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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1692/2008

ATA/286/2009 du 16.06.2009 ( CE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : LICENCIEMENT ADMINISTRATIF; RÉVOCATION DISCIPLINAIRE; ENQUÊTE ADMINISTRATIVE; MALADIE; PROCÉDURE PÉNALE; LÉGALITÉ; CAPACITÉ DE DISCERNEMENT; MESURE DISCIPLINAIRE
Résumé : Nullité de la révocation d'un fonctionnaire du pouvoir judiciaire, le préavis de la commission de gestion prévu par l'art. 75A LOJ n'ayant pas été sollicité. En revanche, constatation de la validité de la démission notifiée à l'Etat de Genève par ladite fonctionnaire. Admission partielle du recours, le dossier étant renvoyé au Conseil d'Etat pour qu'il calcule l'indemnité due pendant le délai de résiliation.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1692/2008-CE ATA/286/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 16 juin 2009

 

dans la cause

 

Madame B______
représentée par Me Nathalie Bornoz, avocate

contre

CONSEIL D'ÉTAT


 


EN FAIT

1. Madame B______ (ci-après : l'intéressée ou la recourante) a été engagée par l'Etat de Genève, en qualité d'auxiliaire, pour une durée maximale de douze mois, à partir du 1er juillet 2004. Son taux d'activité était de 50% et elle était rémunérée en classe 10. Elle a été affectée au Pouvoir judiciaire, et plus spécifiquement au Parquet du Procureur général en tant que commise-greffière 2.

2. Suite à un entretien périodique favorable en date du 25 novembre 2004, l'engagement de Mme B______ a été renouvelé dès le 1er juillet 2005 pour une durée maximale de deux mois.

3. A partir du 1er septembre 2005, l'intéressée a été engagée comme employée en qualité de commise-greffière 2 au Pouvoir judiciaire au greffe du Parquet du Procureur général avec un taux d'activité de 90%. Elle était toujours rémunérée en classe 10.

4. Le 25 juin 2007, à l'issue de la période probatoire, la greffière de juridiction adjointe a procédé à l'évaluation des prestations de l'intéressée au cours d'un entretien périodique, en vue de sa nomination. Bien que le procès-verbal de cet entretien ait été égaré par la suite, sa supérieure hiérarchique s'était déclarée satisfaite de ses prestations et aucun commentaire négatif n'avait été formulé à l'encontre de son travail ou de son comportement. Pour une raison demeurée inconnue, la nomination de l'intéressée n'est pas intervenue immédiatement. Toutefois, à partir du 1er juin 2007, son traitement a été coulissé en classe 11, soit la classe prévue pour la fonction, et l'augmentation annuelle a été versée à dater du 1er juillet 2007.

5. Tous les objectifs étant atteints, l'entretien périodique du 21 février 2008 a conclu à la nomination de l'intéressée, après qu'il ait été précisé que celui qui avait déjà été réalisé le 25 juin 2007 n'avait pas pu être validé pour des motifs qui lui étaient étrangers.

6. Le 18 mars 2008, Monsieur Raphaël Mahler, secrétaire général du pouvoir judiciaire (ci-après : le secrétaire général) et Madame Claudia Saviaux Druliolle, responsable des ressources humaines du pouvoir judiciaire, ont adressé à l'intéressée un courrier la félicitant pour sa nomination. Celle-ci a en effet suivi par arrêté du 2 avril 2008, l'intéressée étant nommée fonctionnaire à partir du 1er juillet 2007.

7. Dans la matinée du 27 mars 2008, le porte-monnaie de Madame M______, qui travaillait dans le même bureau que l'intéressée, a été volé.

Dans un premier temps, Mme M______ s'en est plainte auprès du greffier-juriste de juridiction. Ce dernier a alors interrogé toutes les personnes qui avaient eu accès audit bureau ce matin-là, soit, Mme B______, une autre greffière et un juriste. Elles ont toutes nié être impliquées dans ce vol.

8. Mme M______ ayant déposé plainte pénale, dans l'après-midi toutes les personnes travaillant dans le même espace qu'elle ont été auditionnées par la police judiciaire.

Au cours de l'interrogatoire, l'intéressée, qui dans un premier temps avait nié toute implication dans les événements, a avoué être l'auteur du vol. Profitant d'une absence de sa collègue, elle avait dérobé son portefeuille qui se trouvait dans le sac à main que celle-ci avait rangé dans son meuble de bureau. Elle avait ensuite quitté le bâtiment et placé l'argent qu'elle avait retiré du portefeuille soit, CHF 260.-, sous le siège de son scooter, garé devant le musée d'Art et d'Histoire. Puis, elle avait abandonné le portefeuille sur un trottoir. Enfin, elle avait regagné son bureau et avait repris son travail normalement.

Suite à ces déclarations, l'intéressée a fait l'objet d'un mandat d'amener et a été prévenue de vol par le commissaire de police de service qui l'a ensuite relaxée.

9. Le montant de CHF 260.- a été restitué le jour même à la victime par la police judiciaire. Le même soir, l'intéressée a envoyé un courriel d'excuses à sa collègue. Celle-ci lui a répondu dès le lendemain en lui pardonnant ses agissements. Dans le mois qui a suivi, l'intéressée a indemnisé la lésée pour tous les frais encourus suite à la perte de son portefeuille et des documents qu'il contenait.

10. Le 28 mars 2008, l'intéressée a tenté de mettre fin à ses jours en avalant des médicaments. Elle a été immédiatement transportée au service des urgences de l'Hôpital cantonal (ci-après : HUG) où elle a souffert d'un arrêt respiratoire. Elle a été hospitalisée du 28 mars au 6 avril 2008 en raison d'une intoxication médicamenteuse volontaire.

