Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2840/2013

ATA/827/2016 du 04.10.2016 sur JTAPI/569/2014 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ACTE DE RECOURS ; FORME ET CONTENU ; DROIT DES ÉTRANGERS ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; AUTORISATION DE SÉJOUR ; SÉJOUR ; CAS DE RIGUEUR ; RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS) ; DÉCISION DE RENVOI ; EXÉCUTABILITÉ ; EXIGIBILITÉ ; ADMISSION PROVISOIRE ; ÉTAT DE SANTÉ
Normes : LPA.65; LEtr.30.al1.letb; OASA.31.al1; LEtr.83.al3; LEtr.83.al4
Résumé : Décision de l'OCPM refusant l'octroi à la recourante, souffrant de VIH-2 et d'affections psychiques, d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité et prononçant son renvoi. La recourante ne peut se prévaloir de liens d'une certaine intensité avec la Suisse. Ses affections médicales doivent être examinées sous l'angle de l'exécutabilité de son renvoi et elle ne se trouve pas dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEtr. Elle peut obtenir les soins nécessaires au traitement de son VIH-2 en Côte d'Ivoire. Le Trittico, médicament traitant son état dépressif majeur récurrent avec idées suicidaires, n'est pas disponible en Côte d'Ivoire et les substances de substitution disponibles en Côte d'Ivoire ne sont pas compatibles avec son traitement pour le VIH-2. Le personnel soignant au niveau psychiatrique est insuffisant en Côte d'Ivoire par rapport au nombre de malades. Renvoi inexigible. Renvoi du dossier à l'OCPM pour qu'il propose une admission provisoire au SEM.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2840/2013-PE ATA/827/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 octobre 2016

1ère section

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par le Groupe Sida Genève, soit pour lui Madame Cornelia Tinguely, mandataire

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mai 2014 (JTAPI/569/2014)


EN FAIT

1) Mme A______, ressortissante de Côte d'Ivoire née à Togoniéré le ______ 1973 et mère de trois fils, nés les ______ 1990,
______ 2005 et ______ 2006, est arrivée en Suisse le 28 septembre 2007.

2) a. Par requête du 22 décembre 2011, elle a sollicité de l'office cantonal de la population, devenu ensuite l'office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM), la délivrance d'une autorisation de séjour.

Elle avait été violée en 2002 durant la guerre civile dans son pays, ce qui avait engendré de graves traumatismes. Les problèmes avec son conjoint - leurs liens résultant d'un mariage coutumier - s'étaient multipliés. En l'absence d'amélioration de la situation, elle avait confié ses enfants à une tante et rejoint la Suisse. Elle y avait trouvé du travail en tant qu'aide à domicile, ayant toujours subvenu à ses besoins, et suivi des cours d'alphabétisation à l'Université ouvrière de Genève (ci-après : UOG) entre 2008 et 2010. Elle n'avait jamais eu de problème avec les autorités suisses. Diagnostiquée du virus d'immunodéficience humaine de type 2 (ci-après : VIH et VIH-2) en février 2008, sa séropositivité empêchait tout retour en Côte d'Ivoire. Le personnel médical y était peu nombreux. Il existait des problèmes avec les antirétroviraux (ci-après : ARV), sur le plan logistique et en raison des répercussions de l'instabilité politique sur le soutien des donateurs internationaux. Il y avait lieu de craindre qu'elle ne puisse avoir accès, dans son pays d'origine, à un traitement approprié, nécessaire dans les plus brefs délais. Un retour en Côte d'Ivoire serait également préjudiciable à son état psychique, compte tenu des violences subies. En cas de retour, elle ne pourrait compter sur aucun soutien. Sa famille n'était pas au courant de sa séropositivité. Si ses proches l'apprenaient, elle serait complètement rejetée et sa famille serait mise au ban de la société. Son père était décédé et sa mère paralysée.

b. Elle a joint à sa requête plusieurs documents, notamment une attestation de présence aux cours de français de l'UOG du 29 janvier au 12 juin 2008 et des documents sur le VIH. Par ailleurs, à teneur de son curriculum vitae, elle avait travaillé en Côte d'Ivoire en tant qu'auxiliaire ménagère chez des particuliers à Divo de 1985 à 1990 puis en tant que commerçante de détail à Abidjan de 1995 à 2007. Elle avait ensuite travaillé en Suisse en tant qu'aide à domicile depuis 2007. Selon une copie de son passeport, elle était domiciliée à Abidjan. Conformément à une attestation de suivi médical du 20 juillet 2011 du Pr B______, médecin chef d'unité aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et du Dr C______, médecin interne aux HUG, elle était suivie depuis février 2008 pour une infection VIH-2 au stade A2. En raison de la baisse des lymphocytes CD4 (ci-après : CD4) de 412 cellules/ml en février 2010 à 295 cellules/ml en juin 2011, un traitement était indiqué, même s'il n'avait pas débuté. Si l'accès aux ARV était possible dans la plupart des régions d'Afrique subsaharienne, les modalités de la distribution - gratuité, continuité de l'approvisionnement, initiation du traitement chez les patients en provenance de l'étranger - étaient souvent aléatoires. Le VIH-2 nécessitait un traitement à base de deux inhibiteurs de la réverse-transcriptase et un inhibiteur de l'anti-protéase, ce dernier faisant partie des secondes lignes de traitement en Afrique subsaharienne, ce qui rendait son accès d'autant plus difficile et empêchait d'en assurer la gratuité. Il y avait à craindre une impossibilité d'accès de l'intéressée à son traitement en Côte d'Ivoire, ce qui mettrait sa santé en péril et serait médicalement contre-indiqué.

3) Le 26 novembre 2012, la Dresse D______ a établi un rapport médical à l'attention de l'office fédéral des migrations, devenu ensuite le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), suite aux constatations médicales effectuées le 21 novembre 2012. Elle a récapitulé la situation médicale de Mme A______ et confirmé la situation en Afrique subsaharienne et en Côte d'Ivoire telle que décrite par les Pr B______ et Dr C______.

L'intéressée souffrait de VIH-2, de lombalgies chroniques intermittentes, d'une anémie hypochrome microcytaire ferriprive, probablement due à une thalassémie mineure, et d'un syndrome dépressif léger, lequel n'avait jamais été traité ou suivi mais était en lente amélioration depuis son arrivée en Suisse. Lors de son diagnostic de VIH-2 en 2008, depuis lequel elle était régulièrement suivie, un traitement n'avait pas été d'emblée nécessaire. Ses CD4 fluctuaient entre 290 et 360 cellules/mm3. La virémie n'avait jamais été faite mais il n'y avait pas d'urgence, s'agissant d'un VIH-2. Elle n'était actuellement sous aucun traitement. Vu son désir de grossesse et la baisse des CD4, une trithérapie ARV était indiquée. Sans traitement, le pronostic de la patiente restait à définir et l'infection risquait d'être transmise à l'enfant en cas de grossesse. Avec traitement, son pronostic était très bon. Indépendamment du traitement, des contrôles médicaux et biologiques trimestriels étaient indiqués. La patiente ne pourrait bénéficier du traitement de première ligne, le VIH-2 étant naturellement résistant au composant de ce traitement en Afrique, et aurait besoin du traitement de deuxième ligne, auquel l'accessibilité était difficile dans certaines régions de Côte d'Ivoire, dont la gratuité n'était plus assurée dans de nombreuses régions et qui était sujet à des ruptures de stock fréquentes.

4) a. Les 28 et 29 novembre 2012, Mme A______ a répondu à une demande d'information de l'OCPM.

Elle n'avait pas quitté la Suisse depuis 2007. Elle avait plusieurs emplois, lui permettant de gagner environ CHF 1'500.- par mois, et cherchait du travail supplémentaire, afin de subvenir entièrement à son entretien. Ses charges mensuelles s'élevaient à CHF 350.- de loyer, CHF 360.- de primes
d'assurance-maladie - temporairement prises en charge par le Fonds de solidarité des patients précarisés/VIH -, et CHF 70.- d'abonnement de transports publics. Elle suivait assidûment ses cours de français et avait des amis en Suisse, où elle n'avait pas de famille. Sa mère, un frère et deux soeurs se trouvaient à Togoniéré, son village natal. Deux frères, une soeur, le père de ses enfants et ses deux cadets vivaient à Abidjan. Son fils aîné étudiait au Havre. Une demi-soeur et un neveu habitaient à Lille. Si elle en avait la possibilité, elle souhaitait faire venir ses enfants en Suisse et vivre avec eux.

b. À l'appui de son courrier, elle a notamment versé à la procédure une attestation du 21 novembre 2012 confirmant le suivi assidu des cours de français de l'UOG depuis septembre 2007, un courrier d'une amie selon lequel elle s'intégrait vite et était très appréciée ainsi qu'un courrier du 21 novembre 2012 de M. E______, lequel souhaitait l'employer à temps partiel - au moins cinq heures par semaine - pour le ménage et la garde de ses trois enfants, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et pour un salaire brut mensuel d'environ CHF 450.- à CHF 600.-.

5) Par courrier du 24 avril 2013, Mme A______ a sollicité un visa de retour. Elle souhaitait se rendre en Côte d'Ivoire en juillet et août 2013, afin de voir ses deux cadets, auxquels elle était très attachée. Elle ne les avait plus vus depuis six ans mais avait des contacts téléphoniques réguliers avec eux. Ils réclamaient sa présence. Son médecin traitant ne s'opposait pas au voyage.

6) Le 28 mai 2013, suite à une demande de l'OCPM, le SEM a établi un rapport fondé sur les informations obtenues auprès d'un médecin spécialiste du VIH par l'ambassade suisse à Abidjan.

L'intéressée pouvait être suivie par plusieurs associations et instituts hospitaliers, dont le « CEPREF », le Centre intégré de recherches biocliniques d'Abidjan (ci-après : CIRBA) - l'un des huit centres autorisés par le gouvernement de Côte d'Ivoire à distribuer des traitements ARV dans le cadre du programme de l'ONUSIDA d'accès aux médicaments -, et le Centre hospitalier universitaire (ci-après : CHU) de Treichville à Abidjan. Le traitement était gratuit. Il y avait tous les médicaments à disposition pour un traitement de première, deuxième et troisième lignes, ceux de première et deuxième lignes étant gratuits sur tout le territoire.

7) Par décision du 4 juillet 2013, l'OCPM a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité par Mme A______ ainsi que de préaviser favorablement son dossier au SEM et a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 30 septembre 2013 pour quitter le territoire helvétique.

Elle avait vécu la majeure partie de sa vie en Côte d'Ivoire, où vivaient encore sa mère et ses deux enfants cadets, avec lesquels elle entretenait des contacts réguliers. Ses liens avec son pays d'origine étaient plus forts que ceux entretenus avec la Suisse, où elle était arrivée à 34 ans, n'avait séjourné que six ans et n'avait pas de famille. Son indépendance financière ne suffisait pas à retenir une intégration socioprofessionnelle solide. Elle avait souhaité retourner dans son pays durant deux mois, sans contre-indication médicale. Un traitement médical adéquat pouvait être accessible et suivi dans son pays d'origine sans entrave majeure pour sa santé. Elle était restée cinq ans en Côte d'Ivoire après le traumatisme subi en 2002, donnant naissance à deux enfants. Vu son souhait de retourner dans son pays durant deux mois, l'exécution de son renvoi pouvait être exigée.

8) Par acte du 4 septembre 2013, l'intéressée a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à la soumission de son dossier au SEM pour délivrance d'une autorisation de séjour.

Elle a repris et développé l'argumentation formulée précédemment.

Les médicaments étaient souvent en rupture de stock en Côte d'Ivoire. Il y avait notamment actuellement une rupture totale d'ARV dans les structures sanitaires d'Abengourou. Dans le cas de VIH-2, la prévalence des mutations de résistance aux ARV étaient de 5,6 %, les possibilités de traitement étant de ce fait réduites. Il avait été annoncé que les fonds alloués aux programmes ARV ne seraient pas augmentés. Les personnes nouvellement infectées ne pouvaient espérer recevoir un traitement ARV du fait de l'impossibilité d'élargir la couverture des programmes d'ARV en l'état actuel des financements. En cas de retour, elle ne pourrait pas accéder aux traitements indispensables à sa survie. Elle était à présent indépendante financièrement, ce qui démontrait les efforts déployés pour son intégration et la construction de son avenir en Suisse, et souhaitait s'y reconstruire après les événements dramatiques vécus dans son pays. Depuis le prononcé de la décision attaquée, elle était extrêmement angoissée à l'idée de retourner en Côte d'Ivoire et ne pas avoir accès aux soins nécessaires, de sorte qu'une réelle dégradation de son état psychique dépressif avait été constatée.

9) Par réponse du 30 octobre 2013, l'OCPM a conclu au rejet du recours et s'est référé à la décision attaquée, en y apportant quelques précisions.

L'exécution du renvoi était en principe exigible tant que la maladie n'avait pas atteint la phase du syndrome d'immunodéficience acquise (ci-après : SIDA) déclaré, sous réserve de l'examen des circonstances concrètes. Le niveau de CD4 de l'intéressée se situait entre 290 et 390 cellules/mm3, elle ne suivait aucun traitement et une trithérapie serait indiquée en cas de grossesse ou de baisse des CD4. Si son taux de CD4 devait se péjorer ou le stade de sa maladie avancer après son retour en Côte d'Ivoire, elle pourrait bénéficier gratuitement de traitements ARV auprès de différentes associations et centres hospitaliers.

10) Le 12 février 2014, sur demande du TAPI, Mme A______ a versé à la procédure une attestation de suivi médical du 11 février 2014 de la Dresse F______, médecin interne aux HUG, et du Dr C______, devenu chef de clinique.

Le traitement de VIH-2 au stade A2 de l'intéressée avait commencé en février 2013 en raison de la baisse du taux de CD4 à 358 cellules/mm3 et un désir de grossesse. Son traitement comprenait deux inhibiteurs de la
réverse-transcriptase (Truvada, correspondant à du ténofovir/emtricitabine), et un inhibiteur de l'anti-protéase (Kaletra, soit du lopinavir boosté). En tant que traitement de seconde ligne en Afrique subsaharienne, son accès était plus difficile. Le traitement était bien toléré et efficace, la charge virale étant indétectable en juillet 2013 et les CD4 remontés à 583 cellules/mm3 en novembre 2013.

Le problème médical actuel principal résidait actuellement dans la sphère psychiatrique. Victime d'un viol collectif en présence de son mari en 2000, la patiente avait développé un trouble de stress post-traumatique - avec ruminations anxieuses importantes, tendance à vivre sur le qui-vive, réviviscence de la scène de viol, sentiment d'insécurité permanente, tristesse importante, irritabilité et trouble du sommeil avec réveils précoces -, et de réaction à un facteur de stress important et trouble de l'adaptation. Elle avait rejoint la Suisse car elle ne pouvait plus vivre dans un contexte lui rappelant constamment son traumatisme. Elle bénéficiait depuis août 2013 d'un suivi psychiatrique régulier et était sous traitement antidépresseur à base de Trittico. Un suivi à long terme était nécessaire pour réduire l'état de stress post-traumatique directement lié à son pays d'origine. Les possibilités de suivi dans les pays en voie de développement étaient virtuellement nulles, en l'absence de budget consacré à la santé mentale. Les pathologies mentales restaient négligées et hautement stigmatisées.

11) Le 14 avril 2014, suite à une demande du TAPI, l'OCPM a produit un rapport du SEM du 9 avril 2014 concernant le VIH-2 et le suivi psychiatrique en Côte d'Ivoire, lequel concluait que la question de l'accès effectif au suivi psychiatrique requis se posait (personnel insuffisant par rapport au nombre de malades, accès financier, accès géographique selon le domicile de la patiente) et que seul un médecin était en mesure de juger s'il était possible de modifier le traitement de la patiente pour l'adapter aux médicaments disponibles en Côte d'Ivoire.

Selon des informations fournies par le programme Medical Country of Origin Information (ci-après : MedCOI), une personne souffrant de stress
post-traumatique pouvait obtenir un suivi psychiatrique à l'Hôpital psychiatrique de Bingerville à Abidjan, où la patiente pourrait au besoin être hospitalisée. Le trazodone, principe actif du Trittico, n'était pas disponible en Côte d'Ivoire. D'autres antidépresseurs, tels que la mirtazapine, l'amitryptiline, la clomipramine et la fluoxétine, étaient disponibles, notamment à la Pharmacie des Lagunes d'Abidjan. Une consultation psychiatrique coûtait entre XOF 2'000.- (environ CHF 4.-) et XOF 4'200.- (environ CHF 8.-). Une hospitalisation en chambre individuelle coûtait XOF 8'000.- (environ CHF 15.-) par jour et un lit en chambre commune d'en moyenne six personnes XOF 20'000.- (environ CHF 37.-) par séjour. Les médicaments étaient à la charge du patient. La Côte d'Ivoire ne comportait que trois hôpitaux psychiatriques, à Bouaké, Yamoussoukro et Abidjan, et, en 2011, quarante psychiatres pour vingt-deux millions d'habitants. Le coordinateur du programme national de santé mentale avait déclaré que la crise postélectorale de 2010-2011 avait accentué les traumatismes psychiques au sein de la population ivoirienne, ce qui semblait se refléter dans la forte augmentation du nombre de patients traités dans les centres psychiatriques du pays.

À teneur des informations recueillies au travers de MedCOI, le Truvada ou un équivalent générique était disponible en Côte d'Ivoire, notamment à la Polyclinique internationale de Sainte Anne-Marie à Abidjan. S'agissant du Kaletra, dont les principes actifs étaient du lopinavir/ritonavir, son équivalent générique devait être disponible en Côte d'Ivoire. Il faisait partie des protocoles thérapeutiques de deuxième ligne préconisés par le ministère de la santé et de la lutte contre le SIDA et figurait sur la liste des médicaments essentiels de la Côte d'Ivoire mise à jour en janvier 2014. Selon cette dernière, la combinaison lopinavir/ritonavir devait être disponible dans les centres hospitaliers universitaires et les instituts nationaux spécialisés (établissements sanitaires publics de niveau A), dans les centres hospitaliers régionaux, les hôpitaux généraux et les centres hospitaliers spécialisés (niveau B) ainsi que dans les centres de santé urbains et spécialisés et les formations sanitaires urbaines (niveau C). Les ARV abacavir, abacavir/lamivudine (soit du Kivexa), lamivudine, efavirenz, entecavir, ténofovir/emtricitabine, atazanavir, ritonavir et nevirapine étaient notamment disponibles en Côte d'Ivoire. Toutefois, en octobre 2013, le Réseau ivoirien des personnes vivant avec le VIH avait dénoncé des ruptures de stock d'ARV, estimant que ces pénuries étaient au moins partiellement dues à des problèmes logistiques. En décembre 2013, la ministre de la santé avait déclaré que les ARV étaient disponibles en Côte d'Ivoire, admettant l'existence d'« incompréhensions à un moment donné ». Il semblait qu'en novembre 2013, le ministère de la santé était en train de réformer la pharmacie publique afin de réorganiser la distribution des ARV.

12) Le 6 mai 2014 s'est tenue une audience devant le TAPI.

a. Mme A______ a confirmé les termes de son recours. Elle continuait à travailler dans l'économie domestique. Son employeur souhaitait toujours l'engager à plein temps. Ses revenus et charges n'avaient pas changé. Elle fréquentait depuis plus de deux ans un ami, ressortissant du Burkina Faso détenteur d'un permis B, sans avoir de projet de mariage. Elle n'avait pas obtenu son visa pour aller voir ses enfants en Côte d'Ivoire. Elle était allée voir son fils aîné au Havre durant les vacances d'été 2012. Ce dernier était venu à Genève durant l'été 2013. Elle prenait en charge ses frais d'études, lui envoyant CHF 500.- par mois. Elle appelait très souvent ses deux cadets à Abidjan, environ une fois par semaine. Ils vivaient avec leur père, enseignant dans une école privée. Elle avait une soeur et une demi-soeur, mariées, ainsi qu'un frère, travaillant dans la fonction publique, et un demi-frère, employé dans un hôtel, à Abidjan. Sa grande soeur était vendeuse dans un commerce et son autre soeur ne travaillait pas. Elle entretenait des relations téléphoniques avec eux. Sa mère était décédée en novembre 2013.

b. La représentante de l'OCPM a déclaré que ce dernier maintenait sa décision.

c. Selon la Dresse F______, auditionnée à titre de témoin, les CD4 de Mme A______ étaient descendus en dessous de 350 cellules/mm3. Le traitement avait débuté en février 2013, en raison de son désir d'enfant et des CD4 au-dessous de 500 cellules/mm3. Ses CD4 avaient toujours été inférieurs à 500 cellules/mm3, mais les directives avaient modifié les critères de traitement. Elle avait un VIH-2 et devait recevoir un traitement à base d'inhibiteur de la protéase, le Kaletra, qui faisait partie du traitement de seconde ligne. Pour le
VIH-2, il n'était possible de donner que le Kaletra, qui faisait partie des recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé (ci-après : OMS) mais dont elle ne connaissait pas la disponibilité à Abidjan, ou le darunavir, qui ne faisait pas partie de recommandations de l'OMS. Dans le traitement de l'intéressée, il y avait trois molécules, le Kaletra - soit du lopinavir et ritonavir -, le ténofovir et l'emtricitabine. Son traitement, à suivre à vie, comportait du ténofovir et de l'emtricitabine combinés soit avec du darunavir et du ritonavir, soit avec du lopinavir et du ritonavir. Un suivi devait être effectué tous les six mois pour s'assurer du bon fonctionnement du traitement. La virémie VIH-2 et CD4 n'était pas effectuée dans tous les laboratoires. Les HUG faisaient faire l'analyse de la virémie VIH-2 à Paris. C'était la chute des CD4 qui faisait passer d'un stade à un autre. L'intéressée, en stade A2, avait à un moment donné été proche du stade A3.

d. Le Dr G______, médecin aux HUG entendu à titre de témoin, a indiqué suivre depuis novembre 2013 Mme A______, dont le problème psychiatrique principal était un épisode dépressif majeur. Ses collègues avaient retenu un état de stress post-traumatique. L'intéressée prenait quotidiennement un antidépresseur, le Trittico, composé de trazodone. Il avait augmenté la dose prescrite par sa collègue qui la suivait auparavant. Les antidépresseurs tels que la mirtazapine, l'amitryptiline et la clomitamine ainsi que la fluoxétine pouvaient remplacer le Trittico. Il fallait aussi suivre l'évolution. Il voyait l'intéressée une fois par mois, dans le cadre d'un suivi thérapeutique ordinaire. Il était difficile de préciser les conséquences du stress post-traumatique en cas de retour en Côte d'Ivoire. Pour pouvoir se prononcer, il fallait des investigations sur le long terme. Actuellement, il fallait d'abord stabiliser l'état de la patiente, notamment en gérant le risque suicidaire, pour pouvoir ensuite investiguer les conséquences du stress post-traumatique en cas de retour dans son pays. Elle avait présenté des idées suicidaires à plusieurs reprises. Le risque était actuellement faible, grâce au suivi mensuel et au traitement médicamenteux.

13) Par jugement du 6 mai 2014, expédié pour notification le 28 mai 2014, le TAPI a rejeté le recours.

Âgée de 41 ans, l'intéressée avait vécu toute sa vie en Côte d'Ivoire. Elle n'avait pas allégué ni établi avoir des attaches en Suisse, sous réserve de son ami fréquenté depuis deux ans. Elle avait conservé des liens familiaux dans son pays d'origine, où vivaient ses deux cadets et plusieurs frères et soeurs, avec qui elle restait en contact. Arrivée sur le territoire helvétique en septembre 2007, elle y avait résidé illégalement jusqu'en décembre 2011. Elle bénéficiait depuis de la tolérance des autorités. Elle ne pouvait se prévaloir de la durée de son séjour en Suisse de près de sept ans. Souffrant de VIH-2 au stade A2, d'un épisode dépressif majeur et d'un état de stress post-traumatique, tous les traitements et médicaments nécessaires étaient disponibles en Côte d'Ivoire. Mme A______ ne se trouvait pas dans une situation représentant un cas d'extrême gravité.

Elle ne disposait pas de moyens suffisants pour financer à court ou long terme des soins médicaux, de sorte qu'elle ne pouvait être admise en vue d'un traitement médical selon l'art. 29 de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20).

Un médecin spécialiste du VIH en Côte d'Ivoire avait confirmé au SEM qu'elle pourrait être suivie au CHU de Treichville ou au CIRBA et que les médicaments pour un traitement de deuxième ligne étaient disponibles et gratuits en Côte d'Ivoire. Le MedCOI, organisme compétent en la matière, avait confirmé la disponibilité du ténofovir, de l'emtricitabine, du lopinavir et du ritonavir. Si des ruptures de stocks d'ARV avaient été dénoncées en octobre 2013, selon les déclarations de la ministre de la santé, le problème dû à une réforme de la pharmacie publique avait été résolu en décembre 2013. Pour les analyses de virémie et de taux de CD4, les échantillons sanguins pourraient être envoyés tous les six mois à un laboratoire compétent. Par ailleurs, si Mme A______ avait présenté des idées suicidaires à plusieurs reprises, le risque était actuellement faible grâce à un suivi mensuel et aux médicaments. Selon les informations du MedCOI, elle pourrait être suivie à l'hôpital de Bingerville à Abidjan et la mirtazapine, l'amitryptiline, la clomipramine et la fluoxétine, antidépresseurs pouvant remplacer le Trittico, étaient disponibles en Côte d'Ivoire. Selon le rapport médical de novembre 2012, l'intéressée souffrait d'un syndrome dépressif léger et n'était pas traitée. Ce n'était que suite à la décision litigieuse que, se sentant très angoissée, elle avait été adressée à un psychiatre. C'était la perspective du renvoi qui avait aggravé son état psychique et avait nécessité un suivi. Il s'agissait de troubles frappant beaucoup d'étrangers confrontés à l'imminence du départ. L'exécution de son renvoi était exigible.

Si le TAPI ne minimisait pas l'extrême gravité des actes subis par l'intéressée et leurs conséquences sur sa personne, cette dernière avait continué à vivre dans son pays d'origine pendant cinq ans après son viol et avait requis en avril 2013 un visa pour se rendre en Côte d'Ivoire. Ce pays comportait un vaste territoire comptant de nombreuses villes, de sorte que le risque de tomber sur ses agresseurs devait être relativisé, d'autant plus qu'il ne s'était pas concrétisé durant les années ayant précédé son départ pour la Suisse.

14) a. Par acte du 30 juin 2014, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant, sur mesures provisionnelles, à l'autorisation à rester sur le territoire suisse en attendant l'issue du recours et, principalement, à l'annulation du jugement attaqué, avec suite de « dépens ».

Elle a repris et complété l'argumentation développée auparavant.

Le CHU de Treichville ne remplissait pas les conditions les plus élémentaires d'hygiène et ne pouvait justifier un renvoi. Le lopinavir et le darunavir n'étaient pas disponibles en Côte d'Ivoire et elle avait besoin d'un traitement avec un inhibiteur de protéase et, ainsi, soit du lopinavir et du ritonavir, soit du darunavir et du ritonavir. Il était très probable que les analyses sur les CD4 et la virémie ne puissent pas être effectuées en Côte d'Ivoire. Le raisonnement du TAPI à cet égard était peu réaliste. Son souhait de rendre visite à ses enfants en Côte d'Ivoire pendant deux mois ne démontrait pas qu'elle pouvait y suivre un traitement.

Il y avait une contre-indication à utiliser des antidépresseurs proposés par le MedCOI à la place du Trittico, indisponible en Côte d'Ivoire, avec le Norvir. Elle ne pourrait être soignée sur le plan psychiatrique dans son pays d'origine.

Son état dépressif était en amélioration lente depuis son arrivée en Suisse, ce qui démontrait que le fait d'être loin de la Côte d'Ivoire améliorait son état. Il était par ailleurs logique qu'une décision de renvoi ravive son traumatisme et dégrade son état psychique, sans qu'il ne s'agisse d'une simple angoisse de retourner vivre dans un pays quitté depuis longtemps. Le TAPI ne pouvait, sans compétences médicales, établir que l'aggravation était due à la perspective du retour alors qu'un psychiatre avait indiqué qu'il fallait attendre la stabilisation de la patiente pour évaluer la problématique. Une dépression suffisait à mettre une personne et ses enfants au ban de la société. Tous les traitements et l'hospitalisation étaient à la charge du patient. Un renvoi serait dramatique. Elle serait sans soutien et dépourvue de chance de trouver un emploi.

b. À l'appui de son recours, elle a notamment versé à la procédure des documents concernant le CHU de Treichville, un article sur les malades mentaux en Côte d'Ivoire ainsi que des courriels de la Dresse F______ des 4 et 26 juin 2014, à teneur desquels il existait une contre-indication à utiliser la mirtazapine, l'amitryptiline, la clomipramine et la fluoxétine avec le Kaletra en raison d'un risque élevé d'augmentation du « QT », une valeur sur l'électrocardiogramme, ce qui pouvait entraîner des torsades de pointes et un arrêt cardiaque. L'interaction problématique s'opérait avec le Norvir.

15) Le 7 juillet 2014, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d'observations.

16) Le 14 juillet 2014, le juge délégué de la chambre administrative a constaté que la requête de suspension du caractère exécutoire du jugement du TAPI apparaissait sans objet.

17) Par réponse du 4 août 2014, l'OCMP a conclu au rejet du recours.

Le séjour de l'intéressée en Suisse n'était pas long en comparaison des années passées dans son pays d'origine, soit toute l'enfance, l'adolescence et une grande partie de sa vie d'adulte. Elle ne pouvait se prévaloir de la durée de son séjour en Suisse en contravention aux dispositions légales en la matière, ni d'un comportement irréprochable. Son intégration socioprofessionnelle n'était pas exceptionnelle. Un retour en Côte d'Ivoire, dont elle connaissait les us et coutumes et où elle gardait des attaches, ne constituerait pas un véritable déracinement. Les médicaments étaient disponibles dans son pays d'origine. En l'absence de liens particulièrement intenses avec le Suisse, le facteur médical ne suffisait pas à reconnaître un cas individuel d'extrême gravité.

Les soins et traitements nécessaires pour son VIH-2 et son état psychique étaient disponibles en Côte d'Ivoire. S'agissant de la disponibilité subjective des soins et médicaments dans son pays d'origine, elle pouvait demander une aide financière à la Croix-Rouge genevoise dans le cadre du service d'aide au retour.

18) a. Par réplique du 4 septembre 2014, l'intéressée a persisté dans son recours, reprenant et complétant son argumentation précédente.

Le Dr G______ avait récemment complété son traitement par du Temesta, dont le principe actif n'était pas disponible en Côte d'Ivoire. Les traitements médicamenteux nécessaires à sa santé physique et psychique n'étaient pas disponibles dans son pays d'origine. L'aide financière de la Croix-Rouge ne permettrait pas de l'aider si elle n'avait pas la possibilité de se procurer les médicaments nécessaires à sa survie. Elle recherchait activement d'autres employeurs susceptibles de l'engager.

b. Selon le certificat médical du 27 août 2014 du Dr G______ annexé, Mme A______ était suivie en raison d'un trouble psychiatrique. Elle présentait depuis quelques semaines une péjoration importante de son état psychique, en relation avec des difficultés importantes au niveau social et financier, de sorte qu'une modification de son traitement médicamenteux avait été nécessaire. Le pronostic sur le plan psychiatrique était réservé.

19) Le 14 avril 2015, suite à une demande d'informations du juge délégué, l'intéressée a versé à la procédure un rapport médical de la Dresse F______ du 31 mars 2015, lequel reprenait des éléments déjà exposés dans l'attestation médicale du 11 février 2014 et les complétait.

De février 2013 à août 2014, Mme A______ avait bénéficié d'un traitement à base de Truvada et Kaletra. Depuis le 21 août 2014, elle était sous Truvada, Prezista et Norvir. La réponse médicamenteuse était excellente, avec une virémie indétectable en novembre 2014 et un taux de CD4 à 543 cellules/mm3. La patiente venait en consultation de manière trimestrielle. Le pronostic était bon pour autant que le traitement ARV ne soit pas interrompu. Elle pouvait prendre soit du Prezista et Norvir, soit du Kaletra, en plus du Truvada. Sur le plan psychique, l'intéressée bénéficiait d'une prise en charge mensuelle par la Dresse H______, médecin interne aux HUG, ainsi que d'un traitement médicamenteux à base de 100 mg de Trittico et de 1 mg de Temesta en réserve.

20) Le 6 mai 2015, également sur demande d'informations du juge délégué, Mme A______ a versé à la procédure un certificat médical établi le 4 mai 2015 par la Dresse I______, cheffe de clinique aux HUG, et la Dresse H______.

La patiente était suivie depuis le 21 août 2013, en raison d'une recrudescence d'une symptomatologie dépressive et anxieuse, probablement en lien avec son statut précaire en Suisse. Le diagnostic d'état de stress
post-traumatique était actuellement en rémission. Son suivi consistait en une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique intégrée à raison d'une fois par mois avec traitement de 100 mg de Trittico par jour et de 1 mg de Temesta par jour, en réserve. Étaient mises en évidence la persistance d'une symptomatologie dépressive légère avec des ruminations anxieuses par rapport à ses enfants et des préoccupations concernant son statut en Suisse et l'évolution de sa maladie VIH. La patiente rapportait également des troubles du sommeil. Le Trittico améliorait sa symptomatologie dépressive. L'évolution clinique était en rémission partielle sur le plan thymique. L'augmentation du traitement psychotrope et une prise en charge psychiatrique régulière permettant une éventuelle amélioration de la thymie étaient envisagées. L'évolution de sa maladie VIH avait un impact considérable sur sa thymie et le pronostic de son trouble dépressif.

21) Dans ses observations du 10 juillet 2015, Mme A______ a maintenu intégralement ses conclusions, reprenant son argumentation.

22) Le 17 décembre 2015, suite à une nouvelle demande d'information du juge délégué, l'intéressée a versé à la procédure un nouveau certificat médical, établi le 9 décembre 2015 par le Dr J______, médecin interne aux HUG, reprenant et complétant les éléments figurant dans les rapports médicaux de la Dresse F______.

Le Dr J______ suivait la patiente depuis le mois de juin 2015. Elle était toujours sous traitement de Truvada, associé au Prezista et Norvir. L'évolution sur le plan immuno-virologique demeurait excellente avec une virémie qui restait indétectable et des CD4 à la hausse, s'élevant à 604 cellules/mm3 lors du dernier contrôle, le 13 janvier 2015. Elle bénéficiait toujours d'un suivi trimestriel. Le pronostic était bon à moyen et long terme, sous condition de prise d'un traitement ARV de Prezista et Norvir ou de Kaletra, en combinaison avec du Truvada. Pour son état dépressif, elle avait été suivie par la Dresse H______ puis par la Dresse K______ dès novembre 2015. À partir du 15 décembre 2015, elle serait suivie par la Dresse L______, médecin interne aux HUG. Elle était actuellement sous Trittico à raison de 100 mg/jour.

23) Le 25 janvier 2016, toujours suite à la même demande d'information du juge délégué, Mme A______ a produit un certificat médical rédigé le 18 décembre 2015 par la Dresse I______, laquelle reprenait le contenu de celui du 4 mai 2015 et le complétait.

Depuis le 30 septembre 2013, elle était suivie une fois par mois et prenait 200 mg de Trittico une fois par jour et 1 mg de Temesta deux fois par jour au maximum, en réserve. Le traitement de Trittico avait permis une amélioration de sa symptomatologie dépressive légère et des troubles du sommeil. Le traitement antidépresseur devait être suivi, à défaut de quoi le risque de rechute
anxio-dépressive était probable. Tout traitement de benzodiazépine pouvait être utilisé. L'évolution clinique au niveau psychiatrique était toujours en rémission partielle.

24) Le 8 mars 2016, suite à la demande d'information réitérée du juge délégué, l'intéressée a versé à la procédure un certificat médical du 7 mars 2016 du Pr M______, médecin responsable de secteur aux HUG, et de la Dresse L______, lequel reprenait les éléments des certificats médicaux des Dresses I______ et H______ en les complétant.

Les diagnostics retenus étaient un trouble dépressif récurrent, actuellement d'intensité modérée, et un état de stress post-traumatique. Elle était traitée par
200 mg de Trittico par jour pour la symptomatologie dépressive et les troubles du sommeil et par 2 mg de Temesta - soit du lorazépam - deux fois par jour en réserve pour l'anxiété liée à l'état de stress post-traumatique. Un programme groupal avait été proposé à la patiente afin de permettre une resocialisation et un renforcement de l'estime de soi par la mobilisation de ses compétences et de ses ressources. Les causes d'une éventuelle aggravation résideraient dans un éventuel retour dans son pays, en raison de la confrontation à son passé traumatique et/ou la rupture du traitement médicamenteux. Les traitements psychotropes actuellement prescrits contribuaient à stabiliser et amélioraient l'état de la patiente. Il n'était pas indiqué de les changer, selon les standards suisses.

25) Le 7 juin 2016, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties et d'audition de témoins.

a. Mme A______ a persisté dans son recours. Sa santé psychique allait mieux depuis qu'elle avait commencé son traitement antidépresseur, notamment depuis le dernier certificat médical, du 7 mars 2016. Elle prenait toujours deux fois 100 mg de Trittico par jour et il lui arrivait - de manière irrégulière - de prendre du Temesta, quand elle se sentait angoissée. Un ensemble de causes l'angoissaient et la déprimaient, soit son VIH, la question de la mort - son frère aîné était décédé une semaine auparavant - et l'instabilité de son statut légal en Suisse, qui l'empêchait la plupart du temps d'être embauchée par un employeur, rendant plus difficile le paiement de ses factures et de ses primes
d'assurance-maladie. Elle avait été financièrement indépendante jusqu'en 2015 mais n'avait plus de travail depuis environ un an. Ses seuls revenus provenaient depuis lors de l'Hospice général, lequel payait ses factures d'assurance-maladie. Elle avait l'espoir d'être engagée pour garder un enfant dans quelques temps. Notamment dans le cadre de l'église et de l'UOG - où elle continuait à suivre des cours -, elle avait des amis à Genève, avec lesquels elle faisait souvent des activités. Elle avait un ami de nationalité suisse. Un de ses frères vivait à Abidjan et l'autre à Paris, en France. Une de ses soeurs habitait à Abidjan et les deux autres à Togoniéré. Ses deux plus jeunes fils vivaient chez une soeur de son mari, proche d'Abidjan. Son fils aîné étudiait à présent à Grenoble. Elle avait des contacts avec ses frère et soeur vivant à Abidjan et appelait quand elle le pouvait ses deux fils cadets. Il était plus facile d'appeler son fils aîné. Elle souhaitait que ses fils viennent la retrouver à Genève. Elle n'était pas prête à retourner en Côte d'Ivoire à cause de ses souvenirs douloureux, même si elle y recevait un traitement contre ses différentes affections.

b. Selon la Dresse L______, le traitement de l'intéressée avait commencé en août 2013 avec 50 mg de Trittico par jour, ce qui n'avait pas suffi pour traiter son épisode dépressif majeur, de sorte qu'en avril 2014, la dose journalière avait été augmentée à 100 mg. Depuis septembre 2015, elle prenait désormais 200 mg par jour. Elle présentait depuis lors une amélioration de son état dépressif, avec une réduction de sa tristesse. Il y avait toutefois toujours des éléments pour retenir un épisode dépressif majeur, lequel était sévère au début de son traitement et à présent d'intensité modérée. Encore actuellement, de manière fluctuante, en fonction de sa thymie et des événements, elle pouvait avoir des idées de mort passive et/ou des idées suicidaires avec scenarii, contrebalancées par l'espoir que sa situation s'arrange. Elle n'avait jamais fait de tentamen. Si le risque suicidaire était actuellement faible, un raptus ne pouvait être exclu, soit une angoisse devenant telle qu'elle pourrait passer soudain à l'acte même sans planification. Elle avait un trouble dépressif récurrent, avec un premier épisode limité dans le temps provoqué par la mort d'un enfant en 1990 et un deuxième épisode de manière durable déclenché par le viol de 2002. Les facteurs aggravants de ce deuxième épisode étaient le fait d'avoir quitté ses enfants en venant en Suisse, l'apparition et la difficulté d'acceptation du VIH, la non-obtention d'un statut légal en Suisse, avec les difficultés socio-professionnelles en découlant, ainsi que le risque d'expulsion. D'un point de vue médical, il n'était pas souhaitable de changer un traitement efficace. Sans traitement médicamenteux au plan psychique, Mme A______ rentrerait à nouveau dans une symptomatologie dépressive sévère avec une tristesse intense et des ruminations anxieuses, et donc une incapacité à faire face à cet état. Un arrêt brutal du traitement occasionnerait un risque de passage à l'acte suicidaire en raison de la cessation de l'effet inhibiteur du médicament. En cas d'arrêt progressif, il y aurait un risque d'aggravation de l'état dépressif. Plus la symptomatologie était sévère, plus le risque de passage à l'acte était élevé. Un retour en Côte d'Ivoire, même avec un traitement médicamenteux, risquait de raviver le stress post-traumatique, lié au pays, et serait défavorable au plan de la dépression. Il y avait toujours des cauchemars par rapport à la scène de viol, mais plus de reviviscence. Le diagnostic de stress post-traumatique restait d'actualité, même s'il était d'une intensité réduite.

c. Conformément aux déclarations du Dr J______, le virus restait indétectable grâce au traitement contre le VIH. Le Kaletra et le Prezista associé au Norvir appartenaient à la même famille et pouvaient avoir des incompatibilités avec un certain nombre d'antidépresseurs, tous ces médicaments étant métabolisés au niveau du foie, provoquant un risque de surdosage des antidépresseurs, et donc de leurs effets secondaires, notamment les risques de troubles du rythme cardiaque, pouvant provoquer une arythmie, pouvant aller jusqu'à la mort subite dans des cas extrêmes. Il n'y avait pas d'interaction entre le Prezista combiné avec du Norvir et le Trittico. Il en irait probablement de même avec le Kaletra, ce qui nécessiterait toutefois un suivi plus rapproché. Le traitement avait été changé du Kaletra au Prezista et Norvir, car ce deuxième traitement était plus simple à suivre, avec moins de prises par jour et probablement un peu moins d'effets secondaires.

26) Dans ses déterminations du 11 juillet 2016, l'OCPM a persisté dans sa décision et dans son argumentation précédente.

L'intégration sociale et culturelle de l'intéressée n'était pas donnée. Elle n'était pas financièrement autonome. L'état dépressif apparaissait étroitement lié à son statut précaire et à la perspective d'un renvoi. Les traitements et médicaments pour son VIH et ses affections psychiques étaient disponibles en Côte d'Ivoire, l'inverse n'ayant pas pu être établi ni par pièces, ni par témoignages.

27) Dans ses observations du 13 juillet 2016, Mme A______ a maintenu l'intégralité de ses conclusions et l'argumentation développée auparavant ainsi que suggéré d'ordonner la production d'un avis du service de psychopharmacologie clinique des HUG concernant les substances disponibles en Côte d'Ivoire pouvant remplacer le Trittico.

Le traitement de Trittico, indisponible en Côte d'Ivoire, lui était essentiel et son arrêt l'exposerait à un risque de passage à l'acte suicidaire élevé. Il était illusoire de retenir qu'elle aurait accès à un traitement psychiatrique en Côte d'Ivoire, selon le contenu d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés de 2007. Le Truvada, soit l'emtricitabine, et le Prezista, soit le darunavir, n'étaient pas disponibles en Côte d'Ivoire. Le seul traitement en Côte d'Ivoire figurant au recueil des protocoles nationaux des pathologies pour les patients atteints de VIH-2 était la zidovudine, la lamivudine et le lopinavir. Même à admettre qu'un traitement adéquat y soit disponible, rien ne garantissait qu'elle y aurait accès. La Côte d'Ivoire venait tout juste de mettre en place les bases d'un système de sécurité sociale et seule une petite minorité de la population bénéficiait d'une couverture contre le risque maladie. En cas de retour dans son pays, elle ne pourrait compter sur le soutien de sa famille, qui vivait déjà dans une grande précarité. L'exécution de son renvoi était inexigible.

28) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est de ces deux points de vue recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante s'est contentée de conclure à l'annulation du jugement du TAPI du 6 mai 2014 et au déboutement de l'intimé de toutes autres ou contraires conclusions.

a. L'acte de recours contient sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d'irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Une requête en annulation d'une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu'elle ne développe pas d'effets juridiques (ATA/598/2016 du 12 juillet 2016 consid. 2b ; ATA/74/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2b).

c. L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s'en prend à la décision litigieuse (ATA/641/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2c et les références citées).

d. En l'espèce, si la recourante s'est contentée de conclure à l'annulation du jugement attaqué, il ressort de son acte de recours qu'elle remet en cause la décision de l'OCPM et souhaite obtenir une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, subsidiairement, son admission provisoire.

Le recours est par conséquent recevable.

3) L'objet du litige consiste à déterminer si le TAPI était fondé à confirmer la décision de l'OCPM refusant l'octroi à la recourante d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité - et donc la soumission avec un préavis favorable de son dossier au SEM -, prononçant son renvoi de Suisse et ordonnant l'exécution de cette mesure.

4) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité d'une décision prise en matière de police des étrangers lorsqu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA et art. 10 al. 2 de la loi d'application de la LEtr du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

5) La LEtr et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour, et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé, comme en l'espèce, par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et
2 LEtr).

a. Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité. Dans un tel cas, une autorisation de séjour peut être octroyée (art. 31 al. 1 ab initio OASA). Aux termes de l'art. 31 al. 1 OASA, lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/603/2016 du 12 juillet 2016 consid. 4a ; SEM, Directives et commentaire, Domaine des étrangers, 2013, état au 18 juillet 2016, ch. 5.6.4).

b. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 (art. 13 let. f de l'ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE) est toujours d'actualité pour les cas d'extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 ; ATA/603/2016 précité consid. 4b).

c. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/400/2016 du 10 mai 2016 consid. 6c). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_200/2012 du 5 mars 2012 consid. 3.1).

6) a. L'art. 30 al. 1 let. b LEtr n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique que celui-ci se trouve personnellement dans une situation si rigoureuse qu'on ne peut au contraire exiger de lui qu'il tente de se réajuster à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour, ne sauraient être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêts du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1 ; 2A.255/1994 du 9 décembre 1994 consid. 3). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3).

b. Pour admettre l'existence d'un cas d'extrême gravité, il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu'une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences, de telle sorte que l'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment son pays d'origine. Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 2 p. 112 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.429/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3 ; ATA/980/2015 précité consid. 5c).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable ou une maladie grave ne pouvant être soignée qu'en Suisse. L'intégration professionnelle est qualifiée d'exceptionnelle lorsque le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou lorsque son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/980/2015 précité consid. 5c).

Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du TAF C-5414/2013 précité consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3 ; C-1240/2012 du 24 juillet 2014 consid. 5.3 ; C-636/2010 du 14 décembre 2010 consid. 5.3 ; ATA/350/2016 précité).

c. La durée des séjours illégaux en Suisse n'est en principe pas prise en compte dans l'examen d'un cas de rigueur. Sinon, l'obstination à violer la législation en vigueur serait en quelque sorte récompensée (arrêts du Tribunal fédéral 2A.718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3 ; 2A.225/2003 du 21 mai 2003 consid. 3.1 ; ATA/823/2015 du 11 août 2015 consid. 7).

7) a. Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; ATA/936/2915 du 15 septembre 2015 consid. 4e).

b. Lorsque la personne concernée se prévaut de problèmes de santé d'une certaine gravité, les critères prévus par la let. a et par la let. d de l'art. 31 al. 1 OASA doivent faire l'objet d'un examen plus approfondi. Dans cette hypothèse, l'intégration (sociale et professionnelle) de la personne, de même que sa situation financière et sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation doivent en effet être appréciées en fonction de son état de santé, en tenant compte de sa capacité de travail effective (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2712/2012 du 9 juillet 2014 consid. 5.8 ; C-3216/2010 du 29 janvier 2014 consid. 3.6 ; C-5710/2011 consid. 5.1 et la jurisprudence citée).

c. En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2712/2012 précité consid. 5.7 ; C-3216/2010 précité consid. 3.6 ; C-5710/2011 précité consid. 5.1 ; C-3513/2007 du 6 avril 2010 consid. 8.3, C-7450/2006 du 5 mars 2010 consid. 5.5.3 et C-8650/2007 du 5 mars 2010 consid. 8.3.4.3). Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-2712/2012 précité consid. 5.7 ; C-3216/2010 précité consid. 3.6 ; C-5710/2011 précité consid. 5.1)

8) En l'espèce, la recourante est entrée en Suisse le 28 septembre 2007, soit il y a neuf ans. Elle y a séjourné dans un premier temps de manière illégale, puis en vertu de la tolérance des autorités cantonales, dans le cadre de la présente procédure, de sorte que la durée de son séjour ne peut en principe pas être déterminante dans l'examen du cas individuel d'extrême gravité.

Par ailleurs, si ses efforts d'intégration et en vue du maintien de son indépendance financière sont louables, la recourante ne peut toutefois pas se prévaloir d'une intégration socioprofessionnelle exceptionnelle au sens de la jurisprudence susmentionnée. En effet, si elle a suivi des cours de français dès 2008, s'est fait des amis dans le cadre de ces cours ainsi qu'au sein de l'église et a un ami suisse, elle n'a cependant pas de famille en Suisse et les relations nouées ne peuvent être qualifiées d'exceptionnelles pour une personne y habitant depuis neuf ans. En outre, la recourante, qui a exercé comme
aide-ménagère depuis son arrivée en Suisse, ne peut pas se prévaloir de compétences professionnelles spécifiques à la Suisse ou d'une ascension professionnelle remarquable, susceptible de justifier une exception aux règles restreignant le séjour des étrangers en Suisse. Si, grâce à son activité dans l'économie domestique, elle a pendant longtemps réussi à ne pas émarger à l'aide sociale, elle a été contrainte de recourir à l'aide de l'Hospice général depuis 2015, n'évoquant pas à cet égard de diminution de sa capacité de travail en raison de sa séropositivité ou de son syndrome dépressif mais uniquement les difficultés dues à l'absence de régularisation de son statut légal en Suisse.

Finalement, la recourante a vécu durant plus de trente-quatre ans en Côte d'Ivoire, où elle a passé son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte. Il ressort du dossier qu'elle y a vécu tant à Togoniéré, son village natal, qu'à Abidjan, la capitale économique du pays. Elle y a conservé des attaches, plusieurs membres de sa famille se trouvant encore en Côte d'Ivoire. Ainsi, selon ses dernières déclarations, outre deux soeurs habitant à Togonoriéré, ses deux enfants cadets, avec lesquels elle a continué à entretenir des contacts téléphoniques depuis son arrivée en Suisse, vivent à Abidjan, de même qu'un frère et une soeur.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne peut pas se prévaloir de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, de sorte que ses affections médicales - tant son VIH que son syndrome de choc post-traumatique et son état dépressif - doivent être examinées sous l'angle de l'exécutabilité de son renvoi.

Au surplus, l'impossibilité de réintégration invoquée par la recourante en raison de sa séropositivité et de son état psychique, lesquels provoqueraient sa mise à l'écart de la société ivoirienne, ne peut être déterminante dans l'appréciation du cas individuel d'extrême gravité. Il s'agit en effet là de circonstances générales affectant l'ensemble des personnes souffrant de VIH ou d'une affection psychique restées sur place et liées à la situation sociale en Côte d'Ivoire, lesquelles ne peuvent dès lors être prises en considération dans le cadre de l'examen pour cas individuel d'extrême gravité.

Dans ces circonstances, il ne peut être retenu que la recourante se trouve dans une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1
let. b LEtr et le grief sera écarté.

9) Il convient dès lors d'examiner les affections médicales de la recourante sous l'angle de l'exécutabilité de son renvoi.

a. Tout étranger dont l'autorisation est refusée est renvoyé de Suisse (art. 64  al. 1 let. c LEtr). La décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable (art. 64d al. 1 LEtr).

b. Les autorités cantonales peuvent toutefois proposer au SEM d'admettre provisoirement un étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 et 6 LEtr). La portée de cette disposition étant similaire à celle de l'art. 14a de l'ancienne loi sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE), la jurisprudence rendue ou la doctrine éditée en rapport avec cette disposition légale reste d'actualité (ATA/368/2014 du 20 mai 2014 consid. 10a ; ATA/244/2012 du 24 avril 2012 consid. 9b).

10) a. L'exécution de la décision n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers, est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr).

b. L'art. 83 al. 3 LEtr vise notamment l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ou l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture - RS 0.105 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-7712/2008 du 19 avril 2011 consid. 6.1 ; ATA/598/2016 du 12 juillet 2016 consid. 7c ; ATA/981/2015 du 22 septembre 2015 consid. 10c).

c. Selon la jurisprudence, le retour forcé des personnes touchées dans leur santé n'est susceptible de constituer une violation de l'art. 3 CEDH que si l'intéressé se trouve dans un stade de sa maladie avancé et terminal, au point que sa mort apparaît comme une perspective proche. Il s'agit de cas très exceptionnels, en ce sens que la personne concernée doit connaître un état à ce point altéré que l'hypothèse de son rapide décès après le retour confine à la certitude, et qu'elle ne peut espérer un soutien d'ordre familial ou social (ACEDH N. contre
Royaume-Uni du 27 mai 2008, req. no 26565/05 ; Tatar c. Suisse du 14 avril 2015, req. no 65692/12, § 43 et 50 ; ATAF 2011/9 consid.7.1 ; ATAF 2009/2
consid. 9.1.2 ss ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-1958/2015 du 24 avril 2015 ; E-2840/2010 du 3 mai 2010)

11) a. L'exécution de la décision ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée (art. 83 al. 4 LEtr).

Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile et de violence généralisée et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les exposer à un danger concret, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, objectivement, au regard des circonstances d'espèce et selon toute probabilité, conduites irrémédiablement à un dénuement complet, exposées à la famine et ainsi à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; ATAF 2010/41 consid 8.3.6 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral D-5434/2009 du 4 février 2013 consid. 15.1 et
E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b).

b. La Côte d'Ivoire ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée - et indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5668/2014 du 24 août 2016 consid. 8.3.2 ; E-3697/2015 du 2 mai 2016 consid. 7.2 ; D-1892/2015 du 14 juillet 2015 ; D-347/2014 du 6 janvier 2015 consid. 8.2 ; ATA/535/2016 du 21 juin 2016 consid. 10a).

c. S'agissant plus spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées ; ATA/598/2016 précité consid. 7d). L'art. 83 al. 4 LEtr ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1839/2008 du 2 février 2012 consid. 4.4 et la jurisprudence citée ; ATA/579/2012 du 28 août 2012 consid. 9d). Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, cas échéant avec d'autres médications que celles prescrites en Suisse, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/598/2016 précité consid. 7d).

d. L'exécution du renvoi d'une personne infectée par le VIH est en principe raisonnablement exigible tant que la maladie n'a pas atteint le stade C. L'examen de l'exigibilité de l'exécution du renvoi ne dépend toutefois pas seulement du stade de la maladie (stades A à C), mais également de la situation concrète de la personne concernée dans son pays d'origine ou de provenance, en particulier de ses possibilités d'accès aux soins médicaux, de son environnement personnel - réseau familial et social, qualifications professionnelles, situation financière - et de la situation régnant dans ce pays au plan sécuritaire. Selon les circonstances, une infection par le VIH au stade B3, ou même B2, peut rendre l'exécution du renvoi inexigible, alors qu'une atteinte au stade C ne permet pas encore de considérer cette exécution comme absolument inexigible (ATAF 2009/2 consid. 9.3.4 et la jurisprudence citée ; arrêt du Tribunal administratif fédéral
D-1958/2015 du 24 avril 2015).

e. En l'espèce, la recourante souffre d'une infection VIH-2 diagnostiquée en août 2008, après son arrivée en Suisse. Son infection se trouve au stade A2 et elle suit un traitement depuis le mois de février 2013, en raison d'une envie de grossesse et d'un taux de CD4 en-dessous de 500 cellules/mm3. Après avoir bénéficié d'un traitement à base de Truvada (ténofovir/emtricitabine) et de Kaletra (lopinavir/ritonavir) jusqu'en août 2014, elle est à présent sous Truvada, Prezista (darunovir) et Norvir (ritonavir). Conformément aux informations de MedCOI transmises par le SEM, le traitement ayant pour principes actifs du ténofovir et de l'emtricitabine, soit du Truvada ou un équivalent générique, est disponible en Côte d'Ivoire. En ce qui concerne l'inhibiteur de la protéase, à teneur du certificat médical de la Dresse F______ du 31 mars 2015, la recourante peut prendre soit du Prezista avec du Norvir, soit du Kaletra. Or, si les informations de MedCOI indiquent que le ritonavir, principe actif du Norvir, est disponible en Côte d'Ivoire, elles sont silencieuses quant au darunovir, principe actif du Prezista. Toutefois, elles indiquent que le Kaletra ou un équivalent générique, ayant pour principe actif du lopinavir/ritonavir, se trouve sur la liste des médicaments essentiels à la Côte d'Ivoire et doit y être disponible dans les établissements sanitaires de niveaux A, B et C. Ces indications viennent confirmer les informations fournies précédemment par le SEM et recueillies par l'ambassade suisse à Abidjan auprès d'un médecin spécialiste du VIH, conformément auxquelles tous les médicaments pour un traitement de deuxième ligne sont disponibles en Côte d'Ivoire et gratuits.

Par ailleurs, si la recourante n'invoque plus devant la chambre administrative de problèmes de rupture de stocks d'ARV, résolus, selon la ministre de la santé ivoirienne, après des problèmes survenus à la fin de l'année 2013, elle soutient que le CHU de Treichville ne serait pas adéquat pour le suivi du traitement, car il ne remplirait pas les plus élémentaires conditions d'hygiène. Il ressort cependant du dossier qu'il existe en tout état de cause d'autres centres hospitaliers pouvant assurer son suivi, tels que le CIRBA à Abidjan, autorisé à distribuer des médicaments dans le cadre du programme de l'ONUSIDA d'accès aux médicaments.

Ainsi, si les conditions de soins ne sont pas aussi favorables en Côte d'Ivoire qu'en Suisse, cette différence n'est pas décisive quant à son VIH-2, la recourante pouvant obtenir les soins nécessaires à son traitement dans son pays. Au surplus, cette constatation concorde avec la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, qui a récemment retenu qu'un traitement et une infrastructure hospitalière étaient disponibles en Côte d'Ivoire pour le traitement du VIH, y compris du VIH-2 (arrêts du Tribunal administratif fédéral
F-5668/2014 précité consid. 6.2.4.3.2 ; D-1958/2015 du 24 avril 2015).

f. Toutefois, il ressort du dossier que la recourante souffre également, outre du VIH-2, d'un stress post-traumatique et d'un état dépressif majeur récurrent, diagnostiqué en août 2013 et alors d'une intensité sévère, conformément aux déclarations de la Dresse L______ lors de l'audience du 7 juin 2016. Si ce trouble dépressif a, grâce au traitement à base de Trittico et de Temesta, pu être réduit à une intensité modérée suite à deux augmentations de son traitement en avril 2014 et en septembre 2015 et grâce à un suivi psychiatrique régulier, il perdure encore aujourd'hui et, selon le médecin psychiatre, la recourante peut encore actuellement - en dépit de son traitement et alors même qu'elle bénéficie d'entretiens réguliers - avoir des idées de mort passive et des idées suicidaires avec scenarii, un raptus ne pouvant être exclu.

Or, selon les informations transmises par le SEM, le principe actif du Trittico, le trazodone, n'est pas disponible en Côte d'Ivoire. Si ce médicament pourrait en principe être remplacé par des substances disponibles en Côte d'Ivoire, le cas de la recourante est particulier en raison de son VIH-2, qui constitue non seulement un facteur aggravant son état dépressif mais nécessite par ailleurs un traitement comportant du ritonavir (principe actif contenu tant dans le Norvir que dans le Kaletra), lequel est incompatible avec les antidépresseurs indiqués par le SEM comme étant disponibles en Côte d'Ivoire. Or, conformément aux explications de la Dresse L______, l'absence de traitement médicamenteux au niveau psychique impliquerait le retour de la recourante à une symptomatologie dépressive sévère et une incapacité à faire face à son état, augmentant d'autant les risques de passage à l'acte suicidaire.

À cela s'ajoute le fait qu'un retour en Côte d'Ivoire risquerait également de raviver le syndrome de stress post-traumatique de la recourante, directement lié à son pays.

À cet égard, il convient de souligner que la recourante a été entendue par la chambre administrative lors d'une audience, durant laquelle cette dernière a acquis la conviction de la réalité et de l'importance des souffrances de l'intéressée.

En outre, selon les informations du SEM, le personnel soignant au niveau psychiatrique est en Côte d'Ivoire insuffisant par rapport au nombre de malades, le pays comptant quarante psychiatres pour vingt-deux millions d'habitants et ayant connu une forte augmentation de patients dans les centres psychiatriques du pays. Ainsi, dans le contexte tout particulier de la recourante, en plus du problème d'indisponibilité de son traitement médicamenteux, l'accessibilité au suivi psychiatrique nécessaire apparaît également difficile, non seulement sur le plan financier mais également quant à l'accès à un médecin.

Au vu de ce qui précède et compte tenu des circonstances bien particulières du cas d'espèce, telles qu'elles ressortent du dossier et suite à l'audition de la recourante, la chambre administrative a acquis la conviction, dans le cadre d'une appréciation globale de la situation, que l'exécution du renvoi de cette dernière la priverait des soins essentiels nécessaires au traitement de ses affections psychiques, engendrant un risque concret pour sa vie et son intégrité physique.

Le renvoi de la recourante n'est par conséquent pas raisonnablement exigible et il convient de renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour qu'elle propose une admission provisoire au SEM.

12) Dans ces circonstances, le recours de Mme A______ sera partiellement admis et le jugement du TAPI ainsi que la décision de l'OCPM seront annulés. Le dossier sera renvoyé à ce dernier pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

13) Vu l'issue de litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 juin 2014 par Mme A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mai 2014 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 6 mai 2014 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 4 juillet 2013 ;

renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de 1'500.- à Mme A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, représentée par le Groupe Sida Genève, soit pour lui Madame Cornelia Tinguely, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.