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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4068/2018

ATA/844/2020 du 01.09.2020 sur JTAPI/434/2019 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;FARDEAU DE LA PREUVE;DEVOIR DE COLLABORER;DETTE;INTÉRÊT DÉBITEUR; DÉDUCTION SOCIALE(DOUBLE IMP.);DÉNUEMENT
Normes : LPA.19; LPA.2; Cst.127.al1; Cst.127.al2; LIFD.25; LIFD.35; LIPP.28; LIPP.39; RCEPF.5; LPFisc.54
Résumé : Reconnaissance de la situation d’indigence du fils des contribuables qui répond à la définition de proche incapable de subvenir entièrement à ses besoins. Renvoi du dossier à l’administration fiscale afin qu’elle détermine les frais qui peuvent être pris en compte au titre des déductions sociales.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4068/2018-ICCIFD ATA/844/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er septembre 2020

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ et
Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2019 (JTAPI/434/2019)


EN FAIT

1) Mme A______ et son époux,
Monsieur B______, sont contribuables à Genève. Ils sont les parents de C______ et D______, nés le ______1988 et le ______ 1985.

Selon la base de données de l’office cantonal de la population,
M. D______, de nationalité suisse, est arrivé des États-Unis le
6 septembre 2016. Il s’est installé chez ses parents dès cette date et y résidait toujours à la fin de l’année 2016.

2) Dans leur déclaration fiscale 2016, les contribuables ont indiqué que leurs deux enfants, auxquels ils avaient fourni les moyens de subsistance, avaient été à leur charge en 2016. Leur fille, étudiante, n’avait pu exercer d’activité accessoire. Ils avaient hébergé leur fils car son faible revenu dégagé par son activité d’indépendant ne lui avait pas permis de couvrir ses besoins de base. Selon le feuillet G2 (charges de famille) de leur déclaration fiscale, leur fils avait réalisé des revenus bruts de CHF 747.- et disposait d’une fortune de CHF 28'118.-. La prestation qu’ils avaient versée en sa faveur s’élevait à CHF 13'184.-.

3) Par bordereaux du 23 mai 2018, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour l’année fiscale 2016. Pour l’impôt communal et cantonal (ci-après : ICC), elle n’a admis aucune charge de famille, leurs enfants ne représentant pas une telle charge pour eux au 31 décembre 2016. Pour l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD), elle leur a reconnu une charge de famille pour leur fille, mais pas pour leur fils qui ne constituait plus une telle charge pour eux au 31 décembre 2016.

4) Par courrier du 27 juin 2018, mentionnant sous concerne « impôts cantonaux et communaux, réclamation », les époux ont demandé la modification de leur bordereau ICC 2016 dès lors qu’ils estimaient avoir droit à une déduction sociale pour charge de famille. Ils n’entendaient pas contester le refus de déduire une charge de famille concernant leur fille. Ils contestaient par contre ce refus concernant leur fils qui était atteint de la maladie de Crohn. Malgré sa volonté et ses efforts pour mener une activité indépendante, il se trouvait empêché de gagner sa vie normalement par les manifestations chroniques de cette maladie. Ils avaient pourvu à son entretien, l’avaient hébergé et lui avaient fourni nourriture et soins, y compris le paiement de ses factures de médecin et primes
d’assurance-maladie. Cette aide dépassait largement le montant déductible de CHF 10'078.-.

Les contribuables ont, à cette occasion, également contesté leur taxation 2016 sur un point qui n’est aujourd’hui plus litigieux.

5) Par décision et nouveau bordereau ICC 2016 du 17 octobre 2018, l’AFC-GE a rejeté la réclamation en tant qu’elle concernait la charge de famille relative au fils. Ce dernier, âgé de plus de 25 ans, ne pouvait pas être considéré comme incapable de subvenir à ses besoins dès lors qu’il n’était ni invalide ni en âge d’être retraité.

Par décision et nouveau bordereau IFD 2016 du même jour, l’AFC-GE a également refusé de tenir compte d’une charge de famille pour le fils. Cette dernière décision était ainsi libellée : « ( .) le département des finances décide de vous remettre un bordereau rectificatif qui tient compte de vos remarques ».

6) Le 16 novembre 2018, les époux ont recouru contre ces décisions devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Une déduction sociale pour leur fils, qui était à leur charge, devait être prise en compte.

a. S’agissant de l’IFD, dans sa décision sur réclamation, l’AFC-GE avait indiqué qu’un bordereau rectificatif tenant compte de leurs remarques leur était remis. Autrement dit, l’AFC-GE avait accepté les griefs soulevés dans leur réclamation. Pourtant, le bordereau rectificatif retenait un revenu imposable de CHF 128'200.- et non de CHF 121'700.- car la correction pour la charge de leur fils n’avait pas été prise en compte. Ils attendaient que l’AFC-GE corrige le bordereau. Cette correction entraînerait le retrait de leur recours. À défaut, ils concluaient principalement à la confirmation de la décision sur réclamation, le TAPI devant ordonner la correction du bordereau. Subsidiairement, ils concluaient à ce que le TAPI leur accorde la déduction sociale pour leur fils.

b. En raison de sa maladie, leur fils n’était pas en mesure de subvenir seul à son entretien et dépendait de leur aide. Ils l’avaient accueilli, nourri et avaient pris en charge ses frais de médecin et d’assurance-maladie pour un montant de
CHF 13'184.-.

c. À leurs recours étaient notamment joints des rapports médicaux relatifs à une coloscopie et à une biopsie réalisées en septembre 2016 sur leur fils. Ces examens montraient « une iléite chronique active et une colite chronique active compatibles avec une maladie de Crohn ».

7) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Les rapports médicaux, produits pour la première fois au stade du recours, dataient de 2016. Il ne s’agissait pas de certificats médicaux faisant état d’une incapacité de travail du fils des contribuables en 2016. Il n’apparaissait pas que ce dernier soit dans l’incapacité totale ou partielle d’exercer une activité.

8) Les contribuables ont persisté dans leurs conclusions visant à la prise en compte d’une déduction sociale pour personne nécessiteuse concernant l’IFD 2016 et d’une déduction sociale pour proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins concernant l’ICC 2016.

Si le TAPI pensait devoir instruire la question de l’incapacité de travail de leur fils, ils étaient prêts à collaborer à l’obtention d’un certificat médical.

9) Suite à la demande du TAPI, les contribuables ont précisé que leur fils avait suivi une formation universitaire en Californie. En 2016, il avait eu une activité professionnelle dans l’édition et la vente de livres électroniques par internet. Il menait cette activité à titre indépendant à travers une société à responsabilité limitée enregistrée aux États-Unis.

Ils ont par ailleurs versé à la procédure un certificat médical établi le
28 février 2019 par un médecin spécialiste FMH en gastroentérologie (ci-après : le médecin). Il en ressortait que M. D______ avait présenté une incapacité de travail pour des raisons médicales au 31 décembre 2016.

10) Par duplique, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions et arguments. Dans sa réponse au recours, elle ne s’était pas attardée sur la question de la preuve des sommes versées par les contribuables à leur fils dès lors qu’ils n’avaient, quoi qu’il en soit, pas prouvé son état d’indigence. Les justificatifs et preuves des versements opérés n’avaient pas été apportés et il en découlait que leur réalité n’avait pas été démontrée.

11) Le 13 mars 2019, le TAPI a convoqué une audience dans le but d’entendre les parties. Il a invité M. D______ à lui confirmer son accord pour délier le médecin de son secret médical. Le médecin serait alors également convoqué à cette audience.

L’intéressé ayant refusé de délier le médecin de son secret médical, le TAPI a annulé l’audience.

12) Suite à cette annulation, les contribuables ont persisté dans leurs conclusions.

Ils estimaient à CHF 17'328.- l’aide fournie à leur fils. Le montant de l’aide fournie en nature (hébergement, nourriture) était de CHF 1'250.- mensuels, soit CHF 8'750.- pour les sept mois considérés en 2016. Sur la base des pièces qu’ils versaient à la procédure, ils avaient réglé directement des frais médicaux à hauteur de CHF 3'438.-, payé ses primes d’assurance-maladie obligatoire de CHF 423.- et réglé ses impôts et émoluments de CHF 117.-. Enfin, ils avaient transmis à leur fils un montant de CHF 4'600.- pour lui permettre de rembourser des dettes accumulées sur sa carte de crédit aux États-Unis (billet d’avion pour venir en Suisse et primes d’assurance-maladie dans ce pays). Ce montant était compris dans leur paiement de USD 6'000.- dont le solde concernait l’année 2017.

13) Le 29 avril 2019, le TAPI a rejeté le recours. Les contribuables n’avaient pas démontré qu’au 31 décembre 2016 leur fils s’était trouvé incapable de subvenir à ses besoins pour raisons médicales. Il ne pouvait pas être considéré comme une charge de famille, tant en ICC qu’en IFD.

a. M. D______ avait résidé chez ses parents du 6 septembre au 31 décembre 2016. Ils avaient acquitté en sa faveur sa prime d’assurance-maladie du mois de décembre 2016 à hauteur de CHF 423.80, et un montant ICC 2016 de CHF 35.35. Les autres avis de débit fournis ne pouvaient pas être pris en considération dès lors qu’il n’était pas établi à quelle fin les montants y figurant avaient été employés. Le chèque de USD 6'000.- avait été émis en 2017. Cela étant, il ne découlait pas du dossier qu’en échange de son hébergement auprès de ses parents, il aurait dû fournir une quelconque contre-prestation. Il devait donc être présumé que ses parents l’avaient entretenu, en sus des montants susmentionnés, sous la forme du gîte et du couvert.

b. Il ressortait des rapports d’examens médicaux que M. D______ présentait des traits compatibles avec la maladie de Crohn durant la période fiscale considérée. Le 8 mars 2019, les contribuables avaient versé à la procédure un certificat médical du Dr E_____ mentionnant que leur fils présentait une incapacité de travail pour raisons médicales au 31 décembre 2016. Ce document, exprimé en termes fort succincts, ne permettait toutefois pas de déterminer si et dans quelle mesure M. D______ n’aurait néanmoins pas été capable d’exercer une activité lucrative. Il avait d’ailleurs réalisé un revenu – certes faible – que les contribuables avaient chiffré à
CHF 720.- dans leur déclaration fiscale et à CHF 747.- dans leur recours.

14) Par acte posté le 13 juin 2019, les époux ont recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative). Ils ont conclu à son annulation et à la correction des taxations fiscales IFD et ICC 2016 en ce sens que la déduction pour l’entretien d’une personne nécessiteuse leur soit accordée pour leur fils, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

S’agissant de l’IFD, le TAPI n’avait pas statué sur leur conclusion principale, à savoir la confirmation de la décision sur réclamation, celle-ci indiquant que le bordereau rectificatif tiendrait compte de leurs remarques, et la rectification dudit bordereau. Leur capacité contributive avait diminué de
CHF 17'238.- en 2016 du fait des frais relatifs à l’entretien de leur fils. Ils avaient justifié tous ces frais, mais le TAPI les avait arbitrairement écartés. Des décomptes et preuves de paiements étaient joints à leur recours. Il y sera fait référence dans la partie en droit du présent arrêt.

Pour le reste, ils ont repris leurs arguments précédemment développés devant l’AFC-GE puis le TAPI.

15) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Aucun argument nouveau susceptible d’influer sur le sort du litige n’ayant été avancé par les contribuables, elle se référait à ses précédentes écritures.

16) Invitée à se déterminer sur le recours, l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) ne s’est pas manifestée. Le TAPI a pour sa part transmis son dossier sans formuler d’observations.

17) Le 18 octobre 2019, les époux ont persisté dans leurs conclusions.

Ils ont versé à la procédure un nouveau certificat médical établi par le médecin le 30 septembre 2019. Il en ressortait que l’état de santé de leur fils, encore sous traitement à cette date, nécessitait une incapacité de travail à 100 % au 31 décembre 2016. Ce certificat médical devait définitivement prouver l’incapacité de travail totale de leur fils. Cela dit, ils ne s’opposeraient pas à une demande de renseignements écrite auprès du médecin, ni à son audition si cela semblait nécessaire. Ils seraient également prêts à collaborer à l’obtention de la levée de son secret médical si cela s’avérait indispensable.

18) Après avoir été interpellé par la chambre de céans qui souhaitait un certificat médical circonstancié avec indication de la problématique médicale, et après avoir été délié du secret médical par M. D______, le médecin a, le
15 juillet 2020, apporté des précisions à propos de l’incapacité de travail à 100 % de son patient.

Une coloscopie et des biopsies effectuées le 21 septembre 2016 avaient mis en évidence une inflammation de l’intestin grêle et du rectum et confirmé un diagnostic de maladie de Crohn active. Le patient présentait des symptomatologies de diarrhées fréquentes jusqu’à dix fois par jour avec des saignements ainsi qu’une fatigue l’empêchant de pouvoir travailler pendant toute l’année 2016. C’était pour ce motif qu’il avait établi un certificat d’incapacité de travail à 100 % jusqu’à la fin de l’année 2016.

19) Invitée à se déterminer, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions. La réponse du médecin du 15 juillet 2020 ne permettait pas de remettre en question sa position consistant à considérer que M. D______ n’aurait pas été capable d’exercer, même partiellement, voire de manière aménagée, compte tenu notamment de son activité dans le domaine de l’Internet, une activité lucrative en raison de son atteinte à la santé en 2016.

Elle produisait, dans un bordereau de pièces complémentaire couvert par le secret fiscal, les déclarations fiscales et les avis de taxation ICC de
M. D______ pour les années 2016 à 2019. Le dossier dont elle disposait ne contenait aucune indication quant au dépôt d’une éventuelle demande de prise en charge du fils des contribuables ou d’une éventuelle fourniture de prestations ou de rentes à celui-ci par l’assurance-invalidité (ci-après : AI) ou par une caisse de chômage entre 2016 et 2019, date de son départ pour les États-Unis selon les informations ressortant du fichier de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Il convenait de tenir compte du manque de collaboration des contribuables dans la fixation des frais et dépens.

20) Pour leur part, les contribuables ont estimé que les indications fournies par le médecin dans son dernier courrier confirmaient leurs allégués.

21) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du
4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2) Le litige porte sur le refus par l’AFC-GE, confirmé par le TAPI, de tenir compte de déductions sociales dans les taxations IFD 2016 et ICC 2016 des contribuables pour leur fils qu’ils estiment être à leur charge.

3) a. Les recourants font grief au TAPI de ne pas avoir statué sur leur conclusion principale. S’agissant de l’IFD, ils avaient demandé la confirmation de la décision sur réclamation, l’intimée ayant indiqué dans cette décision que le nouveau bordereau tiendrait compte de leurs remarques alors que tel n’avait pas été entièrement le cas.

b. Il ressort en effet de la décision sur réclamation rendue le 17 octobre 2018 en matière d’IFD, qu’était remis aux recourants un bordereau rectificatif tenant compte de leurs remarques. Cette mention fait toutefois référence à la prise en compte d’un autre grief soulevé par les recourants, grief qui portait sur un point qui n’est à ce stade plus litigieux. Le bordereau IFD 2016 rectificatif du
17 octobre 2018 fait partie intégrante de la décision qui l’accompagne à laquelle se réfère les recourants. Or, ce bordereau mentionne sans équivoque possible, sous la rubrique « explications », que leur fils ne représente plus une charge de famille. Il en découle qu’en concluant à la confirmation de la décision sur réclamation, les recourants demandait à obtenir le contraire du résultat auquel ils entendent parvenir. Certes, la formulation utilisée par l’intimée aurait été plus claire rédigée sous la forme suivante : « le département des finances décide de vous remettre un bordereau rectificatif qui tient partiellement compte de vos remarques ». Il n’en demeure pas moins que même si le TAPI ne s’est pas prononcé sur la conclusion principale des recourants, cela reste sans effet sur l’issue du litige, les conclusions des recourants portant quoi qu’il en soit sur la prise en compte de déductions sociales pour leur fils.

4) a. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1428/2019 du 24 septembre 2019
consid. 6a).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/1428/2019 précité consid. 6a).

b. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., p. 513 n. 11). Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; ATA/1428/2019 précité consid. 6b) ; Xavier OBERSON, op. cit., p. 514 n. 12).

5) a. En matière fiscale, la garantie de l’art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) est concrétisée par les principes de la généralité et de l’égalité de l’imposition, ainsi que par le principe de la proportionnalité de la charge fiscale fondée sur la capacité économique, lesquels ont été codifiés à l’art. 127 al. 2 Cst. (ATF 141 I 235 consid. 7.1). En vertu des principes de l’égalité d’imposition et de l’imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu’ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. D’après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques, compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1).

b. Le principe de la légalité gouverne l’ensemble de l’activité de l’État
(art. 5 al. 1 et 36 al. 1 Cst.) et revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l’art. 127 al. 1 Cst., lequel prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l’objet de l’impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 135 I 130 consid. 7.2).

c. Les déductions sociales et les barèmes ont pour but d’adapter, de manière schématique, la charge d’impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuables conformément au principe de l’imposition selon la capacité économique de l’art. 127 al. 2 Cst. Ce sont autant d’ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles et, sous cet angle restreint, une certaine égalité de traitement. La réglementation légale en matière de déductions comprend nécessairement un certain schématisme en raison de la multiplicité des situations individuelles à considérer, ce qui est toutefois, de manière générale, compatible avec les principes ancrés à l’art. 127 Cst. Le Tribunal fédéral a retenu à plusieurs reprises qu’il n’est pas réalisable, pour des raisons pratiques, de traiter chaque contribuable de façon exactement identique d’un point de vue mathématique et que, de ce fait, le législateur est autorisé à choisir des solutions schématiques. S’il n’est pas possible de réaliser une égalité absolue, il suffit que la réglementation n’aboutisse pas de façon générale à une charge sensiblement plus lourde ou à une inégalité systématique à l’égard de certaines catégories de contribuables. À cela s’ajoute que les possibilités de comparer les différentes situations restent limitées (ATF 141 II 338 consid. 4.5 et les références citées).

6) a. L’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD).

L’art. 35 al. 1 let. b LIFD prévoit que sont déduits du revenu CHF 6'500.- pour chaque personne totalement ou partiellement incapable d’exercer une activité lucrative, à l'entretien de laquelle le contribuable pourvoit, à condition que son aide atteigne au moins le montant de la déduction. Cette disposition permet de tenir compte de la diminution de la capacité contributive du contribuable, qui par obligation juridique ou par devoir moral, entretient un proche (arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2010 du 2 novembre 2011 consid. 2.1 ; ATA/482/2018 du
15 mai 2018).

b. En droit genevois, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu’en soit l’origine, avant déductions
(art. 17 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 29 à 37 LIPP (art. 28 LIPP).

Sont ensuite déduites du revenu net annuel, au titre des déductions sociales, notamment celles pour charges de famille. Selon les art. 39 al. 2 let. c LIPP et
5 al. 2 let.c du règlement relatif à la compensation des effets de la progression à froid du 28 novembre 2012 (RCEPF - D 3 08.05) dans sa version applicable à l’année fiscale 2016, constituent des charges de famille les ascendants et descendants (dans les autres cas que ceux visés à l’art. 38 al. 2 let. a et b LIPP, non pertinents en l’espèce), frères, sœurs, oncles, tantes, neveux et nièces, incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, qui n’ont pas une fortune supérieure à CHF 88'180.- ni un revenu annuel supérieur à CHF 15’452.- (charge entière) ou à CHF 23'179.- (demi-charge), pour celui de leur proche qui pourvoit à leur entretien.

En 2016, la déduction pour une charge entière se montait à CHF 10'078.- et pour une demi-charge à CHF 5'039.- (art. 39 al. 1 LIPP et
5 al. 1 let. a et b RCEPF).

c. La notion de « proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins » doit être interprétée de manière stricte : le proche à charge doit faire partie des membres de la famille énoncés à l’art. 39 al. 2 let. c LIPP et il ne doit pas être capable, en raison de son âge ou d’une déficience qui lui est propre, de gagner sa vie, d’occuper un emploi rémunéré ou d’avoir une activité produisant un gain supérieur aux minima légaux. Cette interprétation respecte l’exigence de stabilité voulue par le législateur : elle limite les déductions accordées aux contribuables à des situations bien précises en ne prenant en compte que les particularités propres aux personnes en situation de besoin. Ce faisant, elle évite la survenance de situations arbitraires et choquantes du fait des subtilités de la loi fiscale (ATA/217/2016 du 8 mars 2016 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_327/2016 du 23 mai 2016 consid. 5 et 6 ; ATA/240/2015 du 3 mars 2015 ; ATA/350/2012 du 5 juin 2012 ; ATA/138/2012 du 13 mars 2012 et la jurisprudence citée). Ainsi, un obstacle administratif ayant pour effet d’empêcher une personne de trouver un emploi ne permettrait pas de considérer cette personne comme un proche nécessiteux (ATA/240/2015 précité ; ATA/350/2012 précité). En revanche, le besoin d’acquérir une formation restreignant les possibilités de réaliser un gain pour un proche mineur ne devrait pas faire obstacle à l’admission d’une charge ou d’une demi-charge pour le contribuable pourvoyant à l'entretien de celui-ci si ce fait était établi (ATA/240/2015 précité ; ATA/41/2011 du
25 janvier 2011 et la jurisprudence citée).

Une personne est dans le besoin lorsque, pour des motifs objectifs, elle n’est durablement pas en mesure de subvenir seule à son entretien et dépend dès lors de l’aide de tiers. Il incombe au contribuable d’établir la situation d’indigence de la personne soutenue et d’apporter la preuve des sommes versées pour son entretien pendant la période fiscale concernée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.609/2003 du
27 octobre 2003).

Le soutien peut être apporté en espèces ou en nature. Les prestations en nature peuvent consister en particulier à fournir l’hébergement et la nourriture. Ne représentent pas des aides – à défaut de gratuité – les prestations d’entretien (gîte et couvert) accordées à des personnes qui vivent dans le foyer du contribuable et fournissent une contreprestation, en particulier tiennent son ménage (Christine JAQUES in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, ad. art. 35, n. 41 à 43 p. 810).

d. Les déductions sociales sont fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement (art. 35
al. 2 LIFD et 65 al. 1 LIPP).

e. Dans sa jurisprudence récente, la chambre de céans a confirmé que le montant de la déduction d'une charge/demi-charge de famille relative à l'ICC était effective et non forfaitaire (ATA/854/2018 du 21 août 2018 consid. 8 ; ATA/808/2018 du 7 août 2018 consid. 8).

7) La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA). Conformément à l’art. 54 LPFisc, la chambre administrative peut à nouveau déterminer tous les éléments imposables et, après avoir entendu le contribuable, elle peut également modifier la taxation au désavantage de ce dernier. Il s’agit d’une norme spéciale qui déroge à la réglementation du pouvoir de décision régi par l’art. 69 al. 1 LPA (ATA/1635/2019 du 5 novembre 2019 consid. 12a).

8) a. En l'espèce, il ressort du dossier que, dans un premier temps, les recourants se sont contentés d’affirmer devant l’intimée que leur fils souffrait de la maladie de Crohn sans documenter ce fait. Devant le TAPI, ils ont tout d’abord versé à la procédure des rapports médicaux, puis un certificat médical d’où il ressortait qu’il présentait, sans plus de précisions, une incapacité de travail pour raisons médicales au 31 décembre 2016. Ce n’est que devant la chambre de céans que le recourants ont produit un certificat médical précisant que cette incapacité de travail était de 100 %. Cette indication n’étant pas à elle seule suffisante pour permettre de trancher le litige, le médecin a, après avoir été interpellé par la chambre de céans, confirmé que son patient souffrait, en 2016, d’une maladie de Crohn. Il a précisé que le fils des recourants présentait des symptomatologies de diarrhées fréquentes jusqu’à dix fois par jour avec des saignements ainsi qu’une fatigue.

Il n’y a pas lieu de remettre en cause la pertinence des certificats médicaux établis par le médecin, spécialiste FMH en gastroentérologie. Les précisions apportées par celui-ci dans son récent courrier adressé à la chambre de céans quant aux symptômes de la maladie de Crohn qu’a supportés l’intéressé sont claires. Elles éclairent valablement les motivations qui ont conduit le médecin à considérer son patient comme étant en incapacité de travailler à 100 %. On ne voit à ce propos pas quels aménagements lui auraient permis d’exercer, même partiellement, une activité, lesdits symptômes étant à l’évidence de nature à entraver l’organisation et le déroulement d’une journée de travail. Dans ce contexte d’incapacité totale de travailler, toute démarche visant à recevoir des prestations de l’assurance-chômage aurait été vaine, l’intéressé étant alors inapte au placement. Quant à recevoir des prestations de l’AI, et même à supposer que l’intéressé aurait entrepris des démarches en ce sens dès son arrivée en septembre 2016, il paraît illusoire de penser qu’une décision définitive aurait pu entrer en force avant la fin de l’année en cause. Il découle de ce qui précède que le fils des recourants, en raison de sa maladie, n’était, au 31 décembre 2016, pas en mesure de gagner sa vie et incapable de subvenir entièrement à ses besoins pour une raison indépendante de sa volonté. Les CHF 747.- de revenus réalisés en 2016 ne sont pas de nature à remettre en cause cette conclusion. Le fait qu’en accueillant chez eux leur fils malade et sans revenu les contribuables ont répondu à un devoir moral n’est pas remis en cause.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’admettre la situation d’indigence du fils des recourants, lequel répond à la définition de proche incapable de subvenir entièrement à ses besoins.

9) a. Il n’est pas contesté, qu’en 2016, le fils des recourants, majeur et âgé de plus 25 ans, a réalisé un revenu et qu’il disposait d’une fortune dont les montants étaient inférieurs aux limites de CHF 15'452.- et de CHF 88'180.- prévues par la loi.

b. Il ne ressort pas du dossier que le fils des recourants a dû fournir une
contre-prestation en échange du gîte et du couvert offerts par ses parents. À teneur des pièces versées à la procédure, les recourants estiment à CHF 1'250.- par mois leur contribution aux frais d’hébergement et de nourriture pour leur fils. Si ce montant paraît justifié au vu du coût de la vie à Genève, les recourants fixent de manière surprenante le coût total de leur aide à CHF 8'750.-, au motif qu’ils seraient intervenus à ce titre pendant sept mois. Pourtant, leur fils n’est officiellement arrivé à Genève qu’en septembre 2016. Les recourants ont par ailleurs versé à la procédure une facture établie le 2 juin 2016 par le laboratoire F_____ Suisse pour un traitement suivi par leur fils en mai 2016 et payée par eux en juillet 2016. Figure également dans le dossier, une facture établie le 18 juillet 2016 pour des soins dentaires fournis à leur fils à Genève le 8 juillet 2016 et payée par les recourants le 1er septembre 2016. Il apparaît également que plusieurs factures établies en 2016 et concernant le fils des recourants ont été réglées en 2017. Il conviendrait par ailleurs de déterminer si certains frais peuvent ou non être prise en compte au titre des déductions sociales (billet d’avion, prime d’assurance-maladie aux États-Unis par exemple). Eu notamment égard à l’éventuelle pratique développée par l’intimée en la matière, la chambre de céans n’entend pas se substituer à celle-ci dans la détermination des éléments pertinents dont il faut ou non tenir compte pour établir les déductions sociales. Cette question n’ayant par ailleurs pas été tranchée jusqu’ici, l’indigence du fils des recourants n’ayant jamais été reconnue, il importe que ces derniers puissent, le cas échéant, contester les montants qui seront reconnus par l’intimée par les voies ordinaires prévues à cet effet.

Il s’ensuit que le recours sera partiellement admis, en ce sens que la situation d’indigence du fils des recourants, lequel répond à la définition de proche incapable de subvenir entièrement à ses besoins, doit être reconnue. Le jugement du TAPI sera annulé et le dossier renvoyé à l’AFC-GE afin que, cette situation d’indigence étant reconnue, elle détermine les frais qui peuvent être pris en compte au titre des déductions sociales, s’agissant tant de l’IFD 2016 que de l’ICC 2016.

10) Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure de sera allouée aux recourants, qui agissent en personne et n’exposent pas avoir encouru de frais pour assurer leur défense
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juin 2019 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2019 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 avril 2019 ,

renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ et à Monsieur B______ , à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :