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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4588/2010

ATA/829/2013 du 17.12.2013 sur JTAPI/1146/2012 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4588/2010-ICCIFD ATA/829/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 décembre 2013

1ère section

 

dans la cause

 

B______ SA
représenté par Me Floran Ponce, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
et
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2012 (JTAPI/1146/2012)

 


EN FAIT

1) B______S.A. (ci-après : B______) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le 25 mars 2004. Son but social est le conseil en investissement et l’offre de services de gestion de fortune. Elle a pour administrateurs Messieurs J______, né en 1967, lequel est également président, K______, né en 1953, qui est aussi vice-président, E______, né en 1966, et A______. Les actions de la société sont détenues par B______ SA (ci-après : B______ Holding), dont le capital appartient à parts égales aux personnes susmentionnés, le solde de 20 % étant en main de Monsieur K______.

2) B______ a fait parvenir à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) ses déclarations fiscales 2006, 2007 et 2008, annexées des comptes des années correspondantes. En 2006, le chiffre d’affaires se montait à CHF 6'845'759.- et le bénéfice à CHF 663'930.-, après couverture des frais généraux, notamment une « provision pour litiges clients » de CHF 345'526.-, inexistante en 2005, et le paiement des salaires et des charges sociales par CHF 3'004'166.-. En 2007, le chiffre d’affaires était de CHF 8'862'564.- et le bénéfice de CHF 555'867.-, notamment après enregistrement d’une « provision pour litiges clients » de CHF 276'521.- et le paiement de salaires par CHF 3'263'736.-. En 2008, les pertes se montaient à CHF 397'093.- et le chiffre d’affaires à CHF 8'010'233.- ; dans les charges figurait notamment une « provision pour litiges clients » de CHF 289'193.- et des salaires par CHF 3'187'904.-.

3) Le 4 septembre 2009, B______ a écrit à l’AFC-GE. Ses actionnaires travaillaient à raison de 100 % au sein de la société. Leurs fonctions étaient liées à la politique générale de l’entreprise, à la stratégie de développement, la création de nouveaux produits, le marketing, la recherche de nouveaux clients et de nouveaux partenaires. Ils étaient également responsables de la stratégie d’investissement pour les clients et donnaient les lignes directrices pour la politique d’investissement, validant les grilles de suivi des investissements centralisés. Ils voyageaient et rencontraient eux-mêmes les principaux clients. Leurs salaires avaient été déterminés sur la base de ce qu’ils percevaient à leur place précédente, où ils occupaient des fonctions similaires. Ces salaires avaient été validés d’un commun accord entre eux avec la création de l’entreprise en 2004 et étaient conformes à la pratique de la branche.

4) a. B______ a produit dans le courant de l’année 2009, le détail des salaires et des charges sociales, ainsi que la copie des certificats de salaire de ses employés :

- M. J______ avait perçu annuellement : en 2006, un salaire brut de CHF 447'417.-, des frais de représentation de CHF 44'250.- et de voyage de CHF 44'250.- ; en 2007, un salaire brut de CHF 493'748.-, une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 50'000.- et des frais de représentation de CHF 46'528.- ; en 2008, un salaire brut de CHF 462'500.-, une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 25'000.- et des frais de représentation de CHF 37'500.- ;

- M. K______ avait perçu annuellement : en 2006, un salaire brut de CHF 559'787.- et des frais de représentation de CHF 48'405.- ; en 2007, un salaire brut de CHF 572'500.-, une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 25'000.- et des frais de représentation de CHF 52'500.- ; en 2008, un salaire brut de CHF 462'500.-, une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 25'000.- et des frais de représentation de CHF 37'500.- ;

- M. E______ avait perçu annuellement : en 2006, un salaire brut de CHF 447'417.- et des frais de représentation de CHF 44'250.- ; en 2007, un salaire brut de CHF 483'240.-, une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 50'000.- et des frais de représentation de CHF 45'360.- ; en 2008, un salaire annuel brut de CHF 462'500.-, une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 25'000.- et des frais de représentation de CHF 37'500.- ;

- M. A______ avait perçu annuellement : en 2006, un salaire brut de CHF 116'630.- ; en 2007, un salaire brut de CHF 40'275.- et une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 50'000.- ; en 2008, une indemnité en tant que membre du conseil d’administration de CHF 25'000.- ;

- Monsieur N_______ avait perçu annuellement : en 2006, un salaire brut de CHF 164'167.- ; en 2007, un salaire brut de CHF 142'500.- et un bonus de CHF 38'000.- ; en 2008, un salaire brut de CHF 166'250.- et un bonus de CHF 25'000.- ; en 2008, Messieurs H______ et P______ avaient perçu chacun un salaire annuel brut de CHF 300'208.- ; durant la même année, Messieurs S______, T______, M______, F______ et S______ avaient perçu un salaire brut se situant entre CHF 120'000.- et CHF 197'917.- ; d’autres employés avaient, pendant la même année, perçu un salaire de l’ordre de CHF 80'000.-.

b. B______ a également transmis à l’AFC-GE divers autres documents, dont :

- les contrats de travail conclus avec MM. J______, K______ et E______ le 1er avril 2004 pour ceux-là et le 1er janvier 2005 pour celui-ci, prévoyant, par année, le versement des montants respectifs suivants : CHF 320'000.- à titre de salaire et CHF 150'000.- à titre de compensation financière conditionnée aux résultats, ainsi que CHF 30'000.- pour les frais de représentation ; CHF 500'000.- à titre de salaire et l’engagement de la société à rembourser l’intégralité des frais de représentation ; CHF 320'000.- à titre de salaire et CHF 150'000.- à titre de compensation financière conditionnée aux résultats, ainsi que CHF 30'000.- pour les frais de représentation ;

- deux bulletins de paie établis par N______ SA les 17 décembre 1998 et 20 février 2004 concernant respectivement M. K______, pour un salaire mensuel brut de CHF 24'168, et M. J______, pour un salaire mensuel brut de CHF 25'632.- ;

- une décision de son conseil d’administration du 19 mars 2007 en vue de la constitution progressive d’une réserve de 1 % du total des avoirs des clients ayant confié un mandat de gestion discrétionnaire en vue d’assurer une protection contre tout éventuel risque de litige au niveau juridique. A cette fin, 5 % du revenu brut de la société devait être affecté à cette réserve à la fin de chaque exercice.

5) Le 29 octobre 2009, l’AFC-GE a notifié à B______ les bordereaux de l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) et de l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) pour les années 2006, 2007 et 2008 en retenant les bénéfices imposables suivants :

- CHF 790'292.- pour l’année 2006, après reprise de frais forfaitaires de CHF 28'945.-, de salaires excessifs pour CHF 225'641.- et de la provision pour litiges clients de CHF 345'526.- ;

- CHF 1'256'479.- pour l’année 2007, après reprise de frais forfaitaires de CHF 14'439.-, d’une prestation appréciable en argent de CHF 13'594.-, de salaires excessifs pour CHF 396'058.- et de la provision pour litiges clients de CHF 276'521.- ;

- CHF 473'241.- pour l’année 2008, après reprise de frais forfaitaires de CHF 3'750.-, d’une prestation appréciable en argent de CHF 555.-, de salaires excessifs de CHF 576'836.- et de la provision pour litiges clients de CHF 289'193.-.

L’AFC-GE a en outre indiqué avoir fait application de la méthode dite « valaisanne » pour le calcul de la reprise des salaires excessifs.

6) Le 27 novembre 2009, B______ a formé réclamation contre ces bordereaux, contestant les reprises pour salaires excessifs, les frais forfaitaires et la provision pour litiges clients non admis par l’AFC-GE.

Les salaires annuels, de quelque CHF 500'000.-, versés à chaque salarié-actionnaire n’avaient rien d’exceptionnel pour des personnes de « haut niveau », actives dans le domaine de la gestion de fortune, qui connaissait des salaires élevés, ce d’autant que les autres employés de la société percevaient une rémunération entre CHF 150'000.- à CHF 320'000.-. La méthode « valaisanne », de par son caractère subsidiaire, ne pouvait ainsi trouver application, dès lors qu’une comparaison avec les autres employés de la société était possible. L’AFC-GE avait attribué aux salariés-actionnaires une rémunération de CHF 240'000.-, qui ne reflétait pas la réalité du marché du travail genevois, où 25 % des salariés percevaient une rémunération annuelle supérieure à CHF 407'000.-.

La reprise des frais forfaitaires devait également être annulée, puisqu’ils avaient été approuvés par l’AFC-GE pour chaque exercice concerné.

La constitution d’une provision pour litiges clients avait été approuvée par le conseil d’administration et visait à faire une réserve de 5 % sur les « management fees » encaissés durant un exercice, à concurrence de 1 % de la masse sous gestion, dans le but de se prémunir contre une éventuelle demande de dédommagement d’un client en raison d’une perte occasionnée par les investissements effectués. Cette provision était d’autant plus justifiée que l’AFC-GE admettait la déduction d’une prime d’assurance couvrant un tel risque et, dans certaines circonstances, des provisions pour risques non spécifiques de 5 à 10 % sur les débiteurs et de 33 % sur le stock.

7) a. Par décisions sur réclamation du 2 décembre 2010, l’AFC-GE a rectifié les taxations litigieuses, réduisant les montants repris au titre des salaires excessifs et de frais de représentation, mais maintenant les reprises des provisions pour litiges clients.

Une analyse comparative des rémunérations des personnes de rang et de fonctions identiques ou similaires n’était pas envisageable dans le cadre d’une structure familiale telle que B______, où la position de l’actionnaire principal n’était pas comparable à celle des autres employés. Dans ces circonstances, il était légitime d’appliquer la méthode « valaisanne » afin de déterminer le salaire de base, qui était conforme au principe de pleine concurrence et correspondait au salaire versé à un tiers dans les mêmes circonstances.

Que l’AFC-GE ait accepté de confirmer l’octroi de frais forfaitaires en relation avec un salaire n’impliquait pas pour autant la validation de cette rémunération sous l’angle des salaires excessifs.

La provision pour litiges clients ne remplissait pas les conditions requises, dès lors que le risque de perte ou de charge qu’elle était censée couvrir ne pouvait être qualifié de certain ou de quasi certain. Elle était constituée en vue de prémunir la société d’une éventuelle demande en dédommagement. Aucun événement préjudiciable à B______ n’avait au demeurant eu lieu et aucune action judiciaire n’était en cours à l’encontre de la société.

b. Le même jour, l’AFC-GE a notifié à B______ de nouveaux bordereaux IFD et ICC pour les années 2006, 2007 et 2008 en retenant les bénéfices imposables suivants :

- CHF 655'907.- pour l’année 2006, après reprise des frais forfaitaires de CHF 4'219.-, de salaires excessifs de CHF 115'982.- et de la provision pour litiges clients de CHF 345'526.- ;

- CHF 1'109'169.- pour l’année 2007, après reprise des frais forfaitaires de CHF 13'594.-, de salaires excessifs de CHF 263'187.- et de la provision pour litige clients de CHF 276'187.- ;

- CHF 334'721.- pour l’année 2008, après reprise de frais forfaitaires de CHF 555.-, de salaires excessifs de CHF 334'721.- et de la provision pour litige clients de CHF 289'193.-.

8) Par acte du 30 décembre 2010, B______ a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à l’annulation des reprises aux titres de salaires excessifs, de frais forfaitaires de représentation et de la provision pour litiges clients, ainsi qu’à la condamnation de l’AFC-GE « en tous les frais et dépens ».

Bénéficiant tous trois d’une formation universitaire et d’une expérience professionnelle significative dans le secteur de la finance, les qualifications professionnelles de MM. J______, K______ et E______ étaient élevées, tout comme d’ailleurs les fonctions de direction et leur activité de gestion en faveur de la clientèle privée et institutionnelle, activité qui les occupaient à raison de dix à douze heures par jour et parfois même le week-end. En application de la convention d’actionnaires, qui comprenait un engagement du conseil d’administration et des actionnaires de distribuer un maximum de dividendes et prévoyait que la rémunération des actionnaires salariés devait être décidée à l’unanimité des membres du conseil d’administration, leur rémunération avait été fixée sous le contrôle de MM. A______ et K______, soit des actionnaires non-salariés disposant d’un droit de veto et dont les dividendes dépendait des salaires versés. Le fait que ces derniers aient validé la teneur des contrats de travail de MM. J______, K______ et E______ démontrait que la même rémunération aurait été accordée à des tiers. D’ailleurs, avant de rejoindre la société, les intéressés percevaient un salaire annuel respectivement de CHF 376'194.-, CHF 512'577.- et CHF 500'000.-Pendant les périodes fiscales considérées, le groupe B______ disposait d’autres employés bénéficiant d’un statut de cadre, dont le salaire était élevé, variant entre CHF 150'000.- et CHF 350'000.-. Du point de vue externe, les gestionnaires de fortune avaient en général droit à une rémunération comprise entre 25 % et 40 % des commissions qu’ils généraient pour une banque, ce qui correspondait, dans le cas de MM. J______, K______ et E______ entre CHF 1'711'439.- et CHF 3'545'025.-. Ainsi, la rémunération versée par B______, de l’ordre de CHF 1'500'000.-, restait en-deçà de ces montants. Au vu de l’ensemble de ces éléments, l’application de la méthode « valaisanne », subsidiaire, était erronée, ce d’autant que B______ n’était pas une structure familiale, mais une société créée par plusieurs associés.

En tout état, en cas d’application de la méthode « valaisanne », le salaire de base retenu par l’AFC-GE était inapproprié, dès lors qu’il se situait en contradiction avec la réalité du marché s’agissant des profils professionnels de MM. J______, K______ et E______. Ainsi, les statistiques de l’observatoire genevois du marché du travail (ci-après : OGMT) retenaient, pour des personnes au profil similaire à celui des intéressés, des salaires médians de respectivement CHF 458'000.-, CHF 468'000.- et CHF 458'000.-. Un montant de CHF 1'384'000.- correspondant au salaire annuel de base des intéressés devait ainsi à tout le moins être pris en compte.

B______ concluait des contrats de mandat avec ses clients et assumait ainsi un devoir de diligence et, par voie de conséquence, le risque d’être actionnée en justice par ceux-ci en raison de la violation de ce devoir, mais également en cas de placement dommageable. Le conseil d’administration avait ainsi décidé de la constitution d’une provision correspondant à 5 % des commissions de gestion, à concurrence de 1 % de la masse sous gestion afin de se prémunir en cas d’éventuels litiges. Bien qu’ayant reçu plusieurs propositions en vue de la conclusion d’une assurance couvrant ce risque, la société avait préféré maintenir le système des provisions.

9) Dans ses observations du 10 juin 2011, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La méthode « valaisanne » servait à déterminer les salaires excessifs et était appliquée par l’AFC-GE en raison de son caractère fiable. Les données de l’OGMT étaient objectives et pouvaient être utilisées pour le calcul du salaire de base, ce d’autant que les critères les plus favorables à B______ avaient, dans ce cadre, été pris en considération. Cet instrument tenait non seulement compte du salaire mensuel brut médian standardisé dans la branche économique concernée, mais aussi du niveau de qualifications requises pour le poste de travail, de la difficulté des tâches exécutées ainsi que de la formation, de l’ancienneté au sein de l’entreprise, de l’âge et de la position hiérarchique du salarié concerné. Dès lors que MM. J______, K______ et E______ détenaient à eux trois 60 % du capital-actions de la société, MM. A______ et M. K______ ne possédaient pas un véritable droit de veto sur la détermination de la rémunération des actionnaires salariés.

Bien que B______ contestât la reprise pour frais forfaitaires, elle n’avait développé aucun argument à ce titre. Le calcul avait été effectué sur la base d’un document d’information daté du 7 décembre 2005 et adressé aux associations professionnelles. Le fait que l’AFC-GE ait accepté de confirmer l’octroi de tels frais en relation avec le salaire n’impliquait toutefois pas qu’elle les ait validés sous l’angle des salaires excessifs. Cette déduction étant liée au montant des salaires admis, elle était automatiquement corrigée, proportionnellement à la reprise effectuée sur les salaires excessifs.

B______ avait constitué une provision pour litiges clients en l’absence de tout risque certain ou quasi certain et n’avait pas démontré la survenance d’une éventuelle demande de dédommagement durant la période fiscale concernée. Aucun des risques mentionnés ne s’était produit, pas davantage qu’une action judiciaire à son encontre n’était en cours. Il s’agissait ainsi d’une provision pour charges futures revêtant le caractère d’une réserve soumise à taxation. Par ailleurs, il ressortait des déclarations fiscales de B______ que la société avait déjà fait valoir des provisions pour pertes sur débiteurs qui avaient été prises en compte par l’AFC-GE, de sorte qu’elle ne pouvait faire valoir, en sus, une déduction forfaitaire pour débiteurs douteux de 5 % à 10 %.

10) Le 21 juillet 2011, B______ a répliqué, persistant dans les termes de ses précédentes écritures et conclusions.

Dès lors qu’elle avait produit suffisamment d’éléments permettant une comparaison tant interne qu’externe qui démontraient que les rémunérations de MM. J______, K______ et E______ n’étaient pas excessives, l’application de la méthode « valaisanne » ne se justifiait pas, ce d’autant qu’en 2009, des gestionnaires non actionnaires avaient été engagés au bénéfice de salaires corrélés à leurs résultats personnels, d’environ CHF 800'000.- par an dès 2011. M. K______ était actionnaire de B______ Holdings à concurrence de 20 % et, à ce titre, avait un droit de veto sur la détermination des trois salariés-actionnaires, tout comme M. A______, en application de la convention d’actionnaires. Il était donc faux d’affirmer que les administrateurs s’étaient entendus entre eux pour fixer leur rémunération.

Même en appliquant, à tort, la méthode « valaisanne », l’AFC-GE s’était fondée sur des données erronées, en fixant une durée hebdomadaire du travail à quarante heures, alors que l’activité de MM. J______, K______ et E______ était comprise entre cinquante et soixante heures. C’est également à tort que l’AFC-GE s’était limitée à tenir compte de leur ancienneté au sein de la société, sans prendre en compte leur expérience professionnelle dans son ensemble. La prise en compte du salaire médian des statistiques de l’OGMT n’avait d’ailleurs pas de sens et allait à l’encontre de la notion de prestation appréciable en argent, laquelle exigeait une disproportion manifeste entre la prestation et la contre-prestation. De la sorte, le salaire le plus élevé devait être retenu, pour autant que la méthode « valaisanne » fût applicable.

La société était exposée à des risques concrets compris entre CHF 1'300'000.- et 2'100'000.-, dès lors qu’en 2006 et 2007, des avoirs de clients avaient été placés dans des fonds bloqués par les banques dépositaires en raison d’actions ouvertes à l’encontre des administrateurs ou des liquidateurs de ces fonds. Bien que B______ ne s’estimât pas juridiquement responsable de ces placements, elle ne craignait pas moins les réclamations des clients. La provision, d’un montant de CHF 1'180'000.-, s’inscrivait ainsi en ligne avec une gestion saine et prudente des affaires de la société et était fondée sur des risques concrets. Elle ne contestait pas avoir déduit une provision pour débiteurs douteux dans ses écritures comptables.

Elle a produit un courrier de HSBC private bank suisse S.A. du 8 février 2011, dont le destinataire avait été caviardé, concernant le blocage d’un compte bancaire suite à l’affaire « Madoff ».

11) Par courrier du 10 août 2011, l’AFC-GE a indiqué être disposée à admettre un temps de travail hebdomadaire de cinquante-cinq à soixante heures pour chaque salarié-actionnaire, pour autant que B______ confirme et justifie que les intéressés ne déployaient pas d’autre activité lucrative dépendante ou indépendante parallèlement à celle au sein de la société.

12) Le 17 août 2011, le TAPI a transmis le courrier de l’AFC-GE du 10 août 2011 à B______, lui octroyant un délai au 5 septembre 2011 pour se déterminer.

13) Par courrier du 5 septembre 2011, B______ a versé les pièces suivantes à la procédure :

- un courrier à l’AFC-GE du 2 septembre 2011 confirmant que MM. J______, K______ et E______ n’avaient pas exercé d’autres activités professionnelles rémunérées hors du groupe B______ durant les années 2006 à 2009 ;

- un extrait des déclarations fiscales : de M. J______ pour l’année 2010 indiquant un salaire annuel brut de CHF 490'835.- versé par B______ ; de M. K______ pour les années 2006, 2007, 2008 et 2010, indiquant un salaire annuel brut de respectivement CHF 559'787.-, CHF 597'500.-, CHF 487'500.- et CHF 458'221.- versé par B______ ; de M. E______ pour l’année 2010, indiquant un salaire annuel brut de CHF 494'000.- versé par B______.

14) Par jugement du 24 septembre 2012, reçu par B______ le 5 octobre 2012, le TAPI a partiellement admis le recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour nouvelles décisions de taxation, mettant à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-.

Si la provision pour litiges clients était justifiée dans son principe en raison des risques liés à l’activité déployée par B______, il n’en demeurait pas moins que la pratique stricte de l’AFC-GE devait être appliquée, le TAPI ne pouvant faire œuvre de législateur. Au surplus, B______ n’avait pas démontré la survenance d’un quelconque risque durant la période fiscale concernée, pas davantage qu’elle ne l’avait quantifié de manière probante.

B______ n’avait fourni aucune méthode valable permettant de vérifier si, dans le cadre de sa politique salariale interne, les salaires litigieux étaient conformes à la marche de l’entreprise, de sorte que l’utilisation de la méthode « valaisanne » se justifiait. Par ailleurs, MM. J______, K______ et E______ étaient dans une position d’actionnaires dirigeants et, à ce titre, apparaissaient comme ayant une influence importante sur le montant des salaires versés aux dirigeants de la société, la convention d’actionnaires n’étant pas en mesure de renverser ce constat.

Il ressortait du dossier que les intéressés exerçaient une fonction de cadre supérieur au sein de B______. Comme l’avait à juste titre retenu l’AFC-GE, l’expérience acquise auprès de précédents employeurs n’avait pas à être spécifiquement prise en considération. Compte tenu de la difficulté des tâches exécutée et de la nature des responsabilités assumées à leur niveau dans le domaine de la gestion de fortune, un horaire hebdomadaire de travail de 60 heures devait être pris en compte. Il ne se justifiait toutefois pas de s’écarter du salaire médian obtenu par le calculateur de l’OGMT.

Le profil professionnel selon le calculateur OGMT 2008 au 23 novembre 2011 retenu était le suivant : branche d’activité « banque et auxiliaire » ; formation « universitaire » ; âge des intéressés ; position hiérarchique « cadre supérieur » ; ancienneté : 3 ans en 2006, 4 ans en 2007 et 5 ans en 2008 ; niveau de qualification « travaux les plus exigeants » ; domaine d’activité « définition stratégie entreprise » ; heures hebdomadaires : « 60 ».

Ainsi, en application du calculateur OGMT, pour 2006, les salaires annuels de base désindexés de MM. J______, K______ et E______ se montaient respectivement à CHF 403'766.-, CHF 411'457.- et CHF 405'689.- ; pour 2007, à CHF 409'439.-, CHF 417'336.- et CHF 411'545.- ; pour 2008, à CHF 424'080.-, CHF 432'000.- et CHF 426'060.-. Quant aux suppléments de salaire en fonction du chiffre d’affaires qui entraient en ligne de compte dans le calcul du salaire excessif, il était de CHF 122'570.- en 2006, CHF 155'054.- en 2007 et CHF 143'188.-. De plus, il se justifiait de tenir compte du bénéfice corrigé de la reprise de la provision pour litiges futurs. Il en résultait les salaires excessifs suivants : CHF 254'335.- pour 2006, CHF 90'052.- pour 2007 et CHF 37'172.- pour 2008.

15) Par acte expédié le 5 novembre 2012, B______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation des reprises effectuées au titre de salaires excessifs, de frais forfaitaires de représentation et de la provision pour litiges clients, ainsi qu’à la condamnation de l’AFC-GE en « tous les frais et dépens ».

Elle a en substance repris les termes de ses précédentes écritures, précisant qu’à Genève, les règles en matière d’amortissement et de provisions étaient inexistantes dans la législation, qui était lacunaire sur ce point, à l’instar de la pratique de l’AFC-GE. Il appartenait ainsi aux autorités judiciaires d’en définir les contours, ce d’autant que le TAPI avait reconnu qu’une provision pour risques liée à la gestion de fortune et au conseil en investissement apparaissait justifiée dans son principe. Dès lors que certains cantons permettaient la constitution de provisions déterminées en pourcentage du chiffre d’affaires, il convenait, afin d’éviter une inégalité de traitement des contribuables, d’autoriser B______ à déduire la provision constituée en vue de litiges futurs. La réalité des risques liés au domaine financier avait été prouvée par la crise du crédit qui avait fortement marqué les exercices 2008 et 2009 et révélé des cas de fraude ayant conduit à des pertes massives pour les investisseurs et, par voie de conséquence, à des demandes en réparation auprès des gestionnaires ou des banques. B______ avait ainsi démontré être exposée à de tels risques dans le cadre de son activité, qui étaient cent fois supérieurs à son chiffre d’affaires annuel. La constitution de provisions permettait la mise en place d’un filet de sécurité raisonnable afin d’affronter de manière optimale une nouvelle crise.

B______ avait fourni des éléments de comparaison suffisants pour écarter l’application de la méthode « valaisanne ». Certes, la société n’avait pas d’employés non-actionnaires occupant des fonctions identiques ou similaires à celles de MM. J______, K______ et E______. Elle employait toutefois quatre cadres supérieurs aux salaires fixes, en 2006, de plus de CHF 250'000.-, ainsi que deux directeurs percevant des salaires fixes de l’ordre de CHF 350'000.-. Dès lors que les intéressés s’occupaient de la gestion de fortune, qu’ils assumaient en sus des fonctions stratégiques et qu’ils avaient hissé la société parmi les plus réputées de Genève, l’octroi d’un salaire supérieur à celui des autres employés se justifiait. L’activité de la plupart des actionnaires salariés était celle de gestionnaires de fortune. Pour une activité comparable, les banques offraient un salaire d’environ 25 à 30 % du résultat personnel du portefeuille et les sociétés de gestion de fortune un salaire d’environ 40 à 50 % compte tenu du fait que les relations d’affaires ne généraient pas de commission de dépôt. Le salaire représentait ainsi en principe environ 0.15 % à 0.25 % de la masse sous gestion. MM. J______, K______ et E______ avaient regroupé leur portefeuille de clients, de sorte que, de manière consolidée, leur rémunération se situait à environ 0.20 % de leur masse sous gestion, ce qui était conforme au marché. Dès lors, des salaires annuels d’environ CHF 500'000.- étaient adéquats. Dès lors que MM. J______, K______ et E______ percevaient des salaires très élevés avant de rejoindre B______ en 2004, ils n’auraient pas accepté de fonder une société avec d’autres associés pour un salaire inférieur. De plus, le fait que la rémunération des intéressés avait été avalisée à l’unanimité par les membres du conseil d’administration montrait qu’elles auraient également été accordées à des tiers, excluant de facto la distribution de prestations appréciables en argent.

C’est également à tort que le TAPI avait retenu le salaire médian de la fourchette, perçu par 50 % des salariés, pour déterminer le salaire de base de MM. J______, K______ et E______. Au vu de leur cahier des charges et les fonctions stratégiques occupées, le salaire supérieur devait être pris en considération, ce d’autant que les intéressés, dans le cadre de leurs emplois passés, avaient déjà perçu un salaire supérieur à la moyenne. Ils n’exerçaient ainsi pas seulement une activité de gestion et de conseil, mais également d’apporteurs d’affaires grâce à leur réputation et à leur réseau personnel, le salaire médian ne tenant pas compte de leur savoir-faire hors du commun. Il n’était pas non plus justifié de ne pas retenir l’entier de leur parcours professionnel, mais leur seule ancienneté au sein de la société. De plus, la prise en compte du salaire médian allait à l’encontre de la notion de prestation appréciable en argent, qui exigeait une disproportion manifeste entre la prestation et la contre-prestation.

Les premiers juges ne s’étaient pas exprimés sur les « dépens », commettant un déni de justice, alors même que B______ y avait conclu, obtenu gain de cause sur la moitié de ses conclusions et engagé des frais d’avocat par CHF 18'000.-. Une indemnité de procédure de l’ordre de CHF 10'000.- aurait ainsi dû lui être octroyée par le TAPI. De plus, des « dépens » de CHF 12'000.- devaient en sus lui être accordés dans le cadre du présent recours.

16) Le 21 novembre 2012, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

17) Dans sa réponse du 14 décembre 2012, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Elle n’avait pas été informée du courrier de B______ du 5 septembre 2011 et n’avait eu connaissance de son contenu et de ses annexes qu’à la lecture du jugement entrepris.

Se référant en substance à ses précédentes écritures, l’AFC-GE a précisé que B______, en concluant à l’application du salaire supérieur, s’écartait de la jurisprudence constante en matière de salaires excessifs, ce d’autant que cette société poursuivait une activité relativement usuelle à Genève, où quelque 544 entreprises exerçaient la gestion de fortune. De plus, il ressortait des comptes de la société que durant les périodes fiscales litigieuses, MM. J______, K______ et E______ cumulaient à eux trois près de la moitié du poste « charges salariales et sociales ». L’application de la méthode « valaisanne » et la prise en compte du salaire médian visait à assurer l’égalité de traitement entre les personnes travaillant dans la même branche. Les critères avancés par B______, soit la renommée et le savoir-faire des intéressés, étaient pris en compte par le calculateur OGMT lors de la détermination du salaire de base, dans les catégories « position hiérarchique » et « niveau de qualifications ».

S’agissant de la « provision pour litiges clients », B______ ne pouvait se prévaloir d’une inégalité de traitement, dès lors que la loi avait été correctement appliquée à son cas. Elle n’avait d’ailleurs pas démontré qu’elle aurait été traitée différemment des autres contribuables genevois se trouvant dans une situation similaire. Le fait que d’autres cantons aient prévu des provisions forfaitaires ne permettait pas d’aboutir à une autre conclusion. En l’absence de pratique établie par l’AFC-GE, une provision, telle que constituée par B______, n’était pas admissible, ce d’autant que son objectif était de créer ou maintenir une provision à concurrence de 1 % de la masse sous gestion, et non à se prémunir contre un défaut de paiement des clients à qui les commissions sous gestion étaient facturées. Le risque dont B______ entendait se prémunir était ainsi celui de devoir rembourser à ses clients une partie des avoirs gérés en cas de diminution de ceux-ci, les cas dans lesquels les banques ou les tiers gérants remboursaient une partie des avoirs perdus étant, au demeurant, extrêmement rares. B______ n’avait d’ailleurs pas fait mention d’un tel cas. De plus, si aucune gestion fautive ne pouvait être imputée à B______, il était surprenant que celle-ci doive se prémunir d’un risque ne lui incombant pas. Cette provision s’apparentait ainsi, dans les faits, à une provision pour risques généraux en matière bancaire, que seuls les établissements de ce type étaient autorisés à constituer.

Dès lors que le TAPI n’avait que partiellement admis le recours, aucune indemnité de procédure ne devait être allouée à B______.

18) Par acte du 25 janvier 2013, B______ a répliqué, persistant dans les termes de ses précédentes écritures et conclusions.

B______ était la société centrale d’un groupe qui offrait également des prestations à d’autres sociétés de gestion, une cellule de recherche en investissement, un département de « trading » et une société de services de type « family office ». L’infrastructure mise en place correspondait à celle d’une petite banque, de sorte que B______ n’était pas comparable à la plupart des sociétés de gestion. Elle se distinguait également de ses concurrents par sa taille et son importance et faisait partie des sociétés de gérance de fortune indépendantes les plus importantes de Suisse, avec des actifs sous gestion d’environ CHF 1'000'000'000.-. Il était donc légitime d’admettre que ses animateurs principaux disposaient de compétences particulières, dès lors qu’ils avaient mis en place un modèle d’affaires plus sophistiqué que celui des sociétés concurrentes, leur activité et leur réputation ayant permis une croissance spectaculaire de B______.

Même si la méthode de détermination du montant de la provision était forfaitaire, la provision couvrait un risque spécifique et elle était constituée sur les commissions de gestion, et non sur les actifs sous gestion. De plus, il était courant que les banques et les sociétés de gestion indemnisent leurs clients dans le cadre d’accords amiables lorsqu’ils reconnaissaient une gestion fautive. De telles situations n’étaient pas limitées aux cas de fraude, ce qui rendait concrets les risques auxquels B______ était exposée.

L’admission du recours lui ouvrait le droit à l’obtention de « dépens » complets, soit CHF 30'000.-, correspondant aux frais liés à la préparation du recours et le suivi de la procédure au TAPI, ainsi que du recours à la chambre administrative. En cas de rejet du recours, elle pourrait néanmoins prétendre à une indemnité de procédure réduite, de CHF 10'000.-, dès lors qu’elle avait partiellement obtenu gain de cause devant le TAPI.

19) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - RS D 3 17).

2) a. L’art. 57 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit que l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial tels que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (art. 58 al. 1 let. b LIFD).

Concernant l’ICC, l’art. 12 let. a et h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) prévoit que sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu’il résulte du compte de pertes et profits, ainsi que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société.

b. Bien qu’elles ne le mentionnent pas expressément, les dispositions susmentionnées visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice (M. ZWEIFEL/P. ATHANAS [éd.] , Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung des direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), 2e édition, 2002, n. 74 ad art. 24 p. 406), soit des prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés au bénéfice imposable. L’art. 12 let. h LIPM est conforme à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD quand bien même il est rédigé différemment (ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011).

Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société, lorsque les conditions cumulatives suivantes sont réalisées : la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 et 2C_188/2008 du 19 août 2008 ; ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 4e édition, 2012, n. 41 p. 236). Il ne s’agit pas d’examiner si les parties ont reconnu la disproportion, mais plutôt si elles auraient dû la reconnaître (E. MELLER/J. SALOM, le salaire excessif en droit fiscal suisse, RDAF 2011 II 105, p. 110).

c. En matière de fardeau de la preuve, il appartient à l’administration fiscale de prouver que la prestation de la société est disproportionnée car effectuée sans contrepartie. Si cette preuve est apportée, il revient à la société de renverser cette présomption et de prouver que les prestations en question sont justifiées par l’usage commercial afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et les bénéficiaires de la prestation, ont conduit à l’octroi d’une prestation insolite (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2010 du 19 mai 2010 ; X. OBERSON, op. cit., n. 47 p. 238).

d. Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons. Ainsi, le versement d’un salaire disproportionné accordé à un actionnaire-directeur constitue une situation classique de distribution dissimulée de bénéfice (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 ; X. OBERSON, op. cit., n. 42 p. 236). L’avantage octroyé doit s’expliquer par le lien particulier entre le bénéficiaire de la prestation et la société. Entrent avant tout en ligne de compte les actionnaires majoritaires. Ce qui caractérise objectivement la distribution dissimulée de bénéfice n’est pas l’influence que peut exercer l’actionnaire, mais le fait que la prestation n’aurait pas été effectuée ou aurait été notablement plus faible, si le bénéficiaire avait été une personne étrangère à la société (D. YERSIN, apports et retraits de capital propre et bénéfice imposable, 1977, p. 249).

e. Bien qu’il n’appartienne pas à l’AFC-GE de substituer sa propre appréciation en matière de salaire à celle de la société, la liberté de l’employeur n’est pas sans limite sous l’angle fiscal. En effet, la rémunération doit correspondre à celle qui aurait été octroyée à une tierce personne dans des circonstances identiques. L’élément déterminant est donc la rémunération conforme au marché. Pour déterminer si la rémunération est excessive et constitue une distribution dissimulée de bénéfice, il convient de prendre en compte l’ensemble des circonstances du cas d’espèce (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.1 et 3.3 ; E. MELLER/J. SALOM, op. cit., p. 111). Il s’agit de la sorte de s’assurer que le montant de la rémunération est justifié par des fins commerciales et non par le fait qu’il existe une étroite relation économique ou personnelle (actionnaire ou proche) entre le bénéficiaire de la prestation et la société (E. MELLER/J. SALOM, op. cit., p. 112). Parmi les critères pertinents, on peut notamment citer la rémunération des personnes de rang et de fonction identiques ou similaires, les salaires versés par d’autres entreprises opérant dans le même domaine, la taille de l’entreprise, sa situation financière, ainsi que la position du salarié dans l’entreprise, sa formation et son expérience (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.1).

f. En l’absence de points de comparaison suffisants avec le marché, la méthode la plus communément appliquée en Suisse romande pour déterminer le salaire admissible d’employés actionnaires est la méthode dite « valaisanne ». Elle consiste à déterminer un salaire de base moyen, puis à l’augmenter d’une participation au chiffre d’affaires de la société (1 % jusqu’à 1 million, 0,9 % jusqu’à 5 millions et 0,8 % au-delà, la participation étant doublée pour les sociétés de services afin de tenir compte de la marge brute élevée de ce type de sociétés) ainsi qu’une part au bénéfice (1/3 pour les sociétés employant moins de vingt collaborateurs et 1/4 pour les entreprises plus grandes) (ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/170/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; E. MELLER/J. SALOM, op. cit., p. 118). Cette méthode n’arrête ainsi pas le montant de la rémunération au seul salaire de base, mais l’augmente d’une participation au chiffre d’affaires et au bénéfice, ce qui permet de prendre en compte dans le calcul de la rémunération l’implication du salarié actionnaire dans la bonne marche de l’entreprise et, pour une part au moins, sa dimension d’apporteur d’affaires.

La méthode « valaisanne » a reçu l’aval de l’AFC-CH et son application a été entérinée par la jurisprudence cantonale (ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/170/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/748/2011 du 6 décembre 2011 ; ATA/674/2011 du 1er novembre 2011 ; ATA/658/2011 du 18 octobre 2011 ; ATA/633/2001 du 11 octobre 2011 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; ATA/683/2010 du 5 octobre 2010 ; ATA/622/2010 du 7 septembre 2010). Le Tribunal fédéral a, pour sa part, confirmé son application dans la mesure où elle conduit à un résultat exempt d’arbitraire, adapté aux circonstances du cas d’espèce (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.3 et 2C_188/2008 du 19 août 2008 consid. 5.3).

g. Pour déterminer un salaire de base moyen lorsque les données servant de base à la détermination de la rémunération des cadres dans une société font défaut ou sont inexploitables, il est admissible, selon la jurisprudence, de se fonder sur des statistiques. Ce schématisme a l’avantage d’assurer l’égalité de traitement entre les personnes travaillant dans la même branche. La simplification de cette détermination doit toutefois rester dans certaines limites afin de ne pas tomber dans l’arbitraire. Il a été jugé à cet égard que le fait d’individualiser le salaire moyen en fonction des circonstances du cas d’espèce et de prendre en compte pour ce faire le cahier des charges relatif au poste en cause, les fonctions et les responsabilités des personnes concernées conduit à un schématisme exempt d’arbitraire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2008 du 19 août 2008 consid. 5.3 ; E. MELLER/J. SALOM, op. cit., p. 118).

Dans sa jurisprudence récente, la juridiction de céans a avalisé, dans le cadre du calcul du salaire qualifié d’excessif selon la méthode « valaisanne », le fait de prendre comme salaire de base le calculateur en ligne de l’OGMT, reposant sur des salaires bruts totaux, toutes prestations comprises et aboutissant à établir un salaire maximal fixé au point le plus élevé de la fourchette des rémunérations possibles (ATA/736/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/170/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/58/2011 du 18 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; ATA/622/2010 du 7 septembre 2010). Les données de l’OGMT doivent être considérées comme objectives et conformes aux méthodes de calcul préconisées par le Tribunal fédéral (ATA/674/2011 du 1er novembre 2011 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010). Cet instrument a d’ailleurs déjà été appliqué par la chambre de céans à des sociétés de gestion de fortune (ATA/485/2013 du 30 juillet 2013 ; ATA/125/2013 du 26 février 2013).

h. En présence d’une prestation appréciable en argent, les conséquences fiscales sont multiples. Au niveau de la société, l’autorité fiscale réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de celle-ci (X. OBERSON, op. cit., n. 43 p. 236s).

3) a. En l’espèce, la société recourante réfute l’application de la méthode dite « valaisanne », arguant avoir fourni suffisamment d’éléments de comparaison avec le marché.

MM. J______, K______ et E______ sont membres du conseil d’administration de la société recourante, les deux premiers occupant en sus les fonctions respectives de président et de vice-président. Tous trois sont également actionnaires de la société recourante, détenant 60 % des parts de B______ Holding, qui elle-même détient l’entier de son capital-actions, et sont salariés de l’entreprise, occupant des postes de cadre. Au sein de la société recourante, MM. J______, K______ et E______ sont les seuls dans cette situation, aucun des autres employés n’étant simultanément actionnaires. A ce titre, ils assurent la haute direction de la société, définissent sa stratégie et assument des activités de gestion, tout en rencontrant les clients. Devant la chambre de céans, la société recourante a également précisé que les intéressés étaient aussi apporteurs d’affaires, détenant tous trois un réseau et un savoir-faire importants. Au vu de ces éléments déjà, leur situation n’apparaît pas comparable à celle des autres employés de la société recourante, cette dernière ayant d’ailleurs précisé à plusieurs reprises dans ses écritures que l’activité des intéressés était à ce point exceptionnelle qu’elle ne souffrait aucune comparaison avec la situation des autres salariés.

Les diverses fiches de salaire versées à la procédure par la société recourante, principalement pour l’année 2008, pour partielles qu’elles soient, ne lui sont d’aucun secours, dès lors qu’elles tendent à confirmer ce constat. En effet, elles laissent apparaître une disparité importante entre le salaire perçu par les intéressés et celui versé aux autres employés de l’entreprise. Il ressort d’ailleurs des documents comptables produits par la société recourante à l’appui de ses déclarations fiscales pour les années 2006, 2007 et 2008 que, durant ces périodes, les salaires cumulés de MM. J______, K______ et E______ représentaient près de la moitié du poste consacré aux salaires et aux charges sociales des employés, malgré les pertes subies par la société en 2008. Que la société recourante allègue avoir accordé en 2011 une rémunération annuelle de plus de CHF 800'000.- à un employé de la société n’apparaît du reste pas déterminant puisque cet élément ne concerne pas la période fiscale litigieuse. Rien n’indique dès lors que, dans le cadre de sa politique salariale interne, les salaires litigieux sont conformes à la bonne marche de l’entreprise, la société recourante n’ayant pas fourni de méthode valable en vue de le déterminer.

La société recourante ne saurait davantage se prévaloir d’une comparaison « externe » dès lors qu’elle a, à plusieurs reprises, varié dans ses déclarations s’agissant de ses activités, allant jusqu’à indiquer qu’elles étaient similaires à celles d’une « petite banque », ce qui ne ressort d’ailleurs pas de son but social, tel qu’inscrit au registre du commerce. Par ailleurs, la société recourante a insisté sur le fait que ses activités étaient spécifiques, de sorte qu’elles ne pouvaient être comparées aux autres sociétés actives dans le domaine de la gestion de fortune, s’en distinguant dans une large mesure de par son caractère innovant.

Vu l’absence de points de comparaison, c’est à bon droit que le TAPI, conformément à la jurisprudence précitée, a appliqué la méthode dite « valaisanne » pour déterminer si, au plan fiscal, une partie des rémunérations versées aux trois actionnaires salariés constituait une distribution dissimulée de bénéfices devant être réintégrée dans le bénéfice imposable.

b. C’est également à juste titre que le TAPI a fait application du calculateur de salaires en ligne de l’OGMT. En faisant usage de cet outil, le TAPI a individualisé le salaire des actionnaires, en tenant compte de leur âge, de leur cahier des charges et de leur position de cadre supérieur. Il a en outre considéré que les actionnaires avaient œuvré soixante heures par semaine en moyenne, ce qui n’est pas contesté par les parties à ce stade, quand bien même aucun justificatif n’a été produit. Se fondant sur les circonstances du cas d’espèce, il a ainsi respecté les critères posés par la jurisprudence précitée en matière d’utilisation de statistiques pour déterminer le salaire de base.

A l’instar du TAPI, il convient de retenir le salaire médian résultant du calculateur de l’OGMT. En effet, même si les actionnaires salariés sont en charge de responsabilités importantes au sein de la société et qu’ils assument simultanément des activités de gestion, il n’en demeure pas moins que d’autres employés assument également de telles tâches, dès lors que la société recourante est pourvue de deux directeurs et de gestionnaires de fortune, de sorte que l’activité propre de MM. J______, K______ et E______ se confond avec celle de la société. Ce n’est d’ailleurs que devant la chambre de céans que la société recourante a allégué que les intéressés avaient également un rôle d’apporteurs d’affaires et possédaient un savoir-faire d’exception, n’apportant toutefois aucun élément probant à la procédure sur ces points, étant précisé qu’il est déjà tenu compte de ces éléments dans le cadre de l’application de la méthode « valaisanne », puisque le salaire de base est augmenté d’une participation au chiffre d’affaires. Même si le calculateur de l’OGMT ne prend pas en considération le critère relatif à l’ancienneté dans le domaine d’activité, mais seulement au sein de la société considérée, cet élément n’apparaît pas déterminant, dans la mesure où la société recourante n’a pas allégué que les intéressés avaient une expérience significative dans la direction d’une entreprise, mais seulement en lien avec la gestion de fortune, activité également pratiquée par les salariés actionnaires, mais de manière accessoire, à en croire les dernières écritures de la société. Le poste assumé par les intéressés au sein de la société recourante, pour important qu’il soit, n’est ainsi pas exceptionnel au point de justifier la prise en compte du salaire supérieur résultant du calculateur de l’OGMT.

c. Les éléments pris en compte par le TAPI ne prêtent ainsi pas le flanc à la critique, pas davantage que le calcul effectué par les premiers juges en application de la méthode « valaisanne » pour aboutir à des salaires excessifs de CHF 254'335.- en 2006, CHF 90'052.- en 2007 et CHF 37'172.- en 2008.

Ces montants constituent non seulement un salaire excessif, mais également une distribution dissimulée de bénéfice. Ils excèdent dans cette mesure le salaire maximum qui aurait été versé à un tiers dans les mêmes circonstances et s’expliquent uniquement par la qualité d’actionnaire des bénéficiaires. Dans ce cadre, la convention d’actionnaire produite par la société recourante n’apparaît pas décisive, dès lors que les actionnaires salariés détiennent à eux trois 60 % des actions de la société et que, mêmes prises à l’unanimité, les décisions les concernant apparaissent dans cette mesure influencées par leur position d’actionnaires majoritaires, qui plus est de membres du conseil d’administration. De tels salaires n’auraient ainsi pas été accordés à des tiers, les montants susmentionnés représentant une disproportion, reconnaissable par les organes et les administrateurs, également bénéficiaires de ceux-ci, et devaient par conséquent faire l’objet d’une reprise en tant que prestations appréciables en argent.

d. La société recourante se limitant à contester les reprises pour frais forfaitaires, sans émettre de critiques spécifiques et concrètes à cet égard, ce grief sera également rejeté.

4) a. L’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net, tel qu’il découle du compte de pertes et profits établi selon les règles du droit commercial (art. 57, 58, al. 1 LIFD ; X. OBERSON, op. cit., p. 224).

Tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial sont ajoutés au bénéfice imposable (art. 58 al. 1 let. b LIFD), telle par exemple une provision non justifiée

b. Pour être admise, la provision doit être justifiée par l’usage commercial et, conformément au principe de périodicité, porter sur des faits dont l’origine se déroule durant la période de calcul (ATF 137 II 353 consid. 6.1 p. 359 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_392/2009 du 23 août 2010 consid. 2.1 ; ATA/532/2013 du 27 août 2013 consid. 3 c et d). Est justifiée par l’usage commercial toute provision portée au passif du bilan qui exprime le fait que le résultat de l’exercice ne peut pas être tenu pour définitif ; cette correction prévient le risque que le résultat ne soit pas conforme à la réalité et qu’une perte apparaisse ultérieurement, qui existait déjà au moment du bouclement des comptes. Encore faut-il que ce risque de perte soit réel et concret (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_392/2009 du 23 août 2010 consid. 2.3). Des provisions pour des charges futures ne sont pas admissibles (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2010 consid. 3.1). Les provisions sont par nature passagères et doivent être dissoutes, soit au moment de la survenance de l’événement en couverture de la charge ou de la perte pour lesquelles elles ont été constituées, soit au moment de la disparition de la cause de leur existence.

c. Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, deux conditions doivent être réunies pour que les provisions soient admises : les faits qui sont la cause du risque de perte doivent s’être produits au cours de l’exercice clos pendant la période de calcul ; le risque de perte doit être certain ou quasi certain, mais non nécessairement définitif. Par ailleurs l’appréciation du risque doit être faite en tenant compte de tous les faits connus à la date du bouclement des comptes et non de faits ultérieurs qui viendraient confirmer ou infirmer le montant de la provision (ATA/2538/2007 du 9 mars 2010 ; ATA/607/2008 du 4 février 2009).

Pour juger de la justification commerciale de la provision, il convient d’examiner la situation concrète de l’entreprise, notamment s’il y a des actions en dommages et intérêts en suspens. Les provisions pour dommages et intérêts sont admises si elles se rapportent à des événements ayant déjà eu lieu et pour lesquels il n’existe pas de couverture d’assurance (D. YERSIN/Y. NOËL (éd.), Commentaire Romand, Impôt fédéral direct, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, 2008, ad art. 63 n. 19 p. 850). Les provisions constituées en prévision de risques potentiels ne sont pas conformes à l’usage commercial. Pour être acceptées, les provisions doivent prévenir des pertes imminentes ou parer à des risques menaçants découlant d’engagements ou de charges encourues et non pas couvrir des risques aléatoires (Division Etudes et supports / AFC, juin 2012, L’imposition des personnes morales, in Informations fiscales éditées par la Conférence suisse des impôts CSI, ch. 411.3, p. 56).

Lorsque des provisions, qui ont été passées en charge du compte de résultat, ne sont pas admissibles, l’autorité fiscale est en droit de procéder à la dissolution de la provision (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 3.1). La dissolution d’une provision est susceptible d’intervenir dès qu’elle n’est plus justifiée commercialement, engendrant une correction en défaveur du contribuable (D. YERSIN/Y. NOËL [éd.], op. cit., ad art. 58 n. 41 et 67).

d. La maxime d’office est applicable à la détermination de la dette fiscale. L’administration fiscale supporte le fardeau de la preuve de l’existence d’éléments imposables et, selon un principe généralement admis en matière fiscale, il incombe à celui qui prétend à l’existence d’un fait de nature à éteindre ou à diminuer sa dette fiscale d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_288/2008 du 1er octobre 2008 consid 4.4 ; ATA/761/2013 du 12 novembre 2013).

e. Les dispositions légales régissant l’assujettissement des sociétés anonymes à l’impôt sur les personnes morales (art. 20 al. 1 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 - LHID - RS 642.14 - et 1 al. 2 LIPM), l’objet de l’impôt sur le bénéfice (art. 24 al. 1 LHID et 11 LIPM), ainsi que la constitution de provisions (art. 12 let. e et art. 13 LIPM) ont une teneur identique à celles de la LIFD citées plus haut.

5) a. En l’espèce, la recourante a attribué à la provision « litiges clients » les montants de CHF 345'526.- en 2006, CHF 276'521.- en 2007 et CHF 289'193.- en 2008, représentant 1 % du total des avoirs des clients, « en vue d’assurer une protection contre tout éventuel risque de litige au niveau juridique », conformément à la décision de son conseil d’administration du 19 mars 2007 versé à la procédure, lequel prévoit que 5 % du revenu brut de la société doit être affecté à cette réserve à la fin de chaque exercice.

Durant la procédure, la recourante a expliqué qu’elle devait se prémunir d’une éventuelle demande de dédommagement des clients ouverte à son encontre en raison d’une perte occasionnée par les investissements effectués. Elle a par la suite précisé que la société était exposée à des risques concrets, compris entre CHF 1'300'000.- et CHF 2'100'000.-, dès lors qu’en 2006 et 2007, des avoirs de certains clients avaient été placés dans des fonds bloqués par les banques dépositaires en raison d’actions ouvertes à l’encontre des administrateurs ou des liquidateurs de ces fonds. Pour étayer ses allégués, elle a produit un courrier en lien avec le blocage d’un compte bancaire suite à l’affaire dite « Madoff ».

Un tel raisonnement ne saurait être suivi. Indépendamment des déclarations variables de la recourante, même si un tel risque ne peut être exclu d’un point de vue théorique, il n’est ni certain, ni quasi-certain, comme l’exige la jurisprudence susmentionnée. La recourante n’a d’ailleurs pas allégué qu’il se serait réalisé durant les périodes fiscales litigieuses, le courrier versé à la procédure n’apparaissant pas probant de ce point de vue, en l’absence de lien avec la société recourante. Les risques encourus sont ainsi seulement estimés, ce qui ressort d’ailleurs du mode de constitution de la provision, forfaitaire.

b. La recourante ne saurait davantage se prévaloir d’une violation du principe d’égalité de traitement entre contribuables en invoquant des disparités entre les cantons, qui sont inhérentes au fédéralisme. Elle n’allègue ni ne tente de démontrer qu’elle aurait été traitée différemment des autres contribuables dans la même situation, ce que la jurisprudence constante de la chambre de céans et la pratique de l’AFC-GE tendent précisément à éviter.

c. En conséquence, la provision litigieuse ne remplissant pas les exigences décrites ci-dessus, elle doit être assimilée à une réserve et il se justifie de réintégrer son montant dans le bénéfice imposable de la contribuable, comme l’a à juste titre retenu le TAPI.

6) a. La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 LPA). Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA). Bien que l’art. 87 al. 4 LPA prévoie la voie de la réclamation en cas de contestations de ces questions, lorsque les griefs du recourant ne se limitent pas aux frais, aux émoluments et aux indemnités de procédure, mais qu’ils portent également sur la validité matérielle de la décision attaquée (ATA/145/2009 du 24 mars 2009 consid. 12), la chambre de céans est compétente pour statuer sur toutes les questions litigieuses, y compris sur l’émolument et l’indemnité.

b. En l’espèce, la recourante a conclu, dans ses écritures devant le TAPI, à l’annulation de la décision de l’AFC-GE et à la condamnation de l’autorité intimée « en tous les frais et dépens ». Il ressort du jugement entrepris que le TAPI ne s’est pas prononcé sur la question des « dépens », soit de l’indemnité de procédure (ATA/781/2013 du 26 novembre 2013), se limitant à mettre à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-. Même s’il ressort du dispositif du TAPI que le recours a été partiellement admis, il n’en demeure pas moins que la recourante a été déboutée de ses conclusions sur tous les points, hormis, celui, subsidiaire, relatif à la durée hebdomadaire de travail des salariés-actionnaires dans le cadre du calcul du salaire de base, arrêtée à 60 heures par le TAPI. La recourante a d’ailleurs contesté le jugement dans son ensemble, tant s’agissant des reprises pour la provision « litiges clients » que pour les salaires excessifs, persistant dans les termes de ses précédentes écritures. N’ayant obtenu gain de cause que de manière très limitée, l’octroi d’une indemnité de procédure ne se justifiait ainsi pas.

7) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe ; aucune indemnité ne lui sera par ailleurs allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 novembre 2012 par B______ S.A. contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 septembre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'000.- à la charge de B______S.A. ;

dit qu’aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Floran Ponce, avocat de la recourante, au Tribunal administratif de première instance, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu’à l’administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Verniory et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :