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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2244/2017

ATA/1504/2017 du 21.11.2017 ( PROF ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2244/2017-PROF ATA/1504/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 novembre 2017

 

dans la cause

 

Monsieur A______

et

B______

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L'ÉCONOMIE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été autorisé, par arrêté du 1er février 2013, à exploiter l’entreprise de sécurité C______, en raison individuelle.

Par arrêté du 22 juillet 2014, renouvelé le 3 février 2017, le département de la sécurité et de l’économie (ci-après : le DSE ou le département) a autorisé l’intéressé à exploiter, en lieu et place de l’entreprise en raison individuelle, l’entreprise de sécurité B______ (ci-après : B______).

2) Le 27 janvier 2016, le DSE a infligé à M. A______ un avertissement et, solidairement avec B______, une amende administrative de CHF 500.-. Des manquements en lien avec la formation continue des agents de sécurité avaient été constatés.

Cette décision est devenue définitive.

3) Le 6 avril 2017, B______ a sollicité du département le renouvellement de l’autorisation concordataire de Monsieur D______, agent de sécurité.

La carte à renouveler était échue depuis le 26 mars 2017.

4) Le 12 avril 2017, le département a délivré l’autorisation sollicitée, valable jusqu’au 11 avril 2021.

5) Le 13 avril 2017, le département a interpellé B______ et M. A______. Il envisageait de lui infliger un avertissement et une amende administrative pour n’avoir pas renouvelé l’autorisation d’engager M. D______ dans le délai.

6) Le 21 avril 2017, M. A______ et B______ se sont déterminés. Ils avaient à plusieurs reprises demandé à M. D______ de remettre les documents nécessaires au renouvellement. Ce dernier n’avait pas travaillé entre le 26 mars 2017 et le renouvellement de son autorisation.

7) Le 3 mai 2017, le département a infligé à M. A______ un avertissement et, conjointement et solidairement avec B______, une amende administrative de CHF 300.-. Les faits reprochés n’étaient pas contestés. La demande de renouvellement devait être déposée au moins deux mois avant son échéance.

8) Le 17 mai 2017, B______ et M. A______ ont saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée. M. D______ était engagé sur appel et payé à un tarif horaire. Ses activités avaient été suspendues depuis le 26 mars 2017 et il n’avait pas travaillé sans autorisation. Les motifs pour lesquels la demande avait été déposée tardivement avaient été expliqués au département.

9) Le 26 juin 2017, le département a conclu au rejet du recours. Aucune pièce ne démontrait que M. D______ n’avait pas travaillé entre le 26 mars et le 12 avril 2017. Au demeurant, l’intéressé avait conservé sa carte de légitimation, ce que le concordat tendait à préciser.

10) Dans le délai qui leur a été accordé pour répliquer, M. A______ et B______ ne se sont pas déterminés.

11) Sur quoi, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 28 juillet 2017.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Une autorisation préalable est nécessaire pour exploiter une entreprise de sécurité dans les cantons concordataires et engager du personnel à cet effet (art. 7 al. 1 let. a du concordat sur les entreprises de sécurité du 18 octobre 1996 - CES I 2 14). Le canton de Genève a adhéré le 2 décembre 1999 audit concordat (art. 1 de la loi concernant le concordat sur les entreprises de sécurité - L CES - I 2 14.0, entrée en vigueur le 1er mai 2000). L’autorisation d’engager du personnel n’est donnée à une entreprise de sécurité que si les conditions de l’art 9 al. 1 CES sont remplies par l’agent de sécurité ou le responsable de l’entreprise. La durée de validité de cette autorisation est de quatre ans (art. 12A al. 1 CES).

b. Les entreprises de sécurité doivent communiquer immédiatement aux autorités cantonales compétentes toute modification de l’état de leur personnel (art. 11 al. 1 CES). À l’expiration d’une autorisation, celle-ci devient caduque, raison pour laquelle l’entreprise a l’obligation de restituer immédiatement au service les cartes de légitimation (art. 8 al. 1 du règlement concernant le concordat sur les entreprises de sécurité du 19 avril 2000 - RCES - I 2 14.01).

c. La commission concordataire veille à une application uniforme du concordat dans les cantons concordataires ; à cet effet, elle prend les directives nécessaires et donne aux autorités compétentes, sur requête, des instructions dans des cas d'espèce (art. 28 al. 1 CES). La directive générale du 28 mai 2009 concernant le CES (ci-après : la directive) a été édictée en application des normes précitées. Son paragraphe 2.10.4 prévoit que les requêtes de renouvellement doivent être présentées au moins deux mois avant la date d'échéance des autorisations.

d. Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique, et non les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc avoir pour objet la situation juridique de tiers (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, ch. 2.8.3.1). L'ordonnance administrative ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, mais s'en écartera dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/552/2013 du 27 août 2013 consid. 4d).

e. L’autorité qui a accordé l’autorisation à une entreprise de sécurité d’engager du personnel peut prononcer un avertissement lorsque son titulaire ou l’agent concerné contrevient aux dispositions du concordat, de ses directives d’application ou de la législation cantonale applicable (art. 13 al. 2 et 3 let. a CES). Elle peut prononcer, en sus, une amende administrative d’un montant maximum de CHF 60'000.- (art. 13 al. 2 et 3 CES). Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi en son nom, la personne morale répond solidairement des amendes (art. 4 L CES).

3) En l’espèce, le recourant admet avoir omis de solliciter le renouvellement de l’autorisation de l’un de ses employés dans le délai prévu par la directive.

Les explications qu’il donne pour justifier de ce retard, soit le fait que l’agent en question n’a pas travaillé dans la période située entre le terme de l’autorisation dont il était bénéficiaire et son renouvellement, comme le fait que son employé ait tardé à remettre au recourant les documents nécessaires, sont inaptes à légitimer ce retard. L’agent, qui était porteur d’une carte de légitimation échue et ne l’avait pas restituée, risquait d’en faire usage. Si la demande de renouvellement ne pouvait réellement pas être faite dans le délai, il appartenait au recourant d’annoncer le départ de l’agent de sécurité concerné, quitte à déposer une nouvelle demande lors de la production desdits documents.

Au vu de cette infraction au concordat, au règlement et à la directive, le prononcé d’un avertissement et d’une amende administrative est fondé.

4) a. Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C’est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/61/2014 du 4 février 2014 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 et les arrêts cités).

b. En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP ; ATA/61/2014 et ATA/74/2013 précités ; ATA/71/2012 du 31 janvier 2012).

c. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d’une simple négligence (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/ Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2006, n. 1’179). Selon la jurisprudence constante, l’administration doit faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi et jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende (ATA/61/2014 et ATA/74/2013 précités et les arrêts cités). La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès ou d'abus (ATA/160/2009 du 31 mars 2009). Enfin, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/61/2014 et ATA/74/2013 précités et les arrêts cités).

d. L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/61/2014 et ATA/74/2013 précités). L’autorité doit en outre faire application des règles contenues à l’art. 49 CP, lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion (arrêt du Tribunal fédéral 6B_111/2010 du 29 juin 2010 consid. 2 ; ATA/260/2014 du 15 avril 2014 consid. 17). De plus, lorsqu’une personne est sanctionnée pour des faits commis avant d’avoir été condamnée pour une autre infraction, le juge doit fixer la sanction de manière à ce que le contrevenant ne soit pas puni plus sévèrement que si un seul jugement avait été prononcé (art. 49 al. 2 CP ; ATA/135/2011 du 1er mars 2011 consid. 10).

5) En l’espèce, le recourant avait déjà fait l’objet d’un avertissement moins de deux ans avant les faits qui lui sont aujourd’hui reprochés, sanctionné à l’époque par une amende de CHF 500.-. Dans ces circonstances, l’infliction d’un avertissement ainsi que d’une amende de CHF 300.- respecte le principe de la proportionnalité.

6) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Au vu de l'issue du litige, un émolument de procédure de CHF 250.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2017 par Monsieur A______ et B______ contre la décision du département de la sécurité et de l’économie du 3 mai 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

dit qu'aucune indemnité de procédure ne sera allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ et à B______, ainsi qu'au département de la sécurité et de l'économie.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :