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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4246/2021

ATAS/974/2022 du 10.11.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4246/2021 ATAS/974/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 novembre 2022

5ème Chambre

 

En la cause

 

Madame A______, domiciliée rue ______, GENÈVE

 

recourante

 

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire ou la recourante) est une citoyenne suisse née en ______ 1979. Elle réside à Genève depuis le mois de juin 1988. Elle est célibataire et mère d’une fille née en octobre 2005.

b. La bénéficiaire travaille pour la C______ genevoise depuis le 1er mars 2013. Dans ce cadre, elle est couverte par une assurance perte de gain maladie collective.

B. a. La bénéficiaire a déposé le 20 août 2013 une demande de prestations complémentaires familiales auprès du Service des prestations complémentaires de l’Etat de Genève (ci-après : le SPC ou l’intimé).

b. Par décision datée du 26 août 2013, le SPC a octroyé à la bénéficiaire des prestations complémentaires familiales (ci-après également : PCFam) dès le 1er août 2013. Ces prestations ont continué à être versées sur la base de diverses décisions au cours des années suivantes.

C. a. Par décision datée du 1er décembre 2020, le SPC a octroyé des PCFam d’un montant annuel de CHF 26'190.- à la bénéficiaire pour l’année 2021, ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 2'183.-. Cette décision a été modifiée par des décisions datées du 8 février 2021 (PCFam d’un montant annuel de CHF 30’071.- dès le 1er février 2021), du 13 avril 2021 (PCFam d’un montant annuel de CHF 27’360.- dès le 1er février 2021), puis du 27 juillet 2021 (PCFam d’un montant annuel de CHF 26’884.- dès le 1er mars 2021).

b. Par décision datée du 25 août 2021, le Service des bourses et prêts de l’Etat de Genève (ci-après : le SBPE) a octroyé à la bénéficiaire une bourse d’un montant de CHF 20'000.-. Celle-ci devait être versée en deux tranches de CHF 10'000.- : la première au mois d’octobre 2021 et la seconde au mois de mai 2022. Cette bourse était liée à la poursuite par la bénéficiaire d’une formation en médecine traditionnelle européenne de trois ans débutant en août 2021, formation dispensée par B______, société sise à Lausanne.

c. Afin de disposer de suffisamment de temps pour ses études en naturopathie, la bénéficiaire a, en accord avec son employeur, réduit son taux d’activité de 90% à 80% (32 heures hebdomadaires) à compter du 1er septembre 2021, et à 70% (28 heures hebdomadaires) à compter du 1er novembre 2021. En conséquence, son salaire mensuel brut s’est élevé à CHF 3'254.40 au cours des mois de septembre et octobre 2021 et à CHF 2'847.60 à partir du mois de novembre 2021. Cela correspond à des salaires mensuels nets de CHF 2'657.85 en septembre 2021, de CHF 2'703.35 en octobre 2021 et de CHF 2'316.60 en novembre 2021.

d. Dans une décision datée du 19 octobre 2021, le SPC a octroyé des PCFam d’un montant annuel de CHF 6’924.- à la bénéficiaire pour la période du 1er septembre au 31 octobre 2021, ce qui correspond à un montant mensuel de CHF 577.-. L’autorité a en outre octroyé à l’intéressée des PCFam d’un montant annuel de CHF 8'508.- dès novembre 2021, ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 709.-. Le SPC a de plus réclamé à la bénéficiaire la restitution d’un montant de CHF 3'184.- déjà versé et relatif aux mois de septembre et d’octobre 2021.

e. Par courrier daté du 27 octobre 2021, la bénéficiaire a fait opposition à la décision du 19 octobre 2021.

f. Par décision sur opposition datée du 15 novembre 2021, le SPC a rejeté l’opposition et maintenu sa décision du 19 octobre 2021.

g. Par décision datée du 24 novembre 2021, qui ne fait pas référence à la décision sur opposition précitée, le SPC a octroyé des PCFam d’un montant annuel de CHF 10’055.- à la bénéficiaire pour la période du 1er septembre au 31 octobre 2021, ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 838.-, et des PCFam d’un montant annuel de CHF 8'508.- dès novembre 2021, ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 709.-.

D. a. Par décision datée du 2 décembre 2021, le SPC a octroyé des PCFam d’un montant annuel de CHF 8'424.- à la bénéficiaire pour l’année 2022, ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 702.-.

b. Le salaire net de la recourante était de CHF 2'340.10 pour le mois de janvier 2021.

c. Le 6 février 2022, la bénéficiaire s’est retrouvée en arrêt maladie. Elle a alors commencé à percevoir des indemnités journalières de la part de l’assurance collective de son employeur.

d. Par décision datée du 2 mars 2022, le SPC a octroyé des PCFam d’un montant annuel de CHF 11'790.- à la bénéficiaire (CHF 11'791.- du 1er février au 31 mars 2022), ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 983.-.

e. Par décision datée du 28 mars 2022, le SPC a octroyé des PCFam d’un montant annuel de CHF 16'888.- à la bénéficiaire dès le mois de février 2022, ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 1’408.-, et d’un montant annuel de CHF 11'447.- dès le 1er mars 2022 (CHF 11'448.- en mars 2022), ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 954.-.

f. La bénéficiaire a fait opposition à cette dernière décision par courrier daté du 11 avril 2022, en informant notamment le SPC qu’elle avait dû se résoudre à interrompre ses études et qu’elle n’avait, de ce fait, pas perçu le montant de CHF 20'000.- du SBPE, mais uniquement un montant s’élevant à CHF 10'000.-.

g. Par décision du 12 avril 2022, remplaçant celle du 25 août 2021, le SBPE a octroyé à la bénéficiaire une bourse d’un montant de CHF 11'666.-, au prorata de la durée de ses études entreprises jusqu’au mois de mars 2022. Cette aide a été versée en deux tranches : une première tranche de CHF 10'000.- en octobre 2021, et une seconde tranche de CHF 1'666.- à la mi-avril 2022.

h. Par décision sur opposition datée du 25 avril 2022, le SPC a rejeté l’opposition et maintenu sa décision du 28 mars 2022.

E. a. Par courrier du 15 décembre 2021, la bénéficiaire a recouru contre la décision sur opposition de l’intimé du 15 novembre 2021, en concluant à la modification à la hausse de son droit à des PCFam (procédure A/4246/2021 PC).

b. L’intimé a répondu par courrier du 17 janvier 2022, en concluant au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué par courrier du 1er mars 2022. L’intimé a dupliqué par courrier du 24 mars 2022.

d. La recourante a encore déposé des observations le 11 avril 2022 par lesquelles elle a informé la chambre de céans qu’elle avait arrêté ses études et que le montant de la bourse qui lui avait été octroyée par le SBPE avait été réduit en conséquence.

F. a. Par courrier du 16 mai 2022, la bénéficiaire a recouru contre la décision sur opposition de l’intimé du 25 avril 2021, en concluant à la rectification à la hausse des PCFam lui ayant été octroyées et au renvoi de la cause à l’intimé pour nouvelle décision (procédure A/1564/2022 PC). Elle a par ailleurs requis la jonction des causes.

b. Par décision datée du 19 mai 2022, le SPC a octroyé des PCFam d’un montant annuel de CHF 33'074.- à la bénéficiaire dès le mois d’avril 2022, ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 2’757.-, et d’un montant annuel de CHF 29’446.- dès le 1er mai 2022 (CHF 29'447 en mai 2022), ce qui correspond à un versement mensuel de CHF 2'454.-.

c. L’intimé a répondu par courrier du 14 juin 2022, en concluant au rejet du recours. Il a en outre précisé qu’il était favorable à la jonction des causes.

d. Par ordonnance du 28 juin 2022, la chambre de céans a joint les causes A/4246/2021 et A/1564/2022 PC sous la référence A/4246/2021.

e. Par courrier du 28 septembre 2022, la chambre de céans a requis de l’intimé qu’il se détermine sur la nature de sa décision du 24 novembre 2021 vis-à-vis de sa décision sur opposition du 15 novembre 2021 ayant le même objet. Elle a de plus requis que celui-ci se détermine sur la nature de sa décision du 19 mai 2022 dans la mesure où elle concernait le mois d’avril 2022 et qu’un recours avait été déposé à cet égard le 16 mai 2022.

f. Par courrier du 13 octobre 2022, l’intimé a répondu que sa décision du 24 novembre 2021 ne remplaçait pas sa décision du 15 novembre 2021 mais la mettait à jour. S’agissant de la décision relative au mois d’avril 2022, elle avait été reconsidérée par la décision datée du 19 mai 2022 suite à un changement de situation ; cette reconsidération n’était cependant pas du ressort du secteur juridique du SPC, représentant cette autorité en procédure de recours, mais d’un autre secteur du même service.

g. Ce courrier a été transmis à la recourante. Suite à quoi, la cause a été gardée à juger.

h. Les autres faits seront exposés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l’art. 36A LPCC.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Déposés dans le délai de trente jours prévu par l’art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) par renvoi de l’art. 89A LPA, et dans les formes prévues par l’art. 89B LPA, les deux recours sont recevables.

3.             Il convient en premier lieu de clarifier la question de l’objet du litige.

3.1 En procédure de recours, l’objet du litige est constitué par le ou les rapport(s) juridique(s) réglé(s) dans la décision attaquée dans la mesure où, d'après les conclusions du recours, il(s) est/sont remis en question par la partie recourante ; l'objet du litige correspond à l’objet de la contestation lorsque la décision administrative est attaquée dans son ensemble, en revanche, les rapports juridiques non litigieux tranchés dans ladite décision sont certes compris dans l'objet de la contestation mais pas dans l'objet du litige (ATF 130 V 501 consid. 1.1 ; ATF 125 V 413 consid. 1b ; ATF 110 V 48 consid. 3c ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_126/2022 du 7 avril 2022 consid. 4.3 ; 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.3.1 ; 2C_53/2017 du 21 juillet 2017 consid. 5.1). L’objet de la contestation fixe ainsi en principe le cadre maximal de l’objet du litige (ATF 134 V 418 consid. 5.2.1 ; ATF 125 V 413 consid. 1a et 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2019 du 3 juillet 2020 consid. 4.2.1 ; voir également : ATF 144 II 359 consid. 4.3). L’extension par un tribunal social de l’objet de la contestation n’est a contrario possible qu’à des conditions strictes : la question (excédant l’objet de la contestation) doit être en état d'être jugée (1) ; il doit exister un état de fait commun entre cette question et l’objet initial du litige (2) ; l'administration doit s'être prononcée à son sujet dans un acte de procédure au moins (3) ; le rapport juridique externe à l’objet de la contestation ne doit pas avoir fait l’objet d'une décision passée en force de chose jugée (4) (arrêts du Tribunal fédéral 9C_678/2019 du 22 avril 2020 consid. 4.4.1 ; 9C_747/2018 du 12 mars 2019 consid. 3.5 ; 9C_636/2014 du 10 novembre 2014 consid. 3.1 ; 9C_678/2011 du 4 janvier 2012 consid. 3.1 ; voir également : ATF 130 V 501 consid. 1.2).

3.2 Selon l’art. 67 al. 1 LPA, le pouvoir de traiter une affaire passe à l’autorité de recours dès le dépôt du recours (effet dévolutif). Selon le second alinéa 2 même article, l’autorité de première instance peut toutefois reconsidérer ou retirer sa décision en cours de procédure ; en pareil cas, elle doit notifier sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donner connaissance à l’autorité de recours. Selon un arrêt de principe de la chambre de céans, une telle possibilité existe jusqu’à la fin de l’échange d’écritures ordonné par ladite chambre (ATAS/393/2021 [arrêt de principe] du 29 avril 2021 consid. 3f ; voir également : ATAS/793/2022 du 9 septembre 2022 ; ATAS/763/2022 du 2 septembre 2022 consid. 2.1). Passé ce moment, la décision de reconsidération d’une autorité de première instance a uniquement valeur de proposition au juge et ne lie pas celui-ci (ATAS/393/2021 [arrêt de principe] du 29 avril 2021 consid. 3e). L’art. 67 al. 2 LPA doit être interprété comme l’art. 53 al. 3 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) (ATAS/573/2022 du 21 juin 2022 consid. 3 ; ATAS/393/2021 [arrêt de principe] du 29 avril 2021 consid. 3b).

4.              

4.1 En l’espèce, la décision sur opposition de l’intimé du 15 novembre 2021 et la décision du 24 novembre 2021 portent sur les mêmes mois, à savoir septembre et octobre 2021 d’une part, et novembre et décembre 2021 d’autre part. Ces deux décisions diffèrent sur le fond s’agissant des deux premiers mois pour lesquels l’intimé a retenu un montant mensuel de CHF 577.- dans sa première décision et de CHF 828.- dans la seconde. La décision sur opposition du 15 novembre 2021 impose par ailleurs à la recourante une obligation de restitution, alors que tel n’est pas le cas de la décision du 24 novembre 2021.

Dès lors que la chambre de céans n’était pas encore saisie du recours de la bénéficiaire contre la décision sur opposition datée du 15 novembre 2021 au moment où cette dernière a reçu la décision du 24 novembre 2021 et que ces deux décisions ont le même objet, il faut considérer que la seconde décision de l’intimé a révisé, respectivement remplacé la première, sauf en ce qui concerne l’obligation de restitution, qui n’a pas été modifiée par la décision du 24 novembre 2021. Excepté en ce qui concerne cette obligation de restituer un montant de CHF 3'184.-, la décision sur opposition du 15 novembre 2021 avait donc perdu sa portée au jour du dépôt du recours à son encontre.

La recourante n’a pas fait opposition à la décision du 24 novembre 2021, ni a fortiori contesté celle-ci en justice. Cette situation découle cependant d’un comportement du SPC qui est de nature à induire la bénéficiaire en erreur, dès lors qu’il a rendu une nouvelle décision ayant pour l’essentiel le même objet que sa décision précédente quelques jours après celle-ci sans aucune indication sur le fait que cette dernière avait perdu son objet. Cela alors même que le SPC savait que la recourante n’était pas assistée d’un conseil professionnel et qu’elle n’aurait donc très certainement pas connaissance de la nécessité de contester également la décision du 24 novembre 2021. Un tel comportement, même involontaire, est contraire au principe fondamental de bonne foi qui implique notamment que le comportement de l'État doit être loyal et digne de confiance dans toutes ses relations juridiques avec des particuliers (ATF 142 IV 286 consid. 1.6.2 ; ATAS/544/2022 du 16 juin 2022 consid. 10.1). La confusion entrainée par le comportement insolite du SPC ne doit donc pas porter préjudice à la recourante.

L’objet du litige est identique dans la décision sur opposition contestée devenue largement sans objet et dans la décision du 24 novembre 2021. Ce litige est en état d’être jugé. De plus, l’intimé s’est prononcé sur le fond de celui-ci plusieurs fois au cours de la procédure, et notamment dans ses observations complémentaires du 13 octobre 2022. Enfin, le recours de la bénéficiaire a bien été déposé dans le délai d’opposition de trente jours ouvert à l’encontre de la décision du 24 novembre 2021, et le fait qu’il n’ait pas été dirigé contre celle-ci mais contre la décision sur opposition datée du 15 novembre 2021 ne doit pas porter préjudice à la recourante, comme établi plus haut. Les conditions d’une extension exceptionnelle de l’objet de la contestation à la décision de l’intimé du 24 novembre 2021 sont donc remplies.

Partant, il convient de considérer que l’objet du litige, s’agissant du premier recours de la bénéficiaire daté du 15 décembre 2021, est constitué non seulement par l’obligation de restituer imposée à celle-ci par l’intimé dans sa décision sur opposition du 15 novembre 2021, mais également par la décision de l’intimé du 24 novembre 2021 relative au droit à des PCFam de la recourante au cours des mois de septembre, octobre 2021, et à partir de novembre 2021 (jusqu’à décembre 2021).

4.2 En ce qui concerne la seconde décision sur opposition contestée, soit celle du 25 avril 2022, elle porte sur le droit de la recourante à des PCFam pour les mois de février et mars 2022, ainsi qu’à partir du 1er avril 2021. Or, il apparait que l’intimé a, en date du 19 mai 2022, rendu une décision portant partiellement sur le même objet, à savoir le mois d’avril 2022, cela alors même que la chambre de céans était déjà saisie d’un recours à l’encontre de la décision sur opposition susmentionnée.

L’intimé pouvait certes réviser librement sa décision sur opposition jusqu’à la clôture de l’échange d’écritures. Pour ce faire, il était toutefois indispensable qu’il communique à la chambre de céans qu’il avait procédé à une telle révision. Or, tel n’a pas été le cas. C’est uniquement après avoir été interpelé par ladite chambre que l’intimé a reconnu qu’il avait révisé sa décision sur opposition du 25 avril 2022 s’agissant du mois d’avril 2022 en supprimant en particulier la bourse d’études des revenus déterminants de la recourante. La décision de révision de l’intimée datée du 19 mai 2022 a donc violé l’art. 67 al. 1 LPA en ce qui concerne le mois d’avril 2022. Cette décision va également à l’encontre du principe de l’économie de procédure, dès lors qu’une révision non-annoncée peut conduire la chambre de céans à instruire inutilement une cause par méconnaissance du fait que les griefs d’un recourant ont en réalité déjà été totalement ou partiellement admis par l’autorité intimée. La justification de l’intimé selon laquelle, il s’agirait d’un problème de compétence entre ses différents secteurs ne lui est à cet égard d’aucun secours, une décision étant prise au nom de l’autorité dans son ensemble, peu importe son organisation interne.

Partant, s’agissant du second recours de la bénéficiaire, il faut considérer qu’il porte sur son droit aux PCFam au cours des mois de février, mars et avril 2022, tel qu’il ressort de la décision sur opposition de l’intimé du 25 avril 2021. La décision du 19 mai 2022 constitue à l’inverse une simple proposition du SPC à la chambre de céans.

5.             Le litige entre les parties se concentre sur le montant de deux postes des revenus déterminants de la recourante, à savoir d’une part un montant de CHF 18'000.- retenu au titre de bourse d’étude par le SBPE et, d’autre part, un montant retenu au titre de revenu hypothétique, lequel est lié au montant retenu au titre de gain d’activité lucrative ou d’un revenu de remplacement (« indemnités d’une assurance ») de celle-ci.

5.1 Selon la recourante, il est incorrect de considérer que la bourse qu’elle a perçue du SBPE est un revenu net qui doit entrer dans ses revenus déterminants dès lors qu’elle vise le paiement de frais d’étude, et non le paiement de frais courants. S’agissant du revenu hypothétique qui lui a été imputé par l’intimé, l’intéressée défend qu’elle n’avait pas d’autre solution pour sortir de la précarité que d’entreprendre une nouvelle formation, laquelle exigeait nécessairement une réduction de son temps de travail et qu’il serait donc inéquitable de retenir de ce fait un revenu hypothétique à son encontre.

5.2 Selon l’intimé, il ressort de la hiérarchie des prestations sociales cantonales adoptée par le Grand conseil que l’octroi de prestations complémentaires familiales est subsidiaire à l’octroi d’une bourse d’études. En outre, le fait qu’un bénéficiaire suive des études ne permet pas de déroger au principe de la prise en compte d’un gain hypothétique en absence de travail à temps plein.

6.             Le canton de Genève prévoit deux types de prestations sociales, en complément ou en marge des prestations complémentaires prévues par la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30), ciblant deux catégories distinctes de bénéficiaires, à savoir d'une part les personnes âgées, les conjoints ou partenaires enregistrés survivants, les orphelins et les invalides - bénéficiaires pouvant prétendre le cas échéant au versement de prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (art. 1 al. 1 et 2 à 36 LPCC) - et d'autre part, les familles avec enfant(s) - bénéficiaires pouvant le cas échéant prétendre au versement de PCFam (art. 1 al. 2, 36A à 36I LPCC) (ATAS/269/2022 du 22 mars 2022 consid. 5.1 ; ATAS/1195/2020 du 3 décembre 2020 consid. 5b ; ATAS/802/2019 du 9 septembre 2019 consid. 5b). Le but du législateur en instaurant des prestations complémentaires familiales était de valoriser le travail, d'encourager le maintien ou la reprise d'un emploi, ou l'augmentation du taux d'activité, notamment par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires (ATAS/948/2021 du 16 septembre 2021 consid. 6c ; ATAS/837/2021 du 19 août 2021 consid. 7 ; ATAS/1195/2020 du 3 décembre 2020 consid. 7 ; ATAS/144/2020 du 26 février 2020 consid. 6 ; ATAS/13/2016 du 12 janvier 2016 consid. 5c).

6.1 À teneur de l'art. 36D LPCC, le montant annuel des PCFam correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'art. 36F LPCC qui excède les revenus déterminants au sens de l'art. 36E LPCC, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'art. 15 al. 2 LPCC (al. 1) ; les dépenses reconnues et les revenus déterminants des membres du groupe familial sont additionnés (al. 2).

Selon l’art. 36E al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément à l'article 11 LPC, moyennant notamment les adaptations suivantes :

- les ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative sont intégralement prises en compte (art. 36E al. 1 let. a LPCC) ;

- les bourses d'études et autres aides financières destinées à l'instruction sont prises en compte (art. 36E al. 1 let. c LPCC).

L’art. 36E al. 1 let. c LPCC est cohérent avec la hiérarchie d’octroi des prestations sociales cantonales inscrite aux art. 11 al. 1 et 13 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), et qui prévoit que les bourses d’études précèdent les PCFam (cf. également mémorial du Grand conseil [ci-après : MGC] 2009-2010 III A 2850).

6.1.1 Selon le SPC, il faut comprendre l’art. 36E al. 1 let. c LPCC en ce sens qu’il ne vise pas les frais résultant de la formation, soit ceux visés par l’art. 20 al. 2 LBPE et l’art. 13 du règlement d'application de la loi sur les bourses et prêts d'études du 2 mai 2012 (RBPE - C 1 20.01), mais uniquement les frais résultant de l’entretien, au sens de l’art. 20 al. 1 LBPE, lesquels comprennent notamment des frais de logement (forfaitisés depuis le 1er juin 2021).

Cette opinion est convaincante. En effet, il ressort de l’art. 13 al. 2 RBPE que les frais de formation visent notamment les taxes d’inscription. Le but de la couverture des frais de formation est donc de prendre uniquement en charge le surplus de dépenses qui résulte directement de la réalisation d’études, et non l’entretien du bénéficiaire. Or, c’est bien le fait que les bourses d’études prévues par le LBPE visent également cet entretien qui justifie leur catégorisation en tant que « les prestations de comblement » soumises à la hiérarchie de l’art. 13 al. 1 let. b LRDU, lesquelles sont définies par l’art. 12 let. b LRDU comme « des prestations qui visent à garantir des conditions de vie digne. », et ainsi leur catégorisation en tant que revenu déterminant par l’art. 36E al. 1 let. c LPCC. Rien ne laisse en outre penser que le législateur cantonal ait désiré dans le même temps que les frais de formation soient considérés comme des revenus déterminants, tandis que les frais d’écolage et taxes d’inscription ne rentreraient pas dans le calcul des dépenses reconnues.

Il convient donc de suivre la pratique du SPC et de considérer que les frais résultant de la formation ne doivent pas être pris en compte au titre de bourse d’étude au sens de l’art. 36E al. 1 let. c LPCC.

6.1.2 Selon l’art. 36E al. 2 LPCC, en cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps. L’alinéa 36E al. 5 LPCC prévoit toutefois une exception à cette règle en ce sens qu’il n'est pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an. La jurisprudence relative à l'ancien art. 11 al. 1 let. g LPC (aujourd’hui : art. 11a LPC) n'est pas applicable à la prise en considération d'un gain hypothétique dans le cadre du calcul des revenus déterminants pour l'octroi de PCFam (ATAS/269/2022 du 22 mars 2022 consid 5.3.3 ; ATAS/837/2021 du 19 août 2021 consid. 7 ; ATAS/1195/2020 du 3 décembre 2020 consid. 12 [qui réforme certaines jurisprudences antérieures de la chambre de céans sur ce point]).

Lorsqu’un bénéficiaire perçoit des indemnités journalières couvrant une perte de gain en cas de maladie, d'accident, de maternité, d'adoption ou de service, l’art. 18 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04) prévoit que leur gain hypothétique est déterminé selon le gain et le taux d'activité réalisés avant la perception des indemnités pour perte de gain. Selon l’al. 3 de la même disposition, le gain hypothétique correspond à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité.

6.2 Le principe retenu pour le calcul des prestations complémentaires familiales est le même que celui des prestations fédérales et cantonales complémentaires à l'AVS et à l'AI ; ainsi le calcul d’un droit à une prestation complémentaire familiale selon l'art. 36D al. 1 LPCC - qui met en exergue les termes « montant annuel » - est annuel, à l'instar de l'art. 3 LPC qui prévoit que les prestations complémentaires se composent notamment de la prestation complémentaire annuelle (let. a), l'utilisation du terme « annuelle » mettant en évidence que le calcul y relatif est un calcul annuel (ATAS/1113/2021 du 8 novembre 2021 consid. 5 ; ATAS/221/2018 du 8 mars 2018 consid. 8c ; ATAS/1181/2017 [arrêt de principe] du 21 décembre 2017 consid. 8b ; voir également pour les prestations complémentaires AVS/AI : ATAS/760/2022 du 31 août 2022 consid. 7.1).

Ainsi, pour définir le montant des PCFam, les dépenses reconnues annuelles sont comparées aux revenus déterminants annuels. L'excédent de dépenses annuel représente la prestation complémentaire familiale annuelle, qui constitue une prestation en espèces versée ensuite mensuellement (art. 4 al. 2 RPCFam, et art. 16 LPCC par renvoi de l’art. 2 al. 2 RPCFam).

Le fait que les prestations complémentaires familiales soient des prestations annuelles ne signifie cependant pas qu’une modification en cours d’année soit impossible. Au contraire, de telles modifications sont expressément prévues par l’art. 24 RPCFam, par délégation de l’art. 36I LPCC. Selon l’art. 24 al. 1 let. c et al. 2 let. d RPCFam, lorsque les revenus déterminants subissent une diminution pour une durée qui sera vraisemblablement longue, le montant des PCFam doit être adapté dès le début du mois au cours duquel le changement a été annoncé, mais au plus tôt à partir du mois dans lequel celui-ci est survenu et au plus tard dès le début du mois qui suit celui au cours duquel la nouvelle décision a été rendue.

6.3  

6.3.1 La question de la période annuelle à laquelle un élément du revenu déterminant doit être rattaché est réglée par l’art. 23 RPCFam, lequel est formulé comme suit :

« 1 Pour la fixation de la prestation complémentaire annuelle, sont déterminants :

a) les revenus provenant de l'exercice d'une activité lucrative obtenus au cours de l'année civile précédente, ou les revenus probables convertis en revenu annuel;

b) les prestations périodiques en cours, telles que les allocations de logement, les allocations familiales, les bourses d'études et autres aides financières destinées à l'instruction, les pensions alimentaires et contributions d'entretien;

c) l'état de la fortune au 1er janvier de l'année pour laquelle la prestation est versée.

2 Pour les ayants droit dont la fortune et les revenus à prendre en compte peuvent être déterminés à l'aide d'une taxation fiscale, la période de calcul correspond à celle sur laquelle se fonde la dernière taxation fiscale, si aucune modification sensible de la situation économique de l'ayant droit n'est intervenue entretemps. »

Les prestations expressément mentionnées par l’art. 23 al. 1 let. b PCFam sont en principe des prestations mensuelles, ce qui n’est pas le cas de la bourse reçue par la recourante. Cependant, le seul fait qu’une prestation sociale soit versée sur une période supérieure au mois ne signifie pas encore qu’elle perdre son caractère périodique. Une prestation peut ainsi être versée trimestriellement ou semestriellement sans perdre sa nature périodique, comme cela ressort notamment de l’art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) a contrario : « En règle générale, les prestations périodiques en espèces sont payées mensuellement ». Il faut en outre distinguer le cadre temporel maximal d’une prestation et la modalité de son versement, qui est seule déterminante pour retenir s’il s’agit ou non d’une prestation périodique. Ainsi une rente de vieillesse AVS ou LPP a bien un caractère périodique malgré le fait qu’elle soit en principe versée jusqu’à la mort. De même, bien que les prestations complémentaires fédérales AVS/AI soient par nature des prestations annuelles, le fait qu’elles soient versées en douze mensualités en fait clairement des prestations périodiques (du même avis : Ueli KIESER, ATSG Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 8 ad. art. 19 LPGA ; Stéphanie PERRENOUD, Commentaire romand LPGA, 2018, n. 3 ad. 19 LPGA). Au contraire, une indemnité pour atteinte à l’intégrité basée sur les art. 24 et 25 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20) est un capital unique qui ne constitue donc pas une prestation périodique (du même avis : Ueli KIESER, ATSG Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 9 ad. art. 19 LPGA ; Stéphanie PERRENOUD, Commentaire romand LPGA, 2018, n. 4 ad. 19 LPGA).

6.3.2 Selon l’art. 14 al. 1 1ère phr. LBPE prévoit que les bourses d’études sont en principe octroyées pour la durée minimale de la formation. Selon l’art. 15 al. 1 RBPE, les bourses d'études sont en principe versées pour moitié au mois de décembre et pour moitié au mois de mai ; à la demande de la personne en formation, de ses parents, des tiers légalement tenus au financement ou d'un organisme d'aide sociale, les paiements peuvent être effectués mensuellement. Selon l’art. 19 al. 1 LBPE, les frais reconnus engendrés par la formation et l'entretien de la personne en formation servent de base de calcul pour les aides financières. Selon l’art. 20 al. 1 LBPE, ces frais comprennent, outre un montant de base, notamment des frais de logement forfaitisés, les primes d’assurance-maladie obligatoire ou encore des frais forfaitisés de déplacement et de repas.

Il ressort de ces normes d’une part que bien qu’une bourse d’étude puisse viser une période cadre d’une année ou plus, ses modalités de versement sont semestrielles ou, sur demande, mensuelles et, d’autre part, que la bourse d’études ne vise pas uniquement le paiement des frais d’écolage, mais également l’entretien du bénéficiaire au cours de ses études. La nature de cette prestation sociale cantonale est ainsi proche de celles des prestations complémentaires. Elle doit être catégorisée comme une prestation périodique au sens de l’art. 23 al. 1 let. b RPCFam, en conformité à la lettre exemplative de cette dernière norme.

Partant, le montant reçu au titre de bourse d’étude, une fois déduit les frais de formation doit être imputé sur les PCFam des années civiles qui contiennent des mois couverts par une telle bourse. Si, par exemple, un bénéficiaire reçoit une bourse pour une année d’étude débutant en septembre d’une année « x » et se terminant en août d’une année « y », un montant correspondant devra être comptabilisé au titre des PCFam des deux années civiles concernées, mais uniquement du mois d’août au mois de décembre pour l’année « x », et uniquement du mois de janvier au mois d’août pour la seconde, peu importe si les versements sont mensuels ou semestriels ou durant quelle année civile ils ont été réalisés.

7.             En l’espèce, la recourante critique en premier lieu le montant retenu par l’intimé dans ses décisions du 25 novembre 2021 et du 25 avril 2022, soit pour les mois de septembre à décembre 2021 d’une part, et de février à avril 2022 d’autre part, sous la catégorie : Revenu déterminant > ALLOCATIONS > bourse d’étude.

Il ressort des décisions précitées que l’intimé a retenu un montant de CHF 18'000.- au titre de revenu déterminant de la recourante en lien avec l’octroi d’une bourse d’étude à celle-ci par le SBPE par décision datée du 25 août 2021.

7.1 Sur le principe, cette prise en compte n’est pas critiquable. En effet, tant la lettre de l’art. 36E al. 1 let. c LPCC que celle de l’art. l’art. 13 al. 1 let. b LRDU ne laissent aucun doute sur le fait que le législateur cantonal a désiré qu’il soit tenu compte des bourses d'étude dans le calcul des revenus déterminants d’un bénéficiaire pour le calcul des PCFam, sous réserve des frais résultants exclusivement de formation visée par la bourse. Contrairement à ce qu’affirme la recourante, une bourse d’étude genevoise ne vise en effet justement pas à prendre uniquement de tels frais de formation, mais également à couvrir à tout le moins une partie des frais d’entretien usuels de son bénéficiaire.

7.2 Il faut ensuite vérifier le montant retenu par l’intimé au titre de la perception d’une bourse d’étude.

Il ressort de la décision du 25 août 2021 du SBPE qu’une bourse d’un montant de CHF 20’0000.- a initialement été octroyée à la recourante pour l’année d’étude allant du mois de septembre 2021 au mois d’août 2022. Cependant, il ressort de la décision du même service du 12 avril 2022 remplaçant la décision susmentionnée, que celui-ci a finalement octroyé à la bénéficiaire une bourse d’étude d’un montant total de CHF 11'666.-, au prorata des études entreprises par l’intéressée jusqu’au mois de mars 2022 (cf. pièce 96 intimé, p. 1). Cette aide a été versée en deux tranches, une première tranche de CHF 10'000.- en octobre 2021, et une seconde de CHF 1'666.- à la mi-avril 2022.

Le montant initial de la bourse octroyée à la recourante était de CHF 20'000.-, montant dont doit être déduit les frais de formation s’élevant à CHF 2'000.- comme l’a retenu à juste titre l’intimé, pour un montant net de CHF 18'000.-. En vertu de l’art. 23 RPCFam al. 1 let. b RPCFam, ledit montant doit être pris en compte tant sur les PCFam de la recourante relatives à l’année 2021, que sur celles relatives à l’année 2022, mais uniquement lors des mois de septembre 2021 au mois d’août 2022. C’est donc à juste titre que, dans sa décision du 24 novembre 2021, l’intimé a initialement retenu un montant de CHF 18'000.- fondé sur la bourse obtenue par la recourante en tant que revenu déterminant pour les mois de septembre à décembre 2021.

Cependant, le montant final perçu par la recourante n’est pas de CHF 18'000.-, mais de CHF 11'666.-. Cette modification résulte d’une décision du SBPE datée du 12 avril 2022 et a été annoncée par la recourante par courrier reçu par l’intimé en date du 13 avril 2022 (cf. pièce 92 intimé). Conformément à l’art. 24 al. 1 let. c et al. 2 let. d RPCFam, une adaptation à la baisse des revenus déterminants de la recourante n’a cependant pas d’effet antérieur au mois durant lequel il est porté à connaissance de l’intimé. Une telle règle n’apparait en tout cas pas problématique dans le cas d’espèce, puisque la durée d’imputation de la bourse a été réduite en conséquence (de septembre 2021 à mars 2022, au lieu d’août 2022, soit sept mois au lieu de douze).

Les décisions de l’intimé doivent donc être confirmées s’agissant des mois de septembre à décembre 2021, et de février à mars 2022. En revanche, celui-ci aurait dû tenir compte de la modification susmentionnée dans sa décision sur opposition du 25 avril 2022, en supprimant le montant correspondant des revenus déterminants de la recourante pour le mois d’avril 2022. Or, tel n’a pas été le cas. L’intimé ayant corrigé cette erreur dans sa proposition de décision du 19 mai 2022, il faut considérer qu’il a admis sur ce point le grief de la recourante. Le recours est bien-fondé dans cette mesure.

8.             En second lieu, la recourante critique le fait qu’un revenu hypothétique lui ait été imputé pour les mois de septembre à décembre 2021 et de février à avril 2022, en lien avec la baisse de son taux d’activité lié au fait qu’elle ait souhaité entreprendre des études.

8.1 Sur le principe, cette prise en compte n’apparait pas critiquable au vu du texte clair de l’art. 36E al. 2 LPCC et de la jurisprudence de la chambre de céans. En effet, comme il a été mentionné plus haut, le but du législateur en instaurant des prestations complémentaires familiales était de valoriser le travail, notamment par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires. Le système légal conduit certes à pénaliser financièrement les bénéficiaires des PCFam qui, comme la recourante, réduisent leur taux d’activité afin d’entreprendre une formation en vue d’une reconversion professionnelle. Il s’agit toutefois là d’un choix politique qu’il ne revient pas à un tribunal de « corriger » parce qu’il jugerait qu’une autre solution serait préférable (ATAS/595/2022 [arrêt de principe] du 9 juin 2022 consid. 4.2 ; ATAS/472/2022 du 23 mai 2022 consid. 5.3 ; voir également : ATF 146 V 378 consid. 4.5).

8.2 Il convient encore de vérifier les montants retenus par l’intimé au titre de salaire hypothétique.

8.2.1 Selon la décision de l’intimé du 24 novembre 2021, la bénéficiaire a perçu un gain d’activité lucrative effective de CHF 32'167.20 au cours des mois de septembre et d’octobre 2021, un revenu hypothétique d’un montant de CHF 4'020.90 devant en outre être retenu selon le calcul : ([{10 x 32'167.20/8} - 32'167.20] / 2).

Selon les fiches de paie de la recourante se trouvant dans le dossier de la procédure, son salaire net était de CHF 2'657.85.- en septembre 2021 (soit un revenu net annuel de CHF 31'894.20) et de CHF 2'703.35 (soit un revenu net annuel de CHF 32'440.20) en octobre 2021. Il semble que l’intimé se soit basé sur la moyenne entre ces deux montants ([31'894.20 + 32'440.20] / 2 = 32'167.10), bien que cela ne soit aucunement explicité dans ses décisions. Le montant retenu est donc matériellement exact, malgré le fait que la motivation de celui-ci fasse défaut.

8.2.2 Selon la décision de l’intimé du 24 novembre 2021, la bénéficiaire a perçu un gain d’activité lucrative effective de CHF 30'581.40 pour le mois de novembre 2021 (et de même le mois suivant, soit décembre 2021), un revenu hypothétique d’un montant de CHF 6'553.15 devant en outre être retenu selon le calcul : ([{10 x 30'581.40/7} - 30'581.40] / 2).

Selon la fiche de paie de novembre 2021 de la recourante, son salaire net était de CHF 2'316.60 au cours de ce mois (soit un revenu net annuel de CHF 27'799.20). Le montant retenu par l’intimé et le revenu effectif de la recourante ne correspondent donc pas. Le montant retenu par le SPC ne correspond pas non plus au montant retenu pour les mois de septembre et octobre 2021 mais converti en un 70% (au lieu d’un 80%), ce qui aboutit à CHF 28'146.30. Par ailleurs, l’intimé savait depuis à tout le moins le 21 septembre 2021 que le salaire brut de la recourante serait de CHF 2'847.60 dès le 1er novembre (cf. pièce 63 intimé p. 5). Or, un tel montant brut apparait incompatible avec un salaire mensuel net de CHF 2'548.45 (30'581.40/12).

Ni la décision de l’intimé du 24 novembre 2021, ni ses observations ultérieures dans le cours de la procédure ne permettent de comprendre comment il est parvenu au chiffre de CHF 30'581.40. Par ailleurs, les pièces présentes à la procédure ne permettent pas de comprendre à quel moment l’intimé a été informé du revenu effectif/net de la recourante pour le mois de novembre 2021.

L’administration des prestations complémentaires est une administration de masse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2020, du 3 février 2021 consid. 3.2.2). Il est en conséquence compréhensible que chaque poste du plan de calcul d’une prestation complémentaire annuelle ne soit pas motivé en détail lorsque son libellé apparait suffisant pour permettre au bénéficiaire de comprendre sa nature (ainsi par exemple « loyer net » ou « gain d’activité lucrative »). En revanche, lorsqu’un administré conteste le montant d’un poste par la voie d’une opposition et que celui-ci implique un calcul basé sur des normes du droit des assurances sociales, ainsi notamment un revenu hypothétique, il apparait indispensable que l’intimé détaille ce calcul dans sa décision sur opposition afin que le bénéficiaire puisse, si lieu est, le contester en toute connaissance de cause, ce qui est un droit fondamental garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (cf. ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; ATF 136 I 229 : consid. 5.2). L’exigence de motivation permet aussi d’éviter que la chambre de céans doive procéder à de multiples calculs hypothétiques sur la base des pièces disponibles pour tenter de découvrir comment l’intimé est parvenu au montant retenu, en, ce qui est manifestement contraire au principe de la bonne administration de la justice. Il n’en va pas autrement que lorsque les paramètres du calcul d’une rente d’invalidité ou de vieillesse comme le revenu annuel moyen déterminant ou les périodes de cotisation sont contestées (cf. par exemple : ATAS/912/2022 du 13 octobre 2020).

Dans ces circonstances, il convient de renvoyer la cause sur ce point à l’intimé pour qu’il motive ou corrige la divergence susmentionnée et, le cas échéant, calcule à nouveau les montants retenus au titre de gain d’activité lucrative et de gain hypothétique pour les mois de novembre et décembre 2021 (comparer : ATAS/754/2022 du 29 août 2022 consid. 8.1.2.).

8.2.3 Selon la décision de l’intimé du 25 avril 2022, la bénéficiaire a perçu un montant de CHF 22'702 au cours du mois de février 2022, un gain hypothétique d’un montant de CHF 5'956.95 devant en outre être retenu.

Selon la fiche de paie de février 2022 de la recourante, reçue par l’intimé en date du 9 mars 2022 (cf. pièce 87 intimé, p. 1), celle-ci a perçu un montant de CHF 1'891.85 au titre d’indemnités journalières et de salaire net pour ce mois, ce qui correspond à un montant annualisé de CHF 22'702.20. Le salaire mensuel net théorique de la recourante était quant à lui de CHF 2'340.10 selon sa fiche de paie de janvier 2021, ce qui correspond à un montant annuel de CHF 28'081.20. Ce second montant est seul déterminant selon l’art. 18 al. 2 RPCFam.

Le montant net que la recourante aurait pu obtenir si elle avait travaillé à plein temps s’élevait donc à CHF 40'116.- (10 x [28'081.20/7]). En conséquence, son revenu hypothétique se montait à CHF 6'017.40.- ([40'116 - 28'081.20] / 2).

La motivation de l’intimé ne permet pas de comprendre comment il est parvenu au chiffre de CHF 5'956.95, et notamment s’il s’agit de l’aboutissement d’un rétrocalcul du salaire net théorique de la recourante pour le mois de février 2022 sur la base de sa fiche de paie relative à ce mois. Il convient donc également de renvoyer la cause sur ce point à l’intimé pour qu’il le motive ou le corrige et, le cas échéant, calcule à nouveau les montants retenus au titre de gain d’activité lucrative et de gain hypothétique pour le mois de février 2022.

8.2.4 Selon la décision de l’intimé du 25 avril 2022, la bénéficiaire a perçu un gain d’activité lucrative effective de CHF 28'081.- au cours des mois de mars et d’avril 2022. L’intimé a en outre imputé à la recourante un revenu hypothétique de CHF 6'017.40.- pour ces deux mois.

S’agissant du montant de revenu hypothétique, il est correct comme il a été établi au considérant précédent. En revanche, c’est à tort que l’intimé a retenu un gain d’activité lucrative alors même qu’il disposait à tout le moins depuis le 9 mars 2022 de l’information selon laquelle la recourante percevait des indemnités journalières d’un montant inférieur.

L’intimé a corrigé son calcul dans sa proposition de décision datée du 19 mai 2022, en retenant un montant de CHF 24'454.20 au titre d’indemnité nette perçue d’une assurance, en lieu et place du montant de CHF 28'081.20. La décision sur opposition du 25 avril 2022 doit donc être corrigée en ce sens qu’un montant de CHF 24'454.20 au titre d’indemnité nette perçue d’une assurance doit être retenu en lieu et place d’un montant de CHF 28'081.20 au titre de revenu d’activité lucrative.

9.             En conclusion, le recours doit être partiellement admis.

La décision sur opposition de l’intimé du 25 avril 2022 doit être réformée en ce sens qu’aucun montant au titre de bourse d’étude ne doit être retenu dans les revenus déterminants de la recourante pour le mois d’avril 2022. Elle doit également être réformée en ce sens qu’un montant de CHF 24'454.20 doit être retenu dans les revenus déterminants de la recourante pour les mois de mars et d’avril 2022 en lieu et place du montant de CHF 28'081.20 retenu par l’intimé. Sur ces points, la cause est renvoyée à celui-ci pour qu’il effectue les corrections nécessaires.

La cause doit en outre être renvoyée à l’intimé pour qu’il motive ou corrige d’une part le montant retenu dans sa décision du 24 novembre 2021 au titre de gain d’activité lucrative effective et de revenu hypothétique pour le mois de novembre 2021. D’autre part, la cause doit être renvoyée à l’intimé pour qu’il explicite ou corrige le montant retenu dans sa décision sur opposition du 25 avril 2022 au titre de revenu hypothétique pour le mois de février 2022.

Pour le reste, les décisions du 15 novembre 2021, du 24 novembre 2021 et du 25 avril 2022 sont confirmées. C’est à juste titre que celui-ci a pris en compte un montant de CHF 18'000.-, en lien avec la bourse perçue par la recourante, dans les « revenus déterminants » de celle-ci pour les mois de septembre à décembre 2021 et de février à mars 2022. C’est également à juste titre qu’il a tenu compte d’un revenu hypothétique de la recourante puisqu’elle a réduit son taux d’activité, et ainsi son revenu d’activité lucrative, pour poursuivre des études.

10.         Selon l’art. 89H al. 3 LPA, une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause.

En l’espèce toutefois, et bien qu’elle obtienne partiellement gain de cause, la recourante, non représentée, n’a pas droit à des dépens (ATAS/595/2022 [arrêt de principe] du 9 juin 2022 consid. 9 ; ATAS/333/2022 du 11 avril 2022 consid. 9 ; ATAS/1320/2021 du 16 décembre 2021 consid. 9).

11.         Pour le surplus, en l’absence de norme spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les admet partiellement.

3.        Réforme la décision sur opposition de l’intimé du 25 avril 2022 en ce sens qu’aucun montant au titre de bourse d’étude ne doit être retenu dans le « revenu déterminant » de la recourante pour le mois d’avril 2022, et qu’un montant de CHF 24'454.20 doit être retenu dans les revenus déterminants de la recourante pour les mois de mars et d’avril 2022 en lieu et place du montant de CHF 28'081.20 retenu par la recourante.

4.        Renvoie pour le surplus la cause à l’intimé au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le