11. Le rapport établi le 2 avril 2008 par le service de médecine interne général des HUG atteste qu'au moment des faits, l'intéressée souffrait d'anémie microcytaire hypochrome, d'un souffle cardiaque ainsi que d'une hypoalbuminémie. Au titre d'antécédents, il était fait mention d'un état anxieux dépressif et d'un trouble du comportement alimentaire.

Une attestation délivrée le 2 juin 2008 par le docteur François Adler, psychiatre, établit que l'intéressée était suivie régulièrement depuis 2005 par ce praticien pour des troubles psychiques. Elle souffrait notamment d'un trouble dépressif récurrent sans symptômes psychotiques, ainsi que de crises de panique. Elle avait également une personnalité émotionnelle labile, caractérisée par une tendance à agir avec impulsivité, sans considération pour les conséquences de ses actes, associée à une instabilité de l'humeur. En conséquence, l'intéressée s'épuisait tant physiquement que psychiquement, en particulier lorsqu'elle avait subi une forte pression extérieure sur une longue durée. Le praticien en voulait pour preuve ses divers arrêts de travail :

incapacité totale de travail du 22 août au 15 octobre 2006 pour décompensation dépressive grave. Une reprise de travail à 50% avait eu lieu dès le 16 octobre 2006, la pleine capacité de travail ayant été recouvrée le 6 novembre 2006 ;

incapacité totale de travail du 19 au 23 décembre 2006 ;

incapacité totale de travail en raison d'un lumbago du 29 octobre au 4 novembre 2007 inclus, puis du 6 novembre au 2 décembre 2007 inclus ;

incapacité totale de travail du 25 février au 2 mars 2008 inclus ;

incapacité totale de travail du 13 au 19 mars 2008 pour un état grippal récurrent .

L'état de santé physique et psychique de l'intéressée s'était dégradé dans le courant de l'année 2007. En effet, c'est à cette époque que s'était ajoutée à ses troubles du comportement une "alimentation erratique" avec des accès compulsifs qui avait aggravé son état de santé et dont l'anémie diagnostiquée aux HUG devait être la conséquence. Régulièrement consulté par l'intéressée, le médecin lui avait conseillé à plusieurs reprises de cesser de travailler, ce que l'intéressée avait refusé de faire, ne voulant pas perdre son travail.

Les troubles psychiques dont souffrait l'intéressée pouvaient être à l'origine de comportements irraisonnés et se manifestaient sous forme de crises. Celles-ci étaient provoquées par une angoisse profonde, une situation de stress et une difficulté à gérer ses émotions qui pouvaient amener la patiente à agir sous le coup de pulsions incontrôlables. Les agissements de l'intéressée du 27 mars 2008 entraient très clairement dans ce cas de figure au vu du contexte d'épuisement grave, tant physique, psychique qu'émotionnel, dans lequel elle se trouvait.

12. Dans un courrier adressé au Procureur général le 25 avril 2008, l'époux de l'intéressée revenait sur les circonstances qui avaient précédé le 27 mars 2008. Son épouse était suivie médicalement depuis vingt ans suite à des traumatismes qu'elle avait subis dans son enfance qui lui avaient laissé une grande vulnérabilité et une faible estime de soi. Elle avait très mal vécu le retard dans sa nomination, convaincue d'une injustice. Elle avait dû intervenir à plusieurs reprises auprès de ses supérieurs hiérarchiques pour que son dossier avance. De ce fait et compte tenu également du stress existant au Parquet, ses problèmes psychiques et en particulier ceux d'ordre alimentaire s'étaient aggravés. Elle avait commencé à compenser ses angoisses par des achats compulsifs qui avaient entraîné des dettes importantes pour la famille. L'ensemble de la situation et les tensions ainsi engendrées dans leur couple, les avait conduits à prendre la décision de se séparer deux jours avant la commission du vol. Estimant n'avoir plus rien à perdre, elle avait alors commis le vol qui lui était reproché.

Enquête administrative.

13. Par pli du 28 mars 2008, le Procureur général et le greffier-juriste de juridiction ont informé l'intéressée qu'une enquête administrative allait être ouverte à son encontre. Elle était également suspendue provisoirement de ses fonctions à compter de ce jour. Son traitement serait maintenu jusqu'au 3 avril 2008. La recourante était par ailleurs convoquée ce jour-là pour un entretien de service.

Étant encore hospitalisée à cette date, l'intéressée ne s'est pas rendue à cet entretien.

14. Le 10 avril 2008, un second courrier a été adressé à l'intéressée par le greffier-juriste de juridiction l'informant de ce qu'un nouvel entretien de service était prévu le 17 avril 2008. Par plis des 13, 18 et 26 avril 2008, l'époux de l'intéressée a adressé au greffier-juriste de juridiction les certificats médicaux établis par les HUG attestant de l'incapacité de travail totale de son épouse à partir du 28 mars 2008 jusqu'au 25 mai 2008, celle-ci devant être réévaluée à cette date.

15. Par arrêté du 30 avril 2008, reçu par l'intéressée le 2 mai 2008, le Conseil d'Etat a prononcé sa suspension provisoire sans traitement. Celle-ci était exécutoire nonobstant recours. L'ouverture d'une enquête administrative, dont la conduite était confiée à Monsieur Louis Peila, juge à la Cour de justice, était également ordonnée. Par acte du 13 mai 2008, Mme B______ a recouru à l'encontre de l'arrêté précité auprès du Tribunal administratif. Ce recours a été enregistré sous le numéro de procédure A/1692/2008.

16. Dans un courrier du 6 mai 2008 adressé au secrétaire général, la recourante, par la plume de son conseil, a évoqué la possibilité de démissionner, cette décision étant susceptible de mettre un terme à la procédure disciplinaire ouverte à son encontre.

17. Dans le cadre de l'enquête administrative, une audience a eu lieu le 20 mai 2008. Mme B______ ne s'est pas présentée. L'enquêteur a toutefois admis qu'elle pouvait se déterminer par écrit sur les faits qui lui étaient reprochés et sur la suite à donner à l'enquête administrative.

18. Le 23 mai 2008, Mme B______ a adressé sa démission au secrétaire général.

19. Par pli du 28 mai 2008, Mme B______ a transmis sa détermination à M. Peila. Compte tenu de sa démission, sa révocation n'était plus d'actualité et l'enquête administrative pouvait être close. Son dossier ne soulevait plus que des questions relatives à la protection sociale offerte par l'Etat à ses fonctionnaires. En effet, au vu de sa maladie, qui précédait la décision de suppression de traitement, cette dernière constituait une violation des garanties de l'Etat de verser une indemnité perte de gain à ses employés malades. Pour le surplus, les faits du 27 mars 2008 n'étaient pas contestés.

20. Le rapport d'enquête administrative a été rendu le 10 juin 2008.

Le vol reproché à la recourante au détriment d'une collègue qui partageait son bureau, quels que soient les motifs d'ordre personnel qui la fragilisaient et les montants en cause, constituait un manquement grave à ses obligations. Les impératifs liés à la fonction publique, accrus en l'espèce par la spécificité du service qui employait la recourante, justifiaient qu'un tel manquement qui relevait du droit pénal soit sanctionné d'un renvoi immédiat pour justes motifs, sans traitement ni indemnité, semblable attitude réduisant à néant la confiance de l'employeur. A teneur du dossier, la qualité du travail de la recourante n'avait pas été affectée jusqu'au vol commis le 27 mars 2008, ce qui laissait supposer une totale maîtrise de ses pulsions au niveau professionnel, à tout le moins.

21. Le 18 juillet 2008, la recourante a adressé au Conseil d'Etat ses observations sur le rapport d'enquête administrative.

Elle contestait l'existence d'un comportement justifiant sa révocation avec effet au 30 avril 2008. L'enquêteur avait omis de tenir compte de son état de santé et des erreurs commises par ses supérieurs hiérarchiques dans la gestion de son dossier ainsi que de son attitude irréprochable envers la victime après les faits.

22. Par arrêté du Conseil d'Etat du 27 août 2008, la recourante a été révoquée avec effet immédiat. La décision rétroagissait au jour de l'ouverture de l'enquête administrative soit au 30 avril 2008. La recourante avait violé ses devoirs de service au sens des articles 20, 21 lettres a et c du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (RPAC - B 5 05.01). La nature des actes qu'elle avait commis, jointe à la spécificité de l'institution où elle exerçait ses fonctions, conféraient à son manquement un caractère de gravité accrue qui avait irrémédiablement rompu le rapport de confiance. En date du 29 septembre 2008, la recourante a interjeté recours auprès du Tribunal administratif à l'encontre de cet arrêté. Une nouvelle procédure a été ouverte sous le numéro A/3498/2008.

 

 

Procédure A/1692/2008.

23. Dans son premier recours contre le prononcé de la suspension provisoire sans traitement, la recourante a sollicité la restitution de l'effet suspensif. Elle contestait la suppression provisoire du versement de toute prestation de l'Etat en sa faveur. Aucune faute ne pouvait être retenue à son encontre au moment des faits, sa santé mentale étant affectée depuis de longs mois avant la commission du vol. Celui-ci avait eu lieu dans un moment de totale détresse morale.

Pour le surplus, en prononçant sa révocation, l'Etat contournerait la protection conférée par l'article 336c alinéa 1 lettre b de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations ; CO - RS 220)

24. Par décision du 30 mai 2008, la vice-présidente du Tribunal administratif a rejeté la requête d'effet suspensif. De jurisprudence constante, l'intérêt public commandait de mettre fin au versement du traitement à la date de prise d'effet de la décision litigieuse, l'intérêt de la collectivité l'emportant sur celui, privé, de la recourante à continuer à percevoir son salaire après la fin des relations de travail. Le fait que la recourante soit au bénéfice d'un certificat médical attestant une incapacité de travail pour cause de maladie à la date du prononcé de la décision litigieuse, ne modifiait pas ces principes, dès lors que l'article 336c CO n'était pas applicable lors du prononcé d'une résiliation avec effet immédiat.

25. Le 16 juin 2008, le Conseil d'Etat a adressé au Tribunal administratif ses observations. Dans celles-ci étaient cités des extraits des pièces du dossier de l'enquête pénale. L'Etat de Genève a conclu à la confirmation de la décision de suspension avec suppression de traitement. En effet, les faits reprochés à la recourante étaient de nature à justifier une cessation immédiate de l'exercice de la fonction. La suspension paraissait proportionnelle et la suppression de traitement était justifiée puisque l'Etat courait le risque de ne pas pouvoir récupérer les sommes qui auraient été versées.

26. Par pli du 30 juin 2008 adressé au Tribunal administratif, la recourante a demandé la suppression des passages qui portaient atteinte à son honneur ou qui étaient extraits de l'enquête de police et qui étaient repris dans les observations du Conseil d'Etat. En effet, il ressortait de ces dernières que le Conseil d'Etat disposait de la procédure pénale ouverte à son encontre alors même que son apport n'avait pas été formellement requis et que ces pièces étaient couvertes par le secret de l'instruction, elle-même n'ayant pas été inculpée.

27. Cette demande a été déclinée par le Conseil d'Etat le 14 juillet 2008.

28. Dans un courrier du 18 juillet 2008 adressé à l'office du personnel de l'état (ci-après : OPE) qui agissait pour le compte du Conseil d'Etat, la recourante a demandé qu'il lui soit indiqué de quelle manière l'enquête de police avait été communiquée à l'OPE.

29. Par pli du 11 août 2008, le Conseil d'Etat a indiqué que compte tenu du contexte particulier, puisque les faits reprochés à la recourante avaient eu pour cadre le Parquet du Procureur général qui se trouvait être à la fois le magistrat chargé d'exercer l'action publique et le chef de l'institution où elle travaillait, l'enquête de police transmise au Procureur général figurait dans le dossier de l'enquête administrative dont elle était indissociable.

30. Par courrier du 26 septembre 2008 adressé au secrétaire général du Pouvoir judiciaire d'une part, et à l'OPE d'autre part, la recourante a indiqué qu'elle retirait sa démission au motif qu'elle était incapable de discernement au moment où elle l'avait présentée.

Procédure A/3498/2008.

31. Dans son recours du 29 septembre 2008, la recourante a contesté le principe de la révocation, ses conditions n'étant pas remplies, étant donné qu'elle-même était privée de discernement au moment des faits et que par conséquent son comportement n'était pas fautif. De surcroît, cette décision était contraire au droit public puisqu'elle la privait de toute allocation pour perte de gain alors qu'elle était malade. De ce fait, elle était contraire au principe de la proportionnalité et totalement arbitraire.

Pour le surplus, sa démission était nulle car elle ne disposait pas de la capacité de discernement au moment où elle l'avait rédigée. Enfin, la production d'extraits de la procédure pénale constituait une atteinte à sa personnalité perpétrée par son employeur.

En conséquence, la recourante concluait à la jonction des deux procédures pendantes devant le Tribunal administratif ainsi qu'à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2008 par le Conseil d'Etat et sa réintégration dans ses fonctions de commise-greffière 2 au greffe du Parquet du Procureur général avec tous les droits et prérogatives s'attachant à ce poste. Le Tribunal administratif devait également constater la nullité de sa démission. Elle concluait en sus à l'octroi de CHF 6'000.- à titre d'indemnité pour tort moral.

32. Une audience de comparution personnelle des parties a eu lieu le 1er septembre 2008. Chacune des parties a confirmé sa position. A l'issue de l'audience, le juge délégué a requis formellement du Parquet l'apport du dossier pénal.

33. Le 31 octobre 2008, le Conseil d'Etat a déposé ses observations.

La recourante ne pouvait invoquer l'absence de nomination au terme de la période probatoire ou toute autre raison d'ordre professionnel pour tenter de justifier son acte du 27 mars 2008, ses problèmes psychologiques étant bien antérieurs à son entrée au Parquet et le secrétariat général l'ayant félicitée pour sa nomination par pli du 18 mars 2008, soit, peu de jours avant les événements. Par ailleurs, au vu du comportement parfaitement rationnel qu'elle avait eu immédiatement avant et aussitôt après les faits, il fallait admettre qu'elle n'était pas dépourvue de discernement le 27 mars 2008 et qu'elle avait commis le vol en toute conscience et volonté. Ce faisant, elle avait enfreint les devoirs de service énoncés aux articles 20 et 21 RPAC. La commission d'un délit de droit commun était d'autant plus grave qu'elle exerçait ses fonctions au sein de l'institution chargée d'exercer l'action publique. Partant, la révocation avec effet immédiat était justifiée. Les périodes de protection découlant de l'article 336c CO ne pouvaient être invoquées en cas de cessation immédiate des rapports de travail. S'il était exact qu'en cas d'absence pour cause de maladie, le traitement était remplacé par une indemnité pour incapacité de travail, ces prestations n'étaient plus dues dès la fin des rapports de service. Dans la mesure où la décision de révocation avec effet immédiat rétroagissait au jour de l'ouverture de l'enquête administrative, soit le 30 avril 2008, la recourante n'avait plus droit à aucune prestation de l'Etat depuis lors. L'incapacité de discernement de la recourante au moment de la rédaction de sa lettre de démission n'avait pas été établie. Elle apparaissait peu vraisemblable dans la mesure où cet acte avait été exécuté alors que la recourante disposait d'un conseil et que c'était ce dernier qui l'avait transmise au tribunal de céans. Pour le surplus, le juge délégué avait ordonné l'apport de la procédure pénale. Enfin, les prétentions de la recourante pour tort moral étaient irrecevables.

34. Le 26 janvier 2009 a eu lieu une nouvelle comparution personnelle des parties. La procédure pénale n'était pas close. Aucun acte d'instruction n'avait eu lieu depuis l'enquête de police de mars 2008. Aucune condamnation n'avait été prononcée depuis l'ouverture de la procédure. La recourante avait déposé une demande auprès de l'assurance invalidité. Son médecin traitant avait confirmé dans un certificat médical récent que sa capacité de travail était nulle et qu'elle le resterait très probablement à l'avenir.

Le juge délégué a indiqué que les recours seraient joints et que la recourante disposerait d'un délai de dix jours dès réception de la décision de jonction pour se déterminer sur le sort qu'elle entendait donner à son premier recours. Ensuite, la cause serait gardée à juger, le juge délégué se réservant la possibilité de demander une expertise sur la capacité de discernement de la recourante au moment des faits.

35. Par décision du 26 janvier 2009, le Tribunal administratif a prononcé la jonction des causes A/1692/2008 et A/3498/2008 sous le numéro A/1692/2008.

36. Par pli du 6 février 2009 adressé au Tribunal administratif, la recourante a renoncé aux conclusions de son premier recours, celles-ci étant inclues dans celles qu'elle avait prises dans son second recours interjeté à l'encontre de la décision de révocation.

 

EN DROIT

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours, joints par décision du 26 janvier 2009 sous le numéro de cause A/1692/2008, sont recevables de ce point de vue (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La recourante a renoncé par pli du 6 février 2009 aux conclusions prises à l'encontre de la décision de suspension provisoire tendant à contester la suppression de toutes prestations en sa faveur de la part de l'Etat à partir du 30 avril 2008. En conséquence, le tribunal de céans ne statuera que sur le recours interjeté à l'encontre de l'arrêté du 27 août 2008 prononçant la révocation.

3. Parallèlement à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2008, la recourante fait valoir une prétention de CHF 6'000.- pour tort moral.

a. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la LOJ. Cette novelle, entrée en vigueur le 1er janvier 2009 a notamment entraîné l'abrogation de l'art. 56B al. 4 LOJ et la modification de l'art. 56G LOJ qui traitait des actions pécuniaires. Ainsi, le Tribunal administratif est désormais compétent pour connaître des recours contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l'Etat. L'action pécuniaire est devenue une action contractuelle réservée aux prétentions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision et qui découlent d'un contrat de droit public.

b. Selon l'ancien droit, le tribunal de céans connaissait en instance unique des actions relatives à des prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droit public cantonal et qui découlent du rapport entre l’Etat et ses agents publics (art. 56G al. 1 LOJ).

c. Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'ancien droit, sont des prétentions de nature pécuniaire, c’est-à-dire appréciables en argent, celles qui tendent directement à l’octroi de sommes en espèces, notamment au paiement de traitements, d’allocations, d’indemnités ou de prestations d’assurances. Entrent aussi dans cette catégorie les droits qui sont étroitement liés à un rapport juridique appréciable en argent. Le Tribunal administratif est par exemple compétent pour statuer sur une demande en paiement de la réparation financière de désavantages que le fonctionnaire a subi en raison d’une clause illicite de traitement contenue dans l’acte d’engagement ou encore une demande de versement d’une allocation complémentaire de vie chère (ATA/344/2008 du 24 juin 2008, consid. 1 ; ATA/655/2007 du 18 décembre 2007, consid. 1.b).

La recourante fonde sa prétention en allocation d'une somme à titre de tort moral sur les atteintes à sa personnalité que l'autorité intimée a commises dans ses écritures du 16 juin 2008, en citant et en interprétant des pièces issues de la procédure pénale. Elle invoque à ce titre l'art. 49 CO régissant la responsabilité pour atteinte à la personnalité. La question de savoir si c'est l'ancien ou le nouveau droit qui est applicable souffre de rester indécise. En effet, le droit à une indemnisation est régi, en droit public, par la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40). Selon l'art. 7 LREC, c'est le Tribunal de première instance qui est compétent pour statuer sur les demandes s'y rapportant (ATA/145/2009 du 24 mars 2009).

Partant, la prétention de la recourante à titre de réparation du tort moral est irrecevable.

4. Nommée fonctionnaire par arrêté du Conseil d'Etat du 2 avril 2008 avec effet au 1er juillet 2007, la recourante doit être considérée comme fonctionnaire au moment des faits (ATA/613/2006 du 21 novembre 2006). Elle est soumise à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Elle est rattachée hiérarchiquement au pouvoir judiciaire.

5. La recourante invoque plusieurs arguments tels que son absence de discernement au moment des faits, l'arbitraire et la disproportion de la sanction prononcée à son encontre, pour conclure à la nullité de l' arrêté de révocation du 27 août 2008.

Si la juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties, elle n'est en revanche pas liée par les motifs que celles-ci invoquent (art. 69 al. 1 LPA).

6. a. Aux termes de l'art. 16 al. 1 LPAC, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement, soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, de diverses sanctions, dont le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans (let. c ch. 4) suivie de la plus grave, énumérée sous let. c, ch. 5, qui est la révocation. Il est précisé à l'al. 2 que lorsqu'il prononce la révocation, le Conseil d'Etat peut prévoir que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande.

b. La procédure en matière d'enquête disciplinaire est décrite à l'art. 27 LPAC. Selon cette disposition, dans les cas de révocation le Conseil d'Etat doit ordonner une enquête administrative qu'il confie à une personne qui a les compétences requises (al. 2). L'intéressé est informé de l'enquête dès son ouverture et il peut se faire assister du conseil de son choix (al. 3). L'enquête doit, en principe, être menée à terme dans un délai de 30 jours dès la première audition. En règle générale, il n'est procédé qu'à une seule audience au cours de laquelle les parties et d'éventuels témoins sont entendus. Les parties doivent communiquer d'emblée à l'enquêteur tous les moyens de preuve dont elles requièrent l'administration (al. 4). Au terme de l'enquête, l'intéressé peut s'exprimer par écrit dans les 30 jours qui suivent la communication du rapport (al. 5). Le Conseil d'Etat statue à bref délai (al. 6).

  c. L'art. 75A LOJ régit l'organisation et le fonctionnement du pouvoir judiciaire.

L'organisation et la gestion des moyens administratifs dévolus au fonctionnement du pouvoir judiciaire sont assurées par une commission de gestion (art. 75A al. 1 LOJ).

 La commission de gestion choisit le personnel des services centraux et des greffes. Ce personnel lui est rattaché hiérarchiquement, soit par délégation au secrétaire général du pouvoir judiciaire. Il est géré administrativement par l'office du personnel de l'Etat sur délégation de la commission de gestion. Le statut de la fonction publique selon la LPAC et la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’Etat et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15) lui sont applicables. La commission de gestion exerce les compétences conférées au chef du département en matière disciplinaire par la loi générale précitée. L'acte formel d'engagement et de nomination du personnel, le retour d'un fonctionnaire au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de 3 ans et la résiliation des rapports de service sont effectués par le Conseil d'Etat, sur préavis de la commission de gestion (art. 75A al. 2 LOJ).

d. Selon le message relatif à l'art. 75A LOJ, l'autorité compétente en matière de personnel de la fonction publique est le Conseil d'Etat, les conditions régissant l'établissement, le suivi et l'extinction des rapports de service sont réglementés tout comme le sont les garanties en matière de procédure et de contentieux […]. L'autonomie en matière de gestion du personnel conférée au pouvoir judiciaire est de type organisationnel. La commission de gestion devient l'autorité hiérarchique à laquelle le personnel est soumis, sous réserve des compétences du Conseil d'Etat. Le personnel ne dépend donc plus d'un département (MGC 1999/VIII p. 8086).

En matière disciplinaire, il est exposé que les autorités compétentes sont désignées dans le cadre d'un régime spécial dérogeant à la loi générale. Après avoir détaillé les compétences pour les infractions les moins graves, le message précise que la sanction la plus sévère, soit le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de 3 ans (art. 16 al.1 let. c ch. 4 LPAC), reste soumise au régime ordinaire avec pour autorité le Conseil d'Etat. Concernant la résiliation des rapports de service, le message distingue deux situations. Celle qui concerne les employés et le personnel auxiliaire et celle où un fonctionnaire est impliqué. Dans ce dernier cas, le message ne mentionne expressément que la résiliation pour un motif objectivement fondé de l'art. 22 LPAC, devenue depuis l'adoption de la novelle le 23 mars 2007 (entrée en vigueur le 31 mai 2007), la résiliation pour motif fondé. Dans ce cas, la commission de gestion devra demander au Conseil d'Etat l'ouverture d'une enquête administrative permettant d'établir les faits. Elle sera menée par une personne désignée par le Conseil d'Etat sur proposition de la commission de gestion. Une fois le résultat de l'enquête connu, la commission de gestion donnera son préavis avant que le Conseil d'Etat ne décide s'il y a lieu de procéder au licenciement du fonctionnaire concerné (MGC 1999/VIII p. 8087-8088).

e. Les différents actes législatifs font partie d'un système. Aussi les dispositions des actes de même degré, lois ou ordonnances, doivent-elles converger autant que possible, ce qui signifie qu'elles seront interprétées les unes en fonction des autres. Cela est vrai, en particulier, en ce qui concerne les actes contemporains. (A. GRISEL Traité de droit administratif, édition 1984, Tome I p.132, cité également in ATA/79/2003 du 11 février 2003).

  La contradiction entre les règles de même rang est parfois résolue à l'aide de deux adages : 1° la règle spéciale déroge à la règle générale (lex specialis derogat generali) ; 2° la règle nouvelle déroge à la règle ancienne (lex posterior derogat priori). En réalité, ces maximes ne s'appliquent que dans la mesure où les méthodes usuelles d'interprétation en vérifient la justesse (ATF 106 Ib 175, 111 ss ; 104 Ia 9 ; 104 IV 291 ; A. GRISEL op. cit. p. 135).

A lecture des articles 27 LPAC et 75A LOJ une contradiction paraît exister entre ces textes. En effet, l'art. 27 LPAC instaure une procédure obligatoire en cas de révocation, selon laquelle, au terme d'une enquête donnant lieu à un rapport, le Conseil d'Etat peut prononcer la révocation. Le préavis de la commission de gestion n'est pas mentionné.

L'art. 75A LOJ al. 2 in fine instaure un régime particulier en faveur du pouvoir judiciaire, selon lequel la résiliation des rapports de service est prononcée par le Conseil d'Etat sur préavis de la commission de gestion. A teneur du texte de la loi, le préavis de la commission de gestion doit être requis dans tous les cas de résiliation, que celle-ci intervienne pour motifs objectivement fondés, devenus depuis lors des motifs fondés (art. 22 LPAC), ou qu'il s'agisse de la sanction prévue par l'art. 16 al. 1 ch. 5 LPAC (révocation). En effet, le préavis de la commission de gestion étant expressément prévu pour la sanction qui précède la révocation, soit le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans, a fortiori doit-il être exigé pour la sanction disciplinaire la plus grave, la révocation. On voit mal en effet que pour une sanction plus grave, le fonctionnaire ait moins de garanties procédurales. De même, le message prévoyant l'exigence du préavis de la commission de gestion pour les cas de résiliation pour motifs fondés, il serait contraire à l'esprit de la loi que ce préavis ne soit pas requis en cas de résiliation pour motif disciplinaire (révocation).

L'art. 75A LOJ est une loi spéciale dérogeant au régime général instauré par l'art. 27 LPAC (lex specialis derogat generali).

En l'espèce, aucun préavis de la commission de gestion ne figure au dossier.

Au vu de ce qui précède, le préavis de la commission de gestion requis par l'art. 75A LOJ n'ayant pas été sollicité ni obtenu, l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 août 2008 prononçant la révocation de la recourante est contraire au texte de la loi. Ce faisant il viole également une garantie procédurale conférée aux fonctionnaires du pouvoir judiciaire en cas de résiliation des rapports de service. Partant, il est nul. Les conclusions de la recourante doivent être admises sur ce point.

7. a. A la lumière des considérations rappelées ci-dessus, se pose la question de savoir si la nomination de M. Peila comme enquêteur par arrêté du 30 avril 2008, alors qu'en sa qualité de président de la Cour de Justice depuis le 7 janvier 2008, il était membre de droit de la commission de gestion depuis cette date (art.75B LOJ), ne contrevient pas à l'art.15 al. 2 let. c et d LPA et serait susceptible d'invalider l'enquête administrative qu'il a conduite.

En effet, l'art. 75B LOJ définit la commission de gestion comme l'autorité hiérarchique à laquelle est soumis le personnel du pouvoir judiciaire. Faire mener l'enquête disciplinaire par un membre de ladite commission revient à la confier au supérieur hiérarchique du fonctionnaire. De surcroît, si le préavis prévu par l'art. 75A LOJ avait été requis, ce magistrat aurait agi à deux titres différents dans le même dossier : tout d'abord en sa qualité d'enquêteur et ensuite comme membre de l'autorité de préavis. Dans le cas d'espèce, cependant, cette interrogation souffre de rester indécise, la nullité de l'arrêté du 27 août 2008 ayant déjà été constatée pour un autre motif.

b. Pour le surplus, l'enquêteur a convoqué la recourante à une audience le 20 mai 2008 alors que celle-ci avait averti son supérieur hiérarchique direct, soit le greffier de juridiction, par pli du 26 avril 2008, qu'elle était en arrêt maladie en tout cas jusqu'au 25 mai 2008. Là encore, la régularité de la procédure pourrait être mise en cause mais cette question peut demeurer ouverte dès lors que la nullité de l'arrêté du 27 août 2008 a déjà été constatée.

c. Enfin, la présence d'extraits d'une procédure pénale qui n'était pas devenue contradictoire, faute d'inculpation formelle, dans le dossier administratif de la recourante est loin d'aller de soi comme le soutient le Conseil d'Etat. Elle est susceptible de constituer une violation du secret de fonction. Cependant, le tribunal de céans peut se dispenser de poursuivre toute analyse sur ce point étant donné que d'une part il en a ordonné l'apport dans le cadre de la présente procédure, et que d'autre part il a constaté la nullité de la décision de révocation avec effet rétroactif pour un autre motif, déjà exposé.

8. La question de savoir si la recourante était privée de discernement le 27 mars 2008 lors des évènements qui ont motivé sa révocation peut demeurer ouverte, cette sanction ayant été annulée pour un autre motif. Dans ces conditions, reste à examiner la validité de la démission de la recourante, donnée par pli du 23 mai 2008 avec effet au 31 août 2008, cette dernière invoquant sa nullité au motif qu'elle était privée de discernement au moment où elle l'avait rédigée.

a. L'acte juridique accompli par une personne incapable de discernement est nul (art. 18 CC; ATF 117 II 18 consid. 7a p. 24). Le discernement est défini à l'art. 16 CC comme la faculté d'agir raisonnablement. Il comporte deux éléments, un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté (ATF 124 III 5 consid. 1a p. 8; 117 II 231 consid. 2a p. 232 et les références citées). La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (principe de la relativité du discernement ; ATF 118 Ia 236 consid. 2b in fine p. 238 ; 117 II 231 consid. 2a p. 232/233 et les références citées).

  b. Une personne n'est privée de discernement au sens de la loi que si sa faculté d'agir raisonnablement est altérée, en partie du moins, par l'une des causes énumérées à l'art. 16 CC, dont la maladie mentale et la faiblesse d'esprit, à savoir des états anormaux suffisamment graves pour avoir effectivement altéré la faculté d'agir raisonnablement dans le cas particulier et le secteur d'activité considérés. Par maladie mentale, il faut entendre des troubles psychiques durables et caractérisés qui ont sur le comportement extérieur de la personne atteinte des conséquences évidentes, qualitativement et profondément déconcertantes pour un profane averti (ATF 117 II 231 consid. 2a in fine p. 233/234 et les références citées).

  c. Comme elle est généralement donnée chez les adultes, la capacité de discernement est présumée : il incombe à celui qui prétend qu'elle fait défaut de le prouver (ATF 118 Ia 236 consid. 2b p. 238). Cette preuve n'est soumise à aucune prescription particulière; un très haut degré de vraisemblance excluant tout doute sérieux suffit (ATF 117 II 231 consid. 2b p. 234; 108 V 121 consid. 4 p. 126; 98 Ia 324 consid. 3 p. 325). On admet que cette preuve est rapportée dans le cas d'un enfant en bas âge ou d'un malade mental notoire (J.-M. GROSSEN, Les personnes physiques, in Traité de droit privé suisse, tome II, 2, p. 38) ; dans ces hypothèses, il y a renversement du fardeau de la preuve en ce sens que celui qui prétend que la faculté d'agir raisonnablement existe malgré la cause d'altération doit l'établir, par exemple en démontrant que le malade mental a agi au cours d'un intervalle lucide (ATF 124 III 5 consid. 1bp. 8/9 ; 117 II 231 consid. 2b p. 234 et les arrêts cités).

Il est établi que la recourante souffre depuis plusieurs années de troubles d'ordre psychique qui ne l'ont pas empêchée, depuis 2004, de donner entière satisfaction à ses supérieurs hiérarchiques, tant du point de vue du comportement que de celui de la réalisation des objectifs professionnels jusqu'aux événements du 27 mars 2008.

La recourante a adressé sa lettre de démission au secrétaire général par pli du 23 mai 2008 à un moment où elle était déjà assistée d'un conseil. Avant cet envoi, ce dernier a expliqué au secrétaire général dans un courrier très détaillé du 3 mai 2008 pour quelles raisons la recourante envisageait de lui adresser une telle lettre. Se rendant compte que son état de santé ne lui permettait plus de remplir sa fonction, la recourante souhaitait démissionner. Un accord à ce sujet aurait permis à son employeur de faire l'économie d'une enquête disciplinaire et de repourvoir son poste très rapidement.

La démission de la recourante s'inscrivait dans une stratégie qui visait à aboutir à un accord prévoyant la fin de l'enquête administrative sans qu'aucune sanction soit prononcée à son encontre. Ainsi, loin d'avoir été donnée dans un moment d'égarement, cette démission avait été mûrement réfléchie dans la perspective d'une négociation pouvant mettre un terme au litige. En conséquence elle est parfaitement valable, la capacité de discernement de la recourante étant entière au moment où elle a rédigé la lettre de congé du 23 mai 2008.

Il faut donc admettre que la recourante a valablement adressé sa démission au pouvoir judiciaire par pli du 23 mai 2008 avec effet au 31 août 2008. La question de savoir si le congé aurait été accepté par son employeur est purement académique, dans la mesure où celui-ci a clairement manifesté par la suite sa volonté de mettre un terme à l'engagement de la recourante.

9. Au moment où elle a donné son congé, la recourante faisait l'objet d'un arrêté prononçant l'ouverture d'une enquête disciplinaire à son encontre ainsi que sa suspension provisoire accompagnée de la suspension provisoire de toute prestation à la charge de l'Etat de Genève à son endroit à partir du 30 avril 2008.

Dans une jurisprudence constante, le tribunal de céans a jugé que la suspension provisoire pour enquête a un caractère temporaire et ne préjuge nullement de la décision finale. Elle apparaît ainsi comme une sorte de mesure provisionnelle prise dans l'attente d'une décision finale relative à une sanction ou un licenciement (ATA/679/2002 du 12 novembre 2002 et les références citées).

En l'espèce, le Tribunal administratif a constaté la nullité de l'arrêté du 27 août 2008 prononçant le licenciement de la recourante. Entretemps, celle-ci a notifié son congé à son employeur avec effet au 31 août 2008. Au vu de ces deux éléments, l'arrêté du 30 avril 2008 n'a plus de raison d'être. La recourante a ainsi droit aux prestations de son employeur pour les mois de mai à août 2008. En conséquence, le tribunal de céans renverra le dossier au Conseil d'Etat pour que celui-ci calcule le montant des prestations dues à la recourante pour les mois de mai à août 2008.

10. Enfin, la recourante soutient encore que, malade au moment où était intervenue la révocation, elle avait droit aux indemnités pour incapacité de travail prévus par l'art. 54 al. 1 RPAC même après la cessation des rapports de service.

a. Selon l’art. 10 al. 1 de la LTrait, le droit au traitement prend naissance le jour de l’entrée en fonction et s’éteint le jour de la cessation des rapports de service.

L’art. 53 al. 2 RPAC reprend ce principe, selon lequel le fonctionnaire a droit à son traitement dès le jour où il occupe sa fonction et jusqu’au jour où il cesse de l’occuper pour cause de démission ou pour toute autre cause.

Le traitement est remplacé par une indemnité pour incapacité de travail lorsqu’une absence est due à une maladie ou à un accident, attestée par un certificat médical (art. 54 al. 1 RPAC). Moyennant une prime payée par le fonctionnaire ou l’employé, dès la deuxième année d’activité, l’Etat garantit la totalité du traitement à concurrence de 730 jours civils, respectivement 520 jours de travail (art. 54 al. 2 RPAC), étant précisé que la durée des prestations prévue dans cet alinéa ne peut dépasser 730 jours civils (520 jours de travail) au total sur une période d’observation de 1'095 jours civils, respectivement 780 jours de travail (art. 54 al. 5 RPAC).

b. L’art. 54 RPAC emploie les mots « traitement » et « jours de travail » à dessein. Il fait clairement référence au fait que les indemnités à verser en cas de maladie sont prévues pour la personne au service de l’Etat et non pour celle pour laquelle le rapport de travail a pris fin. D’ailleurs, ces indemnités sont financées par le prélèvement d’une prime, laquelle ne peut être prélevée que sur le traitement de l’intéressé (ATA/7/2005 du 11 janvier 2005 ; ATA/873/2004 du 9 novembre 2004).

Dans le cas d'espèce, l'argumentation développée par la recourante n'est pas pertinente. En effet, le tribunal de céans a constaté la nullité de l'arrêté de révocation, faute de préavis de la commission de gestion. En revanche, il a reconnu la validité de la résiliation opérée par la recourante par lettre du 23 mai 2008 avec effet au 31 août 2008. La recourante a ainsi résilié de son plein gré son rapport de service. Son droit au traitement ou à toute indemnité s'est donc éteint le jour de la cessation des rapports de service, soit à partir du 31 août 2008. Il s'ensuit qu'à partir de cette date, la recourante n'a plus droit à aucune prestation de la part de l'Etat de Genève. Mal fondé, ce grief sera écarté.

11. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis, dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal administratif constatera la nullité de l'arrêté de révocation du 27 août 2008. L'Etat de Genève sera condamné à verser à la recourante les prestations qui lui sont dues pour les mois de mai, juin, juillet et août 2008. Le dossier sera renvoyé au Conseil d'Etat afin qu'il calcule les indemnités dues avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2008. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante. Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- lui sera allouée à charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA). Un émolument de CHF 1'000.- sera également mis à la charge du Conseil d'Etat qui succombe partiellement.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

préalablement :

donne acte à Madame B______ de ce qu'elle a retiré les conclusions prises dans son recours du 13 mai 2008 à l'encontre de l'arrêté du Conseil d'Etat du 30 avril 2008 ;

à la forme :

déclare partiellement recevable le recours interjeté le 29 septembre 2008 par Madame B______ contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 août 2008 ;

au fond :

l’admet partiellement dans la mesure où il est recevable ;

constate la nullité de l'arrêté du Conseil d'Etat du 27 août 2008 ;

condamne l'Etat de Genève à verser à la recourante tout traitement ou toute indemnité due pour les mois de mai, juin, juillet et août 2008 avec intérêts à 5% dès le 1er septembre 2008 et renvoie le dossier au Conseil d'Etat afin qu'il procède aux calculs nécessaires ;

 

le rejette au surplus ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

met à la charge du Conseil d'Etat un émolument de CHF 1'000.- ;

alloue à la recourante, à charge de l'Etat de Genève une indemnité de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

-  par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

-  par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

-  par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les articles 113 et suivants LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie Bornoz, avocate de la recourante ainsi qu'au Conseil d'Etat et pour information, au président de la commission de gestion du pouvoir judiciaire.

Siégeants : M. Thélin président, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges, M. Hottelier, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le vice-président :

 

 

P. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :