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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/298/2007

ATA/306/2007 du 12.06.2007 ( FIN ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; ACTION PECUNIAIRE ; FONCTIONNAIRE ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : LOJ.56F.al1.leta
Résumé : Dans une interprétation conforme au droit fédéral, l'ancienne teneur de l'article 31 alinéa 3 LPAC permet à l'employé licencié à tort et non réintégré d'obtenir une indemnité correspondant au plus à six mois du dernier traitement brut.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/298/2007-FIN ATA/306/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 12 juin 2007

dans la cause

 

Madame T______
représentée par Me Yves Bertossa, avocat

contre

OFFICE DU PERSONNEL DE L'ÉTAT


 


EN FAIT

1. Par arrêt du 30 mai 2006 à l’état de fait duquel il y a lieu de se référer, le Tribunal administratif a admis partiellement le recours de Madame T______, alors employée du département de l’économie et de la santé (ci-après : DES) en qualité de collaboratrice scientifique, contre son licenciement, intervenu par décision de l’office du personnel de l’Etat (ci-après : OPE) du 16 mars 2005, avec effet au 30 juin 2005 (ATA/297/2006).

Le tribunal de céans a constaté que la résiliation des rapports de travail était contraire au droit et a proposé la réintégration de l’intéressée. En revanche, il a rejeté les conclusions subsidiaires de Mme T______ en indemnisation équivalente à 18 mois de traitement brut, pour le cas où elle ne serait pas réintégrée. En effet, en cas de décision négative de l’autorité compétente à cet égard, elle ne pouvait, à teneur de loi, prétendre, en tant qu’employée, au versement d’une indemnité, celle-ci étant réservée aux seuls fonctionnaires.

2. La réintégration de Mme T______ a été refusée le 28 juin 2006 par l’OPE.

3. Par acte du 10 juillet 2006, Mme T______ a recouru contre l’arrêt susmentionné auprès du Tribunal fédéral, concluant à son annulation et au renvoi de la cause au Tribunal administratif pour nouvelle décision. En précisant qu’en cas de refus de réintégration de l’intéressée, aucune indemnité ne lui serait due, la juridiction genevoise avait consacré une violation de l’interdiction de l’arbitraire et du principe d’égalité de traitement inscrite dans la législation genevoise, soit à l’article 31 alinéa 3 de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), qui réservait aux seuls fonctionnaires le droit d’être indemnisés en cas de non réintégration suite à un licenciement illégal.

4. Par arrêt du 28 novembre 2006, notifié le 25 janvier 2007, le Tribunal fédéral a admis le recours, considérant que l’article 31 alinéa 3 LPAC, en tant qu’il déniait aux employés de l’Etat tout droit à une réparation, devait être considéré comme inconstitutionnel. Le résultat auquel aboutissait son application était arbitraire. La réglementation était insatisfaisante dans la mesure où le défaut de conséquence économique d’un licenciement d’employé contraire au droit vidait le recours au Tribunal administratif d’une part significative de son sens et que le comportement illégal de l’Etat n’était pas sanctionné.

Le Tribunal fédéral a encore précisé que le tribunal de céans pourrait aisément, dans le cadre de ses compétences, faire de l’article 31 alinéa 3 LPAC une application conforme à la Constitution, et allouer à la recourante une indemnité pour licenciement contraire au droit, comme la loi le prévoyait pour les fonctionnaires, en s’inspirant de la réglementation contenue à l’article 336a de la loi fédérale complétant le code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations (CO - RS 220), le principe de l’égalité de traitement permettant de fixer des montants d’indemnisation différents pour les employés et les fonctionnaires.

5. Par courrier du 31 janvier 2007, le juge délégué a invité Mme T______ à lui indiquer si, suite à l’arrêt susmentionné, elle maintenait l’intégralité de ses conclusions en indemnité.

6. Le 15 février 2007, l’intéressée a maintenu ses conclusions en allocation d’une indemnité équivalant à 18 mois de traitement brut, soit la somme de CHF 118'318,50 avec intérêts à 5 % dès le 1er juillet 2005.

7. Le 5 mars 2007, l’OPE a conclu que le montant de l’indemnité ne saurait atteindre 18 mois du dernier traitement brut. Il devait être réduit et fixé conformément aux considérants de l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 novembre 2006 et à la jurisprudence du Tribunal administratif en la matière pour les fonctionnaires. L’autorité n’a pas indiqué de montant.

8. Le 6 mars 2007, l’affaire a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Par arrêt du 28 novembre 2006, le Tribunal fédéral a annulé l’arrêt du Tribunal administratif du 30 mai 2006 (ATA/297/2006) dans son intégralité, de sorte qu’il y a lieu non seulement de statuer à nouveau sur la question tranchée par la juridiction fédérale, mais aussi de confirmer formellement les éléments non attaqués du jugement antérieur. On rappellera à cet égard que le recours avait été déclaré recevable et qu’après examen, pour les détails duquel renvoi est fait à l’ATA/297/2006, le tribunal de céans avait admis que le licenciement prononcé était arbitraire.

2. Il reste à examiner les conclusions en indemnités de la recourante, les prétentions qu’elle fait valoir devant être traitées comme constitutives d’action pécuniaire.

3. Déposée devant la juridiction compétente, l’action pécuniaire est recevable (art. 56F alinéa 1 litt a de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05), étant précisé qu’une telle action est subsidiaire et que sous réserve de la prescription et de la péremption du droit invoqué, elle n’est subordonnée à aucun délai (ATA/685/2004 du 31 août 2004 ; ATA/256/2000 du 18 avril 2000).

4. La réintégration de Mme T______ ayant été refusée, il appartient à la juridiction de céans de fixer l’indemnité due à cette dernière.

a. Le 31 mai 2007 est entrée en vigueur une révision de la LPAC. Dans sa nouvelle teneur, l’article 31 alinéa 3 de cette loi prévoit qu’en cas de décision négative de l’autorité invitée à réintégrer un employé licencié en violation de la loi, le tribunal de céans fixe une indemnité dont le montant ne peut être inférieur à un mois ni supérieur à six mois du dernier traitement brut, à l’exclusion de tout autre élément de rémunération.

Si la disposition transitoire de la novelle prévoit que le nouveau droit ne s’applique pas aux procédures litigieuses au moment de son entrée en vigueur (art. 4 de la loi modifiant la LPAC, du 23 mars 2007), il n’en reste pas moins que l’on dispose d’une indication claire de la volonté du législateur cantonal de limiter à six mois de traitement l’indemnisation de l’employé licencié à tort.

b. L’article 336a CO - dont il y a lieu de s’inspirer conformément à l’arrêt du Tribunal fédéral du 28 novembre 2006 - limite également à six mois de salaire l’indemnité à laquelle peut prétendre le travailleur licencié abusivement. La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que cette indemnité avait une double finalité, punitive et réparatrice (ATF 123 III 391, consid. 3 p. 392-394).

Au vu de ce qui précède, le Tribunal administratif admettra que, dans une interprétation conforme au droit fédéral, l’ancienne teneur de l’article 31 alinéa 3 LPAC permet à l’employé licencié à tort et non réintégré d’obtenir une indemnité correspondant au plus à six mois du dernier traitement brut.

5. Dans sa jurisprudence développée à l’occasion de la fixation de l’indemnité due à des fonctionnaires, le Tribunal administratif tient compte de la nature des manquements reprochés à l’intéressé et de ses éventuels antécédents, de la gravité de ses fautes, de la durée des rapports de service, de son âge au moment du licenciement, des possibilités de retrouver un emploi, des défaillances des supérieurs hiérarchiques et de l’égalité de traitement avec un autre protagoniste (ATA/314/2005 du 26 avril 2005 et les références citées).

In casu, le Tribunal administratif retiendra que la recourante a été licenciée abruptement, sans que son employeur dispose d’élément permettant de douter de sa loyauté et de sa fidélité, ni de considérer que le lien de confiance avec elle était rompu. La décision arbitraire de l’intimé, comme le processus qui l’a générée, ont eu des répercussions sur la santé de l’intéressée alors que les rapports de travail perduraient. Ainsi, aucun manquement ne peut être reproché à Mme T______, au contraire de sa hiérarchie, qui a gravement violé la loi. Au vu de l’ensemble des circonstances, il y a lieu d’octroyer à la recourante l’indemnité maximum, telle que définie ci-dessus, soit six mois de son dernier traitement brut. La somme portera intérêt dès la naissance du droit à l’indemnité, soit dès le refus de l’OPE de réintégrer Mme T______ au sein du personnel de l’Etat.

6. Au vu de ce qui précède, le recours, traité en tant que de besoin comme action pécuniaire, sera admis partiellement. Eu égard aux motifs ayant conduit à cette admission partielle, aucun émolument ne sera perçu à la charge de la recourante. Un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge de l’office du personnel de l’Etat et une indemnité de CHF 3'000.- sera allouée à la recourante, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2005 par Madame T______ contre la décision de l’office du personnel de l’Etat du 16 mars 2005, y compris en tant qu’il doit être traité comme action pécuniaire ;

au fond :

admet partiellement le recours et l’action pécuniaire ;

constate que la résiliation des rapports de travail de Mme T______ est contraire au droit ;

prend acte du refus de l’office du personnel de l’Etat, du 28 juin 2006, de réintégrer Mme T______ ;

fixe l’indemnité due par l’Etat de Genève à Mme T______ à six mois de son dernier traitement brut avec intérêts à 5 % dès le 29 juin 2006 ;

condamne en tant que de besoin l’Etat de Genève à payer dite indemnité ;

met à la charge de l’office du personnel de l’Etat un émolument de CHF 2'500.- ;

alloue à Mme T______ une indemnité de procédure de CHF 3'000.- à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt  peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les articles 113 et suivants LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt  et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yves Bertossa, avocat de la recourante ainsi qu'à l’office du personnel de l’Etat.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :