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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/428/2020

ATAS/1195/2020 du 03.12.2020 ( PC ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.01.2021, rendu le 09.02.2021, RETIRE, 8C_45/2021
*** ARRET DE PRINCIPE ***
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/428/2020 ATAS/1195/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 décembre 2020

 

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : la bénéficiaire ou la recourante), ressortissante Sénégalaise née le ______ 1981, a été mise au bénéfice d'un livret B dès le 16 février 2012, puis d'un livret C depuis le 18 septembre 2013. Le 5 novembre 2013, elle s’est séparée de Monsieur B______, dont elle a divorcé le 18 mai 2018. Une fille est née de cette union le ______ 2009.

2.        Du 1er février 2017 au 31 janvier 2019, la bénéficiaire a travaillé à 50 % comme employée d’entretien pour un centre médico-chirurgical.

3.        Dès le 1er février 2017, elle a été mise au bénéfice de prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam) versées par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé).

Le calcul y relatif prenait en compte un revenu hypothétique imputé à la bénéficiaire (soit CHF 9'846.30).

4.        Le 30 août 2018, cette dernière a informé le SPC du décès de M. B______ le ______ 2018.

5.        Le 14 décembre 2018, le SPC a indiqué à la bénéficiaire que, dès le 1er janvier 2019, elle recevrait une PCFam mensuelle s'élevant à CHF 2'092.-.

Parmi les éléments retenus, un revenu hypothétique d'un montant de CHF 9'846.30 était pris en compte.

6.        Le 17 décembre 2018, la bénéficiaire a communiqué au SPC une décision de la Caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des Entreprises Romandes
(ci-après : la FER CIAM) lui octroyant, dès le 1er septembre 2018, une rente de veuve de CHF 1'169.- par mois, ainsi qu’une rente d’orpheline pour sa fille de CHF 585.- par mois.

7.        Dès le 1er février 2019, la bénéficiaire a été inscrite auprès de l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE).

8.        Le 4 février 2019, la doctoresse C______, spécialiste FMH en médecine générale, a attesté que le travail de nuit était, pour le moment, contre-indiqué pour la bénéficiaire.

9.        À la demande du SPC, la bénéficiaire a transmis, le 28 mai 2019, une attestation selon laquelle elle était apte à exercer une activité professionnelle à plein temps, signée par la Dresse C______.

10.    Du 4 avril au 29 novembre 2019, la bénéficiaire, inscrite auprès de l’OCE, a suivi un stage de requalification, selon un horaire de 40 heures par semaine (formation modulaire pour adultes d’aide en soins et accompagnement - huit mois) auprès de l'organisation genevoise du monde du travail pour la formation professionnelle dans les domaines de la santé et du social (ci-après : OrTra).

11.    Par décision du 29 mai 2019, le SPC a informé la bénéficiaire avoir recalculé son droit aux prestations pour la période du 1er septembre 2018 au 31 mai 2019.

Il en résultait un solde en faveur du SPC de CHF 6’757.- correspondant aux PCFam versées à tort pour la période du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019. Étaient pris en compte les rentes de veuve et d’orpheline de la FER CIAM, les indemnités de chômage perçues dès le 1er février 2019, une diminution du revenu hypothétique de la bénéficiaire à CHF 9'192.-, ainsi qu’un barème commun, pour la fille de la bénéficiaire, avec les prestations complémentaires à l’AVS.

12.    Le 11 juin 2019, la bénéficiaire a fait opposition à la décision précitée du SPC, en contestant la prise en compte d’un revenu hypothétique de CHF 9'192.- et de l’indemnité d’assurance de CHF 26'965.-.

Dès le décès du père de sa fille, elle avait dû assurer seule la garde et l’entretien de celle-ci, âgée de 9 ans, de sorte qu’il ne lui était pas possible de travailler à plus de 50 %. De plus, dès le 1er février 2019, elle suivait, par le biais du chômage, un stage et des cours, soit une occupation à 100 %, de sorte qu’elle ne pouvait travailler davantage.

13.    Le 3 décembre 2019, le SPC a octroyé à la bénéficiaire, des PCFam mensuelles de CHF 3'600.-, dès le 1er janvier 2020.

Un gain hypothétique de CHF 9'192.- était pris en compte.

14.    Le 13 décembre 2019, la bénéficiaire a fait opposition à cette décision pour les mêmes motifs que ceux invoqués précédemment.

15.    Par décision sur opposition du 9 janvier 2020, le SPC a partiellement admis l’opposition de la bénéficiaire à l’encontre de sa décision du 29 mai 2019.

Étant séparée de M. B______ depuis janvier 2014, la bénéficiaire avait la garde de sa fille, exerçait une activité à 50 % et était aidée par l'Hospice général (ci-après : l'hospice). Ainsi, le décès de M. B______ n’avait eu aucune influence sur la prise en charge financière de sa fille. Il ne pouvait être renoncé à un revenu hypothétique que si l’enfant avait moins d’un an. Compte tenu des art. 36E al. 5 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25) et 16 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04), un revenu hypothétique de CHF 9'846.30 était pris en considération pour la période du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019 (avant chômage).

S'agissant de la période du 1er février au 31 mai 2019 (pendant le chômage), le revenu hypothétique imputé était rapporté à CHF 9'192.-. Vu les art. 1 al. 2, 36A al. 1 let. a à e, 36E et 36F LPCC, ainsi que l'art. 18 al. 3 RPCFam, un revenu hypothétique était retenu pour les personnes qui étaient au chômage, bien que celles-ci soient tenues de remplir leurs obligations envers l'assurance-chômage et de suivre les instructions de l'OCE.

L’indemnité d’assurance étant réduite à CHF 21'048.-, la demande en remboursement de CHF 6'757.- était ramenée à CHF 5'936.-.

16.    Par décision du 9 janvier 2020, le SPC a informé la bénéficiaire avoir recalculé son droit aux PCFam pour la période du 1er juin 2019 au 31 janvier 2020, de sorte qu'elle avait droit à CHF 521.- par mois du 1er juin au 31 décembre 2019 et à CHF 526.- dès janvier 2020.

Sur la base de l'art. 18 al. 3 RPCFam, un revenu hypothétique de CHF 9'192.- était pris en considération. Selon les nouveaux plans de calcul, les arriérés de PCFam en faveur de la bénéficiaire s'élevaient à CHF 3'243.- pour la période du 1er juin 2019 au 31 janvier 2020.

17.    Le 20 janvier 2020, la bénéficiaire a fait opposition à la décision précitée du SPC, en contestant la prise en compte d’un revenu hypothétique d’avril à novembre 2019, au motif qu’elle était en formation d’aide-soignante dans le cadre du chômage, ainsi que le calcul de son loyer. À cet égard, elle transmettait une attestation pour un stage de requalification de l’OCE (formation modulaire pour adulte en soins et accompagnements - huit mois) du 4 avril au 29 novembre 2019, selon un horaire hebdomadaire de 40 heures, ainsi qu'une attestation de formation professionnelle en aide en soins et accompagnement AFP du 20 décembre 2019.

18.    a. Par décision du 23 janvier 2020, annulant celle sur opposition du 9 janvier 2020, le SPC a partiellement admis l'opposition de la bénéficiaire du 11 juin 2019 contre sa décision du 29 mai 2019.

Pour les périodes du 1er septembre 2018 au 31 mai 2019, respectivement du 1er février au 31 mai 2019, le SPC maintenait sa position quant au revenu hypothétique imputé à la bénéficiaire. Ainsi, il était de CHF 9'846.30 pour la période du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019 (avant chômage, selon les art. 36E al. 5 LPCC et 16 al. 1 RPCFam) et de CHF 9'192.- pour la période du 1er février au 31 mai 2019 (pendant chômage, sur la base de l'art. 18 al. 3 RPCFam). S'agissant des indemnités d'assurances, il était également tenu compte d'un montant de CHF 21'048.- au lieu de CHF 26'965.-. En raison d'une rectification du montant du loyer, les PCFam dues pour le mois de mai 2019 étaient de CHF 929.- au lieu de CHF 521.-. La demande en remboursement de CHF 6'757.- était ainsi réduite à CHF 5'528.-.

b. Par décision séparée du même jour, annulant celle du 9 janvier 2020, le SPC a informé la bénéficiaire des nouveaux plans de calculs des PCFam à partir du 1er juin 2019.

Il en ressortait un arriéré de PCFam de CHF 6'507.-, en faveur de la bénéficiaire pour la période du 1er juin 2019 au 31 janvier 2020. Ce montant était affecté au trop perçu de PCFam pour la période du 1er septembre 2018 au 31 mai 2019, soit CHF 5'528.-. Les PCFam mensuelles accordées étaient de CHF 929.- (au lieu de CHF 521.-) pour la période du 1er juin au 31 décembre 2019 et de CHF 934.- (au lieu de CHF 526.-) dès le 1er janvier 2020, en raison d'une rectification du montant du loyer. Il était également tenu compte d'un revenu hypothétique de CHF 9'192.- selon l'art. 18 al. 3 RPCFam et d'une indemnité d'assurance de CHF 21'048.-.

19.    Par acte du 3 février 2020, la bénéficiaire a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition du 23 janvier 2020, en contestant la prise en compte d’un revenu hypothétique pour les périodes du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019 et du 1er avril au 31 mai 2019.

En substance, elle reprenait ses précédents développements.

20.    Le 2 mars 2020, l'intimé a conclu au rejet du recours.

La recourante n'invoquait aucun argument susceptible de le conduire à une appréciation différente du cas.

La législation en vigueur prévoyait expressément qu'un revenu hypothétique était imputé aussi bien aux personnes qui exerçaient une activité à temps partiel qu'aux personnes qui leur étaient assimilées (art. 36A al. 5 LPCC, 10 al. 1 et 18 al. 1 RPCFam). Le législateur n'avait pas souhaité que les personnes partiellement actives, puis en incapacité de travail, reçoivent davantage de PCFam pendant leur incapacité. Il avait donc décidé de tenir compte d'un gain hypothétique correspondant à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité (art. 18 al. 3 RPCFam). Il n'y avait donc aucune raison de placer dans une meilleure situation (par la renonciation à la prise en compte du gain hypothétique) la personne inactive tombée en incapacité de travail (du fait d'une maladie, d'un accident, du chômage, etc.) que celle qui était partiellement active et qui subissait elle aussi une incapacité de travail (pour les mêmes motifs), au risque de consacrer une inégalité de traitement contraire à la lettre et à l'esprit de la loi.

La seule exception à la prise en considération d'un revenu hypothétique était la présence d'un enfant de moins d'un an dans le ménage d'une famille monoparentale (art. 36B al. 2, 36E al. 3 et 5 LPCC et 16 al. 1 RPCFam). L'incapacité de travail d'une personne jusqu'alors inactive ne pouvait donc permettre la renonciation à la prise en compte d'un gain hypothétique. Plusieurs arrêts de la chambre de céans allaient dans ce sens (ATAS/1255/2013 du 17 décembre 2013 ; ATAS/13/2016 du 12 janvier 2016). Certes, la chambre de céans s'était écartée de cette opinion dans un arrêt plenum (ATAS/817/2015 du 29 octobre 2015 ; ATAS/955/2014 du 25 août 2014). Cependant, elle avait alors fait application des art. 19 RPCFam et 11 al. 1 let. g de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30).

Toutefois, l'art. 19 RPCFam ne pouvait concerner la renonciation à des gains d'activité lucrative, puisqu'une telle renonciation était régie de manière exhaustive par les art. 36E al. 2 à 5 LPCC et 16 à 18 RPCFam. Appliquer l’art. 19 RPCFam à tous types de revenus, vidait de son objet l’art. 18 RPCFam qui prévoyait un revenu hypothétique pour les personnes percevant des indemnités journalières de l'assurance-chômage ou couvrant une perte de gain en cas de maladie, d'accident, de maternité, d'adoption ou de service (art. 36A al. 5 LPCC et 10 al.1 RPCFam). Or, on ne pouvait reprocher aux chômeurs indemnisés, aux personnes malades, accidentées ou encore en congé maternité, tous partiellement actifs avant leur incapacité, de renoncer désormais, c’est-à-dire pendant leur période d’incapacité, à l’exercice d’une activité lucrative. Le revenu hypothétique était bien indépendant d'une renonciation volontaire ou non à un tel revenu.

La loi prévoyait expressément la prise en compte d’un revenu hypothétique pour les personnes qui étaient au chômage, bien que ces personnes soient tenues de remplir leurs obligations envers l’assurance-chômage et de suivre les instructions de l’OCE. La législation en vigueur ne distinguait ainsi pas, parmi les chômeurs indemnisés, ceux qui suivaient une formation, un cours de perfectionnement, un cours de langue ou accomplissaient un stage (à l’instar de la recourante). Tous devaient se voir imputer le revenu hypothétique prévu à l’art. 18 al. 3 RPCFam.

21.    Dans sa réplique du 27 mars 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions et précédents développements.

L'intimé n’avait pas répondu à son argument selon lequel il n’était pas exigible qu’elle exerce une activité à plein temps alors qu’elle était en formation de sa propre initiative durant huit mois, à plus de 100 %.

Dans la mesure où l'art. 36E al. 1 LPCC renvoyait expressément à la LPC, aux dispositions d'exécution de celle-ci et aux directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC) éditées par l'office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), et que le but du législateur était de sanctionner ceux dont l'effort de travail était inférieur à celui que l'on pouvait raisonnablement attendre d'eux, il était raisonnable de considérer que la jurisprudence rendue à propos de l'art. 11 al. 1 let. g LPC s'appliquait également et par analogie à la prise en compte d'un gain hypothétique en matière de PCFam. Il n'y avait pas de motif pour une interprétation plus restrictive de la notion d'effort de travail raisonnablement exigible.

Avant de bénéficier d'indemnités de chômage, elle travaillait en qualité
d'aide-soignante non qualifiée, effectuant des horaires de nuit, à un taux de 50 %. Cette situation lui permettait de s'occuper de sa fille, dont le père était absent. Afin d'améliorer ses conditions de travail, elle avait entrepris la formation d'aide en soins de l'OrTra, démarche soutenue par l'OCE. Cela lui avait permis de signer un contrat de formation d'une durée de huit mois, à compter du 1er avril 2019. Celui-ci devait être considéré comme un changement de situation. Entre les mois d'avril et de novembre 2019, son taux d'occupation était de 100 %, voire plus. Le SPC ne pouvait pas prétendre qu'elle aurait dû avoir une activité de 50 % en plus de sa formation à 100 %. Il n'avait pas non plus déterminé si l'exercice d'une activité à plein temps, en dehors de la formation suivie, était raisonnablement exigible.

22.    Le 30 avril 2020, l'intimé a dupliqué en soulignant que, dans son arrêt ATAS/144/2020 du 26 février 2020, la chambre de céans avait confirmé le gain hypothétique imputé à une personne en incapacité totale de travailler et ayant déposé une demande de prestations AI.

23.    Le 15 mai 2020, la recourante a observé que le cas cité par l'intimé différait du sien, dès lors qu’elle était engagée totalement dans une formation afin de retrouver un emploi. Par conséquent, la prise en compte d’un revenu hypothétique dans le but d’encourager la personne concernée à augmenter son taux d’activité était objectivement insoutenable.

24.    Sur demande de la juge déléguée, le SPC a précisé, par courrier du 24 novembre 2020, que la recourante et sa fille ne remplissaient pas les conditions légales pour pouvoir prétendre à des prestations complémentaires à l'AVS/AI. L'intéressée étant ressortissante sénégalaise au bénéfice d'un titre de séjour valable depuis le 16 février 2012, le délai de carence de dix ans précédant la date de dépôt de la demande de prestations complémentaires à l'AVS n'était pas échu.

25.    Sur quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LPC. Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 LPCC.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Selon l'art. 1A al. 2 LPCC, les prestations complémentaires familiales sont régies par les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC, les dispositions de la LPC auxquelles la LPCC renvoie expressément, les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État (art. 2 al. 1 RPCFam), ainsi que la LPGA et ses dispositions d'exécution.

3.        Interjeté dans la forme et le délai prescrits, le recours est recevable (art. 60 et 61 let. b LPGA, 43 LPCC et 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

4.        Le litige porte sur le bien-fondé de la prise en compte, par l'intimé, d'un gain hypothétique dans le calcul du droit aux PCFam de la recourante, pour la période du 1er septembre 2018 au 31 mai 2019.

5.        a. La couverture des besoins vitaux en matière d'assurance-vieillesse et survivants et d'invalidité est une tâche incombant conjointement à la Confédération et aux cantons (art. 112a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

Ce principe se trouve concrétisé par l'art. 2 al. 1 LPC selon lequel la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux. Les prestations complémentaires prévues par la LPC se composent de la prestation complémentaire annuelle, qui est une prestation en espèces, versée mensuellement, calculée sur la base de revenus et dépenses réguliers et prévisibles, et qui fait l'objet d'un financement conjoint de la Confédération et des cantons (art. 3 al. 1 let. a et al. 2, 13 et 15 LPC), et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité, sur présentation de pièces justificatives, prestations en nature à la charge exclusive des cantons (art. 3 al. 1 let. b, 14 et 16 LPC).

La LPC n'empêche pas les cantons de développer leurs propres prestations sociales. Ils peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et en fixer les conditions d'octroi (art. 2 al. 2 phr. 1 LPC). Ils disposent d'une entière autonomie pour prévoir et régler des aides supplémentaires, pour le financement desquelles, toutefois, ils ne reçoivent pas de contributions de la Confédération ni ne peuvent percevoir de cotisations patronales (art. 2 al. 2 phr. 2 LPC ; Michel VALTERIO, Commentaire de la LPC, 2015, n. 1 ss ad art. 2).

b. Le canton de Genève prévoit ainsi deux types de prestations sociales, en complément ou en marge des prestations complémentaires prévues par la LPC, ciblant deux catégories distinctes de bénéficiaires, à savoir d'une part les personnes âgées, les conjoints ou partenaires enregistrés survivants, les orphelins et les invalides - bénéficiaires pouvant prétendre le cas échéant au versement de prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (art. 1 al. 1 et 2 à 36 LPCC) - et d'autre part, les familles avec enfant(s) - bénéficiaires pouvant le cas échéant prétendre au versement de PCFam (art. 1 al. 2, 36A à 36I LPCC ; ATAS/802/2019 du 9 septembre 2019 consid. 5).

c. Les prestations complémentaires cantonales familiales ont été introduites à Genève depuis le 1er novembre 2012 (PL 10600 modifiant la LPCC du 11 février 2011). Elles visent une catégorie de bénéficiaires de prestations complémentaires cantonales qui ne sont pas des rentiers AVS/AI, mais des familles pauvres dont les parents travaillent (Mémorial du Grand Conseil du 17 décembre 2009 et rapport de commission du 15 novembre 2010).

Selon l'exposé des motifs du PL 10600, le projet de loi vise précisément à améliorer la condition économique des familles pauvres. La prestation complémentaire familiale qui leur est destinée, ajoutée au revenu du travail, leur permettrait d’assumer les dépenses liées à leurs besoins de base. Grâce au caractère temporaire de cette aide financière et aux mesures d’incitation à l’emploi qu’elle associe, le risque d’enlisement dans le piège de l’aide sociale à long terme et de l’endettement serait largement écarté. En effet, le revenu hypothétique étant pris en compte dans le calcul des prestations, il constituait un encouragement très fort à reprendre un emploi ou augmenter son taux d'activité (MGC 2009-2010 III A 2828).

La cible du projet était d’améliorer la situation économique des familles pauvres qui travaillent (working poor). Il sanctionnerait ceux dont l’effort de travail était inférieur à celui que l’on pouvait raisonnablement attendre d’eux.

Les objectifs principaux du projet étaient les suivants :

- soutenir financièrement les ménages dont le risque de pauvreté est le plus élevé et dont le revenu d'une activité lucrative ne leur procure pas de ressources suffisantes;

- éviter à ces familles de demander l'aide sociale auprès de l'Hospice général;

- réaliser une économie en remplaçant les prestations d'aide sociale par des prestations complémentaires dont le coût, en termes de frais d'administration, est moins élevé;

- encourager le maintien, la reprise d'un emploi ou l'augmentation du taux d'activité par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires familiales;

- couvrir le déficit de revenus de toute la famille en prenant en compte le loyer et les primes d'assurance-maladie, deux postes très importants des dépenses d'un ménage;

- s'aligner sur le concept des prestations complémentaires à l'AVS/AI parce qu'il s'agit de prestations liées au besoin;

- offrir aux familles la possibilité d'améliorer leur employabilité en favorisant l'accès à des mesures d'insertion professionnelle;

- permettre une intégration de ces prestations dans le dispositif du revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales (revenu déterminant unifié - RDU) et en faciliter ainsi la mise en application.

Selon le rapport de la commission des affaires sociales, un commissaire a par ailleurs relevé que supprimer le gain hypothétique enlèverait toute la valeur au projet de loi (PL10600-A p. 12/117). En outre, entendu par la commission des affaires sociales, Avenir social - section Genève a souligné, d’une part, que le gain hypothétique ne devrait pas être un frein en soi à ce qu’une personne puisse faire valoir son incapacité de gain, pour des raisons de maladie par exemple et, d’autre part, qu’un certificat médical justifiant l’incapacité de travailler permettrait de réduire le gain hypothétique pour des raisons de maladie (PL 10600-A p. 15/117).

6.        a. Selon l'art. 36A al. 1 LPCC, ont droit aux prestations complémentaires familiales les personnes qui, cumulativement : ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis 5 ans au moins au moment du dépôt de la demande de prestations (let. a) ; vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle (let. b) ; exercent une activité lucrative salariée (let. c) ; ne font pas l'objet d'une taxation d'office par l'administration fiscale cantonale (le Conseil d'État définit les exceptions ; let. d) ; et répondent aux autres conditions prévues par la loi (let. e).

Pour bénéficier des prestations, le taux de l'activité lucrative mentionnée à l'art.  36A al. 1 let. c LPCC, doit être, par année, au minimum de 40 % lorsque le groupe familial comprend une personne adulte (art. 36A al. 4 let. a LPCC).

Aux fins de la LPCC, les personnes qui touchent des indemnités en application de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0), sont assimilées aux personnes exerçant une activité lucrative (art. 36A al. 5 LPCC).

Le revenu minimum cantonal d'aide sociale garanti aux familles, destiné à la couverture des besoins vitaux, est basé sur le montant fixé à l'art. 3 al. 1 LPCC. Ce montant est multiplié, selon le nombre de personnes comprises dans le groupe familial, par le coefficient prévu par la législation sur l'aide sociale individuelle et fixé par règlement du Conseil d'État (art. 36B LPCC).

Le montant annuel des PCFam correspond à la part des dépenses reconnues au sens de l'art. 36F LPCC qui excède le revenu déterminant au sens de l'art. 36E LPCC, mais ne doit pas dépasser le montant prévu à l'art. 15 al. 2 LPCC (art. 36D al. 1 LPCC).

b. L'art. 36E al. 1 LPCC prescrit que le revenu déterminant est calculé conformément à l'art. 11 LPC, moyennant les adaptations suivantes : les ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative sont intégralement prises en compte (let. a) ; le revenu déterminant est augmenté d'un cinquième de la fortune calculée en application de l'art. 7 LPCC (let. b) ; les bourses d'études et autres aides financières destinées à l'instruction sont prises en compte (let. c) ; les ressources de l'enfant ou de l'orphelin à charge provenant de l'exercice d'une activité lucrative régulière sont prises en compte à raison de 50 % (let. d).

Le commentaire précise au sujet de l'art. 36E al. 1 LPCC que, « comme c'est le cas pour les prestations cantonales complémentaires à l'AVS/AI, le calcul des prestations complémentaires familiales s'aligne sur celui des prestations fédérales complémentaires à l'AVS/AI. Par conséquent, le revenu déterminant est calculé conformément à la [LPC], par un renvoi explicite à l'[art. 11 LPC] de celle-ci, sous réserve des adaptations spécifiques figurant aux lettres a à d. Ces adaptations permettent en outre de rendre compatible le calcul des prestations complémentaires familiales avec celui du revenu déterminant unifié (RDU).

Conformément à l'art. 1A al. 2 du projet, le règlement du Conseil d'État déterminera les dispositions de l'OPC qui sont applicables pour le calcul du revenu en matière de prestations familiales » (MGC 2009-2010 III A 2850-2851).

En cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il est tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps (art. 36E al. 2 LPCC).

Lorsque l'un des adultes composant le groupe familial n'exerce pas d'activité lucrative, il est tenu compte d'un gain hypothétique qui correspond à la moitié du montant destiné à la couverture des besoins vitaux de deux personnes selon l'art. 36B al. 2 LPCC (art. 36E al. 3 LPCC).

Le commentaire relatif à l'art. 36E al. 2 et 3 LPCC, contenu dans le PL 10600, relève qu' « en cas d'activité lucrative à temps partiel, le gain hypothétique fixé à l'[art. 36E al. 2 LPCC] crée une incitation pour les ménages à obtenir une rémunération de l'activité lucrative au moins égale au montant ainsi fixé, respectivement sanctionne les ménages dont l'effort de travail est inférieur à cette exigence. Le gain hypothétique dépend du taux d'activité et du salaire effectifs de la personne qui travaille et correspond à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps. Le principe de la prise en compte d'un gain hypothétique est également retenu par la [LPC] » (MGC 2009-2010/III A 2851).

Il n'est pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial est constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an (art. 36E al. 5 LPCC).

Selon le commentaire concernant l'art. 36E al. 5 LPCC, « cet alinéa permet de moduler la prise en compte d'un gain hypothétique pour les familles monoparentales comptant des enfants âgés de moins d'un an. De la sorte, on tient compte des contraintes organisationnelles de ces familles, tout en respectant un temps nécessaire à l'éducation des enfants » (MGC 2009-2010/III A 2851).

c. Selon leurs intitulés, les art. 16 à 18 RPCFam ont trait à la notion de « gain hypothétique », tandis que l'art. 19 RPCFam vise les « revenus auxquels il est renoncé ».

Aux termes de l'art. 16 al. 1 RPCFam, il n'est pas tenu compte du gain hypothétique au sens de l'art. 36E al. 5 LPCC lorsque l'adulte seul qui fait ménage commun avec un enfant de moins d'un an exerce une activité lucrative salariée au sens de l'art. 36A al. 4 let. a LPCC, ou touche des indemnités mentionnées par l'art. 36A al. 5 LPCC ou par l'art. 10 al. 1 RPCFam.

Le gain hypothétique des personnes considérées comme exerçant une activité lucrative est déterminé selon le gain et le taux d'activité réalisés avant la perception des indemnités pour perte de gain définies aux art. 36A al. 5 LPCC et 10 al. 1 RPCFam (art. 18 al. 1 RPCFam).

Le gain hypothétique correspond à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité (art. 18 al. 3 RPCFam).

Lorsqu'un ayant droit ou un membre du groupe familial renonce à des éléments de revenus ou renonce à faire valoir un droit à un revenu, il est tenu compte d'un revenu hypothétique, conformément à l'art. 11 al. 1 let. g LPC (art. 19 al. 1 RPCFam).

Les revenus hypothétiques suivants sont notamment pris en compte dans le revenu déterminant du groupe familial : un montant correspondant à la contribution d'entretien, due par les parents en vertu du code civil suisse à un ayant droit sous contrat d'apprentissage, âgé de moins de 25 ans, vivant dans son propre ménage. Si la contribution n'est pas déterminée par une convention ou dans un jugement, le service fixe le montant en appliquant par analogie les directives fédérales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (art. 19 al. 1 let. a RPCFam) ; un montant équivalent aux allocations de formation professionnelle lorsqu'un jeune adulte âgé de plus de 16 ans, mais de moins de 18 ans, ne poursuit aucune formation ou études (art. 19 al. 1 let. b RPCFam).

d. Aux termes de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, les revenus déterminants pour calculer le montant de la prestation complémentaire annuelle comprennent les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi.

Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 134 I 65 consid. 3.2 ; ATF 131 V 329 consid. 4.2).

Les revenus hypothétiques provenant d'une activité lucrative au sens de l'art. 11 let. g LPC ou fixés schématiquement aux art. 14a et 14b de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) représentent une présomption juridique que le bénéficiaire ou l'assuré peut renverser en apportant la preuve qu'il ne lui est pas possible de réaliser de tels revenus ou qu'on ne peut l'exiger de lui. Le Tribunal fédéral a jugé à cet égard qu'en examinant la question de savoir si l'assuré peut exercer une activité lucrative et si on est en droit d'attendre de lui qu'il le fasse, il convient de tenir compte conformément au but des prestations complémentaires, de toutes les circonstances objectives et subjectives qui entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu, tels que la santé, l'âge, la formation, les connaissances linguistiques, l'activité antérieure, l'absence de la vie professionnelle, le caractère admissible d'une activité, les circonstances personnelles et le marché du travail (ATF 141 V 343 consid. 33.3 ; ATF 140 V 267 consid. 2.2 ; ATF 117 V 153 consid. 2c). En ce qui concerne le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l'emploi, le Tribunal fédéral des assurances a considéré qu'il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail. Il y a lieu d'examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2007 du 26 juin 2008 consid. 5.2 et les références citées). Le Tribunal fédéral a rappelé que l'impossibilité de mettre en valeur une capacité de travail résiduelle ne peut être admise que si elle est démontrée au degré de la vraisemblance prépondérante, l'assuré devant collaborer à l'instruction de cet élément. Notre Haute Cour a ajouté que si les chances de trouver un emploi ont tendance à décroître avec l'âge et l'absence du monde du travail, le marché du travail est en constante évolution et trouver un emploi adapté même trois ans après des recherches infructueuses ne paraît pas d'emblée exclu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_120/2012 du 2 mars 2012 consid. 4.2 et 4.5). Suivant les circonstances, un temps d'adaptation approprié et réaliste doit être accordé à l'intéressé pour lui permettre de s'adapter à la nouvelle situation et reprendre ou étendre une activité lucrative, et ce aussi bien lorsque des prestations complémentaires sont en cours que lors d'une demande initiale (arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2013 du 29 septembre 2014 consid. 5.1 et 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 49/04 du 6 février 2006 consid. 4.1).

7.        La chambre de céans a déjà jugé à plusieurs reprises que le but de la LPCC n'est pas de pallier aux difficultés financières des familles résultant d'une incapacité de travail temporaire ou d'une invalidité. De telles éventualités sont assurées notamment par l'assurance-accidents, l'assurance-invalidité, y compris les prestations complémentaires fédérales et cantonales, ou encore par les indemnités de l'assurance-chômage en cas de maladie et les prestations cantonales en cas de maladie. Tenir compte, dans l'établissement du droit aux prestations complémentaires familiales, d'une incapacité de travail (temporaire ou permanente) reviendrait à intégrer un facteur étranger aux situations pour lesquelles le législateur cantonal a entendu instaurer une aide financière aux familles. Le but du législateur en instaurant des prestations complémentaires familiales était précisément de valoriser le travail, d'encourager le maintien ou la reprise d'un emploi, ou l'augmentation du taux d'activité, notamment par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires (ATAS/1255/2013 du 17 décembre 2013 consid. 8 ; ATAS/527/2013 du 27 mai 2013 consid. 3c ; ATAS/955/2014 du 25 août 2014 consid. 7 et 8).

Par la suite, dans son arrêt de principe du 29 octobre 2015 (ATAS/817/2015 consid. 9 et 10), la chambre de céans a retenu, dans le cas d'une bénéficiaire travaillant à temps partiel et faisant ménage commun avec un enfant de plus d'un an, que dès lors que les art. 36E al. 1 LPCC, 2 al. 1 et 19 RPCFam renvoient expressément à l’art. 11 LPC et que l’art. 2 al. 3 RPCFam renvoie aux DPC - de surcroît compte tenu du fait que le but du législateur est de sanctionner les bénéficiaires dont l'effort de travail est inférieur à celui que l'on peut raisonnablement attendre d'eux - la jurisprudence rendue à propos de l'art. 11 al. 1 let. g LPC s'applique également et par analogie à la prise en compte d'un gain hypothétique en matière de PCFam. Il n'y a en effet pas de motif pour une interprétation plus restrictive de la notion d'effort de travail raisonnablement exigible en LPCC. Ainsi, l'intimé devait, avant d'imputer d'office un revenu hypothétique à la recourante, déterminer au préalable si l'exercice d'une activité à plein temps était raisonnablement exigible de sa part, sur la base des critères énoncés par la jurisprudence, et en tenant compte, le cas échéant, d'un délai d'adaptation.

Les arrêts ATAS/802/2019 du 9 septembre 2019 (consid. 6) et ATAS/144/2020 du 26 février 2020 (consid. 6) soulignent que l'arrêt de principe ATAS/817/2015 précité ne remet pas en cause la jurisprudence constante, dès lors qu'il concerne une problématique différente du cas d'une assurée incapable de travailler, soit celle d'une bénéficiaire travaillant à temps partiel.

En revanche, l'ATAS/13/2016 du 12 janvier 2016 retient qu'une dérogation à la prise en compte d'un gain hypothétique en cas d'incapacité de travail ne saurait se déduire, pour les PCFam, de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, et de l'interprétation donnée à cette disposition, voulant qu'un dessaisissement soit retenu (donc un gain hypothétique) notamment lorsque le conjoint d'un assuré s'abstient de mettre en valeur sa capacité de travail alors qu'il pourrait se voir obligé d'exercer une activité lucrative en vertu de son devoir de contribuer, selon ses facultés, à l'entretien convenable de la famille, donc en considération de son âge, de son état de santé, de ses connaissances linguistiques, de sa formation professionnelle, de son activité exercée jusqu'ici, du marché de l'emploi, du temps plus ou moins long pendant lequel il a été éloigné de la vie professionnelle. D'une part, les PCFam étaient des prestations sociales régies par le droit cantonal, indépendamment du droit fédéral, et d'autre part, elles étaient conçues dans une perspective différente tant des prestations complémentaires fédérales que des autres prestations complémentaires prévues par le droit cantonal, à savoir les prestations complémentaires cantonales, qui, elles, étaient bien davantage calquées sur les prestations complémentaires fédérales (art. 1A al. 1 et 5 LPCC). Certes, pour les PCFam, l'art. 36E LPCC définissait le revenu déterminant en faisant référence à l'art. 11 LPC (moyennant certaines adaptations), mais cette norme se trouvait complétée par des précisions dérogatoires s'harmonisant avec la finalité desdites prestations, dont celles, qu'en cas d'activité lucrative exercée à temps partiel, il était tenu compte, pour chacun des adultes composant le groupe familial, d'un revenu hypothétique qui correspondait à la moitié de la différence entre le revenu effectif et le montant qui pourrait être réalisé par la même activité exercée à plein temps (art. 36E al. 2 LPCC), que lorsque l'un des adultes composant le groupe familial n'exerçait pas d'activité lucrative, il était tenu compte d'un gain hypothétique qui correspondait à la moitié du montant destiné à la couverture des besoins vitaux de deux personnes définis par la législation pertinente (art. 36E al. 3 LPCC), et qu'il n'était pas tenu compte d'un gain hypothétique lorsque le groupe familial était constitué d'un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d'un an (art. 36E al. 5 LPCC). De plus, si l'art. 2 al. 1 RPCFam déclarait applicables les dispositions d'exécution de la LPC concernant notamment le dessaisissement, lesdites dispositions d'exécution – à savoir l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI – RS 831.301) – n'excluaient pas la prise en compte d'un gain hypothétique en considération d'une incapacité de travail. Ainsi, le SPC avait retenu à bon droit un gain hypothétique pour la recourante souffrant d'une incapacité de travail, dans le calcul des PCFam demandées (ATAS/13/2016 du 12 janvier 2016 consid. 5 et les références citées).

Dans ses arrêts ATAS/967/2017 du 30 octobre 2017 (consid. 6) et ATAS/677/2018 du 14 août 2018 (consid. 5c), après avoir rappelé que l'art. 36E al. 2 et 3 LPCC ne doit pas être compris comme commandant une prise en compte mécanique d'un gain hypothétique respectivement en cas d'activité lucrative exercée à temps partiel ou/et lorsque l'un des adultes composant le groupe familial n'exerce pas d'activité lucrative, sans égard aux éventuelles spécificités des situations des intéressés, la chambre de céans a relevé que l'ATAS/13/2016 précité – aux termes duquel il ne fallait pas tenir compte d'une éventuelle incapacité de travail dans le calcul du revenu déterminant donnant droit aux PCFam – devait être considéré comme un arrêt isolé. Elle avait en effet répété depuis lors, qu'il y avait lieu d'appliquer par analogie l'art. 11 al. 1 let. g LPC aux PCFam.

8.        a. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique; ATF 142 IV 389 consid. 4.3.1 p. 397; 141 III 53 consid. 5.4.1 p. 59; 140 V 449 consid. 4.2 p. 455). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 IV 389 précité; 137 IV 180 consid. 3.4 p. 184 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C 872/2017 du 3 septembre 2018).

b. Le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. commande que le juge traite de la même manière des situations semblables et de manière différente des situations dissemblables (ATF 131 V 107 consid. 3.4.2). Selon la jurisprudence, le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut sur celui de l'égalité de traitement. Bien que l'art. 8 al. 1 Cst. ne parle que d'égalité « devant » la loi, le principe d'égalité s'applique au législateur. Elle concerne donc aussi l'égalité « dans » la loi. Le Tribunal fédéral réitère dans ce contexte le principe de base imposant un traitement identique des situations semblables et un traitement différencié des situations différentes, tout en insistant sur le large pouvoir d'appréciation du législateur, notamment en fonction de l'époque et des idées dominantes (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 594, p. 201).

9.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références citées). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.    a. En l'espèce, par décision sur opposition du 23 janvier 2020, l'intimé a partiellement confirmé sa décision du 29 mai 2019. En particulier, il a maintenu la prise en considération d'un revenu hypothétique dans le calcul du droit aux PCFam de la recourante pour la période du 1er septembre 2018 au 31 mai 2019.

Afin de calculer le droit aux PCFam de la recourante, l’intimé s’est en particulier fondé sur l’art. 36E al. 2 LPCC pour la période du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019, puis sur les art. 36A al. 5 LPCC et 18 al. 3 RPCFam pour la période du 1er février au 31 mai 2019.

b. La jurisprudence de la chambre de céans précitée concernant la prise en compte d’un gain hypothétique dans le cadre des PCFam est partiellement contradictoire.

Dans ce contexte, il convient de déterminer si, selon la LPCC, un gain hypothétique doit être imputé à tout demandeur qui ne répond pas aux conditions de l’exception de l’art. 36E al. 5 LPCC (soit un groupe familial constitué d’un seul adulte faisant ménage commun avec un enfant âgé de moins d’un an) ou si un gain hypothétique peut également, hormis l’exception précitée, ne pas être imputé aux conditions développées par la jurisprudence susmentionnée relativement à l’art. 11 al. 1 let. g LPC.

11.    a. L’art. 36E LPCC prévoit, d’une part, à l’alinéa 1 un renvoi général à l’art. 11 LPC pour le calcul du revenu déterminant, soit également à l’art. 11 al. 1 let. g LPC qui concerne les ressources dont un ayant droit s’est dessaisi, lesquelles comprennent un gain hypothétique. D’autre part, l’art. 36E al. 2 à 5 LPCC prévoit les modalités de la prise en compte d’un gain hypothétique. Le texte de l’art. 36E LPCC n’est pas absolument clair, dès lors qu’il renvoie à deux notions de gain hypothétique, lesquelles ne répondent pas aux mêmes conditions. Il convient en conséquence de se référer aux autres méthodes d’interprétation de la loi.

b. Du point de vue de la systématique, l’art. 36E LPCC, s’il renvoie de façon générale à son alinéa 1 à l’art. 11 LPC, prévoit ensuite de façon précise les modalités de prise en compte du gain hypothétique en appréhendant plusieurs situations (personne exerçant une activité lucrative à temps partiel, personne sans activité lucrative, augmentation du revenu de l’activité lucrative sans modification du taux d’activité et exception à la prise en compte du gain hypothétique). Au vu de la structure de cet article, la notion de gain hypothétique prévue aux al. 2 à 5 apparait comme une lex spécialis par rapport à celle, générale, de bien dessaisi de l’art. 11 al. 1 let. g LPC, qui a par ailleurs nécessité des précisions jurisprudentielles. Or, selon le principe de la lex specialis, elle l’emporte sur la loi plus générale (ATF 146 III 37 ; ATF 141 IV 26).

Ainsi, si l’art. 36E al. 1 LPCC définit globalement le revenu déterminant en référence à l’art. 11 LPC, des précisions dérogatoires prépondérantes sont ensuite apportées par les art. 36E al. 2 et 3 LPCC.

c. Cette systématique de la LPCC, qui va dans le sens d’une prise en compte d’un gain hypothétique aussi bien pour les personnes exerçant une activité lucrative à temps partiel que pour les personnes inactives, avec pour seule exception la présence d’un enfant âgé de moins d’un an dans le ménage et sans prise en considération d’autres facteurs, apparaît confirmer le but recherché par le législateur. Conformément aux travaux législatifs, celui-ci vise à encourager les personnes concernées à reprendre un emploi ou augmenter leur taux d’activité, afin d’éviter le risque d’enlisement dans le piège de l’aide social à long terme et de l’endettement, sans volonté de couvrir l’incapacité de travail ou l’absence de revenu d’une activité lucrative des personnes concernées, ou encore l’invalidité. La cible du projet étant d’améliorer la situation économique des familles pauvres qui travaillent (cf. consid. 5 supra). Certes, le revenu hypothétique étant conçu comme un encouragement très fort à reprendre un emploi, il peut sembler incompatible avec une situation d’incapacité de travail voire de chômage du bénéficiaire. Il n’en reste pas moins que le fait de renoncer, dans ces cas, à la prise en compte d’un revenu hypothétique reviendrait à intégrer un facteur étranger aux situations pour lesquelles le législateur cantonal a entendu instaurer une aide financière aux familles (ATAS/1255/2013 du 17 décembre 2013).

À cet égard, la suggestion d’Avenir social - section Genève, mentionnée dans le rapport de la commission des affaires sociales, visant à ce qu’il soit pris en compte une éventuelle incapacité de gain du bénéficiaire, par exemple pour raison de maladie, en réduisant le montant du gain hypothétique, n’a pas été retenue ni dans la loi, ni-même dans le règlement d’application de celle-ci. Par ailleurs, l’art. 36A al. 5 LPCC prévoit, par l’assimilation des chômeurs à des personnes exerçant une activité lucrative, la prise en compte d’un gain hypothétique même dans le cas d’un chômeur qui recherche déjà activement du travail et participe à toutes les mesures proposées par l’OCE, ce qui signifie que le critère de l’incitation à retrouver du travail n’est pas l’unique intention du législateur dans la prise en compte d’un gain hypothétique.

Enfin, en application du principe d’égalité de traitement, l’incapacité de travail d’une personne jusqu’alors inactive et celle d’une personne exerçant une activité lucrative à temps partiel doivent être appréhendée de la même façon, avec la prise en compte d’un gain hypothétique aux conditions de l’art. 36E al. 2 à 5 LPCC.

12.    La jurisprudence de la chambre de céans doit ainsi être précisée, dans le sens que celle relative à l’art. 11 al. 1 let. g LPC n’est pas applicable à la prise en considération d’un gain hypothétique dans le cadre du calcul du revenu déterminant pour l’octroi de PCFam, la seule exception à la prise en compte d’un tel gain hypothétique étant celle prévue à l’art. 36E al. 5 LPCC.

13.    a. En l’espèce, la recourante a travaillé pendant la période du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019 à 50 % comme employée d'entretien. Dès le 1er février 2019, elle a été inscrite auprès de l'OCE, de sorte qu'elle percevait des indemnités de l'assurance-chômage. Dans ce cadre, elle a suivi un stage de requalification du 4 avril au 29 novembre 2019, bien qu'elle était en incapacité de travail jusqu'au 28 mai 2019.

Préalablement, il convient de constater que l'enfant de la recourante étant âgée de 9 ans à l'époque des faits déterminants, celle-ci ne peut se prévaloir de l'art. 36E al. 5 LPCC, seule exception à la prise en compte d’un gain hypothétique, compte tenu des considérants qui précèdent.

Il convient ensuite de distinguer entre la période du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019 durant laquelle la recourante était en activité, de celle du 1er février au 31 mai 2019, durant laquelle elle était au bénéfice de l'assurance-chômage et en incapacité de travail.

b. Au vu des bases légales susrappelées, la période du 1er septembre 2018 au 31 janvier 2019, doit être examinée sous l'angle de l'art. 36E al. 2 LPCC, s'agissant de l'exercice d'une activité lucrative à temps partiel.

En application de l’art. 36 E al. 2 LPCC, c’est à juste titre que l’intimé a pris en compte un gain hypothétique correspondant à la moitié de la différence entre le revenu effectif (soit CHF 19'692.60) et le montant qui pourrait être réalisé à plein temps, soit un gain hypothétique de CHF 9'846.30.

c. La période du 1er février au 31 mai 2019 doit être appréhendée au regard des art. 36A al. 5 LPCC et 18 al. 1 RPCFam.

L’art. 36A al. 5 LPCC prévoit que les personnes au bénéfice d’indemnité de l’assurance-chômage sont assimilées aux personnes exerçant une activité lucrative et l’art. 18 al. 3 RPCFam précise que le gain hypothétique correspond à la moitié de la différence entre le gain assuré et le montant qui pourrait être réalisé pour une activité à plein temps si la personne était en activité, nonobstant la participation à une mesure du chômage. La prise en compte par l’intimé d’un gain hypothétique de CHF 9'192.- [(CHF 39'285.20 - CHF 21'000.-) : 2 ] peut ainsi être confirmée.

14.    Au vu de ce qui précède, la prise en compte par l’intimé d’un gain hypothétique de la recourante, durant toute la période litigieuse ne peut qu’être confirmée.

Au surplus, les autres éléments du calcul ainsi que le principe de la restitution des prestations ne sont pas contestés.

15.    Partant, le recours doit être rejeté.

La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant
conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le