six ans, respectivement un peu plus de cinq ans et demi. Si, au moment où la décision attaquée a été rendue, tous les membres de la famille ne comptabilisaient pas cinq années de séjour en Suisse – durée de présence indicative, selon les directives du SEM, pour l’examen d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur pour une famille avec enfants mineurs scolarisés –, cette exigence est aujourd’hui réalisée. Ce séjour doit toutefois être relativisé dès lors qu’il s’est déroulé dans l’illégalité puis, dès le dépôt de la demande en avril 2023, au bénéficie d’une simple tolérance des autorités. Partant, la durée de séjour de la famille en Suisse ne saurait, en soi, être déterminante.

Les recourants ne peuvent pas non plus se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle particulièrement marquée. Même s’ils parviennent à subvenir à leurs besoins, n’ont jamais émargé à l’aide sociale et maîtrisent la langue française au niveau requis, ces éléments ne sont pas encore constitutifs d’une intégration exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Actifs dans le domaine du bâtiment pour Monsieur et dans le domaine de l’économie domestique et, depuis février 2024, dans l’événementiel pour Madame, ils ne peuvent se prévaloir d’avoir acquis en Suisse des connaissances ou des qualifications si spécifiques qu’ils ne pourraient les utiliser dans leur patrie. Ils n’ont pas non plus fait preuve d’une ascension professionnelle remarquable au point de justifier la poursuite de leur séjour en Suisse. Enfin, le comportement du recourant, au regard de sa condamnation pénale, n’est pas exempt de tout reproche, étant précisé que si le recourant conteste que cette condamnation soit entrée en force en raison d’une prétendue notification irrégulière, il convient de relever qu’il n’a pas contesté les faits qui lui étaient reprochés.

Pour le surplus, arrivés en Suisse à l’âge de 26 ans, les recourants ont passé toute leur enfance et leur adolescence, périodes décisives pour la formation de la personnalité, ainsi qu’une partie de leur vie d’adulte et la majeure partie de leur existence dans leur pays d’origine. Ils en maîtrisent la langue ainsi que les us et coutumes. Par ailleurs, selon leurs déclarations, le recourant y a intégré le marché du travail après y avoir effectué sa scolarité obligatoire et suivi une formation d’électronicien. La recourante y a quant à elle obtenu un diplôme dans le domaine de la gestion des ventes. Ils ont aussi conservé des attaches dans leur pays d’origine où vivent plusieurs membres de leur famille respective. Dans ces circonstances, leur réintégration en Colombie, où ils pourront également faire valoir les compétences professionnelles et linguistiques acquises en Suisse, ne parait pas gravement compromise en soi, étant relevé qu’ils sont tous deux encore jeunes et en bonne santé. En tout état, rien n’indique que les difficultés auxquelles ils pourraient faire face en cas de retour dans leur patrie seraient plus lourdes que celles que rencontrent d’autres compatriotes contraints de retourner dans leur pays d’origine au terme d’un séjour régulier en Suisse, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée, ce que les recourants n’ont pas établi. S’agissant des arguments en lien avec le climat d’insécurité régnant en Colombie, ils ne sauraient être déterminants, dès lors qu’il s’agit là d’éléments touchant l’ensemble de la population vivant dans ce pays. Il faut enfin rappeler que celui qui place l’autorité devant le fait accompli doit s’attendre à ce que celle-ci se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que d’éviter les inconvénients qui en découlent pour lui. Ainsi, au vu de leur statut précaire en Suisse, les recourants ne pouvaient à aucun moment ignorer qu’ils risquaient d’être renvoyés dans leur pays d’origine.

S’agissant des enfants, ils sont nés en Colombie, où ils ont vécu jusqu’à l’âge de 7 ans pour C______ et 3 mois pour D______. L’aînée, âgée désormais de 12 ans et demi, a été scolarisé à Genève dès le mois de novembre 2018 et fréquente actuellement une classe de 8e primaire. Bien qu’elle semble s’être bien intégrée, elle n’a pas encore atteint un degré scolaire particulièrement élevé. Les connaissances qu’elle a acquises sont avant tout d’ordre général et lui seront donc profitables pour la suite de sa scolarité ailleurs qu’en Suisse. Par ailleurs, venant tout juste d’entamer le début de l’adolescence, on ne saurait traiter sa situation de la même manière que les enfants ayant vécu toute leur adolescence dans le pays et qui peuvent ainsi se prévaloir d’une intégration sociale accrue pour ce motif. Si son retour en Colombie nécessitera de sa part un effort d’adaptation, dont l’importance ne saurait être sous-estimée, il ne faut pas perdre de vue qu’elle sera accompagnée de sa famille. Sa réintégration dans son pays d’origine, où elle vécue la majeure partie de sa vie et effectué le début de sa scolarité, paraît ainsi possible.

Ces considérations valent à plus forte raison pour D______, âgée de 5 ans et actuellement scolarisée en 2P, qui reste encore attachée dans une large mesure à son pays d’origine par le biais de ses parents.

S’agissant plus spécifiquement de la situation de C______, celle-ci souffre d’un TDAH et d’un problème de flexibilité mentale. Elle bénéfice à ce titre d’un appui scolaire et de mesures d’aménagement scolaire (telles que s’asseoir au premier rang, prolonger le temps accordé pour passer une évaluation, découper ses tâches en étapes et transmettre les consignes par écrit plutôt qu’à l’oral). La famille est par ailleurs suivie par le SPMi dans le cadre d’un appui éducatif afin d'accompagner et de soutenir les parents dans la prise en charge éducative de leurs enfants. Il n’apparaît toutefois pas que de tels suivi et accompagnement ne pourraient pas être assurés en Colombie de manière adéquate, étant relevé que, selon la jurisprudence précitée, une maladie – même grave – ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d’un cas de rigueur, l’aspect médical ne constituant qu’un élément parmi d’autres. Dans le cas présent, il ressort du développement effectué supra que les recourants et leurs enfants ne remplissent pas les autres conditions légales susceptibles de conduire à la reconnaissance d’un cas de rigueur. Partant, la problématique médicale de C______ ne saurait fonder, à elle seule, l’octroi de titres de séjour pour cas de rigueur en faveur des recourants.

Au vu des considérants qui précèdent, le tribunal considère que l’autorité intimée n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en refusant de préaviser favorablement le dossier des recourants auprès du SEM. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

22.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; ATA/87/2021 du 26 janvier 2021 consid. 5a ; ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

23.         En l’occurrence, dès lors qu’elle a refusé de délivrer une autorisation de séjour aux recourants, l’autorité intimée devait ordonner leur renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

24.         Le renvoi d’un étranger ne peut toutefois être ordonné que si l’exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). Aux termes de l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin (ATAF 2014/26 consid. 7.3 à 7.10). En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). L’art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d).

25.         Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral (arrêts D-908/2021 du 11 octobre 2021 consid. 7.4.2 et D-2187/2021 du 20 juillet 2021), la Colombie ne connaît pas sur l’ensemble de son territoire une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d’emblée de présumer à propos de tous les ressortissants du pays l’existence d’une mise en danger concrète au sens de l’art. 83 al. 4 LEI.

26.         En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, la situation prévalant en Colombie n’atteint pas un niveau qualifiable de guerre ou de violence qui justifierait de présumer que tous ses citoyens se trouvent dans un cas de mise en danger concrète. En outre, les intéressés ne rendent pas vraisemblable qu’ils se retrouveraient personnellement exposés à un risque pour leur vie au cas où ils devraient rentrer dans leur pays d’origine. Enfin, rien au dossier ne permet de retenir que le suivi médical de C______ ne pourrait pas être assuré de manière adéquate en Colombie, étant relevé que le suivi psychologique de l’enfant par un médecin local est déjà en place depuis novembre 2022. Quant aux autres mesures dont elle bénéficie (soutien scolaire et aménagement de l’environnement scolaire), elles peuvent de toute évidence également être mises en place en Colombie. Il s’ensuit que l’état de santé de C______ ne suffit pas à faire obstacle à son renvoi, étant également souligné qu'en tout état, le trouble dont elle souffre n'est pas de nature, même en cas de dégradation, à mettre sérieusement en danger son intégrité physique ou psychique et de conduire, par exemple, à une grave invalidité.

Au vu de ces éléments, rien ne permet de retenir que l’exécution du renvoi des recourants ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible au sens de la disposition précitée. La décision de l’autorité intimée se révèle ainsi également conforme au droit sur ce point.

27.         Par conséquent, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté

28.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-.

Les recourants étant au bénéfice de l’assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

29.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

30.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2023 par Monsieur A______ et Madame B______, agissant en leurs noms et celui de leurs enfants mineurs C______ et D______, contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 19 septembre 2023;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l’assistance juridique en application de l’art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève,

 

La greffière