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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3788/2015

ATA/87/2018 du 30.01.2018 sur JTAPI/1376/2016 ( ICCIFD ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3788/2015-ICCIFD ATA/87/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 janvier 2018

4ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me Thierry Ulmann, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 décembre 2016 (JTAPI/1376/2016)


EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______) sont contribuables à Genève.

2) Dans leur déclaration fiscale 2012, imprimée le 30 septembre 2013, les époux A______ ont fait état d'un revenu brut total de CHF 227'784.- ainsi que d'un revenu brut mobilier de CHF 4'163.-, et d'une fortune brute de CHF 9'582'877.-, leur fortune brute mobilière étant de CHF 8'712'353.-.

Un relevé de la banque B______, annexé à la déclaration, indiquait que les époux A______ détenaient des parts dans plusieurs fonds de placement, notamment CHF 965'440.- dans C1______, CHF 485'136.03 dans C2______, tous deux aux îles Caïman, CHF 254'972.70 dans « 4.625 % D______ » aux États-Unis d'Amérique, CHF 472'573.23 dans E______, au Luxembourg, et CHF 245'620.- dans « 6.25 % F______», en Italie.

3) Le 22 janvier 2015, l'AFC-GE a envoyé aux époux A______ une demande de renseignements, notamment les rapports annuels des fonds C2______ et E______, avec les annexes aux comptes annuels, ainsi que les bordereaux d'acquisition des fonds 4.625 % D______ et 6.25 % F______.

4) Les époux A______ ont communiqué les renseignements demandés le 5 février 2015.

5) Le 8 juin 2015, l'AFC-GE a notifié aux époux A______ leurs bordereaux de taxation ICC et IFD 2012. L'ICC s'élevait à CHF 61'432.15, et l'IFD à CHF 14'265.70. Il était noté, en tant que remarque au sujet de l'état des titres, qu'avaient été ajoutés au revenu imposable en tant que rendements non inscrits dans le relevé fiscal, CHF 60'064.15 pour C3______, CHF 26'218.60 pour C2______, et CHF 15'782.- pour E______.

6) Le 30 juin 2015, les époux A______ ont écrit à l'AFC-GE. Ils contestaient trois points de leur taxation, en particulier l'apport de CHF 102'905.- à titre de revenus mobiliers non soumis à l'impôt anticipé. Ils remettaient à ce sujet un courrier de G______ (anciennement banque B______) du 22 juin 2015, selon lequel une position pour EUR 800'000.- avait été achetée auprès de C4______ le 27 décembre 2012, une position pour USD 530'000.- avait été achetée auprès de C2______ le 27 décembre 2012, et enfin 3'100 parts auprès de E______ avaient été achetées le 24 décembre 2012. Il s'agissait de fonds de placement à capitalisation et, par conséquent, aucun rendement n'avait été versé aux actionnaires.

Ce courrier a été traité par l'AFC-GE comme une réclamation.

7) Par décisions du 28 septembre 2015, l'AFC-GE a maintenu l'imposition des revenus des fonds de placement. Pour le surplus, les taxations ont été rectifiées sur un point qui n'est plus litigieux.

Les placements collectifs de capitaux (fonds de placement) étaient considérés, au sens de la loi fédérale sur les placements collectifs de capitaux du 23 juin 2006 (LPCC - RS 951.31), comme des véhicules d'investissement transparents. Le fonds n'était ainsi pas considéré comme un sujet fiscal. Les revenus de fonds de thésaurisation étaient soumis, en raison de la solution fiduciaire, à l'impôt sur le revenu chez l'investisseur. Étaient concernés les revenus réinvestis, pour autant qu'ils correspondent à un rendement imposable de la fortune (intérêts, dividendes, etc.).

L'imposition avait été déterminée par l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) sur la base des comptes annuels du fonds de placement. Le revenu thésaurisé figurait par ailleurs sur la liste officielle des cours, conformément à l'art. 20 [recte : 22] al. 1 let. e de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) et à la circulaire fédérale n° 25 du 5 mars 2009. Un abattement pour un montant de CHF 99'200.- avait bien été pris en compte selon l'annexe Répartition intercantonale.

8) Le 28 octobre 2015, les époux A______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions sur réclamation précitées, concluant principalement à leur annulation s'agissant du montant retenu à titre de revenus mobiliers non soumis à l'impôt anticipé découlant des parts détenues par M. A______ dans les trois fonds de placement en cause.

9) Par jugement du 23 décembre 2016, le TAPI a rejeté le recours.

La circulaire n° 25 de l'AFC-CH (ci-après : la circulaire n° 25) prévoyait qu'étaient imposables les revenus distribués ou thésaurisés (réinvestis), pour autant qu'ils correspondent à un rendement imposable de la fortune tels qu'intérêts ou dividendes. Les revenus imposables déterminants étaient publiés dans la liste officielle des titres négociés hors Bourse, publiée par l'AFC-CH.

La jurisprudence cantonale avait précisé, sous l'empire de la circulaire précédente de l'AFC-CH, que même si les bénéfices du fonds avaient été réalisés et comptabilisés tout au long de l'année au gré des placements du fonds, il n'en restait pas moins que les propriétaires des parts n'avaient perçu lesdits bénéfices qu'au moment où ils avaient été versés et comptabilisés sur leur compte.

Par conséquent, les droits des époux A______ au sein des fonds de placement leur étaient acquis dès avant la fin de l'année 2012, quand bien même le rendement relatif à leurs parts n'a été déterminé qu'après bouclement des comptes des fonds au 31 décembre 2012. Il fallait donc retenir que le revenu annuel 2012 des parts de fonds de placement devait être taxé en mains de M. A______, qui en était le propriétaire au 31 décembre 2012 dès lors qu'il avait lui-même démontré que ses versements aux trois fonds de placement litigieux avaient pu faire, les 27 et 28 décembre 2012, de décomptes faisant état de ses droits au sein desdits fonds.

10) Par acte déposé le 23 janvier 2017, les époux A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant à son annulation, à celle des décisions sur réclamation et bordereaux rectificatifs s'agissant du montant retenu à titre de revenus mobiliers non soumis à l'impôt anticipé découlant des parts détenues dans les trois fonds de placement litigieux, ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Le TAPI avait admis à tort que M. A______ était devenu détenteur des parts des deux fonds C______ avant la fin de l'année 2012. Les parts n'avaient été émises, et il n'en était devenu le porteur, qu'en date du 2 janvier 2013 ; au 31 décembre 2012, il n'était titulaire que de créances vis-à-vis des fonds, mais pas de leurs parts.

La légalité de la circulaire n° 25 était contestée. La loi fiscale prévoyait l'exonération des gains en capital, tandis que la circulaire contestée étendait la taxation à de tels gains. Il n'y avait dès lors pas lieu d'appliquer la solution fiduciaire au cas d'espèce. Il serait du reste facile d'échapper à l'impôt si l'on retenait uniquement la date du 31 décembre pour la taxation, le contribuable n'ayant qu'à demander la rédemption de ses parts le 30 décembre pour les souscrire à nouveau le 2 janvier. La règle de la taxation selon la détention au 31 décembre ne figurait du reste pas dans la circulaire, et résultait seulement de la pratique de l'AFC-GE.

L'argument de la réalité économique militait également en faveur des époux A______, qui n'avaient pas touché le rendement en cause, qui constituait un revenu purement virtuel.

Il fallait enfin, le cas échéant, appliquer une règle de trois en fonction de la durée de possession des parts, soit en l'occurrence, en admettant qu'elles aient bien été acquises en 2012, quatre jours sur trois cent soixante-cinq.

11) Le 1er février 2017, le TAPI a communiqué son dossier sans formuler d'observations.

12) Le 20 mars 2017, l'AFC-GE a conclu à l'annulation de la taxation, pour l'année fiscale 2012, des rendements concernant les fonds de placement C______, et au rejet du recours pour le surplus.

Au vu des règlements des deux fonds de placement C______, qui prévoyait que le fond pouvait rejeter discrétionnairement les souscriptions et retourner le cas échéant au souscripteur les montants correspondants, elle rejoignait les contribuables et acceptait de considérer que les rendements relatifs aux deux fonds C______ n'étaient pas encore réalisés en décembre 2012, s'engageant en conséquence à annuler les montants taxés en lien avec ces deux fonds, à savoir respectivement CHF 60'064.15 et CHF 26'218.60.

La jurisprudence cantonale avait confirmé le bien-fondé tant de la circulaire n° 25 que de la circulaire précédente, qu'elle avait remplacée.

Enfin, s'agissant de la méthode de taxation, le calcul des rendements n'avait pas été effectué par elle mais par l'AFC-CH. Le calcul du revenu brut avait été correctement effectué, et devait être confirmé.

13) Le 4 mai 2017, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 2 juin 2017 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

14) Le 9 mai 2017, l'AFC-GE a indiqué ne pas avoir de requêtes ni d'observations complémentaires à formuler.

15) Le 24 mai 2017, les époux A______ ont persisté dans leurs conclusions. Ils mettaient en avant différentes contradictions que contiendrait la circulaire n° 25.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur l'imposition des rendements de parts dans trois fonds de placement à thésaurisation (ou fonds de croissance) étrangers pour l'année fiscale 2012.

3) a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 1er avril 2013 consid. 8 ; 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/1154/2017 du 2 août 2017 consid. 2 ; ATA/780/2013 du 26 novembre 2013 consid. 2 et les références citées).

b. L’imposition concerne l’exercice fiscal 2012. Sont ainsi applicables : en matière d’IFD, les dispositions de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), et en matière d’ICC, celles de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et de la LIPP .

c. La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_662/2014 du 25 avril 2015 consid. 1 ; 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 ; ATA/1419/2017 du 17 octobre 2017 consid 2b ; ATA/1417/2017 du 17 octobre 2017 consid. 2b).

4) Selon l'art. 61 al. 1 let. b LPA, applicable par le biais de l'art. 2 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17), le recours peut être formé pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents.

5) En procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1, 2ème phr., LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/716/2013 du 29 octobre 2013). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre de preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/1355/2017 du 3 octobre 2017 consid. 8b).

6) En l'espèce, l'AFC-GE s'est, dans sa réponse au recours, ralliée au point de vue des recourants et a considéré que ceux-ci ne pouvaient être considérés comme détenteurs des parts des deux fonds de placement C______, dans la mesure où les règlements de ces deux fonds de placement prévoyaient que le fonds pouvait rejeter discrétionnairement les souscriptions et retourner le cas échéant au souscripteur les montants correspondants. De l'avis de la chambre de céans, cette constatation doit, pour pouvoir en tirer la conclusion correspondante, être jointe à l'attestation de G______ du 24 novembre 2015 produite par les recourants, selon laquelle le jour de transaction, conformément au règlement des fonds C______, correspondait au premier jour ouvrable de chaque mois, le jour d'évaluation étant celui précédant immédiatement le jour de transaction ; M. A______ n'était ainsi détenteur des parts des deux dits fonds qu'à partir du 2 janvier 2013.

Le recours sera dès lors admis sur ce point, les montants taxés en lien avec ces deux fonds, à savoir respectivement CHF 60'064.15 et CHF 26'218.60 devant être annulés. En revanche, de tels éléments n'ont pas été apportés pour le fonds E______, si bien qu'il doit être retenu que les parts de celui-ci ont été acquises en décembre 2012, le grief de constatation inexacte des faits pertinents devant être écarté sur ce point.

7) a. L’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD ; 17 LIPP). Sont en particulier imposables tous les revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD ; art. 19 al. 1 LIPP). Il en résulte qu’en vertu des théories de l’accroissement du patrimoine et de l’imposition du revenu global net, tous les revenus périodiques ou uniques sont soumis à l’impôt (ATF 139 II 363 consid. 2.1).

b. Est également imposable le rendement de la fortune mobilière, en particulier les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre (art. 20 al. 1 let. c LIFD et 22 al. 1 let. c LIPP), ainsi que le revenu des parts de placements collectifs qui possèdent des immeubles en propriété directe, dans la mesure où l'ensemble des revenus du placement excède le rendement de ces immeubles (art. 20 al. 1 let. e LIFD et 22 al. 1 let. e LIPP). Il convient de préciser que la version allemande de l'art. 20 al. 1 let. e LIFD parle des revenus de parts de placements collectifs sans limiter ceux-ci aux placements collectifs possédant des immeubles.

c. Les gains en capital réalisés lors de l’aliénation d’éléments de la fortune privée sont quant à eux exonérés d'impôt (art. 16 al. 3 LIFD ; 7 al. 4 let. b LHID ; 27 let. j LIPP).

8) a. Le revenu n’est imposable que s’il est réalisé. Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l’imposition du revenu (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème édition, 2012, p. 99 n. 12). La réalisation détermine le point d’entrée de l’avantage économique dans la sphère fiscale du contribuable et, tant que l’avantage économique n’est pas réalisé, il demeure une expectative, non encore imposable (Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Impôt fédéral direct, commentaire romand, 2ème éd., 2017, p. 201 s n. 29 ss ad art. 16 LIFD). Selon la jurisprudence, un revenu est réalisé lorsqu’une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition. En règle générale, l’acquisition d’une prétention est déjà considérée comme un revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n’est que si cette exécution paraît d’emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération (ATF 113 Ib 23 consid. 2e ; 105 Ib 238 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.3 ; 2C_683/2013 du 13 février 2014 consid. 6.4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.4 ; 2C_351/2010 du 6 juillet 2011 consid. 3).

b. La créance fiscale prend ainsi naissance ex lege, sans aucune intervention extérieure. Le caractère certain de l’exécution de la prestation ne saurait en revanche dépendre de la seule volonté du contribuable, pas davantage que le moment de la réalisation du revenu. Si tel était le cas, le contribuable pourrait déterminer de son propre chef, en fonction de ses convenances personnelles, à quel moment ce revenu est imposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_683/2013 précité consid. 6.4).

9) a. Selon les art. 10 al. 2 LIFD, 7 al. 3 LHID et 9 al. 2 LIPP, chacun des investisseurs ajoute à ses propres éléments imposables sa part du revenu de placements collectifs au sens de la LPCC, à l'exception des placements collectifs qui possèdent des immeubles en propriété directe.

b. La LPCC s'applique, quelle que soit leur forme juridique, aux placements collectifs étrangers qui sont distribués en Suisse (art. 2 al. 1 let. b LPCC). Les investisseurs sont des personnes physiques ou morales ainsi que des sociétés en nom collectif et en commandite qui détiennent des parts de placements collectifs (art. 10 al. 1 LPCC), les parts étant quant à elles des créances à l'encontre de la direction au titre de la participation à la fortune et au revenu du fonds de placement ou des participations à la société (art. 11 LPCC). Les placements collectifs étrangers sont réglés aux art. 119 ss LPCC. La LPCC, que ce soit pour les placements suisses ou étrangers, distingue entre les placements ouverts (art. 8 et 119 al. 1 LPCC) et fermés (art. 9 et 119 al. 2 LPCC), mais pas entre les fonds de capitalisation (dits aussi fonds de croissance ou de thésaurisation) – c'est-à-dire les fonds qui ne distribuent pas de dividendes annuels mais réinvestissent les profits obtenus (selon la circulaire n° 25 examinée ci-après, les placements collectifs de capitaux qui ne prévoient, dans leurs documents de base, aucune règle de distribution annuelle) – et les fonds de distribution, soit ceux qui distribuent annuellement les profits réalisés, ou du moins une large part de ceux-ci (70 % selon les définitions de la circulaire n° 25).

10) Le 5 mars 2009, l'AFC-CH a édicté la circulaire n° 25, qui a notamment abrogé la circulaire n° 2 du 23 novembre 1989 (ch. 2 circulaire n° 25).

Le ch. 2 circulaire n° 25 (introduction) précise que les règles d'imposition valables jusqu'alors de la LIFD ont été conservées, car la LPCC comme la loi l'ayant précédée considéraient ces placements collectifs de capitaux comme transparents en suivant la « solution fiduciaire » ; cela signifiait que la direction des placements collectifs de capitaux gérait la fortune du fonds à titre quasi-fiduciaire pour le compte de leurs investisseurs et qu'ainsi le fonds n'était pas un sujet fiscal. Fiscalement, les revenus et la fortune d'un fonds de placement étaient imputés aux investisseurs, selon le principe de la transparence.

Les revenus des fonds de thésaurisation sont soumis en raison de la solution fiduciaire à l'impôt sur le revenu chez l'investisseur ; c'est pourquoi les fonds de thésaurisation doivent délivrer tous les ans aux investisseurs une attestation des revenus réinvestis (ch. 4.1.1 circulaire n° 25).

En cas de placement détenu dans la fortune privée, les investisseurs doivent déclarer comme revenus imposables la totalité des revenus crédités, à l'exception des gains en capital distribués au moyen d'un coupon distinct et des revenus qui ont déjà été imposés (ch. 4.1.2 circulaire n° 25).

11) Afin d’assurer l’application uniforme de certaines dispositions légales, l’administration peut expliciter l’interprétation qu’elle leur donne dans des directives. En règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives – ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives – n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l’administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d’espèce. Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu’elles sont censées concrétiser. En d’autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; 9C_477/2011 du 13 juillet 2012 consid. 4.1.3 ; ATA/1599/2017 du 21 novembre 2017 consid. 10 ; ATA 1244/2017 du 29 août 2017 consid. 6a).

Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 121 II 473 consid. 2b ; ATA/1599/2017 précité consid. 10 ; ATA/265/2016 du 22 mars 2016 ; ATA/87/2015 du 20 janvier 2015).

12) a. La circulaire n° 25 n'a pas encore fait l'objet d'une prise de position du Tribunal fédéral quant à sa légalité. Il a cependant eu l'occasion de dire que de bonnes raisons militaient en faveur de la solution fiduciaire (arrêt du Tribunal fédéral in Archives 1993/1994 713).

b. Le Tribunal administratif, dont la chambre de céans a repris les attributions dès 2011, a quant à lui rendu en 1997 et 1998 deux arrêts sur la question sous l'empire de la circulaire n° 2 de l'AFC-CH. Pour ce qui était de l'imposition des rendements retenus provenant des fonds de croissance, l'AFC-CH avait édicté une circulaire aux termes de laquelle l'imposition des revenus retenus devait être opérée au moment de la comptabilisation ; c'était en effet à ce moment-là que le preneur de parts acquiert une prétention ferme, ceci bien qu'il renonce à la distribution selon le règlement du fonds de croissance. La doctrine se référait à ladite circulaire et confirmait que le revenu des parts d'un fonds de croissance suisse devait être immédiatement imposable, bien qu'il n'y ait aucune distribution (ATA/132/1997 du 19 février 1997 consid. 2b). Cette jurisprudence a été maintenue une année plus tard. Le fait que le fonds de placement concerné n'ait pas réalisé la totalité de son bénéfice à la fin de l'année, mais qu'il ait été réalisé et comptabilisé tout au long de l'année, au gré des placements effectués par le fonds, n'amenait pas le Tribunal administratif à changer sa position : s'il était exact que le fonds avait pu encaisser des bénéfices au cours de l'année, il n'en restait pas moins que les propriétaires des parts du fonds n'avaient perçu lesdits bénéfices qu'au moment où ils avaient été versés et comptabilisés sur leurs comptes, ce qui ne s'était pas produit au cours de l'année mais à la fin de celle-ci (ATA/83/1998 du 10 février 1998 consid. 2b).

c. Quant à la doctrine, si elle commente la circulaire n° 25, elle ne la critique pas, ni sur l'adoption de la théorie fiduciaire, ni sur l'imposition chez le détenteur de parts en tant que rendement de la fortune mobilière, y compris pour les fonds à thésaurisation (Jean-Philippe KRAFFT, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 203 ss ad art. 20 LIFD, qui précise par ailleurs que le bénéfice des fonds de thésaurisation est imposable chez le détenteur des parts au titre de l'art. 20 al. 1 let. c LIFD, n. 197 ad art. 20 LIFD ; Urs KAPALLE/ Nadia TAROLLI SCHMIDT, Neue Kreisschreiben zu den direkten Bundessteuern – Eine Bewertung aus Sicht der Praxis, eine Trilogie – 2ème partie, RF 2009 633-645, pp. 634 et 637 s. ; Toni HESS/Patrick SCHERRER, Die Besteuerung der kollektiven Kapitalanlagen gemäss Kollektivanlagegesetz und deren Anleger, Archives 2008/2009 361-448, pp. 366, 394 s., 402 et 434 s.).

13) Il résulte de ce qui précède que la critique des recourants au sujet de la légalité de la circulaire n° 25 est infondée, celle-ci ne faisant que préciser, de manière conforme à l'esprit de la loi, les art. 10 et 20 LIFD.

Reste à examiner leur grief selon lequel l'imposition des bénéfices devrait être proportionnelle à la durée de détention des parts, celle-ci n'étant dans leur cas que de quelques jours alors qu'on leur impute comme revenu imposable l'ensemble des profits de l'année 2012 correspondant à leurs parts. Ils contestent ainsi dans le domaine concerné le principe dit de la date d'effet ou du jour déterminant.

14) a. Le Tribunal fédéral n'a, ici encore, pas examiné jusqu'à présent la problématique de la détention de parts de fonds de placement ; il a en revanche confirmé la prise en compte d'un jour déterminant, tel que le 31 décembre ou le 1er janvier, pour les relations personnelles du contribuable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_502/2015 du 29 février 2016 consid. 3.1 ; 2C_1145/2013 du 20 septembre 2014 consid. 2) ou encore pour la propriété des immeubles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_911/2015 du 26 octobre 2015 consid. 2.2).

b. La jurisprudence du Tribunal administratif déjà citée (ATA/83/1998 précité) montre que l'argument soulevé aujourd'hui par les recourants n'avait, déjà à l'époque, pas été retenu. La commission de recours en matière fiscale valaisanne a elle aussi tranché, à la même époque, en faveur de l'application du principe du jour déterminant en la matière (décision du 13 mars 1996 in RF 1998 28).

c. Dans une circulaire de la Swiss Funds & Asset Management Association (ci-après : SFAMA) n° 23/2013 du 29 août 2013, élaborée en collaboration avec l'AFC-CH, il était annoncé un changement de pratique de cette dernière concernant l’échéance de l’impôt anticipé pour les profits issus de fonds de thésaurisation suisses, avec la mention que rien ne changeait pour les profits issus de fonds de thésaurisation étrangers, à savoir que les rendements au moment du bouclement de l’exercice étaient réputés réalisés et devaient être imputés à l’exercice correspondant.

d. Quant à la doctrine, elle relève que l'imposition des profits relatifs aux parts de fonds de placement obéit au principe du jour déterminant – ce qui exclut une comptabilisation pro rata temporis comme demandé par les recourants. Plus précisément, les profits réalisés et thésaurisés doivent être attribués juridiquement et économiquement au détenteur des parts en principe au moment où la direction du fonds les perçoit (Toni HESS, Steuern kollektiven Kapitalanlagen, 2015, § 35 n. 22 p. 619 s.), ou au moment de la distribution, indépendamment de celui où le détenteur a acquis les parts (Urs KAPALLE/Nadia TAROLLI SCHMIDT, op. cit., p. 638). Il est cependant difficile en pratique d'imputer le profit au détenteur des parts le jour où il est réalisé ; des motifs de praticabilité conduisent ainsi à retenir la fin de l'année comme jour déterminant, choix qui répond à une simplification nécessaire et aboutit à un résultat qui n'est pas disproportionné (Toni HESS, op. cit., § 35 n. 23 et 25 p. 620 s.).

15) Il résulte de ce qui précède que le grief des recourants, qui a trait essentiellement à l'utilisation du principe du jour déterminant, doit être écarté, étant précisé que la prise en compte des profits au 31 décembre doit en l'espèce être considérée comme conforme au droit.

16) Le recours sera dès lors admis partiellement, conformément au considérant 6 ci-dessus, et la cause sera renvoyée à l'AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation. Il sera rejeté pour le surplus.

17) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent en partie (art. 87 al. 1 LPA), et une indemnité de procédure de CHF 500.- leur sera allouée, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 janvier 2017 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 23 décembre 2016 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance en tant qu’il admet les montants taxés en lien avec les fonds C1______ et C2______ ;

le confirme pour le surplus ;

renvoie la cause à l'administration fiscale cantonale, pour nouvelles décisions de taxation au sens des considérants ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

alloue à Madame et Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thierry Ulmann, avocat des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance .

Siégeant : Mme Junod, présidente, MM. Pagan et Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :