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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1533/2008

ATA/8/2009 du 13.01.2009 ( DCTI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1533/2008-DCTI ATA/8/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 janvier 2009

 

dans la cause

 

Monsieur W______

contre

 

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION


EN FAIT

1. Monsieur W______ est exploitant agricole de la parcelle ______ (anciennement cadastrée sous ______), feuille ______, commune de Jussy, à l'adresse 156, route D______. Ce bien-fonds de 12’182 m2, appartenant à Monsieur W______, est situé en zone agricole au sens des articles 16 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 20 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

2. Le 26 janvier 2007, un inspecteur de la police des constructions du département des constructions et des technologies de l'information (ci-après : DCTI) a constaté qu'une maisonnette (ci-après : maisonnette 1) ainsi que deux serres-tunnels servant à l'abri de véhicules avaient été installées sur ladite parcelle, sans qu'aucune autorisation de construire n'ait été préalablement délivrée.

Il a également été observé qu'une autre maisonnette (ci-après : maisonnette 2), ayant fait l'objet d'un précédent ordre de démolition du DCTI daté du 23 juillet 2004, confirmé par arrêt du Tribunal administratif (ATA/9/2005 du 11 janvier 2005), était toujours en place.

3. Le 1er mars 2007, le DCTI a invité M. W______ à se déterminer sur les faits précités. Ce courrier est demeuré sans réponse.

4. Par décision expédiée sous pli recommandé le 3 avril 2008, le DCTI, a ordonné à M. W______ d'évacuer les constructions illégales.

Un nouveau contrôle sur place avait été effectué par un inspecteur de la police des constructions le 27 février 2008, au cours duquel celui-ci avait constaté que la maisonnette 2 se trouvait toujours sur sa parcelle. Un ultime délai de 60 jours était accordé à M. W______ pour exécuter l'ordre de démolition.

La maisonnette 1 et les serres-tunnels érigées également sans autorisation violaient les dispositions de la loi sur les installations et les constructions diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Un délai de 90 jours pour démolir et évacuer ces constructions était imparti à M. W______. Le DCTI lui a infligé également une amende de CHF 5'000.- tenant compte de son attitude à ne pas donner suite à un jugement régulièrement rendu et des violations répétées de la loi.

5. Par pli expédié le 29 avril 2008, M. W______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée.

Les maisonnettes litigieuses étaient en réalité des châssis de chars, d'une largeur de 2,5 mètres, qui n'avaient pas été construites mais déposées sur le terrain. Aisément déplaçables, elles devaient être montées, durant l'été, au bord du lac, en vue de leur exposition au concours des bars-glaciers. Cependant, sa participation à ce dernier n'ayant jamais été confirmée, les prototypes étaient restés sur son bien-fonds.

Quant aux serres, elles avaient été aménagées provisoirement sur sa parcelle, afin de protéger ses machines des intempéries, car il ne disposait pas de place suffisante dans le hangar actuel. Pour remédier à cette situation, il avait sollicité du DCTI une autorisation de construire un nouvel hangar (DD 97712/1), aux fins d'y entreposer ses engins, sans préciser la date à laquelle il avait déposé cette demande.

6. Le 30 avril 2008, le juge délégué a prié M. W______ de préciser les motifs pour lesquels il contestait la décision du DCTI ainsi que les prétentions exactes qu'il entendait faire valoir, sous peine d'irrecevabilité.

7. M. W______ s'est déterminé le 5 mai 2008. Concernant le démantèlement des serres, il sollicitait l'octroi d'un délai jusqu'à l'issue de la procédure en autorisation de construire.

Dès qu'il aurait obtenu l'accord du DCTI pour l'édification d'un nouveau bâtiment, "il déplacerait le mobile home à l'intérieur".

8. Le 30 mai 2008, le DCTI a conclu au rejet du recours.

S'agissant de l'amende, le recours était irrecevable, M. W______ n'ayant pas pris de conclusions formelles à ce sujet. Il en allait de même pour la maisonnette 2, ayant déjà fait l'objet d'une précédente procédure devant le Tribunal administratif, qu'il n'était plus possible de remettre en cause.

Pour le surplus, les constructions litigieuses, indépendamment de leur caractère prétendument mobile, étaient soumises aux dispositions de la LCI, en vertu desquelles une autorisation de construire devait être préalablement requise. Une requête en autorisation de construire avait bien été enregistrée par le DCTI le 28 février 2002, toutefois l'objet de cette dernière ne visait pas la régularisation de l'infraction en cause, à savoir la construction d'une maisonnette récupérée d'un char et l'implantation de serres-tunnels, mais l'édification d'un hangar. Or, M. W______ n'avait depuis lors pas donné suite aux demandes de compléments formulées par le DCTI depuis le 25 janvier 2003.

9. Le 16 juin 2008, M. W______ a persisté dans sa demande de suspension de l'ordre de démolition du DCTI du 3 avril 2008. La construction d'un hangar, dont l'"enquête" était en cours, s'avérait nécessaire afin d'y entreposer le mobile home qui lui servait de bureau d'entreprise et de réfectoire. Faute de place dans son hangar actuel, il ne pouvait abandonner aux intempéries ses engins de dimension encombrante, servant à l'exploitation agricole et à son entreprise de battage.

10. Le 11 juillet 2008, le DCTI s'est opposé à l'octroi d'un délai supplémentaire. M. W______ avait érigé illégalement une première maisonnette sans autorisation, faisant l'objet d'un ordre de démolition en force, auquel il ne s'était pas conformé et il avait de surcroît aménagé un hangar agricole en salle de réception avec podium, également sans autorisation. Quant à sa requête en autorisation de construire un nouveau hangar déposée le 28 février 2002, le recourant n'avait jamais répondu aux demandes de complément sollicitées par le DCTI, malgré plusieurs rappels. M. W______ pratiquait sciemment une politique du fait accompli qui ne pouvait plus être tolérée.

11. Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 26 novembre 2008.

a. Pour pallier le manque de place pour l'entreposage de son matériel agricole, M. W______ demandait une prolongation de la situation actuelle.

b. De son côté, le département a persisté dans sa position. Il n'était pas en mesure de statuer sur la requête en autorisation de M. W______, celui-ci n'ayant jamais apporté les compléments nécessaires demandés par le département.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Eu égard aux divers éléments contenus dans la décision du département du 3 avril 2008, il convient d'emblée de préciser contre lesquels le recours est recevable dans le cadre du présent litige.

3. a. Seules les décisions finales, les décisions par lesquelles l'autorité admet ou décline sa compétence, les décisions incidentes qui, si elles étaient exécutées, causeraient un préjudice irréparable à l'une des parties peuvent faire l'objet d'un recours (art. 57 LPA).

b. Aux termes de l'article 59 lettre b LPA, le recours n'est pas recevable contre les mesures d'exécution des décisions.

c. L’interdiction d’attaquer les mesures d’exécution vise à soustraire au contrôle juridictionnel les actes qui, sans les modifier ni contenir d’éléments nouveaux, ne servent qu’à assurer la mise en œuvre de décisions exécutoires au sens de l’article 53 alinéa 1 lettre a LPA. Le contrôle incident de ces dernières s’avère par conséquent exclu (ATA/841/2004 du 26 octobre 2004 ; ATA/240/2004 du 16 mars 2004). La notion de « mesures » à laquelle se réfère le texte légal s’interprète largement et ne comprend pas seulement les actes matériels destinés à assurer l’application de décisions, mais également toutes les décisions mettant ces dernières en œuvre (B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 265). Tel est en particulier le cas lorsque l’acte attaqué se fonde sur une décision qui est régulièrement entrée en force, sans contenir lui-même d’éléments nouveaux susceptibles de modifier la situation juridique de son destinataire (ATF 119 Ib 498 et les autres références citées ; Arrêts du Tribunal fédéral 1A.125/2002 et 1P.339/2002 du 23 septembre 2002, consid. 1 ; ATA/761/2005 du 8 novembre 2005).

4. Le présent recours est dirigé contre la décision du département du 3 avril 2008.

Le 23 juillet 2004, le DCTI a prononcé un ordre de démolition contre la maisonnette 2 édifiée sans autorisation. Saisi d'un recours, le tribunal de céans a rejeté ce dernier, car une telle construction n'était pas autorisable en zone agricole et a jugé que l'ordre de mise en conformité était bien fondé. Or cet arrêt n'ayant fait l'objet d'aucun recours, l'ordre de démolition de la maisonnette 2 est devenue définitif et exécutoire.

La décision du 3 avril 2008, en tant qu'elle accorde un ultime délai de 60 jours à l'intéressé pour procéder à la démolition de la construction de la maisonnette 2, met en œuvre la décision judiciaire du 11 janvier 2005 en force. Il s'agit donc d'une mesure d'exécution qui ne peut plus aujourd'hui faire l'objet d'un recours (art. 59 let. b LPA).

Partant, le recours, relativement à cet objet, sera déclaré irrecevable.

En revanche, le tribunal de céans doit se prononcer sur la recevabilité d'un recours contre les éléments nouveaux contenus dans la décision précitée du département. Ceux-ci concernent l'amende administrative de CHF 5'000.- ainsi que le délai de 90 jours imparti à M. W______ pour procéder à la suppression des constructions litigieuses nouvellement constatées par contrôle sur place le 26 janvier 2007, à savoir la maisonnette 2 et les serres-tunnels. En conséquence, l'objet du recours sera circonscrit à celles-ci.

5. a. Selon l’article 65 alinéa 1 LPA, l’acte de recours contient sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. L'acte de recours contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d'irrecevabilité (ATA/644/2003 du 26 août 2003).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient en particulier de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est d’ailleurs pas, en soi, un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/242/2007 du 15 mai 2007 et les références citées). Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (P. MOOR, Droit administratif, Vol. II, Berne 2002, 2ème éd., p. 674 n. 5.7.1.4).

En l'espèce, le tribunal de céans ainsi que le département ont la possibilité de comprendre les intentions du recourant, qui agit en personne. Par conséquent, l'acte de recours satisfait les exigences de 65 LPA.

6. Le recourant allègue qu'une requête en autorisation de construire un hangar serait pendante. Aussi, dans l'attente que le département se prononce à ce sujet, il demande un délai pour procéder à l'évacuation des constructions litigieuses. Cela revient à examiner si le département a respecté le principe de proportionnalité.

7. Aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente (art. 22 LAT). Ce principe est rappelé par la législation genevoise à l'article 1 LCI. A cet égard, l'article 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et installations diverses du 27 février 1978 (RCI - L 5 05.01) précise que sont réputées constructions ou installations toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires. Par ailleurs, selon l'article 1A lit. b RCI, les serres sont des constructions ou des installations d'importance secondaire qui, partant, bénéficient d'une procédure d'autorisation facilitée (ATA/543/2005 du 16 août 2005).

Il s'ensuit que l'édification d'une installation, d'importance secondaire, telle qu'une serre, même si elle est posée à même le sol sans fondation, est soumise à autorisation. A cet égard, le tribunal de céans a déjà jugé à plusieurs reprises qu'une serre-tunnel affectée à un autre usage qu'à la culture du sol était non conforme et non autorisable en zone agricole au regard de la loi (ATA/543/2005 du 16 août 2005 ; ATA/575/2003 du 23 juillet 2003 ; ATA/807/2002 du 17 décembre 2002). Si un tunnel en plastique est soumis à autorisation, il en va à plus forte raison d'une maisonnette, dont l'infrastructure est plus lourde. Les constructions édifiées par le recourant sont donc soumises à autorisation. Or, il ressort des éléments présents au dossier que la requête introduite par le recourant en 2002 concerne, non pas les constructions nouvellement repérées lors du contrôle de 2007, mais l'édification d'un nouvel hangar agricole, ce qu'il admet.

8. Une construction érigée sans autorisation peut toutefois être autorisable, pour autant que son affectation soit conforme à la zone dans laquelle elle est située.

9. a. Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole ou à l'horticulture productrice (art. 16a al. 1 LAT). Des constructions ou installations liées à la production hors sol peuvent être admises en zone agricole, pour autant qu'elles servent au développement interne de l'exploitation (16a al. 2 LAT). Ces dispositions ont été précisées et complétées dans l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1). En principe, seules les constructions dont la destination correspond à la vocation agricole du sol peuvent y être autorisées, le sol devant être le facteur de production primaire et indispensable (ATF 125 II 278 consid. 3a p. 281 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2008 du 25 juin 2008 consid. 2.1 et les références citées ; ATA/588/2008 du 18 novembre 2008).

b. Une autorisation de construire est délivrée si la construction peut bénéficier d'une dérogation (art. 22 al. 2 let. a LAT).

c. Les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont énoncées par le droit fédéral aux articles 24 à 24d LAT, complétés en droit cantonal par les articles 26 à 27D LaLAT.

d. Dans la mesure où les exceptions spéciales ne trouvent pas application, c'est l'article 24 LAT qui est déterminant. Il prévoit que des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation, si leur implantation hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination (let. a) et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose (let. b). Ces conditions sont cumulatives (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.26/2003 du 22 avril 2003, consid. 5).

e. Une construction est imposée par sa destination, lorsque des raisons objectives techniques, économiques ou découlant de la configuration du sol, justifient la réalisation de l'ouvrage projeté à l'emplacement prévu. Il n'y a pas lieu de prendre en compte les représentations subjectives ou les considérations de convenance personnelle du constructeur (ATA/507/2007 du 9 octobre 2007 et les références citées).

f. La jurisprudence tolère toutefois l'édification, par un agriculteur, de serres-tunnels sans autorisation préalable, pour autant que cette installation soit conforme à la zone agricole. Le Tribunal administratif a jugé à cet égard que l'utilisation d'une serre-tunnel en zone agricole par un agriculteur aux fins d'entreposer ses engins agricoles était certes en corrélation étroite avec l'exploitation agricole. Cependant, la serre n'était pas utilisée dans le sens exigé par la jurisprudence, à savoir la culture du sol (ATA/543/2005 déjà cité et ses références).

En l'espèce, le recourant utilise les serres-tunnels aux fins d'entreposer ses engins. Elles sont certes en rapport étroit avec l'exploitation agricole, mais ne sont pas utilisées dans le sens exigé par la jurisprudence, à savoir pour la culture du sol. Partant, le recourant n'était pas légitimé à construire les serres litigieuses. Ces éléments doivent donc effectivement être qualifiés d'illicites, même au regard des dispositions sur l'aménagement du territoire (art. 22 LAT et 20 LaLAT). Par conséquent, l'ordre d'évacuation relativement à ces objets sera confirmé.

Quant à la maisonnette 1, servant de bureau ou de réfectoire, ne remplit pas davantage les critères définis à l'article 24 LAT. En effet, l'usage qu'en fait le recourant n'est pas imposé par sa destination. L'argument selon lequel elle n'est pas construite, mais déposée sur la parcelle et, de ce fait, aisément déplaçable, n'est pas pertinent, dès lors que le caractère mobile ne permet pas de faire échec à l'application de la LCI.

Au vu de ce qui précède, les installations litigieuses faisant l'objet de la décision du 3 avril 2008 du département ne sont pas conformes aux dispositions légales. C'est donc à juste titre que le DCTI en a ordonné l'évacuation et la démolition (art. 129 let. b et 130 LCI).

10. Le département peut ordonner l’évacuation (art. 129 let. b LCI), la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e LCI) à l’égard des constructions, des installations ou d’autres choses qui ne sont pas conformes aux prescriptions de la LCI, de ses règlements ou des autorisations délivrées en application des dispositions légales ou réglementaires (art. 130 LCI).

Cependant, pour être valable, un ordre de mise en conformité doit, en application des principes de la proportionnalité et de la bonne foi, respecter les conditions suivantes (ATF 111 Ib 221 consid. 6 et jurisprudence citée ; ATA/434/2008 du 27 août 2008 et les références citées) :

L’ordre doit être dirigé contre le perturbateur (ATF 107 Ia 23) ;

Les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisables en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation (ATF 104 Ib 304 ; ATA/429/2008 déjà cité et les références) ;

Un délai de plus de trente ans ne doit pas s’être écoulé depuis l’exécution des travaux litigieux (ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299) ;

L’autorité ne doit pas avoir créé chez l’administré concerné - par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement - des expectatives, dans des conditions telles qu’elle serait liée par le principe de la bonne foi (ATF 117 Ia 287 consid. 2b et jurisprudence citée ; ATA L. du 23 février 1993 confirmé par ATF non publié du 21 décembre 1993 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, n° 509, p. 108) ;

L’intérêt public au rétablissement d’une situation conforme au droit doit l’emporter sur l’intérêt privé de l’intéressé au maintien des installations litigieuses.

Toutes ces conditions sont en l'espèce réunies.

11. Il faut enfin que l'ordre de mise en conformité ne porte pas atteinte de manière disproportionnée au droit de propriété du recourant.

L'action étatique est gouvernée par le respect du principe de proportionnalité qui implique que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé et porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés, compte tenu du résultat escompté du point du vue de l'intérêt public (ATF 123 I 112 consid. 4e p. 121 et les arrêts cités).

Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction ou un ouvrage édifié sans permis et pour lequel une autorisation ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce qu'elle se préoccupe davantage de rétablir une situation conforme au droit que des inconvénients qui en découlent pour le constructeur (ATF 108 Ia 216 consid. 4b. p. 218). L'autorité doit renoncer à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a de chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit qui aurait changé dans l'intervalle (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_117/2008 du 12 août 2008 et les références citées).

L'ordre de remise en l'état est nécessaire pour assurer le respect du droit. Il est adéquat en ce sens qu'aucune autre mesure moins incisive ne permettrait d'atteindre le but recherché. Le recourant a du reste lui-même indiqué qu'en ce qui concerne les serres-tunnels, il s'agit d'un dépôt provisoire destiné à protéger ses machines. Face à cette situation, l'ordre d'évacuation assorti d'un délai de trois mois pour ce faire tenait compte de son intérêt privé à mettre à l'abri ses engins, tout en sauvegardant l'intérêt public au respect de la législation en matière d'aménagement du territoire.

L'ordre d'évacuation étant fondé, la maisonnette 1 et les serres-tunnels doivent, en conséquence, être éliminées.

12. Reste à examiner la quotité de l'amende.

13. Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 60'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la LCI et aux ordres donnés par le département (art. 137 al. 1 LCI). Le montant maximum de cette dernière est de CHF 20'000.- lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (alinéa 2).

Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, pp. 139-141 ; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 6ème édition, Zurich 2004, p. 37). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/360/2006 du 27 juin 2006 ; ATA/813/2001 précité). En vertu de l'article 1er de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a en effet lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648 ; ATA G. du 20 septembre 1994).

Dans ce contexte, le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant. La juridiction de céans ne la censure qu’en cas d’excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (ATA/1274/2004 du 19 juillet 2005 ; Mémorial des séances du Grand Conseil, 1985, III p. 4275).

Dans le cas d'espèce, le DCTI a infligé au recourant une amende de CHF 5'000.-. Celle-ci sanctionne d'une part son attitude à ne pas se conformer à un jugement rendu concernant la maisonnette 2, et d'autre part les violations répétées de la loi, en continuant à réaliser des constructions sans autorisation.

Or, en présence de travaux réalisés sans droit, le tribunal de céans a plusieurs fois confirmé des amendes prononcées par le DCTI conformément à sa pratique, égales ou supérieures à CHF 5'000.- (ATA/814/2005 du 29 novembre 2005 ; ATA/551/2005 du 16 août 2005 ; ATA/791/2004 du 19 octobre 2004 ; ATA/649/2004 du 24 août 2004 ; ATA/141/2004 du 10 février 2004). Compte tenu du fait que les installations litigieuses ne sont pas autorisables au regard des dispositions en vigueur, le recourant s'exposait au prononcé d'une amende pouvant atteindre CHF 20'000.-.

A ces considérations s'ajoute l'attitude de l'intéressé, préférant outrepasser un ordre de démolition confirmé par arrêt du tribunal de céans contre lequel il n'a pas recouru et qui est donc devenu définitif. Ce nonobstant, il a pris le risque de contrevenir à la loi tout en plaçant l'autorité devant le fait accompli. En persévérant dans son comportement illégal, le recourant a fait montre d'un mépris grave à l'égard d'une décision émanant d'une instance judiciaire. A cet égard, la bonne foi du recourant ne peut être retenue. Il ne saurait dès lors, de bonne foi, se croire autorisé à ériger des constructions pour lesquelles aucune autorisation n'a été demandée, du simple fait qu'une requête tendant à l'octroi d'une autorisation concernant un autre objet serait pendante.

Vu les circonstances, l'amende administrative de CHF 5'000.- est conforme à la pratique de l'autorité intimée et de la jurisprudence rendue à ce jour dans des cas similaires. Elle sera en conséquence confirmée.

14. Mal fondé, le recours doit être rejeté. Son auteur, qui succombe, sera condamné, en application de l'article 87 alinéa premier LPA, à un émolument d'un montant de CHF 1'000.-.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette en tant qu'il est recevable le recours interjeté le 29 avril 2008 par Monsieur W______ contre la décision du département des constructions et des technologies de l'information du 3 avril 2008 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge du recourant ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur W______ ainsi qu'au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod et M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :