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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2321/2003

ATA/551/2005 du 16.08.2005 ( TPE ) , REJETE

Recours TF déposé le 20.09.2005, rendu le 25.10.2005, REJETE, 1A.251/2005
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2321/2003-TPE ATA/551/2005

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 16 août 2005

dans la cause

 

Monsieur S__________
représenté par Me Roger Mock, avocat

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT


 


1. Monsieur S__________ est propriétaire de la parcelle n°_____, feuille_____, de la commune d’Anières. Cette parcelle est située en zone agricole, à l’adresse __________

2. Le 15 septembre 2003, un inspecteur de la police des constructions du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (ci-après : le département ou le DAEL) a constaté que M. S__________ avait procédé à des travaux d’aménagement d’une aire de stationnement sur ladite parcelle, sans être au bénéfice d’une autorisation de construire.

3. Par décision du 19 septembre 2003, déclarée exécutoire nonobstant recours, le département a ordonné la cessation immédiate des travaux. Il précisait toutefois être disposé à examiner une requête définitive en autorisation de construire portant sur l’ensemble des travaux envisagés.

4. Suite à un nouveau constat effectué le 7 octobre 2003, au cours duquel il a été observé que les travaux se poursuivaient, le département a notifié à M. S__________ un nouvel ordre d’arrêt de chantier en date du 9 octobre 2003.

5. Lors d’un troisième contrôle daté du 21 octobre 2003, il a été constaté que les travaux n’avaient pas cessé.

6. Par décision du 4 novembre 2003, le DAEL a prononcé à l’encontre de M. S__________ une amende administrative de CHF 10'000.- pour avoir procédé à des travaux d’aménagement d’une aire de stationnement sans autorisation et pour ne pas avoir respecté les ordres d’arrêt de chantier.

7. Le 2 décembre 2003, M. S__________ a interjeté recours contre cette décision par devant le Tribunal administratif et conclut à son annulation (procédure : A/2321/2003/TPE).

Il exploitait une station service à l’adresse__________. La parcelle litigieuse se trouvait juste en face. Elle servait à l’entreposage de véhicules depuis plus de vingt ans sans aucune plainte de la commune, de l’Etat ou des voisins. Il pensait être au bénéfice de droits acquis lorsqu’il a décidé d’améliorer par quelques travaux d’embellissement la parcelle en question.

Il avait acquis ce terrain en août 2003. A cette époque, il était déjà à moitié goudronné.

Lors de l’intervention de la police des constructions, le 15 septembre 2003, alors que les travaux étaient quasiment terminés, il avait indiqué qu’il déposerait une demande d’autorisation de construire un garage avec places de lavage et un parking.

La région où se situait la parcelle litigieuse allait progressivement perdre son caractère agricole pour acquérir un caractère artisanal.

Enfin, une autorisation de construire une cave à vin avec un magasin de vente au détail avait été délivrée au propriétaire de la parcelle voisine.

8. En date du 16 janvier 2004, le DAEL s’est opposé au recours.

Le 15 septembre 2003, il avait constaté que des travaux d’aménagement étaient en cours de réalisation. La décision d’arrêt de chantier, prononcée sur place par l’inspecteur de la police des constructions, avait été notifiée par lettre du 19 septembre 2003.

En procédant au remblayage et au goudronnage de sa parcelle ainsi qu’à l’élévation d’un muret et à la pause d’une clôture sur le pourtour de sa parcelle, sans être au bénéfice d’une autorisation et en ne se conformant pas de manière systématique aux ordres de suspendre les travaux, M. S__________ avait contrevenu gravement à la loi. Le département n’avait jamais admis la licéité des travaux entrepris très récemment. Des spéculations sur de futurs changements de zones hypothétiques de la région ne pouvaient justifier la réalisation de travaux sans autorisation. Une amende d’un montant de CHF 10'000.- était dès lors fondée.

9. Faisant suite à la dénonciation du DAEL, le Procureur général a condamné M. S__________, par ordonnance de condamnation du 4 février 2004, à une peine de 10 jours d’arrêt, avec sursis pendant 1 an, pour insoumission à une décision d’autorité.

10. Sur opposition formulée par l’intéressé à l’encontre de l’ordonnance de condamnation sus-mentionnée, le Tribunal de police a suspendu la cause jusqu'à droit jugé dans les trois procédures administratives pendantes, en date du 16 septembre 2004.

11. Par ailleurs, le 12 novembre 2003, M. S__________ a déposé une demande d’autorisation de construire, dossier DD_____, portant sur l’aménagement d’un garage automobile, de places de lavage et d’un parking sur la parcelle en cause.

12. Lors de l’examen de la demande, les préavis suivants ont été rendus :

- La commune a émis un préavis défavorable le 27 janvier 2004, attendu que la parcelle figurait comme surface d’assolement, que les travaux avaient commencé sans autorisation et qu’elle n’entendait pas entériner pareil état de fait.

- Le service de l’agriculture du département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement (ci-après : le DIAE) a rendu deux préavis défavorables les 12 janvier et 20 avril 2004. Le projet n’était pas conforme à l’affectation de la zone agricole, la parcelle était recensée comme surface d’assolement et le requérant n’exerçait pas la profession d’agriculteur.

- Le service d’habitabilité a rendu un préavis sans objection, le 23 décembre 2003.

- La direction du génie civil a rendu un préavis favorable sous conditions d’aménagement d’accès à la route__________, le 16 décembre 2003.

- Le service de sécurité et de salubrité du DAEL a émis un préavis favorable, le 4 mai 2004, sous diverses conditions quant à l’exploitation du garage.

- Le service cantonal de la planification de l’eau ainsi que le service cantonal de protection contre le bruit et les rayonnements non ionisants ont rendu des préavis favorables sous diverses conditions.

13. Par décision du 1er juillet 2004, le DAEL a refusé l’autorisation sollicitée. Le projet n’était pas conforme aux articles 16 et 24 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), à l’article 34 de l’ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1), à l’article 20 alinéa 1 LAT et à l’article 11 alinéa 2 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10).

14. Par une autre décision, également datée du 1er juillet 2004, le département a ordonné à M. S__________ d’évacuer tous les aménagements réalisés sans autorisation sur la parcelle litigieuse et de remettre la parcelle en son état antérieur dans un délai de 90 jours.

15. Le 20 juillet 2004, M. S__________ a recouru contre ces deux décisions ; auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours) s’agissant du refus d’autorisation de construire et auprès du Tribunal administratif à l’encontre de la décision de remise en état (procédure : A/1534/2004).

16. Dans son recours devant la juridiction de céans concernant la remise en état, M. S__________ conclut principalement à l’annulation de la décision. Il a repris l’essentiel des arguments développés dans son recours daté du 2 décembre 2003 contre l’amande administrative (A/2321/2003). Pour le surplus, il invoquait l’acte de vente du 14 août 2003 qui indiquait : « ladite parcelle servira entièrement ou pour une partie importante à l’exploitation d’une station service par la sociétéB_________ ». De même, sous la rubrique « législation foncière rurale » il indiquait que la parcelle_____ n’était en aucune manière affectée ni appropriée à l’agriculture ou à la viticulture et qu’elle ne faisait partie d’aucune entreprise agricole. En conséquence, la vente n’était pas soumise à l’approbation de la commission foncière rurale en application des dispositions de la loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR) du 4 octobre 1991 .

Le recourant, avec l’aval du DAEL, avait fait procéder à des branchements d’eau claire et usée et d’électricité pour desservir la parcelle litigieuse. Il en était résulté une dépense de CHF 32'786,80. En outre, la construction du muret et l’aplanissement du terrain avaient engendré une dépense de CHF 24'974.-.

Enfin, une autre station d’essence de la marque Tamoil ainsi qu’un important hangar, un auvent et une petite construction annexe avaient été construits sur les parcelles jouxtant la sienne.

17. Sur demande du DAEL, le Tribunal administratif a suspendu le 14 septembre 2004 l’instruction de la cause A/1534/2004 jusqu’à droit jugé par la commission de recours.

18. Dans son recours devant la commission contre le refus d’autorisation de construire, M. S__________ a conclu à son annulation. Il a également repris l’essentiel de ses arguments déjà développés.

19. Le 1er octobre 2004, lors de l’audience de comparution personnelle des parties devant la commission de recours, le maire de la commune d’Anières a précisé que le hangar évoqué par le recourant était affecté à l’agriculture et que sa construction avait été approuvée par la chambre d’agriculture.

Le département a, quant à lui, informé la commission de recours le 1er octobre 2004, que la construction projetée se trouvait à une distance de 17 mètres de la route cantonale et qu’elle ne respectait par conséquent pas la distance minimale à la route telle que prévue par la LRoutes.

20. En date du 4 janvier 2005, la commission de recours a rejeté le recours.

La construction projetée n’était pas conforme à l’affectation de la zone agricole de sorte qu’aucune autorisation ordinaire ne pouvait être délivrée sur la base de l’article 22 alinéa 2 LAT. Elle n’était pas non plus imposée par sa destination, raison pour laquelle aucune autorisation dérogatoire en application de l’article 24 LAT n’était envisageable.

Le recourant ne pouvait se prévaloir de la construction d’un hangar sur la parcelle n°_____, jouxtant la parcelle litigieuse, puisqu’il était affecté à l’agriculture.

Enfin, le bâtiment le plus grand, érigé (sic) sur la parcelle en cause, se situait à 17 mètres de l’axe de la route, de sorte qu’il ne respectait pas l’article 11 alinéa 2 LRoutes.

21. Le 22 février 2005, M. S__________ a recouru auprès du tribunal de céans contre la décision de la commission de recours du 4 janvier 2005 et conclut à son annulation (A/424/2005). Pour le surplus, il a repris les arguments développés dans ses autres recours.

22. Le 30 mars 2005, la commune d’Anières a fait part de ses observations au Tribunal administratif et conclut au rejet du recours interjeté par M. S__________.

Les travaux effectués par le recourant ne consistaient pas en quelques légers aménagements. La parcelle avait été carrément exhaussée par l’apport d’une quantité considérable de tout-venant pour arriver à la hauteur de la route.

Le projet de plan directeur contenait deux propositions de création d’une zone artisanale qui incluaient toutes deux la parcelle litigieuse. Elles avaient toutefois été désapprouvées par les autorités cantonales.

Concernant l’existence du hangar sur la parcelle voisine, il était à usage exclusivement agricole.

Un garage automobile avec des places de parking et lavage ne pouvait être considéré comme étant conforme à l’affectation de la zone agricole. Les conditions de dérogations prévues par l’article 24 LAT n’étaient pas remplies. En effet, l’implantation du garage ne s’imposait pas à l’endroit prévu.

23. Le 4 avril 2005, le DAEL a conclu au rejet du recours et à la confirmation de sa propre décision.

La construction litigieuse n’était pas destinée à une activité agricole et le recourant n’exerçait pas ce type d’activité à titre principal de sorte qu’aucune autorisation ordinaire ne pouvait être délivrée. En outre, l’aménagement d’un garage automobile, de places de lavage et d’un parking hors de la zone à bâtir n’était pas imposé par sa destination.

Il confirmait que le hangar sis sur la parcelle voisine, était affecté à l’agriculture et résultait d’un échange parcellaire avec un autre terrain agricole. Concernant la station d’essence Tamoil, l’autorisation avait été délivrée en 1963, soit bien avant l’entrée en vigueur de la LaLAT qui datait de 1987. L’activité envisagée par le recourant était différente de celle d’une station d’essence, imposée par sa destination au bord d’une route.

Enfin, la construction projetée se trouvait à une distance de 17 mètres de la route cantonale et ne respectait ainsi pas la distance minimale de 25 mètres prévue par la LRoutes.

24. Faisant suite à la requête du DAEL, le Tribunal administratif a prononcé, le 19 mai 2005, la reprise de la procédure et ordonné la jonction des procédures A/2321/2003, A/1534/2004 et A/424/2005 sous N°A/2321/2003. Il a par ailleurs imparti un délai au département pour se déterminer.

25. Le 13 juin 2005, le DAEL a conclu au rejet du recours contre l’ordre d’évacuation et de remise en état et à la confirmation de sa propre décision du 1er juillet 2004. Le recourant avait procédé aux travaux sans autorisation. Ils avaient été entrepris récemment, aussi, le recourant ne pouvait invoquer le bénéfice de la prescription acquisitive de 30 ans. Par ailleurs, le département n’avait jamais toléré les installations litigieuses ou créé d’expectatives chez le recourant. Au contraire, dès le 15 septembre 2003, il n’avait cessé de répéter ses ordres d’arrêt de chantier.

Les intérêts du recourant n’étaient pas lésés. Celui-ci avait pris le risque de procéder à divers investissements avant même de solliciter une autorisation. Pour le surplus, le département a repris son argumentation développée dans ses écritures du 4 avril 2005.

26. Le 16 juin 2005, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

A. Refus d’autorisation de construire :

2. La demande d’autorisation porte sur la construction d’un garage automobiles avec places de lavage et parking sur une parcelle sise en zone agricole et figurant comme surface d’assolement.

3. a. L'aménagement du territoire est régi par la LAT et ses dispositions cantonales d'application, notamment la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30). La LAT a subi diverses modifications qui sont entrées en vigueur le 1er septembre 2000.

b. La zone agricole est régie par les articles 16 et 16a LAT ainsi que par les articles 20 et suivants LaLAT. Ces dispositions définissent notamment les constructions qui sont conformes à la zone, soit qu'elles sont nécessaires à l'exploitation agricole soit qu'elles servent au développement interne d'une activité conforme.

c. Les surfaces d’assolement font partie du territoire qui se prête à l’agriculture et sont garanties par des mesures d’aménagement du territoire (art. 26 OAT).

4. a. Une autorisation de construire ne peut être délivrée qu'à la condition que la construction soit conforme à la zone (art. 22 al. 2 lit. a LAT) ou qu'elle puisse bénéficier d'une dérogation.

b. Les conditions de dérogation pour des constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral (art. 24 à 24d LAT). Ces dispositions sont complétées ou reprises par les articles 27, 27a à d LaLAT pour ce qui concerne la zone agricole.

c. En zone agricole, une autorisation ne peut être délivrée en dérogation à l’article 22 alinéa 2 lettre a LAT précité, que si l’emplacement de la construction prévue est imposé par sa destination et qu’elle ne lèse aucun intérêt prépondérant, notamment du point de vue du maintien de la surface agricole utile pour l’entreprise agricole (art. 24 LAT ; art. 27 LaLAT).

La parcelle du recourant est située en zone agricole. Le fait que la région puisse perdre un jour son caractère agricole pour devenir zone artisanale et qu’un projet allant dans ce sens soit à l’étude n’est pas relevant pour résoudre le cas d’espèce. De même, l’acte de vente invoqué par le recourant selon lequel la parcelle n’est pas affectée à l’agriculture est sans incidence. En effet, cette clause, de droit privé, avait pour seul but de spécifier que la transaction n’était pas soumise à l’approbation de la commission foncière rurale en application de la LDFR.

Tant la situation personnelle du recourant qui n’exerce pas d’activité agricole que l’utilisation des constructions litigieuses excluent la conformité de ces dernières à une affectation agricole.

Il est donc nécessaire d’examiner si ce projet de réalisation est conforme au régime dérogatoire prévu à l’article 24 LAT.

5. L'implantation d'une construction n'est pas imposée par sa destination lorsque le choix de l'emplacement n'a été dicté que par des motifs financiers, personnels ou pour des raisons d'agrément. C'est bien plutôt pour des motifs techniques ou d'exploitation ou en raison de la nature du terrain que la construction doit être implantée en-dehors de la zone à bâtir (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.26/2003 du 22 avril 2003 ; ATF 129 II 63 ; ATF 116 Ib 228 = JdT 1992 I 464; ATF 115 Ib 293 = JdT 1991 I 452 = DC 1991 p. 20 n° 26 ; ATA/144/2004 du 10 février 2004 confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 1A.69/2004 du 11 août 2004).

Une dérogation selon l'art. 24 LAT pourrait être éventuellement envisagée, à titre exceptionnel, s'agissant, de l'extension d'une exploitation existante. La jurisprudence a en effet admis dans certains cas que l'implantation hors de la zone à bâtir d'un nouvel ouvrage non conforme à la zone puisse être imposée par sa destination à titre "dérivé", lorsqu'il constitue une annexe à une exploitation principale existante. Il faut cependant que l'implantation hors de la zone à bâtir de l'ouvrage principal ait elle-même été imposée par sa destination, et que des impératifs techniques et économiques sérieux rendent indispensable la réalisation de la nouvelle construction à l'endroit et dans les dimensions prévus (ATF 124 II 252 consid. 4c p. 256 et les arrêts cités).

A l'appui de son argumentation, le recourant n'a nullement invoqué des motifs d'ordre technique ou d'exploitation, mais uniquement des motifs d’intérêts personnels, qui ont trait au fait qu’il est propriétaire d’une parcelle située en face de celle où il exploite sa station essence. Il n'est en particulier nullement démontré que la nature du terrain de la parcelle, ou alors que des considérations d'ordre technique, ou encore que l’exploitation de la station d’essence du recourant imposent que les constructions soient réalisées hors de la zone à bâtir.

Pour ces motifs, les ouvrages projetés ne peuvent bénéficier d’une dérogation fondée sur les articles 24 LAT et 27 LaLAT.

6. Le recourant tire argument du fait que le département aurait autorisé sur plusieurs parcelles voisines diverses constructions, soit celle d’une autre station d’essence ainsi que celle d’un important hangar.

7. Le principe de l’égalité de traitement déduit de l’article 8 Cst n’est violé que si des situations essentiellement semblables sont traitées différemment ou si des situations présentant des différences essentielles sont traitées de manière identique (ATF 108 Ia 114).

Le département a expliqué en ce qui concernait la station d’essence Tamoil qu’une autorisation avait été délivrée en 1963 pour une « station service », bien avant l’entrée en vigueur de la LaLAT. De plus, la destination d’une station d’essence était imposée au bord d’une route contrairement au projet du recourant. Quant au hangar, il est affecté à l’agriculture.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne peut donc soutenir que l’administration a développé une pratique illégale et qu’elle entendait s’y tenir ; le principe de l’égalité de traitement n’a pas été violé.

8. En dernier lieu, l’article 11 alinéa 2 LRoutes interdit toute nouvelle construction ou installation sur une profondeur, mesurée de l'axe de la route, de 25 m pour les routes cantonales et de 15 m pour les routes communales. « