Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4407/2018

ATAS/144/2020 du 26.02.2020 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4407/2018 ATAS/144/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 février 2020

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après l'intéressé ou le recourant) est né le ______ 1980 et marié depuis le ______ 2017 à Madame B______, ressortissante suisse, née le ______1980, avec laquelle il a eu un fils, le ______ 2016. Son épouse est également mère d'une fille, née le ______ 2004, dont le père est Monsieur C______.

2.        L'intéressé a demandé des prestations complémentaires familiales le 4 juin 2018 au service des prestations complémentaires (ci-après le SPC ou l'intimé).

3.        Le 6 juin 2018, il a transmis au SPC une attestation établie le 5 juin 2018 par le docteur D______, médecin praticien spécialiste, indiquant que son épouse n'était pas apte à exercer une activité professionnelle à plein temps.

4.        À teneur d'un curriculum vitae réceptionné par le SPC le 12 juin 2018, l'épouse de l'intéressé avait une excellente maîtrise de l'expression orale et de très bonnes connaissances écrites en français et l'espagnol était sa langue maternelle. Elle avait travaillé comme conseillère de vente-caissière dans un centre commercial en Espagne de 1998 à 2000, puis comme agente d'entretien à Genève de 2001 à 2010. En 2012, elle avait travaillé comme bénévole au CSP en tant que conseillère de vente-caissière puis avait exercé la même activité en 2012 et 2013 avant de travailler à nouveau comme agente d'entretien.

5.        Par décision de prestations complémentaires familiales et de subsides d'assurance-maladie du 28 juin 2018, le SPC a informé l'assuré que le droit aux prestations complémentaires familiales ainsi qu'au subside d'assurance-maladie lui était refusé, car ses dépenses reconnues étaient entièrement couvertes par son revenu déterminant depuis le 1er juin 2018.

À teneur du plan de calcul annexé à la décision, le SPC a pris en compte dans le revenu déterminant un gain hypothétique adulte non actif pour l'épouse de l'intéressé correspondant à un gain de CHF 19'630.50 à 100%.

6.        Le 27 juillet 2018, l'assuré a formé opposition à la décision précitée contestant notamment le gain hypothétique retenu pour son épouse, dès lors qu'elle était en incapacité totale de travail, selon les justificatifs remis au SPC. Elle avait déposé une demande auprès de l'assurance-invalidité.

7.        Par décision sur opposition du 29 octobre 2018 (prestations complémentaires familiales), le SPC a informé l'intéressé avoir pris en compte, en application de l'art. 36E al. 3 LPCC, un gain hypothétique pour son épouse, car il n'avait pas été établi au degré de la vraisemblance prépondérante que la capacité de travail de celle-ci était nulle et durable. Le SPC confirmait en conséquence le montant pris en compte, qui correspondait aux gains qu'une personne pouvait réaliser dans une activité simple et répétitive à un taux inférieur à 50% (CHF 1'635.90 par mois). Le SPC a revanche admis les autres griefs du recourant, qui portaient sur le montant d'une pension alimentaire potentielle et les gains d'activité de l'intéressé.

Il ressortait du nouveau plan de calcul des arriérés de prestations complémentaires familiales en faveur du recourant s'élevant à CHF 1'900.- pour la période du 1er juin au 31 octobre 2018.

8.        Le 19 novembre 2018, l'intéressé et son épouse ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre la décision sur opposition du SPC concernant le calcul du gain hypothétique, indiquant avoir fourni, le jour de l'inscription, des certificats médicaux attestant de l'incapacité de l'épouse de l'intéressé (mai et juin 2018).

Ils transmettaient en annexe de leur recours un certificat médical du 28 juin 2018, par lequel le Dr D______ attestait que l'épouse de l'intéressé souffrait d'une atteinte bipolaire avec une tendance à passer aux actes devant certaines sollicitations ainsi que d'épilepsie de type généralisé et qu'elle ne bénéficiait d'aucune thérapie.

9.        Par décision du 11 décembre 2018, la chambre administrative de la Cour de justice s'est déclarée incompétente en raison de la matière pour juger du recours interjeté par le recourant et l'a transmis à la chambre des assurances sociales.

10.    Le 17 janvier 2019, le recourant a transmis à la chambre de céans une décision de l'assurance-invalidité concernant son épouse indiquant qu'aucune mesure de réadaptation n'était possible en raison de son état de santé et que son droit à une rente était en cours d'examen.

11.    Par réponse du 23 janvier 2019, le SPC a conclu au rejet du recours, faisant valoir que les certificats médicaux établis les 1er mai et 1er juin 2018 par le Dr D______, attestant d'une incapacité de travail de l'épouse de l'intéressé du 1er mai au 30 juin 2018, étaient très succincts et ne permettaient pas d'établir avec le degré de vraisemblance prépondérante requis que la capacité de travail de celle-ci était nulle et durable. Le rapport médical produit à l'appui du recours émanait d'un médecin qui n'était pas psychiatre et ne précisait pas la nature des limitations présentées, la période d'incapacité travail, le taux d'activité qui demeurait objectivement exigible dans une activité adaptée à l'état de santé, ni les traitements médicaux envisagés et le pronostic. Ce rapport ne pouvait dès lors pas se voir conférer une valeur probante.

12.    Par réplique du 4 février 2019, le recourant a expliqué que le Dr D______, en tant que médecin traitant de son épouse, recevait tous les rapports médicaux concernant cette dernière, en particulier ceux de sa psychologue et de son psychiatre. L'assurance-invalidité considérait que son épouse était incapable de se réadapter et de travailler en raison de son état de santé. Il avait produit des certificats médicaux pour mai et juin, le jour de son inscription au service des prestations complémentaires, car son épouse recevait des certificats mois par mois. Depuis le mois d'avril 2018, son épouse ne recevait aucune aide financière.

À l'appui de son écriture du 4 février 2019, le recourant a transmis une décision de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l'OAI) du 8 janvier 2019 communiquant à son épouse qu'aucune mesure de réadaptation n'était possible en raison de son état de santé.

13.    Le 25 février 2019, le recourant a appelé la chambre de céans l'informant que sa situation de famille était catastrophique qu'ils allaient être évacués de leur logement et que l'Hospice général n'entrait pas en matière, car il gagnait trop.

14.    Par ordonnance du 16 juillet 2019, la chambre de céans a requis la production par l'OAI du dossier de l'épouse de l'intéressé.

15.    L'OAI a transmis à la chambre de céans copie de sa procédure le 4 juillet suivant.

16.    Le 30 août 2019, l'intimé a relevé qu'il ressortait du dossier de l'OAI que l'épouse du recourant ne faisait l'objet d'aucun suivi auprès d'un psychiatre et que le dossier ne contenait, à ce jour, aucun rapport médical fouillé. L'expertise psychiatrique demandée par l'OAI n'avait pas encore été établie. En conséquence, il persistait à conclure au rejet du recours.

17.    Il ressort du dossier de l'OAI que celui-ci a demandé, le 2 mai 2019, une expertise psychiatrique au docteur E______.

18.    Le 9 janvier 2020, la chambre de céans a demandé à l'OAI la suite de son dossier, notamment le rapport d'expertise du Dr E______.

19.    Dans son rapport du 7 novembre 2019, reçu par la chambre de céans le 22 janvier 2020, le Dr E______ a conclu que l'épouse du recourant était totalement incapable de travailler depuis 2014 en raison d'une grave atteinte à sa santé psychique.

20.    Le 3 février 2020, l'intimé a pris note des conclusions du Dr E______ et relevé que la législation prévoyait qu'un revenu hypothétique était imputé aussi bien aux personnes qui exerçaient une activité à temps partiel qu'aux personnes qui leur étaient assimilées. Un revenu hypothétique devait ainsi être pris en compte pour les personnes qui percevaient des indemnités journalières de l'assurance-chômage ou couvrant une perte de gain en cas de maladie, d'accident, de maternité, d'adoption ou de service (art. 36A al. 5 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 [LPCC - J 4 25] et les art. 10 al. 1 et 18 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 [RPCFam - J 4 25.04]). La législation prévoyait donc la prise en compte d'un revenu hypothétique dans des situations d'incapacité de travail qui n'étaient pas majoritairement du fait des personnes concernées. Il n'avait pas souhaité que les personnes partiellement actives, puis en incapacité de travail, reçoivent davantage de prestations complémentaires familiales pendant l'incapacité. Il avait donc été décidé de tenir compte d'un gain hypothétique correspondant à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité (art. 18 al. 3 RPCFam). Il n'y avait aucune raison de placer dans une meilleure situation (par la renonciation à la prise en compte du gain hypothétique) la personne inactive tombée en incapacité de travail (du fait d'une maladie, d'un accident, etc.) que celle qui était partiellement active et qui subissait elle aussi une incapacité de travail pour les mêmes motifs. Dans le cas contraire, cela consacrerait une inégalité de traitement contraire à la lettre et à l'esprit de la loi. La seule exception à la prise en compte d'un gain hypothétique concernait la présence d'un enfant de moins d'un an dans le ménage d'une famille monoparentale (art. 36E al. 5 LPCC et 16 al. 1 RPCFam). L'incapacité de travail d'une personne qui était jusqu'alors inactive ne pouvait donc permettre la renonciation à la prise en compte d'un gain hypothétique. Plusieurs arrêts de la chambre des assurances sociales allaient dans ce sens (ATAS/1255/2013 du 17 décembre 2013 et 13/2016 du 12 janvier 2016). Certes, la chambre des assurances sociales s'était écartée de cette opinion dans un arrêt ATAS/817/2015 rendu en plenum le 29 octobre 2015. Cependant, la chambre avait alors fait application des art. 19 RPCFam et 11 al. 1 let. g LPC, auquel le premier article renvoyait. Or, l'art. 19 RPCFam ne pouvait concerner la renonciation à des gains d'activité lucrative, puisqu'une telle renonciation était régie de manière exhaustive par les art. 36E al. 2 à 5 LPCC et 16 à 18 al. 1 RPCFam. Par ailleurs, appliquer l'art. 19 RPCFam à tout type de revenus (comme les gains d'activité lucrative et les revenus de substitution) viderait de son objet l'art. 18 RPCFam qui prévoyait expressément un revenu hypothétique pour les personnes qui percevaient des indemnités journalières de l'assurance-chômage ou couvrant une perte de gain en cas de maladie, d'accident, de maternité, d'adoption ou de service (voir art. 36E al. 5 LPCC et 10 al. 1 RPCFam). Il ne pouvait être reproché aux chômeurs indemnisés, aux personnes malades, accidentés ou encore en congé maternité, tous partiellement actif avant leur incapacité, de renoncer désormais, c'est-à-dire pendant leur période d'incapacité, à l'exercice d'une activité lucrative. Si le législateur avait prévu un revenu hypothétique dans ces situations, c'était indépendamment d'une renonciation volontaire ou non à un tel revenu. En conclusion, l'intimé persistait dans ses conclusions en rejet du recours. Si l'épouse de l'assuré devait être prochainement mise au bénéfice d'une rente de l'assurance- invalidité, il lui serait loisible de demander des prestations complémentaires à l'assurance-invalidité, étant rappelé que le droit à de telles prestations excluait celui aux prestations complémentaires familiales (art. 36C al. 1 LPCC). Enfin, les prestations complémentaires familiales n'avaient pas pour vocation à servir d'avances aux prestations de l'assurance-invalidité.

21.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 3 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 43 LPCC concernant les prestations complémentaires familiales au sens de l'art. 36A LPCC en vigueur dès le 1er novembre 2012.

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Selon l'art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC, les dispositions de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires; LPC - RS 831.30) auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État et la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830).

3.        Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 43 LPCC et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985; LPA - E 5 10).

4.        Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte par l'intimé, dans le calcul du droit aux prestations complémentaires familiales du recourant, d'un gain hypothétique de CHF 19'630.50 pour l'épouse de celui-ci, à compter du 1er juin 2018.

5.        À teneur de l'art. 1 al. 2 LPCC, les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles, appelées prestations complémentaires familiales.

Selon l'art. 36A al. 1 LPCC, ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, cumulativement : ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (let. a) ; vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle (let. b); exercent une activité lucrative salariée (let. c); ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale. (Le Conseil d'État définit les exceptions) (let. d); et répondent aux autres conditions prévues par la loi (let. e).

Sont considérés comme enfants au sens de l'art. 36A al. 1 let. b : les enfants avec lesquels existe un lien de filiation en vertu du code civil (art. 36A al. 2 let. a LPCC).

Le taux de l'activité lucrative mentionnée à l'art. 36A al. 1 let. c LPCC doit être, par année, au minimum de 90% lorsque le groupe familial comprend deux personnes adultes (art. 36A al. 4 let. b LPCC).

Aux fins de la LPCC, les personnes qui touchent des indemnités en application de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982, sont assimilées aux personnes exerçant une activité lucrative (art. 36A al. 5 LPCC).

L'art. 36B LPCC définit le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux familles et destiné à la couverture des besoins vitaux. Il est basé sur le montant fixé à l'art. 3 al. 1 LPCC (al. 1). Ce montant est multiplié, selon le nombre de personnes comprises dans le groupe familial, par le coefficient prévu par la législation sur l'aide sociale individuelle et fixé par règlement du Conseil d'État (al. 2).

L'art. 36D LPCC prévoit que le montant annuel des prestations complémentaires familiales correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'art. 36F qui excède le revenu déterminant au sens de l'art. 36E, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'art. 15 al. 2 (al. 1). Les dépenses reconnues et les revenus déterminants des membres du groupe familial sont additionnés (al. 2). Font partie du groupe familial (al. 3): l'ayant droit (let. a) ; les enfants au sens de l'art. 36A al. 2 (let. b); le conjoint non séparé de corps ni de fait ou le partenaire enregistré non séparé de fait au sens de la loi fédérale (let. c); toutes les autres personnes qui ont, à l'égard des enfants, un lien de filiation ou la qualité de parents nourriciers au sens de l'art. 36A al. 2 let. c, et font ménage commun avec eux (let. d).

Aux termes de l'art. 36E al. 1 LPCC, le revenu déterminant est en principe calculé conformément à l'art. 11 LPC, moyennant les adaptations énoncées aux let. a à d. De même, pour l'évaluation du revenu provenant de l'exercice d'une activité lucrative en particulier, l'art. 2 al. 1 RPCFam renvoie expressément aux dispositions d'exécution de la loi fédérale.

6.        En cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps (art. 36E al. 2 LPCC).

Selon l'art. 36E al. 3 LPCC, lorsque l'un des adultes composant le groupe familial n'exerce pas d'activité lucrative, il est tenu compte d'un gain hypothétique qui correspond à la moitié du montant destiné à la couverture des besoins vitaux de deux personnes selon l'art. 36B al. 2 LPCC.

Il n'est pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an (art. 36E al. 5 LPCC).

Les personnes au bénéfice d'indemnités journalières couvrant une perte de gain en cas de maladie, d'accident, de maternité, d'adoption ou de service sont considérées comme exerçant une activité lucrative salariée au sens de l'art. 36A, al. 1, let. c, de la loi (art. 10 al. 1 RPCFam).

Il n'est pas tenu compte du gain hypothétique au sens de l'art. 36E al. 5 de la loi lorsque l'adulte seul qui fait ménage commun avec un enfant de moins d'un an exerce une activité lucrative salariée au sens de l'art. 36A al. 4 let. a de la loi, ou touche des indemnités mentionnées par l'art. 36A, al. 5 de la loi ou par l'art. 10 al. 1 du présent règlement (art. 16 al. 1 RPCFam).

Le gain hypothétique des personnes considérées comme exerçant une activité lucrative est déterminé selon le gain et le taux d'activité réalisés avant la perception des indemnités pour perte de gain définies aux art. 36A, al. 5 de la loi, et 10 al. 1 du présent règlement (art. 18 al. 2 RPCFam).

Le gain hypothétique correspond à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité (art. 18 al. 3 RPCFam).

Lorsqu'un ayant droit ou un membre du groupe familial renonce à des éléments de revenus ou renonce à faire valoir un droit à un revenu, il est tenu compte d'un revenu hypothétique, conformément à l'art. 11, al. 1, let. g de la loi fédérale (art. 19 al. 1 RPCFam).

L'art. 20 RPCFam, applicable par renvoi de l'art. 36B al. 2 LPCC, indique que le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti s'élève à CHF 25'661.- (al. 1). Ce montant est multiplié par 1,53 pour deux personnes (art. 20 al. 2 let. a RPCFam). Dans ce cas, contrairement à l'art. 36E al. 2 applicable en cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il ne ressort ni de la loi, ni du projet de loi qu'il y ait lieu d'adapter le gain hypothétique retenu selon le taux d'activité exigible, de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'il s'agit d'un montant unique (ATAS/111/2016 du 10 février 2016 consid. 7c).

Lorsqu'un ayant droit ou un membre du groupe familial renonce à des éléments de revenus ou renonce à faire valoir un droit à un revenu, il est tenu compte d'un revenu hypothétique, conformément à l'art. 11 al. 1 let. g LPC (art. 19 al. 1 RPCFam).

Aux termes de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, les revenus déterminants pour calculer le montant de la prestation complémentaire annuelle comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi.

Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 134 I 65 consid. 3.2 ; ATF 131 V 329 consid. 4.2). Il y a notamment dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en faisait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1), à l'instar du conjoint d'un assuré qui s'abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de l'art. 163 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) sur le devoir des époux de contribuer, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille, de même que de l'art. 159 al. 3 CC sur le devoir d'assistance que se doivent les époux (ATF 134 V 53 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 8C_258/2008 du 12 décembre 2008 consid. 4; ATAS/246/2016 du 24 mars 2016 consid. 2b). En vertu du devoir de solidarité qu'énoncent ces dispositions, les conjoints sont responsables l'un envers l'autre non seulement des effets que le partage des tâches adopté durant le mariage peut avoir sur la capacité de gain de l'un des époux, mais également des autres motifs qui empêcheraient celui-ci de pourvoir lui-même à son entretien. Dans certaines circonstances, un conjoint qui n'avait pas travaillé ou seulement de manière partielle peut se voir contraindre d'exercer une activité lucrative ou de l'étendre, pour autant que l'entretien convenable l'exige (arrêt du Tribunal fédéral 9C_240/2010 du 3 septembre 2010 consid. 4.1).

La chambre de céans a déjà jugé à plusieurs reprises que le but de la LPCC n'est pas de pallier aux difficultés financières des familles résultant d'une incapacité de travail temporaire ou d'une invalidité. De telles éventualités sont assurées notamment par l'assurance-accidents, l'assurance-invalidité, y compris les prestations complémentaires fédérales et cantonales, ou encore par les indemnités de l'assurance-chômage en cas de maladie et les prestations cantonales en cas de maladie. Tenir compte, dans l'établissement du droit aux prestations complémentaires familiales, d'une incapacité de travail (temporaire ou permanente) reviendrait à intégrer un facteur étranger aux situations pour lesquelles le législateur cantonal a entendu instaurer une aide financière aux familles. Le but du législateur en instaurant des prestations complémentaires familiales était précisément de valoriser le travail, d'encourager le maintien ou la reprise d'un emploi, ou l'augmentation du taux d'activité, notamment par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires (ATAS/1255/2013 du 17 décembre 2013 consid. 8; ATAS/527/2013 du 27 mai 2013 consid. 3c; ATAS/13/2016 du 12 janvier 2016).

Une dérogation à la prise en compte d'un gain hypothétique en cas d'incapacité de travail ne peut se déduire, pour les prestations complémentaires familiales, de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, qui prévoit que les revenus déterminants comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi et de l'interprétation donnée à cette disposition, voulant qu'un dessaisissement soit retenu (donc un gain hypothétique) notamment lorsque le conjoint d'un assuré s'abstient de mettre en valeur sa capacité de travail alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de son devoir de contribuer, selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille, donc en considération de son âge, de son état de santé, de ses connaissances linguistiques, de sa formation professionnelle, de son activité exercée jusqu'ici, du marché de l'emploi, du temps plus ou moins long pendant lequel il a été éloigné de la vie professionnelle (art. 163 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 ; ATF 134 V 53 consid. 4.1 ; 117 V 287 consid. 3b ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 95, 132 ss et 141 ad art. 11).

D'une part les prestations complémentaires familiales sont des prestations sociales régies par le droit cantonal, indépendamment du droit fédéral, et d'autre part elles sont conçues, comme déjà indiqué, dans une perspective différente tant des prestations complémentaires fédérales que des autres prestations complémentaires prévues par le droit cantonal, à savoir les prestations complémentaires cantonales, qui, elles, sont bien davantage calquées sur les prestations complémentaires fédérales (cf. art.1A al. 1 et art. 5 LPCC). Certes, pour les prestations complémentaires familiales, l'art. 36E al. 1 LPCC définit le revenu déterminant en faisant référence à l'art. 11 LPC (moyennant certaines adaptations), mais cette norme se trouve complétée par des précisions dérogatoires s'harmonisant avec la finalité desdites prestations, dont celles, déjà citées, qu'en cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps (art. 36E al. 2 LPCC), que lorsque l'un des adultes composant le groupe familial n'exerce pas d'activité lucrative, il est tenu compte d'un gain hypothétique qui correspond à la moitié du montant destiné à la couverture des besoins vitaux de deux personnes définis par la législation pertinente (art. 36E al. 3 LPCC), et qu'il n'est pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an (art. 36E al. 5 LPCC). De plus, si l'art. 2 al. 1 RPCFam déclare applicables les dispositions d'exécution de la LPC concernant notamment le dessaisissement, lesdites dispositions d'exécution - à savoir l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) - n'excluent pas la prise en compte d'un gain hypothétique en considération d'une incapacité de travail.

Il ne saurait être déterminant que l'intimé aurait la perspective d'obtenir la rétrocession des prestations complémentaires familiales qui s'avéreraient avoir été versées indûment si la recourante percevait finalement une rente d'invalidité couvrant rétroactivement la période considérée en l'espèce, voire alors - de façon exclusive de prestations complémentaires familiales (art. 36C al. 1 LPCC) - des prestations complémentaires cantonales. Cette possibilité serait bien plus précaire et aléatoire dans l'hypothèse inverse (ATAS/13/2016 du 12 janvier 2016).

L'arrêt du 29 octobre 2015 (ATAS/817/2015) cité par l'intimé ne remet pas en cause la jurisprudence constante précitée de la chambre de céans, dès lors qu'il concerne une problématique différente et, en particulier, pas le cas d'une assurée incapable de travailler.

Eu égard aux considérations qui précèdent, c'est à juste titre que l'intimé a tenu compte d'un revenu hypothétique pour l'épouse du recourant en tant que membre composant le groupe familial et ce, quand bien même l'expertise du Dr E______ rend vraisemblable qu'elle est incapable de travailler depuis 2014 et que l'intimé a motivé de façon erronée la décision querellée.

7.        En conséquence, le recours doit être rejeté.

8.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le