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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2931/2008

ATA/145/2009 du 24.03.2009 ( FIN ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.05.2009, rendu le 26.01.2010, PARTIELMNT ADMIS, 2C_321/2009
Descripteurs : ; DROIT FISCAL ; IMPÔT ; IMPÔT À LA SOURCE ; DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION ; REFUS DE STATUER ; ÉGALITÉ DES ARMES ; PROCÈS ÉQUITABLE ; PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ ; INTÉRÊT ACTUEL ; ÉMOLUMENT ; DÉPENS ; PROPORTIONNALITÉ ; TORT MORAL
Résumé : Recours d'un contribuable ayant saisi la commission de recours en matière d'impôt pour refus de l'administration fiscale cantonale (AFC) de statuer sur la réclamation qu'il avait élevée contre son imposition à la source 2007, avant la fin de cette même année. L'octroi par la commission d'un délai de six mois à l'AFC pour répondre à un recours interjeté pour déni de justice viole l'exigence de célérité imposée par l'article 77 alinéa 2 LPA. De même, l'octroi d'un tel délai à l'AFC, d'entrée de cause et sans demande de prolongation, viole le principe de l'égalité des armes dans le domaine du droit fiscal s'il n'est pas justifié par les circonstances. La constatation de ces deux violations constitue une réparation suffisante en l'espèce. Intérêt actuel du recourant qui a obtenu, pendant la procédure devant la commission, la décision sollicitée. La personne qui recourt uniquement contre les dépens fixés par la commission doit utiliser la voie de la réclamation, mais celle du recours au Tribunal administratif s'il conteste également le bien-fondé de la décision. Proportionnalité de l'émolument. Le Tribunal administratif n'est pas compétent pour statuer sur une demande d'indemnité pour tort moral.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2931/2008-FIN ATA/145/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 mars 2009

 

dans la cause

 

Monsieur V______

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE ADMINISTRATIVE

et

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE



EN FAIT

1. Monsieur V______ (ci-après : le contribuable), de nationalité suisse, était domicilié à Genève jusqu'en 2000. Début 2001, il a pris domicile en France. Il habite actuellement au 53, chemin des Y______, à Eteaux en Haute-Savoie (74800).

2. Entre 2001 et 2006, le contribuable a été employé en qualité de comptable auprès de la banque G______.

3. Il a été licencié avec effet au 31 octobre 2006.

4. Début 2007, le contribuable a perçu de son ex-employeur une participation au bénéfice 2006 s’élevant à CHF 16'908.- et une indemnité pour fin de rapports de service de CHF 15'000.-.

Selon une attestation de quittance établie par la banque G______, une retenue de CHF 7'817,45 a été effectuée au titre d’impôt à la source 2007 (au taux de 24,50 %).

Le contribuable a contesté cette retenue par réclamation du 8 mai 2007.

5. Le 11 juin 2007, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC ou l’administration) a informé le contribuable que sa réclamation ne pourrait être examinée qu’au début de l’année suivante.

6. Se prévalant du délai de 60 jours prévu à l’article 52 alinéa 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), M. V______ a mis l’AFC en demeure de statuer, en lui fixant un délai au 9 juillet 2007.

7. Le 3 juillet 2007, l’AFC a répondu à cette mise en demeure.

Conformément à l’article 23 alinéa 2 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 23 septembre 1994 (LISP - D 3 20), le contribuable ne pouvait déposer de réclamation contre son imposition à la source qu’en fin d’exercice, sauf en cas de départ définitif de Genève.

M. V______ a été prié d’informer l’administration s’il avait décidé d’arrêter de travailler à Genève ou s’il envisageait d’y reprendre une activité, auquel cas sa réclamation ne pourrait pas être examinée avant 2008.

8. Par courrier du 10 juillet 2007, le contribuable a envoyé une nouvelle mise en demeure à l’AFC.

L’article 23 alinéa 2 lettre a LISP ne lui interdisait pas de déposer une réclamation pendant l’année d’imposition ; elle ne faisait que fixer une date butoir au-delà de laquelle aucune réclamation ne pouvait plus être déposée.

Le contribuable ne renonçait pas à l'idée de travailler en Suisse mais, ayant 54 ans, il lui était impossible de savoir si cette hypothèse allait ou non se réaliser.

Si l’autorité entendait conserver l'argent retenu à titre de garantie, dans l’hypothèse où il retrouverait du travail en 2007, elle devait agir par voie de séquestre.

Un ultime délai au 20 juillet 2007 était imparti à l’AFC pour se prononcer sur la réclamation litigieuse.

9. Le 12 novembre 2007, le contribuable a saisi la commission cantonale de recours en matière d’impôts, remplacée depuis le 1er janvier 2009, par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission) pour déni de justice.

10. La commission a accordé à l'AFC un délai de six mois pour répondre.

11. Le contribuable a aussitôt contesté l'octroi de ce délai, considérant qu'il violait les principes de célérité et d'égalité des armes.

12. La commission n'a pas réagi à ce courrier.

13. Le 15 janvier 2008, l’AFC a rendu sa décision sur réclamation.

Le revenu imposable en 2007 s’élevait à CHF 31'908.-. L’impôt dû pour cette période était de CHF 7'769,60. Après déduction de la retenue déjà effectuée, il s’en suivait un solde en faveur du contribuable de CHF 47,95.

14. Le 28 mai 2008, l'administration a répondu au recours et conclu à ce que celui-ci soit déclaré sans objet, la décision sollicitée ayant été rendue en cours de procédure.

15. Par décision du 23 juin 2008, la commission a déclaré le recours sans objet et a rayé la cause du rôle. Elle a également mis à la charge du recourant un émolument de CHF 250.-.

Les articles 52 et 77 LPA ne fixaient que des délais d’ordre, dont les parties ne pouvaient tirer aucun droit, conformément à la jurisprudence constante. Certes, le recourant pouvait mettre l’autorité en demeure de statuer dans un délai raisonnable, selon l’article 4 alinéa 4 LPA, et le silence de cette dernière était alors assimilé à une décision susceptible de recours. Toutefois, en l’espèce, l’AFC avait informé le recourant, un mois après le dépôt de sa réclamation et 13 jours après sa mise en demeure, des raisons pour lesquelles elle ne pouvait statuer avant le mois de janvier 2008.

L’AFC ayant rendu sa décision en cours de procédure, le contribuable n’avait plus d’intérêt juridique actuel et pratique à son recours. Celui-ci devait donc être déclaré sans objet et la cause rayée du rôle.

Enfin, le recourant ayant agi en personne devant la commission, il n’avait pas droit à une indemnité de procédure.

16. Le 9 août 2008, M. V______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision. Il conclut à son annulation, à ce que soit constatée l’existence d’un déni de justice, tant de la part de l’AFC que de la commission, et à l’octroi d’une indemnité pour dommages et intérêts de CHF 4'000.- « notamment pour les conséquences d’ordre psychologique et financier imputables à l’administration et à la commission, en raison de leurs comportements inadéquats à [son] égard ».

Depuis son installation en France, début 2001, l’AFC le taxait d'une manière qui violait les accords internationaux conclus par la Suisse avec les pays de l'Union européenne. Il était obligé de réclamer et de recourir contre chaque taxation, et l'AFC tardait toujours à statuer, prolongeant indéfiniment les procédures de réclamation.

Cette attitude de l’autorité à son égard lui était devenue insupportable, de même qu’à son épouse. Ce conflit était ressenti par le couple comme une véritable torture psychologique depuis mars 2002 et il était indispensable pour leur équilibre que les plus hautes juridictions suisses reconnaissent cette situation.

Malgré son âge, le contribuable avait eu la chance de retrouver du travail après 18 mois de chômage. Toutefois, les soucis perpétuels engendrés par lesdites procédures lui causaient de graves insomnies qui le rendaient irritable et perpétuellement fatigué, de sorte qu’il craignait ne pouvoir conserver son nouvel emploi, faute de pouvoir se concentrer sur les tâches qui lui étaient confiées.

La pratique de l’administration consistant à n’examiner les réclamations portant sur l’imposition à la source que l’année suivant les retenues, ne reposait sur aucune base légale. L’article 23 alinéa 2 LISP ne pouvait en tout cas pas servir de fondement à celle-là.

L’obligation de statuer dans un délai raisonnable découlait tant du droit suisse que de l’article 11 paragraphe 2 de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999 (ALCP - RS 0.142.112.681).

L’interdiction du déni de justice devait s’examiner au regard de la durée de la totalité de la procédure, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes. La première réclamation qu’il avait déposée portait sur l’impôt à la source 2001 et datait du 27 mars 2002 ; la procédure durait ainsi depuis plus de six ans et violait le droit communautaire.

La commission avait, elle aussi, commis un déni de justice. En effet, suite à sa saisine pour retard à statuer, le 12 novembre 2007, elle avait accordé à l’AFC un délai de six mois pour se prononcer. Le contribuable avait contesté ce délai, sans que cette juridiction n'ait daigné réagir. L’AFC avait fait parvenir sa réponse à la commission le 29 mai 2008, soit plus de six mois après le dépôt du recours.

Dans les autres causes qu’il avait engagées devant la commission - concernant les années fiscales 2001 à 2004 - cette autorité avait mis 32 mois à statuer alors que selon l’article 77 LPA, elle devait rendre sa décision dans un délai d’une année.

Il en était allé de même pour son recours contre sa taxation 2005. Dans cette procédure, la commission avait attendu près d’un mois avant d’envoyer une copie de son acte de recours à l’administration ; elle lui avait alors accordé un délai de six mois pour répondre et avait mis huit mois pour statuer après cette réponse, alors que le dossier était en état d’être jugé.

Il en allait ainsi dans toutes les procédures.

Selon le Tribunal fédéral, un délai de réponse fixé d’entrée de cause à quatre mois prolongeait sans motif justifié la procédure de recours de première instance et violait les principes de célérité et d’égalité des armes (ATF 122 V 164 consid. 2c).

En outre, en lui fixant des émoluments à chaque décision, la commission l’avait contraint à l’attaquer, de sorte que cette autorité se trouvait à la fois juge et partie ; partie adverse dans les procédures de recours contre émolument et juge des causes pendantes devant elle. Cette situation portait atteinte à la garantie d’indépendance et d’impartialité figurant dans la Constitution fédérale, l’ALCP et la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

Dans la procédure devant la commission, il disposait encore d’un intérêt actuel et pratique au recours au moment où la décision contestée avait été prise, car le retard dont il se plaignait se répétait chaque année et il portait devant le Tribunal administratif une question de principe.

Le retard injustifié constituait un acte illicite qui pouvait porter atteinte à la personnalité. Le droit à une réparation des dommages causés par l'Etat aux particuliers était garanti par le droit communautaire, qui précisait également qu’une procédure chère était incompatible avec le droit à une justice effective.

Enfin, il se plaignait d’une violation au principe de l’égalité des armes car il n’avait eu que trente jours pour rédiger son recours, alors qu’un délai de six mois avait été donné à l’administration pour y répondre. Pendant le délai très court qui lui avait été imparti, il n’avait disposé que de peu de temps pour faire ses écritures ; le choc psychologique produit par la décision de la commission les avait anéanti, son épouse et lui-même. Celle-là avait d’ailleurs fait, consécutivement, une dépression aigue qui n’avait laissé au contribuable que cinq jours pour rédiger son mémoire.

17. Le même jour, M. V______ a déposé une réclamation auprès de la commission contre l’émolument de CHF 250.- mis à sa charge dans la décision attaquée.

Dans le cadre du recours qu'il avait interjeté devant la commission contre la décision du 15 janvier 2008 de l'AFC fixant sa taxation 2007, cette dernière avait admis avoir fait une erreur en taxant les CHF 31'908.- versés en mars 2007 par son ex-employeur dans l’impôt à la source 2007 ; ces revenus devant être rajoutés aux revenus 2006.

Cette attitude établissait le caractère tracassier des procédures menées par l’administration et que celle-ci s’était bien rendue coupable d’un déni de justice prohibé par la loi.

18. Le 26 août 2008, la commission a transmis au Tribunal administratif la réclamation de M. V______ contre l'émolument qu'elle avait fixé, au motif que le litige relevait de sa compétence.

19. Par courrier du 29 août 2008, le contribuable s'est opposé à cette transmission.

La commission était compétente en vertu de l'article 87 alinéa 4 LPA, qui prévoyait, pour l'émolument, la voie de la réclamation, avec un renvoi aux articles 50 à 52 LPA.

20. Dans sa réponse, datée du 9 septembre 2008, l’AFC a conclu à ce que le recours de M. V______ soit déclaré sans objet.

Le Tribunal administratif n’était pas compétent pour statuer sur un déni de justice réalisé par la commission. Seul le contenu de la décision de cette autorité, du 23 juin 2008, pouvait faire l’objet d’un recours.

L’AFC n’avait commis aucun déni de justice à l’encontre du recourant, dont le recours était devenu sans objet, puisqu’en date du 15 janvier 2008, il avait été statué sur sa réclamation.

21. Par lettre du 6 septembre 2008, le contribuable a réagi à la réponse de l’administration.

Dans la procédure de recours concernant l'impôt à la source 2007, l’administration s’était engagée à annuler le bordereau y relatif, apportant par là la preuve irréfutable que les quinze mois qu’elle avait pris pour statuer avaient été inutiles.

22. Sur demande du tribunal de céans, la commission a informé ce dernier de l’état des procédures terminées ou pendantes devant elle concernant les différentes taxations de M. V______ et pris position sur les accusations dont elle était l'objet, le 16 septembre 2008.

Elle considérait n’avoir pris aucun retard à statuer dans les affaires qu’elle avait eues à connaître.

23. Le contribuable a répliqué le 24 septembre 2008 en persistant dans son argumentation.

24. Ayant pris connaissance de la lettre de la commission adressée au Tribunal administratif le 16 septembre 2008, M. V______ a réagi par courrier du 4 octobre 2008, en exposant à nouveau les multiples retards dans les procédures dont il avait été l’objet.

25. Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A et ss. de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a LPA).

2. Indépendamment de cette procédure, M. V______ a réclamé puis recouru contre le montant retenu au titre de son imposition à la source des années 2006 et 2007. Ces deux causes - jointes par la commission - ont été jugées par le tribunal de céans par arrêt de ce jour. Ainsi, les nombreux moyens que le recourant soulève dans la présente procédure qui portent sur la validité matérielle des décisions prises dans ce cadre, comme dans les procédures de taxation 2001 à 2005, seront écartés, faute de pertinence pour le présent litige, qui porte exclusivement sur la question de savoir si, pour la taxation 2007, l’AFC, puis la commission, ont commis un déni de justice à l’égard du recourant, respectivement, en refusant de statuer sur la réclamation après une mise en demeure, puis en statuant dans un délai de sept mois.

I. Refus de l'AFC de statuer sur la réclamation du 8 mai 2007 avant le mois de janvier 2008 :

3. Selon l'article 23 alinéa 2 LISP, le contribuable qui conteste le montant de la retenue à la source qui lui est faite peut déposer une réclamation écrite et motivée auprès du département :

a) si l'attestation tenant lieu de quittance a été remise avant le dernier jour du mois de février de l'année qui suit celle pour laquelle l'impôt a été retenu : jusqu'au 31 mars de cette même année ;

b) si l'attestation a été remise ultérieurement : dans les 30 jours qui suivent cette remise, mais au plus tard le 31 décembre de l'année qui suit celle pour laquelle l'impôt a été retenu.

Cette disposition donne une date limite au-delà de laquelle plus aucune réclamation ne peut être déposée ; elle ne statue pas, en revanche, sur le moment à partir duquel une telle réclamation peut être formée et ouvrir un droit à ce qu'il soit statué sur elle.

4. Pour déterminer ce moment, il faut s'aider des autres bases légales réglementant l'imposition à la source.

A teneur de l'article 2 alinéa 1er de la loi sur l'imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 (LIPP-II - D 3 12), le revenu imposable se détermine d'après les revenus acquis pendant la période fiscale. Cette période correspond, en droit genevois, à l'année civile (art. 1er al. 2 LIPP-II). Ces règles s'appliquent également dans le système de l'impôt à la source (art. 2 al. 1er LISP). L'AFC n'y déroge que lorsque le contribuable part définitivement à l'étranger. Cette exception se justifie par le fait que dans cette hypothèse, tous les éléments fondant l'imposition de l'année en cours sont connus, ce qui n'est pas le cas lorsque la personne est en recherche d'emploi, comme l'était le recourant à l'époque des faits. Cette interprétation est confortée par l'article 3 du règlement d’application de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales (RISP - D 3 20.01), selon lequel l’administration rectifie l’imposition, après la fin de l’exercice, notamment lorsque le contribuable a exercé plusieurs activités pendant l’année d'imposition (art. 3 let. b RISP).

5. Ainsi, et bien que cette situation ne résulte pas clairement de la lettre de la loi, ce moment dépend du principe de la périodicité de l'impôt exposé ci-dessus ; il correspond à la date à laquelle tous les éléments d'imposition sont connus de l'AFC, soit à la fin de chaque année civile.

L'AFC était donc fondée à ne pas entrer en matière sur la réclamation du recourant avant le début de l'année 2008. Elle n'a commis aucun déni de justice en ne statuant que le 15 janvier 2008.

II. Retard à statuer de la commission :

6. Selon l'article 77 alinéa 3 LPA, applicable par renvoi de l'article 2 alinéa 2 LPFisc, lorsque le recourant se plaint d’un déni de justice ou d’un retard injustifié, la juridiction doit statuer dans un délai de deux mois dès le dépôt du recours.

Ce délai est un délai d'ordre ; il n'est pas impératif. Il a pour but d'éviter qu'un justiciable ayant sollicité une décision, ne voie son délai d'attente prolongé alors qu'un temps long s'est déjà écoulé depuis sa première demande. Lorsque dans ce court délai de deux mois, l'autorité dont le comportement est incriminé statue, le recourant a obtenu la décision demandée et ne peut se prévaloir de ce délai de deux mois pour qu'il soit statué sur la simple constatation de l'existence, a posteriori, d'un cas de déni de justice ou de retard injustifié. En effet, dans un tel cas, la procédure originaire poursuit son cours normal - avec l'ouverture des voies de recours ordinaires contre la décision enfin prise - et l'intérêt du justiciable à ce qu'il soit statué rapidement sur sa saisine pour déni de justice disparaît ; seules demeurent la question du constat de l'existence d'un retard injustifié et les éventuelles conséquences qui peuvent résulter d'une violation de la loi.

En l'espèce, ne pouvant obtenir de l'AFC qu'elle statue sur sa réclamation, le recourant a saisi la commission le 16 novembre 2007 pour obtenir une décision sur sa taxation 2007. L'administration intimée s'est exécutée le 15 janvier 2008, soit exactement deux mois après cette saisine. A partir de ce moment-là, la commission n'était plus dans l'urgence et le délai de sept mois qu'elle a pris pour statuer ne viole ni l'article 29 alinéa 1er de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ni, l'article 6 paragraphe 1er CEDH (à supposer qu'elle soit applicable), ni davantage l'article 11 alinéa 2 de l'accord entre la Confédération suisse d’une part, et l’ALCP, d’autre part, qui exigent que la juridiction statue dans un délai « raisonnable ».

7. Le recourant soulève qu'en accordant à l'AFC un délai de six mois pour répondre, la commission a violé le principe de célérité imposé par la loi.

Comme précédemment exposé, l'article 77 alinéa 3 LPA fixe à la juridiction saisie pour déni de justice, un délai d'ordre de deux mois pour statuer. Cette disposition constitue une lex specialis par rapport aux exigences de l'article 29 Cst. Si elle n'est pas impérative, elle n'en impose pas moins un devoir de célérité à la juridiction amenée à se prononcer, qui est vidé de toute sa substance avec l'octroi d'un tel délai, accordé d'entrée de cause, alors que la seule chose qui est demandée à l'autorité intimée est de se déterminer sur les raisons de son retard à statuer.

Une violation du principe de célérité commandée par l'article 77 alinéa 3 LPA doit ainsi être constatée.

8. On peut se demander également, avec le recourant, si l'octroi d'un délai aussi long pour répondre, accordé à l'autorité intimée, ne viole pas également le principe de l'égalité des armes, qui est un droit fondamental de procédure (ATF 126 V 244 consid. 4, p. 249 ; 122 V 157 consid. 2c p. 164 ; U. KIESER, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, Zurich 1999, p. 348, n. 726).

En effet, en matière d'assurances sociales par exemple, l'octroi systématique d'un délai de quatre mois donné à l'autorité administrative pour des raisons de surcharge de travail, a été considérée par le Tribunal fédéral comme contraire à ce principe, au motif qu'elle favorise l'une des parties au procès (ATF 126 V 244 consid. 4, p. 249). Il en va de même des prolongations systématiques de délai accordées pour des motifs tirés de la surcharge de l'administration. A ce égard, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de dire que le caractère systématique du délai fixé par la commission de recours mettait à néant l'effet de décharge attendu (ibidem). En outre, il appartenait souvent au recourant - et non à l'autorité intimée - d'apporter la preuve des faits allégués, le rôle de l'administration se bornant à répondre ; il n'était pas juste, dans ces circonstances, de favoriser systématiquement l'autorité en lui accordant un délai aussi long, par rapport à celui de trente jours impérativement fixé au justiciable, même si l'octroi d'un délai pour répondre supérieur à trente jours peut être accordé à l'autorité administrative sans conduire nécessairement à une violation de ce principe (ATF précité, p. 248, consid. 3).

Le domaine du droit fiscal n'est pas gouverné par les mêmes exigences de célérité. Les conséquences apparaissent en effet moins vitales que dans le domaine des assurances sociales. Il n'en demeure pas moins que l'octroi d'un délai systématique de six mois, accordé d'entrée de cause à l'AFC, sans demande de prolongation, non seulement réduit à néant tout effet de décharge de l'administration, mais doit être justifié par les circonstances. Or, en l'espèce, l'autorité devait se prononcer sur un retard à statuer. Pour prendre position sur ce point, elle n'avait pas besoin de six mois.

Le principe de l'égalité des armes a ainsi également été violé (art. 29 al. 1er Cst.).

9. Il faut maintenant s'interroger sur les conséquences d'une violation aux deux principes susmentionnés. De fait, la violation du principe de célérité par la fixation d'un délai de réponse de six mois à l'administration n'a pas eu, en l'espèce, de conséquences négatives pour le contribuable, car la décision sur réclamation sollicitée est intervenue finalement dans le délai de deux mois de l'article 77 alinéa 3 LPA. Quant au dommage qu'aurait pu subir le recourant du fait de la violation du principe de l'égalité des armes, il a été largement réparé par le tribunal de céans, devant lequel le recourant a pu se prononcer à de très nombreuses reprises.

La simple constatation de la violation de ces principes peut donc être considérée comme une réparation suffisante en l'espèce (ATF 131 II 361 consid. 4.6 p. 472 ; 129 V 411 consid. 3.4 p. 421).

Validité matérielle de la décision de la commission :

10. Après avoir statué sur le déni de justice et constaté l'absence de violation légale de la part de l'AFC, la commission a déclaré, dans son dispositif, que le recours était devenu sans objet et a rayé la cause du rôle.

Sa décision se fonde sur le fait que l'AFC a statué pendant la procédure et qu'un recours contre cette décision était pendant devant elle. Le recourant s'insurge contre cette manière de procéder, considérant qu'il disposait encore d'un intérêt à ce qu'il soit statué sur l'existence du déni de justice commis par l'AFC.

L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement rayé du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2A.732/2006 du 23 avril 2007 consid. 1 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 consid. 3 et 4 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005 ; ATA/552/2005 du 16 août 2005).

En l'espèce, il n'était pas exact de dire que le recours était devenu sans objet, car les conclusions du recourant ne portaient pas seulement sur l'obtention d'une décision de l'AFC, mais à ce qu'il soit expressément constaté que le refus de cette autorité de statuer avant la fin de la période fiscale, lorsqu'une attestation-quittance était délivrée en cours d'année, ne trouvait pas de fondement dans la loi.

Cette question est demeurée en suspens après que l'AFC ait pris la décision sollicitée, qui est intervenue après la fin de ladite période. Le recourant disposait ainsi encore d'un intérêt actuel à ce qu'il soit statué sur cette question, au moment où la commission a pris sa décision.

Cette juridiction aurait ainsi dû rejeter le recours et non simplement rayer la cause du rôle. Cette informalité est toutefois de pure forme, car dans ses motifs, la commission est entrée en matière sur le déni de justice et l'a rejeté à bon droit.

Recours contre l'émolument fixé par la commission :

11. Selon l'article 67 alinéa 1er LPA, dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours.

En déférant la décision de la commission du 23 juin 2008 au Tribunal administratif, le recourant a porté toute la cause devant cette juridiction, y compris la contestation sur l'émolument fixé par la commission.

12. Il est vrai qu'à teneur de l'article 87 alinéa 4 LPA, applicable par renvoi de l'article 2 LPFisc, les frais de procédure, émoluments et indemnités arrêtés par les juridictions administratives peuvent faire l’objet d’une réclamation dans le délai de 30 jours dès la notification de la décision auprès de l'instance qui les a fixés (art. 5 let. g et 50 al. 1er LPA).

Cette disposition ne déroge toutefois pas à l'article 67 LPA ; elle permet au contribuable qui ne conteste pas la solution de fond retenue par la commission, de recourir uniquement contre la décision statuant sur les frais, émoluments et indemnités de procédure. En revanche, lorsque le contribuable recourt également contre la validité matérielle de la décision, le Tribunal administratif est compétent pour statuer sur toutes les questions litigieuse, y compris sur l'émolument.

C'est ainsi à bon droit que la commission a transmis l'affaire au tribunal de céans pour qu'elle statue sur ce point.

13. Le principe de la condamnation à un émolument de procédure se fonde sur l'article 87 alinéa 1er LPA, qui permet à l'autorité de statuer sur les frais exposés par la juridiction. Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe supporte une partie des frais découlant du travail qu'il a généré par sa saisine.

En l'espèce, le recourant a été informé par l'AFC des raisons pour lesquelles cette autorité ne pouvait statuer avant la fin de l'année en cours. On ne peut ainsi reprocher à celle-là d'avoir tardé à réagir et contraint le recourant à saisir la commission pour obtenir une décision. Le contribuable a néanmoins décidé de saisir cette juridiction. Il s'est avéré qu'il n'était pas fondé à le faire. Le recourant n'ayant pas obtenu gain de cause, la juridiction pouvait donc le condamner à un émolument.

14. Le montant de l'émolument de CHF 250.- est conforme à la pratique de la juridiction. Le recourant n'a pas allégué disposer de revenus insuffisants pour en assumer le paiement. En outre, il ne résulte pas du dossier que la situation financière du contribuable ne pourrait s’accommoder d’un tel montant. L’émolument fixé par la commission respecte ainsi le principe de la proportionnalité.

Indemnité pour tort moral :

15. Le recourant demande une indemnité pour les torts moral et financier causés par les multiples recours qu'il a déposés.

Le droit à une indemnisation est régi, en droit public, par la loi sur la responsabilité de l'Etat et des communes du 24 février 1989 (LREC - A 2 40). Selon l'article 7 LREC, c'est le Tribunal de première instance qui est compétent pour statuer sur les demandes s'y rapportant.

Les prétentions du recourant sont donc irrecevables.

Indemnité de procédure :

16. Selon l'article 87 alinéa 2 LPA, la juridiction administrative peut, sur requête, allouer à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours.

Dans le cadre de ce recours, le recourant n'a pas sollicité, dans ses conclusions, d'indemnité de procédure et justifié avoir exposé des frais pour sa défense (ATA/629/2008 du 16 décembre 2008 consid. 14 ; ATA/605/2008 du 2 décembre 2008 consid. 9).

Il ne peut en conséquence lui être alloué d'indemnité de procédure.

17. En conclusion, une violation aux principes de célérité et d'égalité des armes par la commission sera constatée. Le recours sera rejeté pour le surplus. Pour les raisons qui précèdent, aucune indemnité ne sera allouée au recourant. Ce dernier ayant obtenu partiellement gain de cause, aucun émolument ne sera par ailleurs mis à sa charge.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

constate la violation par la commission du principe de célérité de la procédure et du principe de l'égalité des armes ;

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours pour le surplus ;

dit qu’il ne sera pas perçu d’émolument ;

dit qu'il ne sera pas alloué d'indemnité au recourant, qui ne l'a pas demandée dans son recours du 9 août 2008 ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur V______, à la commission cantonale de recours en matière administrative et à l'administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy, Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :