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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2772/2007

ATA/658/2011 du 18.10.2011 sur DCCR/464/2010 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2772/2007-ICCIFD ATA/658/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 octobre 2011

2ème section

 

dans la cause

S______ S.A.
représentée par M. X______, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 30 mars 2010 (DCCR/464/2010)


EN FAIT

1. Monsieur X______, né en 1949, expert-comptable diplômé, est actionnaire et administrateur avec signature individuelle de la S______ S.A. (ci-après : la société), de siège à Genève, dont le but est l’exécution ou l’accomplissement de toutes opérations et fonctions entrant dans la sphère d’activité des sociétés fiduciaires.

2. Le litige porte sur les taxations de l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et de l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2004 et 2005.

3. Dans sa déclaration fiscale 2004, la S______ S.A. a indiqué un bénéfice net imposable de CHF 56'548.-. Selon le compte de pertes et profits, le chiffre d’affaires était de CHF 1'369'258.- et les charges d’exploitation de CHF 1'293'547.-, dont CHF 780'002.- de frais de personnel. Le salaire de l’administrateur s’élevait à CHF 300'000.-, correspondant à CHF 23'077.- par mois auxquels s’ajoutait un treizième salaire, ainsi que des heures supplémentaires et des vacances se montant à CHF 225'165.-, soit un total de CHF 525'165.-. Après avoir procédé à un calcul en application de la méthode dite « valaisanne », l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a considéré que cette rémunération était excessive et elle a procédé à une reprise de CHF 222'171.-, la rémunération maximale admise s’élevant à CHF 302'994.-, soit un salaire de base de CHF 150'000.-, un supplément de CHF 13'634.- en fonction du chiffre d’affaires de la S______ S.A. et une somme de CHF 139'360.- au titre de part du bénéfice supplémentaire.

4. Le 22 novembre 2006, l’AFC-GE a ainsi notifié à la S______ S.A. un bordereau de taxation ICC 2004 et un bordereau de taxation IFD 2004, s’élevant respectivement à CHF 70'672,80 et CHF 23'689,50, après avoir procédé dans l’un et l’autre cas à une reprise de CHF 222'171.- considérée comme une prestation à l’actionnaire.

5. Le 22 décembre 2006, la contribuable a élevé réclamation contre les deux bordereaux précités. La méthode valaisanne appliquée par l’AFC-GE n’avait qu’une portée subsidiaire. Elle ne correspondait pas à la réalité économique et comptable. M. X______ était directeur et responsable de la S______ S.A. comportant six collaborateurs. Il était âgé de 57 ans. Il était expert-comptable diplômé. Par sa signature, il engageait sous sa seule responsabilité la fiduciaire, il devait rechercher de la clientèle, contrôler le travail des collaborateurs, les former, les assister et assurer la gestion globale de la fiduciaire. Une rémunération de CHF 300'000.- devait être admise car le salaire annuel de CHF 150'000.- retenu par l’AFC-GE correspondait au prix du marché d’un jeune expert-comptable venant de terminer son diplôme. Au sujet des heures supplémentaires, la S______ S.A. indiquait que : « l’autre partie de la rémunération de CHF 225'165.-, encaissée au cours de l’exercice 2003-2004, concerne le paiement de vacances et heures supplémentaires cumulées qui figuraient au 30.09.2003 dans les passifs transitoires de la S______ S.A. et qui ont été créditées au compte courant de Monsieur X______ en 2003-2004. Elles ne concernent donc pas l’exercice comptable 2003-2004 au niveau des charges de la S______ S.A. et ne doivent par conséquent pas être assimilée (sic) à une rémunération de l’exercice 2003-2004 ». La reprise opérée devait être annulée et l’AFC-GE devait procéder à une nouvelle taxation conforme à la déclaration déposée.

6. Par deux décisions sur réclamation du 22 juin 2007, l’AFC-GE a partiellement admis la réclamation, aussi bien en ICC qu’en IFD. Se fondant sur l’étude relative aux salaires des cadres en Suisse émanant de Kienbaum AG-Human resource management pour une fonction de directeur unique dans le domaine des services, ayant un diplôme fédéral (de comptable, chef de ventes, etc.), la valeur médiane du salaire de base s’élevait à CHF 178'682.- et le salaire global à CHF 209'229.-, de sorte qu’elle avait augmenté de CHF 150'000.- à CHF 200'000.- le salaire de base pris en considération, considérant qu’un directeur unique âgé de 57 ans, titulaire d’un diplôme fédéral, travaillant dans une entreprise à Genève sise dans le domaine des services, pouvait prétendre aux rémunérations de base et globale résultant de cette étude. De plus, selon le calculateur de salaires en ligne pour le canton de Genève en 2004 de l’office cantonal de la statistique (ci-après : OGMT), le salaire d’une personne âgée de 57 ans, ayant une formation universitaire, vingt ans d’expérience, occupant une fonction de cadre supérieur et exerçant une activité notamment d’expert-comptable et de gestion du personnel, ayant un niveau de qualification correspondant « aux travaux les plus exigeants », pouvait prétendre à une rémunération de CHF 17'740.- par mois pour une activité de quarante heures par semaine. Ce montant constituait une moyenne et était considéré à raison de douze fois l’an. A ce total, l’AFC-GE avait ajouté CHF 149'993.- correspondant à 1'234 heures supplémentaires payées en 2004 au tarif horaire de CHF 121,55. Le salaire de base incluant lesdites heures supplémentaires correspondait ainsi à CHF 349'993.-. Après avoir ajouté CHF 13'634.-, soit 1 % du chiffre d’affaires, une part du bénéfice de 2/3 de la S______ S.A. employant moins de vingt personnes, soit CHF 145'253.-, l’AFC-GE admettait une rémunération maximale totale de CHF 436'253.-. Le salaire excessif représentait ainsi CHF 88'705.- (CHF 524'958.- - CHF 436'253.-). Les bordereaux rectificatifs 2004 s’élevaient ainsi pour l’ICC à CHF 39'321,65 et pour l’IFD à CHF 12'342.-.

7. Dans sa déclaration fiscale 2005, la contribuable a mentionné un bénéfice net imposable de l’exercice du 1er octobre 2004 au 30 septembre 2005 s’élevant à CHF 8'923.-. Selon le compte de pertes et profits, le chiffre d’affaires se montait à CHF 1'196'865.- et les charges d’exploitation à CHF 1'179'932.-, dont CHF 810'089.- de frais de personnel.

La S______ S.A. avait alloué un salaire annuel de CHF 300'000.- à M. X______, correspondant à CHF 23'077.- par mois X 13. Quant aux heures supplémentaires et aux vacances cumulées, elles s’élevaient à CHF 179'955.- mais ne concernaient pas l’exercice comptable 2004/2005 pour les mêmes raisons que pour l’année précédente. En revanche, le solde des vacances et des heures supplémentaires pour 2005 s’élevait à CHF 53'320.- pour cet exercice.

8. Le 19 décembre 2006, l’AFC-GE a établi un bordereau ICC 2005 s’élevant à CHF 56'411,75. Par bordereau du 22 décembre 2006, elle a fixé l’IFD à CHF 18'521,50.

Ce faisant, elle avait pour les mêmes raisons qu’en 2004 procédé à une reprise de CHF 209'017.-, que la contribuable contestait.

9. Le 16 janvier 2007, la S______ S.A. a élevé une seule réclamation contre les deux bordereaux 2005 en reprenant son argumentation.

10. Par deux décisions sur réclamation du 11 juin 2007, l’AFC-GE a partiellement admis celle-ci et modifié les bordereaux de taxation en conséquence. Elle admettait pour 2005 une rémunération totale de l’administrateur à hauteur de CHF 384'243.- (salaire de base CHF 319'970.-, supplément en fonction du chiffre d’affaires CHF 11'969.-, part du bénéfice imposable (2/3) CHF 104'610.- + part de bénéfice supplémentaire (1/3) CHF 52'305.-). Le montant en sus de CHF 95'687.- constituait un salaire excessif (CHF 479'930.- - CHF 384’243.-).

11. Elle a ainsi émis deux bordereaux rectificatifs 2005, l’un concernant l’ICC en date du 5 juin 2007, fixant l’impôt à CHF 29'790,55 et l’autre le 11 juin 2007 pour l’IFD, se montant à CHF 8'891.-.

12. Par un seul acte du 11 juillet 2007, la contribuable a recouru contre ces décisions auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts d’une part (ci-après : CCRMI), et la commission cantonale de recours de l’impôt fédéral direct (ci-après : CCRIFD) d’autre part, devenues le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), puis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). Le salaire de l’administrateur de CHF 300'000.- était justifié. La méthode valaisanne n’était pas applicable. Les heures supplémentaires ne constituaient pas une charge de l’exercice et ne devaient dès lors pas être prises en considération dans le calcul de la rémunération. Le bénéfice de la S______ S.A. devait être fixé à CHF 56'547,81 pour 2004 et CHF 8'923,47 pour 2005. Une rémunération de CHF 300'000.- pour une personne ayant l’âge, la formation et les responsabilités de M. X______ n’était pas excessive. Le tarif horaire facturé aux clients variait entre CHF 270.- et CHF 300.- de l’heure, alors que celui des collaborateurs se situait entre CHF 90.- et CHF 165.- de l’heure. La rémunération de M. X______ représentait en 2004 36 % du chiffre d’affaires et en 2005 40 %. Le paiement des heures supplémentaires et des vacances était un évènement exceptionnel qui ne devait pas être intégré à la rémunération en tant que salaire. Ces paiements étaient intervenus par débit du compte « passifs transitoires » et aucune charge n’était venue grever les exercices 2004 et 2005. En conséquence, le résultat de l’exercice ne devait pas être corrigé en tenant compte de ces montants. Elle a annexé deux tableaux des heures supplémentaires et des vacances 2004/2005 de tous les collaborateurs de la S______ S.A..

13. Le 10 décembre 2008, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Elle avait fait application de la méthode valaisanne admise par la jurisprudence et l’administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH). Cette méthode respectait par ailleurs le principe de l’égalité de traitement et était admissible si elle n’aboutissait pas à un résultat arbitraire. Un salaire aussi élevé n’avait jamais été accordé à une personne ne possédant pas des liens aussi étroits avec la S______ S.A. comme c’était le cas pour M. X______. Par ailleurs, les qualités professionnelles de ce dernier avaient été prises en considération dans les statistiques sur lesquelles l’administration s’était fondée.

14. Le 15 janvier 2009, la S______ S.A. a maintenu son recours.

15. Sur requête de la commission, M. X______ a précisé le 16 décembre 2009 qu’il était entré au sein de la S______ S.A. en 1985 en qualité d’expert-comptable diplômé et que, contractuellement, il travaillait quarante heures par semaine.

16. Le 11 février 2010, la commission a informé la recourante qu’en se fondant sur le tableau des heures supplémentaires qu’elle avait produit, elle envisageait de procéder à une reformatio in pejus et de retenir que les heures supplémentaires effectuées en 2004 et en 2005 étaient inférieures à dix par mois. La commission a invité la contribuable à se déterminer sur le maintien de son recours.

17. Le 15 mars 2010, la S______ S.A. a répondu qu’il lui était difficile de se déterminer en ignorant ce qui motivait la commission à retenir des heures supplémentaires pour 2004 et 2005 inférieures à dix par mois. Elle ne pouvait partager le point de vue de l’AFC-GE car ces heures supplémentaires avaient été effectuées par M. X______ et facturées aux clients. Ces heures étaient justifiées et s’expliquaient par le fait que M. X______ était le seul expert-comptable diplômé de la S______ S.A., de sorte que tous les dossiers compliqués ou spéciaux lui étaient confiés. Pour les raisons qu’elle avait déjà énoncées, elle considérait que ces heures supplémentaires n’avaient pas la caractéristique répétitive d’un salaire et ne devaient pas être intégrées à la rémunération du directeur en tant que tel.

18. Par décision du 30 mars 2010, la commission, statuant sur l’ICC et l’IFD 2004 et 2005, a rejeté les recours et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour qu’elle émette des nouveaux bordereaux de taxation ICC et IFD 2004 et 2005, modifiant ceux émis en défaveur de la contribuable. Après avoir procédé à une « désindexation » et en se fondant sur la base d’un indice genevois des prix à la consommation de 102,5 en décembre 2004 et de 101,1 en décembre 2005, elle considérait que le salaire annuel de base pour 2004 s’élevait à CHF 285'660.- (12 x CHF 23'805.-) et pour 2005 à CHF 289'908.- (12 x CHF 24'159.-). A ces montants, il convenait d’ajouter pour 2004 CHF 26'541.- et pour 2005 CHF 23'544.- au titre de participation au chiffre d’affaires. Cette somme correspondait à 2 % si le chiffre d’affaires s’élevait à CHF 1'000'000.- et à 1,8 % si le chiffre d’affaires se montait jusqu’à 5'000'000.- s’agissant d’une société de services.

Il fallait encore ajouter 1/3 de participation au bénéfice, la recourante occupant moins de vingt personnes. Pour 2004, ce montant représentait CHF 89'768.- et pour 2005 CHF 58'467.-. En conclusion, le salaire excessif se calculait de la manière suivante :

Pour 2004

Salaire de base CHF 285'660.-

Supplément en fonction du CA CHF 26'541.-

Part au bénéfice CHF 89'768.-

Rémunération maximum CHF 401'969.-

Salaires effectifs CHF 524'958.-

Salaires excessifs CHF 122'989.-

 

Pour 2005

Salaire de base CHF 289'908.-

Supplément en fonction du CA CHF 23'544.-

Part au bénéfice CHF 58'467.-

Rémunération maximum CHF 371'919.-

Salaires effectifs CHF 479'930.-

Salaires excessifs CHF 108'011.-

19. Cette décision a été expédiée aux parties le 12 avril 2010.

20. Le 11 mai 2010, la S______ S.A. a recouru par un seul acte contre cette décision auprès du Tribunal administratif, devenu depuis le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

N’ayant pu obtenir de la part de la chambre fiduciaire une échelle des salaires pratiqués dans la profession topique, la S______ S.A. a renoncé à contester l’utilisation de la méthode dite « valaisanne » pour déterminer le salaire admissible de son directeur tout en continuant à penser qu’il était « dans une norme économique normale » face à l’activité et à la formation de celui-ci. Le salaire effectif encaissé était de CHF 300'000.- pour 2004 et CHF 300'000.- pour 2005, les heures supplémentaires et les vacances ne devant pas être incluses par référence à l’application de la méthode valaisanne. Elle ajoutait ce qui suit : « pour qu’il y ait prestations à l’actionnaire conformément aux dispositions de l’art. 58 al. 1 LITB LIFD et articles lettres a et h LIPM, il faut qu’une personne morale s’appauvrisse en accordant consciemment à ses membres ou à des personnes proches, des avantages qu’elle n’aurait pas accordé à des tiers et qu’elle fait figurer cette dépense comme charge dans a (sic) comptabilité ». Elle demandait au Tribunal administratif de constater que les calculs selon la méthode valaisanne de la commission afin de déterminer l’existence d’un salaire excessif pour les années 2003/2004 et 2005/2006 étaient erronés et que les bénéfices imposables étaient pour 2003/2004 de CHF 56'548.- et pour 2004/2005 de CHF 8'923.-.

21. Le 2 juin 2010, la commission a produit son dossier.

22. Le 29 juin 2010, l’AFC-GE a persisté dans ses explications et conclusions. Dans le cas de la détermination du salaire excessif d’un employé - actionnaire, la totalité de la rémunération versée à celui-ci devait être appréhendée par la méthode dite « valaisanne ». La contribuable tentait « par le biais d’une argumentation comptable de trouver un élément à l’appui de sa thèse selon laquelle les vacances et heures supplémentaires ne devraient pas être intégrées dans le calcul du revenu effectif puisque étant une rémunération exceptionnelle ». Elle occultait cependant le fait qu’elle avait procédé à ce mode de rémunération de façon constante sur plusieurs années d’affilée, ce qui enlevait le caractère exceptionnel à cette rémunération. Ainsi, les heures supplémentaires et les vacances, reliquat d’années antérieures, devaient être appréhendées séparément du salaire de base. La question se poserait de savoir quand cette rémunération serait prise en compte dans l’application de la méthode dite « valaisanne ». A suivre le raisonnement de la recourante, cette partie de la rémunération échapperait à tout contrôle.

L’AFC-GE n’entendait pas se prononcer sur la reformatio in pejus décidée par la commission, mais concluait néanmoins au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

23. Le 30 juin 2010, l’AFC-CH a sollicité un délai au 16 août 2010 pour se déterminer.

24. Le 2 juillet 2010, le juge délégué a prolongé au 16 août 2010 le délai requis. L’AFC-CH n’a malgré cela pas déposé de déterminations.

25. Le 31 mai 2011, le juge délégué a invité la recourante à lui faire part, dans un délai échéant le 30 juin 2011, de ses éventuelles observations sur la réponse de l’AFC-GE du 29 juin 2010.

26. Le 30 juin 2011, la recourante a formulé diverses observations.

27. Ces dernières ont été transmises à l’AFC-GE et à l’AFC-CH, pour information, le 5 juillet 2011.

28. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l'ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 -aLOJ ; 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans sa teneur au 31 décembre 2010).

3. L'impôt a pour objet le bénéfice net. Le bénéfice imposable correspond à l'augmentation du capital propre entre le début et la fin de la période en cause (art. 57 et 58 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

4. a. Aux termes de l’art. 58 al. 1 let. b LIFD, sont considérés comme bénéfice net imposable tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial tels que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial.

b. L'art. 12 let. a et h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) prévoit que pour l'ICC sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net tel qu’il résulte du compte de pertes et profits, ainsi que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la S______ S.A..

Bien qu’elle ne le mentionne pas expressément, la disposition susmentionnée vise notamment les distributions dissimulées de bénéfice. L’art. 12 let. h LIPM est ainsi conforme à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD quand bien même il est rédigé différemment (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011, consid. 5.1 et les références citées).

5. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2011 du 31 mai 2011, consid. 5.1), il y a distribution dissimulée de bénéfice, lorsqu'une personne morale accorde à ses actionnaires ou à toute personne la ou les touchant de près, sans contre-prestation équivalente, une prestation appréciable en argent, qu'elle n'aurait pas consentie à des tiers dans les mêmes circonstances (ATF 131 II 593 consid. 5.1 p. 607) et que les organes de la S______ S.A. auraient pu reconnaître le caractère insolite de cette prestation (ATF 119 Ib 431 consid. 2b, p. 435; 115 Ib 274 consid. 9b, p. 279 et la jurisprudence citée), ce qui implique une disproportion manifeste entre la prestation et la contre-prestation (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_788/2010 du 18 mai 2001).

a. Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons. Elles peuvent être réalisées par un accroissement injustifié de frais généraux, notamment par des versements de salaires excessifs (ATA/152/2011 du 8 mars 2011 et les références citées).

b. Par rémunération salariale excessive, il faut entendre tout avantage octroyé dans le contexte des rapports de travail. Il peut ainsi s’agir du salaire disproportionné octroyé à un actionnaire-directeur. La délimitation entre revenus du travail et distribution dissimulée de bénéfices se pose également pour toutes les autres formes de rémunération, à savoir les indemnités de départ, les bonus, les revenus en nature, etc. (D. YERSIN, Y. NOËL, Commentaire romand, Bâle 2008, art. 57-58 n. 142 p. 755).

c. L'employeur dispose, certes, d'une liberté d'appréciation étendue dans la fixation du salaire de son personnel. Pour déterminer si, malgré cette liberté, la rémunération en cause constitue une distribution dissimulée de bénéfice, il convient de prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. En matière de salaires, il n'appartient pas à l'AFC de substituer sa propre appréciation en matière de salaire à celle de la S______ S.A.. Parmi les critères pertinents, il faut citer la rémunération des personnes de rang et de fonction identiques ou similaires, les salaires versés par d'autres entreprises opérant dans le même domaine, la taille de l'entreprise et sa situation financière, ainsi que la position du salarié dans l'entreprise, sa formation et son expérience (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010, consid. 3.1 et les références citées).

d. Les conséquences fiscales d’une prestation appréciable en argent sont multiples. L’autorité fiscale réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de la S______ S.A. (X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3ème éd., 2007 p. 197 n. 35).

6. Le Tribunal fédéral a confirmé l'application de la méthode dite « valaisanne », consistant à utiliser un salaire de base annuel conforme aux usages commerciaux, en se référant à des données statistiques, soit aux salaires publiés par les offices cantonaux de statistiques lorsque les données servant de base à la détermination de la rémunération dans une société font défaut, pour autant que le salaire de base sélectionné corresponde aux responsabilités et critères des personnes concernées (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2008 du 19 août 2008, consid. 5.3).

Une fois le salaire de base calculé, il convient de prendre en compte une participation au chiffre d'affaires de 2 % jusqu'à 1 mio, de 1,8 % jusqu'à 5 mio et de 1,6% sur le solde s'agissant d'une société de services. Il faut ensuite calculer la différence entre le salaire effectivement versé et le salaire pour une activité équivalente, figurant dans les données statistiques, en tenant compte de l'éventuelle participation au chiffre d'affaires. Le résultat ainsi obtenu est alors ajouté au bénéfice net déclaré par la S______ S.A. et constitue un sous-total permettant de définir la participation admissible au bénéfice. L'importance de celle-ci est fonction du nombre de personnes travaillant dans l'entreprise : en dessous de vingt personnes, cette part est d'un tiers. Le salaire de base annuel, la participation au chiffre d'affaires et la participation au bénéfice sont additionnés et constituent le salaire conforme aux usages commerciaux. La différence avec le salaire effectivement versé par la S______ S.A. constitue alors la part excessive que l'AFC peut reprendre au titre de distribution dissimulée de bénéfice (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2008 précité, consid. 5.3 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 et les références citées).

7. Dans des arrêts récents, la juridiction de céans a admis que dans le cadre du calcul du salaire excessif selon la méthode valaisanne, la commission prenne comme salaire de base le calculateur en ligne de l’OGMT, qui indique des salaires bruts totaux, toutes prestations comprises. Elle a relevé que cela aboutissait à établir un salaire maximal fixé au point le plus élevé de la fourchette des rémunérations possibles, et prenait déjà en compte l’appréciation du caractère du salaire excessif. De cette manière, la commission parvenait à un salaire maximum fiscalement admissible calculé de manière très large (ATA/152/2011 du 8 mars 2011 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; contra RDAF II 2011 105).

8. Le bilan commercial est déterminant également en droit fiscal selon le principe dit de la théorie du bilan. Ainsi, et selon la jurisprudence constante, les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales ; inversement, les comptes qui heurtent des règles impératives du droit commercial ne sauraient être opposables au fisc (X. OBERSON, op. cit., p. 187 consid. n. 2, cf. aussi P-M. GLAUSER, Les apports et impôt sur le bénéfice, Le principe de déterminance dans le contexte des apports et autres contributions de tiers, Bâle 2005, p. 65 consid. n. 3.1 et les références citées).

9. En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que les heures supplémentaires ont été accomplies avant 2004 et 2005, mais payées au cours de ces années-là, et que cette façon de procéder a été faite sur plusieurs années. Il ne saurait être question de les exclure du calcul du salaire admissible par l'application de la méthode valaisanne, car dans une telle hypothèse le paiement différé d'heures supplémentaires impliquerait d'ignorer systématiquement une partie du montant versé aux actionnaires - administrateurs dans ledit calcul ce qui est contraire à la finalité de la méthode.

10. Les données personnelles de l'actionnaire - administrateur sur lesquelles la commission s'est fondée pour appliquer le calculateur OGMT sont correctes. Elle a toutefois omis de multiplier le salaire retenu par treize mois, ce qui porte le salaire de base admissible pour 2004 et 2005 à respectivement CHF 309'465.- et CHF 314'067.-. Les frais forfaitaires de CHF 15'000.- ont également été oubliés dans le calcul.

11. La chambre administrative est habilitée, en raison de l'effet dévolutif qui caractérise la procédure de recours (art. 67 LPA) et du pouvoir de décision dont elle jouit (art. 69 LPA), à substituer sa motivation à celle de l'autorité de première instance (ATA/23/2007 du 23 janvier 2007).

12. La détermination du salaire pour les années 2004 et 2005 selon la méthode valaisanne se présente donc comme suit :

2004 2005

Bénéfice net comptable 56'548 8'923

Salaires effectifs déclarés 524'958 479'930

Dont à déduire :

Salaires de base admis 309'465 314'067

Supplément en fonction du CA 13'634 11'969

SOUS-TOTAL 258'407 162'817

Part du bénéfice imposable (2/3) 172'271 108'544

(car moins de 20 personnes)

 

Rémunération max. totale :

Salaire de base admis 309'465 314'067

Frais forfaitaires 15'000 15'000

Supplément en fonction du CA 13'634 11'969

Part du bénéfice supplémentaire 86'135 36'181

(1/3 de 258'407) (1/3 de 108'544)

Salaires admis 424'234 377'217

Salaires excessifs

Salaires effectifs versés 524'958 479'930

Salaires admis 409'234 377'217

TOTAL 100'724 102'713

13. L'application de la méthode valaisanne montre ainsi un dépassement du salaire maximum de 19 % pour 2004 et de 21 % pour 2005. Selon la jurisprudence cantonale suscitée, il se justifie d'opérer une reprise sur les bénéfices pour les années concernées à hauteur de ces dépassements.

14. Au vu de ce qui précède, le recours de la S______ S.A. sera rejeté. Les bordereaux rectificatifs l'ICC et l'IFD 2004 et 2005 seront annulés. La décision de la commission du 30 mars 2010 sera en revanche confirmée par substitution de motifs et le dossier renvoyé à l'AFC-GE pour nouvelles taxations dans le sens des considérants.

15. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la S______ S.A.. Aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 mai 2010 par la S______ S.A. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 30 mars 2010 ;

au fond :

le rejette ;

confirme la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 30 mars 2010 par substitution de motifs ;

met à la charge de S______ S.A. un émolument de CHF 2'000.-  

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à la S______ S.A., à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions et au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :