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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2016/2016

ATA/641/2016 du 26.07.2016 ( MARPU ) , REJETE

Parties : IMPRIMERIES DE VERSOIX SA / VILLE DE GENEVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT ET D'IMPRESSION
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2016/2016-MARPU ATA/641/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juillet 2016

 

dans la cause

 

IMPRIMERIES DE VERSOIX SA

contre

VILLE DE GENÈVE - CENTRALE MUNICIPALE D'ACHAT ET D'IMPRESSION
représentée par Me Michel D'Alessandri, avocat

 



EN FAIT

1. Imprimeries de Versoix SA (ci-après : la société) est une société anonyme sise à Versoix, inscrite au registre du commerce (ci-après : RC) genevois depuis le 19 décembre 1983, et dont le but statutaire est : travaux d'imprimerie, de reliure et d'édition.

2. Le 12 avril 2016, la Ville de Genève (ci-après : la ville) a fait paraître dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) un appel d'offres en procédure ouverte concernant un marché public (« PrestImp_A1 ») relatif à des prestations d'impression. Le marché portait sur plusieurs lots ; son montant estimé n'était pas indiqué, mais il était soumis aux accords GATT/OMC. Pour les critères d'aptitude, il était renvoyé aux documents de l'appel d'offres.

Le délai de clôture pour le dépôt des offres était fixé au 23 mai 2016 à 16h00.

3. Dans le dossier d'appel d'offres, le point X du cahier de soumission récapitulait les documents requis pour la participation au marché. Les preuves d'aptitude figuraient aux ch. 7 à 9. Le ch. 7 concernait un extrait du RC. Le ch. 8 demandait la production d'une attestation de non-poursuite ou un extrait du registre des poursuites ; si l'entreprise était sujette à des poursuites en suspens, l'extrait devait être commenté par le soumissionnaire qui devait en indiquer les raisons. Sous ch. 9, il était demandé aux soumissionnaires de produire le chiffre d'affaires annuel des trois dernières années ; trois références dans l'exécution de travaux similaires ; et l'organigramme de l'entreprise indiquant notamment les domaines d'activité, les différents secteurs et les personnes responsables.

4. Le 9 mai 2016, la société s'est adressée par écrit à l'office des poursuites (ci-après : OP) de Genève, en lui demandant une attestation de non-poursuite, et en joignant les documents nécessaires.

5. Le 23 mai 2016, la société a remis à la ville une offre concernant le marché « PrestImp_A1 », tout comme cinq autres entreprises.

Son offre ne contenait qu'une seule référence.

Par ailleurs, elle ne contenait pas d'attestation de non-poursuite. Était produite en lieu et place la lettre du 9 mai 2016 à l'OP, avec la mention : « Attestation pas encore reçue. Suivra dès réception ».

6. Par décision du 10 juin 2016, la ville a exclu la société du marché public. Son offre ne contenait qu'une seule référence au lieu des trois demandées, et il y manquait l'attestation de non-poursuite. Sur la base de l'art. 42 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 (RMP - L 6 05.01), la société devait être écartée d'office du marché. Son offre n'avait dès lors pas été évaluée.

7. Par acte posté le 16 juin 2016, la société a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, sans prendre de conclusions.

L'attestation de non-poursuite avait été demandée le 9 mai, mais n'était parvenue à la société que le 13 juin 2016. La société ne pouvait pas être tenue pour responsable des retards de l'OP ; elle avait du reste informé de celui-ci le pouvoir adjudicateur.

Il n'était pas correct de prononcer une exclusion en raison d'un manque de références ; en l'occurrence, la société n'avait qu'une seule référence à proposer, mais elle était bonne.

8. Le 23 juin 2016, la ville a communiqué son dossier.

9. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 15 al. 1bis let. d et al. 2 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2. a. Aux termes de l’art. 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1) ; l’acte de recours contient également l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/533/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b ; ATA/29/2016 du 12 janvier 2016 consid. 2b ; ATA/171/2014 du 18 mars 2014 consid. 2b et les références citées).

c. L’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/533/2016 précité consid. 2c ; ATA/29/2016 précité consid. 2c ; ATA/171/2014 précité consid. 2c et les références citées).

3. En l’espèce, la recourante n'a formulé aucune conclusion dans son acte de recours. S'agissant toutefois d'une décision d'exclusion du marché, on peut comprendre de sa démarche qu'elle conteste ladite exclusion et conclut à ce que son offre soit réintégrée et évaluée. Il convient dès lors d'entrer en matière sur le recours.

4. L’AIMP a pour objectif l’ouverture des marchés publics, notamment des communes (art. 1 al. 1 AIMP). Il vise à harmoniser les règles de passation des marchés ainsi qu’à transposer les obligations découlant de l’accord GATT/OMC ainsi que de l’accord entre la communauté européenne et la Confédération suisse (art. 1 al. 2 AIMP). Il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l’égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l’impartialité de l’adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l’utilisation parcimonieuse des données publiques (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b).

5. Aux termes de l'art. 32 al. 1 RMP, ne sont prises en considération que les offres accompagnées, pour le soumissionnaire et ses sous-traitants, des documents suivants :

« a) attestations justifiant que la couverture du personnel en matière d'assurances sociales est assurée conformément à la législation en vigueur au siège du soumissionnaire et que ce dernier est à jour avec le paiement de ses cotisations ; b) attestation certifiant pour le personnel appelé à travailler sur territoire genevois : 1° soit que le soumissionnaire est lié par la convention collective de travail de sa branche, applicable à Genève, 2° soit qu'il a signé, auprès de l'office cantonal, un engagement à respecter les usages de sa profession en vigueur à Genève, notamment en ce qui concerne la couverture du personnel en matière de retraite, de perte de gain en cas de maladie, d'assurance-accident et d'allocations familiales ; c) attestation de l'autorité fiscale compétente justifiant que le soumissionnaire s'est acquitté de ses obligations en matière d'impôt à la source retenu sur les salaires de son personnel ou qu'il n'a pas de personnel soumis à cet impôt ; d) déclaration du soumissionnaire s'engageant à respecter le principe de l'égalité entre femmes et hommes ».

L'al. 3 de cette disposition légale précise que, pour être valables, les attestations visées à l'al. 1 ne doivent pas être antérieures de plus de trois mois à la date fixée pour leur production, sauf dans les cas où elles ont, par leur contenu, une durée de validité supérieure.

À teneur de l’al. 5, si le soumissionnaire n'emploie pas de personnel, il doit prouver son statut d'indépendant ; dans ce cas, il est délivré de l'obligation de fournir les attestations concernant le personnel.

En vertu de l'art. 42 RMP, l'offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non-conforme aux exigences ou au cahier des charges (al. 1 let. a) ; les offres écartées ne sont pas évaluées ; l'autorité adjudicatrice rend une décision d'exclusion motivée, notifiée par courrier à l'intéressé, avec mention des voies de recours (al. 3).

6. Le droit des marchés publics est formaliste, comme la chambre de céans l’a déjà rappelé à plusieurs reprises et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation (ATA/420/2016 du 24 mai 2016 consid. 5c ; ATA/1216/2015 du 10 novembre 2015 consid. 5b ; ATA/129/2014 du 4 mars 2014 consid. 3 ; ATA/535/2011 du 30 août 2011 consid. 5).

L’interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), interdit d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs de calcul et d’écriture peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP). Le principe d’intangibilité des offres remises et le respect du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires impliquent de ne procéder à ce type de questionnement que de manière restrictive, et seulement lorsque l’offre est, au demeurant, conforme aux conditions de l’appel d’offres (Jean-Baptiste ZUFFEREY/Corinne MAILLARD/ Nicolas MICHEL, in Droit des marchés publics, 2002, p. 110 ; Olivier RODONDI, La gestion de la procédure de soumission [ci-après : La gestion de la procédure de soumission], in Droit des marchés publics 2008, p. 186 n. 63).

Les principes précités valent également pour la phase d’examen de la recevabilité des soumissions (Olivier RODONDI, op. cit., p. 186 n. 65). Lors de celle-ci, l’autorité adjudicatrice doit examiner si les offres présentées remplissent les conditions formelles pour participer à la procédure d’évaluation proprement dite et il est exclu d’autoriser un soumissionnaire à modifier la présentation de son offre, à y apporter des compléments ou à transmettre de nouveaux documents. En outre, en matière d’attestation, l’autorité adjudicatrice peut attendre d’un soumissionnaire qu’il présente les documents requis, rédigés d’une manière qui permette de déterminer, sans recherche complémentaire, interprétation ou extrapolation, si celui-ci remplit les conditions d’aptitude ou d’offre conformes à ce qui est exigé dans le cahier des charges (ATA/1216/2015 précité consid. 5c ; ATA/291/2014 du 29 avril 2014 consid. 5, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_418/2014 du 20 août 2014 ; ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2010 et 2C_198/2010 du 30 avril 2010). Dans l’hypothèse où des documents sont manquants à réception de l’offre, il convient d’en considérer l’importance eu égard au dossier dans son ensemble (ATA/1216/2015 précité consid. 5c ; ATA/79/2008 du 19 février 2008 consid. 4 ; ATA/250/2006 du 9 mai 2006 consid. 4 ; Denis ESSEIVA, DC 2/2002 p. 77-78).

La chambre de céans s'est toujours montrée stricte dans ce domaine (ATA/420/2016 précité consid. 5c ; ATA/291/2014 précité consid. 5 ; ATA/535/2011 précité consid. 6 ; ATA/150/2006 du 14 mars 2006, notamment), ce que le Tribunal fédéral a constaté mais confirmé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_418/2014, 2C_197/2010 et 2C_198/2010 précités), la doctrine étant plus critique à cet égard (Olivier RODONDI, op. cit., p. 186 n. 64, et p. 187 n. 66).

7. En l’espèce, la recourante n'a pas produit l'attestation de non-poursuite, qui constituait un critère d'aptitude selon les documents d'appel d'offres. Elle se prévaut de ce que le retard de l'OP à lui envoyer son attestation, commandée par courrier, ne peut lui être imputé.

Un tel raisonnement ne saurait être suivi. En effet, quand bien même le délai indicatif de dix jours donné par l'OP pour la réception d'une attestation par courrier, en voyant que le jour d'échéance du délai de remise des offres approchait, la société aurait dû chercher à obtenir l'attestation par un autre moyen. À cet égard, il lui aurait été possible de se rendre aux guichets – même s'il est notoire que l'attente y est généralement longue – pour obtenir l'attestation en cause. C'est donc bien de manière fautive que la recourante n'a pas produit ladite attestation.

8. La décision d'exclusion attaquée étant ainsi conforme au droit de ce seul fait, point n'est besoin d'examiner le grief de la recourante relatif au nombre de références.

Compte tenu de ce qui précède, le recours, manifestement mal fondé, sera rejeté sans autre acte d'instruction, conformément à l'art. 72 LPA.

9. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée, la collectivité intimée disposant de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 juin 2016 par Imprimeries de Versoix SA contre la décision de la Ville de Genève – centrale municipale d'achat et d'impression, du 10 juin 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge d'Imprimeries de Versoix SA un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

s’il soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Imprimeries de Versoix SA, à Me Michel d'Alessandri, avocat de la Ville de Genève, ainsi qu’à la commission fédérale de la concurrence (COMCO).

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :