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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3167/2010

ATA/736/2013 du 05.11.2013 sur JTAPI/781/2013 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT FISCAL ; IMPÔT ; DISTRIBUTION DISSIMULÉE DE BÉNÉFICES ; PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT ; SALAIRE USUEL
Normes : LIFD.57; LIFD.58.al1.letb; LIPM.12
Résumé : Application de la méthode dite "valaisanne" pour déterminer si la rémunération versée aux actionnaires salariés est admissible. En l'espèce, compte tenu notamment des hautes responsabilités des actionnaires et de leur expérience, le salaire supérieur du calculateur de l'OGMT doit être retenu. Les montants versés ne doivent donc pas être considérés comme une distribution dissimulée de bénéfices.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3167/2010-ICCIFD ATA/736/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 novembre 2013

2ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

X______ S.A.
représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 juin 2013 (JTAPI/781/2013)


EN FAIT

1) X______ S.A. (ci-après : la société ou la contribuable), fondée en 2004, a pour but la « gestion de fortune pour le compte de tiers, le conseil en matière de placement et les opérations y relatives ».

2) En 2006, elle avait pour seuls actionnaires et employés Messieurs A______, né en 1961, B______, né en 1975, C______, né en 1967, et Madame D______, née en 1980 (ci-après : les actionnaires).

3) A teneur de leurs contrats de travail, les précités devaient percevoir un salaire annuel de CHF 350'000.- pour M. A______, CHF 220'000.- pour M. B______, CHF 240'000.- pour M. C______ et CHF 140'000.- pour Mme D______, étant précisé que ces rémunérations s’entendaient hors bonus.

4) M. A______ est titulaire d’une licence ès sciences économiques et sociales de l’Université de Genève et est diplômé de la Swiss banking school. Il a travaillé de 1989 à 1999 auprès d’Z______ S.A., puis a été occupé en qualité de directeur auprès de Y______ Private Banking de 1999 à 2004. En 2001, il a perçu un salaire brut de CHF 706'250.-, dont une part fixe de CHF 200'000.- et une part variable de CHF 450'000.-.

5) M. B______ a quant à lui obtenu un diplôme des Hautes Etudes Commerciales de l’Université de Genève, un diplôme international d’analyste technique et un diplôme d’expert en finances et investissements. Il a travaillé auprès du département des W______ de l’Union bancaire privée en 1998. En 1999, il a rejoint le V______ à Genève et a travaillé pour Y______ Private Banking de 2000 à 2004.

6) M. C______ est titulaire d’une licence en sciences commerciales et industrielles, d'un diplôme de certified international investment analyst, d'un diplôme fédéral d’expert en finances et investissements et d'un diplôme européen d’analyste financier et gestionnaire de fortune. Il a travaillé pour Z______ S.A. à Genève et à New York de 1994 à 1999, pour la Banque U______ de 1999 à 2000 et pour Y______ Private Banking de 2000 à 2004.

7) Pour sa part, Mme D______ a effectué un apprentissage de commerce, à la suite duquel elle a obtenu un diplôme de commerce. Elle est titulaire du certificat de compliance management de l’Université de Genève, ainsi que d’un brevet fédéral bancaire de l'Institut Supérieur de Formation Bancaire de Genève. Elle a travaillé auprès de Y______ Private Banking de 1998 à 2004.

8) Dans son compte de profits et pertes 2006, la société a déclaré un total des produits de CHF 2'434'067.- et un bénéfice net de CHF 50'108.-.

9) En annexe à sa déclaration fiscale 2006, elle a mentionné avoir versé les salaires suivants : CHF 417'728.- (M. C______), CHF 400'358.- (M. B______), CHF 639'200.- (M. A______) et CHF 252'500.- (Mme D______), soit CHF 1'709'786.- au total.

10) L’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a taxé la société pour l’année 2006 par bordereaux datés du 13 août 2009. Ce faisant, elle a effectué une reprise de CHF 467'217.- dans le bénéfice de la contribuable au titre de salaire excessif, en faisant application de la méthode valaisanne.

11) La société a élevé réclamation contre ces décisions par acte du 17 septembre 2009. Elle a contesté la reprise et a invoqué l’inadéquation de la méthode valaisanne dans le cas d’espèce, dès lors que ses résultats n’étaient pas en ligne avec les conditions du marché. En outre, à supposer qu’elle eût dû être retenue, ladite méthode avait été mal appliquée. En particulier, le salaire de base de CHF 240'000.- se révélait inférieur aux conditions du marché.

12) Par décisions du 9 août 2010, l'AFC a admis partiellement la réclamation, en ce sens qu’elle a porté à CHF 280'080.- le salaire admissible de M. A______, à CHF 278'760.- celui de M. C______, à CHF 259'200.- celui de M. B______ et à CHF 246'000.- celui de Mme D______, soit au total CHF 1'064'040.-, montant qu'elle a arrondi à CHF 1'065'000.-. La reprise au titre de salaire excessif a ainsi été ramenée à CHF 382'612.-. La réclamation a été rejetée pour le surplus.

13) Le même jour, elle a notifié à la société des bordereaux de taxation ICC et IFD rectificatifs.

14) Par acte du 8 septembre 2010, la société a interjeté recours devant la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant, sous suite de dépens, à l’annulation des décisions sur réclamation du 9 août 2010.

Elle avait pour objectif de gérer la fortune de groupes familiaux et de clients privés, son activité se déployant dans le wealth management, l’asset management et le private equity. La masse sous gestion s’élevait à plus de 500 millions de francs en 2006.

Le salaire versé aux actionnaires ne constituait pas une distribution dissimulée de bénéfice. Concernant l’utilisation de la méthode valaisanne, s’agissant de l’ancienneté, il devait être tenu compte de l’expérience acquise avant l’entrée en fonction des actionnaires dans la société. En outre, en ce qui concerne le domaine d’activité, il y avait lieu de retenir la rubrique « expertises, conseils, marketing » pour M. B______ et M. C______. Il se justifiait par ailleurs de retenir, pour chacun des actionnaires, un nombre hebdomadaire de 60 heures de travail. S’agissant du salaire de base, il ne fallait pas considérer le salaire médian, mais la tranche supérieure, soit CHF 1'911'375.-. Or, elle avait versé aux actionnaires une rémunération totale ascendant à CHF 1'709'786.-, de sorte qu'elle se trouvait dans la fourchette des salaires admissibles. Même si l’on retenait le salaire médian (CHF 1'597'921.-), le salaire excessif selon le calculateur se monterait à CHF 27'331.- au lieu de la somme de CHF 382'612.- retenue par l'administration. On ne pouvait ainsi faire état d'une disproportion manifeste, dès lors que les salaires aux actionnaires excédaient de moins de 10 % ceux calculés selon la méthode valaisanne.

15) Dans sa réponse du 25 mars 2011, l'AFC a accueilli partiellement les griefs formulés par la société, en ce sens qu’elle a accepté la prise en compte de l’âge des actionnaires indiqués dans le recours, la formation de Mme D______ (maîtrise / formation professionnelle supérieure) et le domaine d’activité de M. A______ et de Mme D______ (définition de la stratégie de l’entreprise). Elle a conclu au rejet du recours pour le surplus.

16) Dans sa réplique du 31 mai 2011, la société a persisté dans les termes et les conclusions de son recours.

En 2006, les actionnaires n’avaient pas déployé d'autre activité que celle qu'ils avaient exercée en faveur de la contribuable.

S’agissant de la formation de Mme D______, du domaine d’activité de cette dernière et de M. A______, l'AFC ne lui avait jamais communiqué les critères qu’elle avait retenus. Cela étant, il y avait lieu de retenir les critères qu'elle avait retenus dans ses décisions de taxation et sur réclamation, sous peine de violer le principe de la bonne foi.

Il y avait lieu de tenir compte de l’âge des associés en 2006 et non en 2010, comme l’avait fait l’administration. L’expérience acquise dans les entreprises précédentes était prise en compte dans le critère de l’âge. Or, l’ancienneté rapportait trois fois plus que celui de l’âge. Celui-ci se révélait dès lors insuffisant pour établir de manière appropriée les salaires admissibles.

Il ne lui incombait pas de démontrer que les actionnaires n’avaient pas réalisé d’autres revenus que ceux dont il était fait mention. Compte tenu de leur activité, il y avait lieu de tenir compte d'une activité de 60 heures hebdomadaires.

L'utilisation du salaire médian n'était pas appropriée. L’approche genevoise, qui qualifiait d’excessif tout salaire excédant ne serait-ce que d’un franc la valeur de la médiane, contrevenait aux exigences du droit fédéral.

En fin de compte, les salaires effectivement versés à ses actionnaires à hauteur de CHF 1'709'786.- se situaient dans la fourchette des salaires admissibles.

A titre subsidiaire, s'il fallait se pencher sur la seule médiane pour calculer la part de salaire excessif, celle-ci ne serait que de CHF 2'393.70.-. Ce montant devait être considéré comme admissible, dès lors qu’il ne dépassait pas 0.5 % du montant fondé sur la médiane déterminé par le calculateur.

17) La société a produit un échange de courriels avec l'Observatoire genevois du marché du travail (ci-après : OGMT), lequel a notamment exposé que l’expérience n’était pas disponible telle quelle dans les données à la base du calculateur. On pouvait cependant la déduire de l’âge, car le modèle faisait l’hypothèse que les salariés travaillaient dans le même secteur d’activité dès la fin de leur formation. L’effet de l’ancienneté (nombre d’années passées dans la même entreprise) s’ajoutait à celui de l’âge (courriel du 16 mai 2011 de l’OGMT). Le modèle servant de base au calculateur valorisait l’ancienneté dans la même entreprise, car les données à disposition montrait que, toutes choses égales par ailleurs, il y avait une prime pour les salariés restant dans la même entreprise, cette prime atteignait son maximum après 25 ans (courriel du 17 mai 2011 de l’OGMT).

18) Dans sa duplique du 21 juin 2011, l'AFC a conclu à l’admission partielle du recours en tant qu’il concernait l’âge des actionnaires et les heures hebdomadaires.

19) Par jugement du 9 mars 2012 (JTAPI/310/2012), le TAPI a admis le recours et renvoyé le dossier à l'AFC pour nouvelle taxation dans le sens des considérants, estimant que la société n'avait pas versé une rémunération excessive à ses actionnaires.

Avaient siégé lors de la délibération, Monsieur Yves Joliat, président, ainsi que Messieurs Philippe Ehrenström et Patrice Schaer, juges assesseurs.

20) Par acte du 20 avril 2012, l'AFC a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et au rétablissement de ses décisions du 9 août 2010.

21) Par arrêt du 5 mars 2013 (ATA/136/2013), la chambre administrative a partiellement admis le recours, annulé le jugement entrepris et renvoyé la cause au TAPI pour nouveau jugement, retenant que lors de sa délibération du 9 mars 2012, le TAPI était composé irrégulièrement, dès lors que le juge assesseur M. Schaer, alors domicilié dans le canton de Vaud, ne remplissait plus la condition d'éligibilité prévue par l'art. 5 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05).

Ce faisant, elle n'a pas statué sur le fond du litige et les conclusions prises par l'AFC.

22) Le 27 juin 2013, le TAPI a rendu un nouveau jugement dans une nouvelle composition et a admis le recours.

Compte tenu des hautes responsabilités des actionnaires, découlant de leurs tâches, et des montants considérables dont ils assumaient la gestion, il y avait lieu de retenir le salaire supérieur du calculateur de l'OGMT, en lieu et place du salaire médian. Les salaires supérieurs mensuels bruts déterminés par le calculateur de l'OGMT des quatre actionnaires se montaient à CHF 1'881'720.-. Les salaires versés aux actionnaires à hauteur de CHF 1'709'786.- ne devaient donc pas être considérés comme une rémunération excessive.

23) Par acte du 2 août 2013, l'AFC a recouru auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant, sous suite de dépens, à son annulation.

Le TAPI avait retenu à tort le salaire supérieur du calculateur de l'OGMT. Les employés de la société ne disposaient pas de compétences aussi exceptionnelles qu'elles nécessitaient la prise en compte du salaire supérieur. Le salaire de base médian s'imposait, ce qui impliquait que les salaires versés par la société étaient excessifs.

24) Dans ses observations du 30 août 2013, la société a conclu au rejet du recours.

Le salaire versé aux actionnaires ne constituait pas une distribution dissimulée de bénéfice. Concernant l’utilisation de la méthode valaisanne, s’agissant de l’ancienneté, il devait être tenu compte de l’expérience acquise avant l’entrée en fonction des actionnaires dans la société.

Quant à la formation de Mme D______, elle devait être prise en compte sous la catégorie « université » et non « maîtrise / formation professionnelle supérieure » dans le calculateur de l'OGMT.

S’agissant du salaire de base, il ne fallait pas considérer le salaire médian, mais la tranche supérieure, soit CHF 1'956'234.38.-. Or, elle avait versé aux actionnaires une rémunération totale ascendant à CHF 1'709'786.-, de sorte qu'elle se trouvait dans la fourchette des salaires admissibles.

25) Le 6 septembre 2013, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 LOJ ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’art. 57 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoit que l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net.

3) Aux termes de l’art. 58 al. 1 let. b LIFD, le bénéfice net imposable comprend tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial tels que, notamment, les distributions ouvertes ou dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial.

4) Concernant l’ICC, l’art. 12 let. a et h de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15) prévoit que sont considérés comme bénéfice net imposable le bénéfice net, tel qu’il résulte du compte de pertes et profits, ainsi que les allocations volontaires à des tiers et les prestations de toute nature fournies gratuitement à des tiers ou à des actionnaires de la société.

5) Bien qu’elles ne le mentionnent pas expressément, les deux dispositions susmentionnées visent notamment les distributions dissimulées de bénéfice (S. KUHN/P. BRÜLISAUER, in : M. ZWEIFEL/P. ATHANAS, Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, I/1, Bundesgesetz über die Harmonisierung des direkten Steuern der Kantone und Gemeinden (StHG), 2e éd., n. 74 ad. art. 24 p. 406), soit des prélèvements qui ne sont pas conformes au droit commercial et qui doivent donc être réintégrés au bénéfice imposable. L’art. 12 let. h LIPM est conforme à l’art. 58 al. 1 let. b LIFD quand bien même il est rédigé différemment (ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011).

6) Selon la jurisprudence, il y a prestation appréciable en argent - également qualifiée de distribution dissimulée de bénéfice - devant être réintégrée dans le bénéfice imposable de la société, lorsque les quatre conditions cumulatives suivantes sont réalisées : 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le touchant de près ; 3) elle n’aurait pas été accordée dans de telles conditions à un tiers ; 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que le caractère insolite de la prestation est reconnaissable par les organes de la société (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 et références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2008 du 19 août 2008 ; ATA/633/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011 ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 2007, p. 197 n. 33 et références citées). Selon la jurisprudence, il ne s’agit pas d’examiner si les parties ont reconnu la disproportion, mais plutôt si elles auraient dû la reconnaître (E. MELLER, J. SALOM, Le salaire excessif en droit fiscal suisse, RDAF 2011 II, p. 105, 110 et références citées).

7) En matière de fardeau de la preuve, il appartient au fisc de prouver que la prestation de la société est disproportionnée car effectuée sans contrepartie. Si cette preuve est apportée, il revient à la société de renverser cette présomption et de prouver que les prestations en question sont justifiées par l’usage commercial afin que les autorités fiscales puissent s’assurer que seules des raisons commerciales, et non les étroites relations personnelles et économiques entre la société et les bénéficiaires de la prestation, ont conduit à l’octroi d’une prestation insolite (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2010 du 19 mai 2010 ; X. OBERSON, op. cit., p. 238 n. 47).

8) Les prestations appréciables en argent peuvent apparaître de diverses façons. Le versement d’un salaire disproportionné accordé à un actionnaire-directeur constitue en effet une situation classique de distribution dissimulée de bénéfice (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 et références citées ; X. OBERSON, op. cit. p. 197 n. 34).

9) L’avantage octroyé doit s’expliquer par le lien particulier entre le bénéficiaire de la prestation et la société. Entrent avant tout en ligne de compte les actionnaires majoritaires, la doctrine étant partagée s’agissant d’un actionnaire minoritaire sans influence particulière. Pour une partie de la doctrine, seuls des actionnaires bénéficiant d’une influence particulière sur l’entreprise sont en position de se faire verser une prestation appréciable en argent. Ce n’est pas tant le pourcentage de détention qui doit être considéré que la capacité d’influencer les décisions de la société (P.-M. GLAUSER, Apports et impôt sur le bénéfice : le principe de déterminance dans le contexte des apports et autres contributions de tiers, 2005, p. 109). Pour une autre partie de la doctrine, le seul fait d’être actionnaire, même minoritaire sans influence, suffit pour recevoir un dividende dissimulé. Ce qui caractérise objectivement la distribution dissimulée de bénéfice n’est pas l’influence que peut exercer l’actionnaire, mais le fait que la prestation n’aurait pas été effectuée ou aurait été notablement plus faible, si le bénéficiaire avait été une personne étrangère à la société (D. YERSIN, Apports et retraits de capital propre et bénéfice imposable, 1977, p. 249).

10) Bien qu’il n’appartienne pas à l’AFC-GE de substituer sa propre appréciation en matière de salaire à celle de la société, la liberté de l’employeur n’est toutefois pas sans limite sous l’angle fiscal. En effet, la rémunération doit correspondre à celle qui aurait été octroyée à une tierce personne dans des circonstances identiques. L’élément déterminant est donc la rémunération conforme au marché. Pour déterminer si la rémunération est excessive et constitue une distribution dissimulée de bénéfice, il convient de prendre en compte l’ensemble des circonstances du cas d’espèce (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.1 et 3.3 et références citées ; E. MELLER, J. SALOM op. cit. p. 111). Il s’agit de la sorte de s’assurer que le montant de la rémunération est justifié par des fins commerciales et non par le fait qu’il existe une étroite relation économique ou personnelle (actionnaire ou proche) entre le bénéficiaire de la prestation et la société (E. MELLER/ J. SALOM op. cit. p. 112). Parmi les critères pertinents, on peut notamment citer la rémunération des personnes de rang et de fonction identiques ou similaires, les salaires versés par d’autres entreprises opérant dans le même domaine, la taille de l’entreprise, sa situation financière, ainsi que la position du salarié dans l’entreprise, sa formation et son expérience (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010 consid. 3.1 et références citées).

11) En l’absence de points de comparaison suffisants avec le marché, la méthode la plus communément appliquée en Suisse romande pour déterminer le salaire admissible d’employés actionnaires est la méthode dite « valaisanne ». Elle consiste à déterminer un salaire de base moyen, puis à l’augmenter d’une participation au chiffre d’affaires de la société (1 % jusqu’à 1 million, 0,9 % jusqu’à 5 millions et 0,8 % au-delà, la participation étant doublée pour les sociétés de services afin de tenir compte de la marge brute élevée de ce type de sociétés) ainsi qu’une part au bénéfice (1/3 pour les sociétés employant moins de vingt collaborateurs et 1/4 pour les entreprises plus grandes) (ATA/170/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; E. MELLER/J. SALOM op. cit. p. 118).

12) La méthode « valaisanne » a reçu l’aval de l’AFC-CH et son application a été entérinée par la jurisprudence cantonale (ATA/170/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/748/2011 du 6 décembre 2011 ; ATA/674/2011 du 1er novembre 2011 ; ATA/658/2011 du 18 octobre 2011 ; ATA/633/2001 du 11 octobre 2011 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; ATA/683/2010 du 5 octobre 2010 ; ATA/622/2010 du 7 septembre 2010). Le Tribunal fédéral a pour sa part confirmé son application dans la mesure où elle a conduit à un résultat exempt d’arbitraire, adapté aux circonstances du cas d’espèce (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_421/2009 du 11 janvier 2010, consid. 3.3 et 2C_188/2008 du 19 août 2008, consid. 5.3).

13) Pour déterminer un salaire de base moyen lorsque les données servant de base à la détermination de la rémunération des cadres dans une société font défaut ou sont inexploitables, il est admissible selon la jurisprudence de se fonder sur des statistiques. Ce schématisme a l’avantage d’assurer l’égalité de traitement entre les personnes travaillant dans la même branche. La simplification de cette détermination doit toutefois rester dans certaines limites afin de ne pas tomber dans l’arbitraire. Il a été jugé à cet égard que le fait d’individualiser le salaire moyen en fonction des circonstances du cas d’espèce et de prendre en compte pour ce faire le cahier des charges relatif au poste en cause, les fonctions et les responsabilités des personnes concernées conduit à un schématisme exempt d’arbitraire (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2008 du 19 août 2008, consid. 5.3 ; E. MELLER/J. SALOM op. cit. p. 118).

14) Dans sa jurisprudence récente, la juridiction de céans a avalisé, dans le cadre du calcul du salaire qualifié d’excessif selon la méthode « valaisanne », le fait de prendre comme salaire de base le calculateur en ligne de l’OGMT, reposant sur des salaires bruts totaux, toutes prestations comprises. Elle a relevé que cela aboutissait à établir un salaire maximal fixé au point le plus élevé de la fourchette des rémunérations possibles (ATA/170/2012 du 27 mars 2012 ; ATA/58/2011 du 18 octobre 2011 ; ATA/152/2011 du 8 mars 2011 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010 ; ATA/622/2010 du 7 septembre 2010).

15) En présence d’une prestation appréciable en argent, les conséquences fiscales sont multiples. Au niveau de la société, l’autorité fiscale réintégrera la prestation dans les bénéfices imposables de celle-ci (X. OBERSON, op. cit. p. 197 n. 35).

16) En l’espèce et vu l’absence de points de comparaison, c’est à bon droit que l'AFC, puis le TAPI, conformément à la jurisprudence précitée, ont appliqué la méthode valaisanne pour déterminer si, au plan fiscal, une partie des rémunérations versées aux actionnaires salariés constituaient des distributions dissimulées de bénéfices devant être réintégrées dans le bénéfice imposable. Les actionnaires sont les seuls employés de la société. Leur situation ne pouvait ainsi être comparée à celles d’autres employés de l’entreprise.

17) La méthode valaisanne utilisée vise au demeurant à déterminer les salaires fiscalement admissibles de salariés actionnaires. Dans cette mesure, elle n’arrête pas le montant de la rémunération au seul salaire de base, mais l’augmente d’une participation au chiffre d’affaires et au bénéfice. Cette méthode prend ainsi en compte dans le calcul de la rémunération l’implication du salarié actionnaire dans la bonne marche de l’entreprise et, pour une part au moins, sa dimension d’apporteur d’affaires.

18) Pour déterminer le salaire de base, c’est à juste titre que le TAPI a fait application du calculateur de salaire en ligne de l’OGMT. En effet, les données de l’OGMT doivent être considérées comme objectives et conformes aux méthodes de calcul préconisées par le Tribunal fédéral (ATA/674/2011 du 1er novembre 2011 ; ATA/777/2010 du 9 novembre 2010). Lorsqu’il a fait usage de cet outil de calcul, le TAPI a individualisé le salaire des actionnaires en tenant compte de leur âge, de leur cahier des charges, de leur position de cadre supérieur. Il a en outre considéré que les actionnaires avaient œuvré soixante heures par semaine en moyenne. Se fondant sur les circonstances du cas d’espèce, il a ainsi respecté les critères posés par la jurisprudence précitée en matière d’utilisation de statistiques pour déterminer le salaire de base.

19) En l'espèce, la recourante ne conteste pas, dans son principe, l'application de la méthode valaisanne et du calculateur en ligne de l'OGMT.

Toutefois, selon elle, parmi les trois salaires mensuels bruts donnés par le calculateur de l’OGMT (inférieur, médian et supérieur), le TAPI aurait dû retenir pour les actionnaires le salaire médian de la fourchette, perçu par 50 % des salariés.

Ce grief tombe à faux. Aucun élément objectif ne justifie de prendre en considération le salaire médian. Au contraire, les actionnaires sont en charge de hautes responsabilités découlant de leurrs tâches. Ils sont en effet les seuls employés de la société, ce qui signifie que la bonne marche de cette dernière ne repose que sur eux. Ils assument également la gestion de montants considérables, et disposent tous les quatre d'une solide expérience professionnelle dans le domaine.

De plus, le critère de l'ancienneté dans la branche de travail n'est pas pris en compte en tant que tel dans le calculateur de l'OGMT. Selon les circonstances, l'âge du travailleur et son ancienneté au sein de l'entreprise actuelle peuvent se révéler insuffisants dans le calcul du salaire. Tel est le cas en l'espèce, au vu de l'expérience des actionnaires dans la gestion de fortune, comprise entre 9 et 18 ans.

Pour le surplus, l'AFC et le TAPI ont admis que les intéressés avaient travaillé soixante heures par semaines, quand bien même aucun justificatif n’avait été produit. En référence à l'ATA/464/2013 du 30 juillet 2013, par économie de procédure, la chambre de céans ne reviendra cependant pas sur cette durée dès lors que même très importante, elle n'apparaît de prime abord pas invraisemblable dans le domaine d'activité des intéressés.

Il en résulte que c’est le salaire supérieur, touché par 25 % des salariés, qui doit être pris en compte.

20) Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et le jugement du TAPI confirmé. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante qui succombe. Vu l’issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'intimée, à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 août 2013 par l'administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 juin 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1’000.- à X______ S.A., à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat de X______ S.A., au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale, ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :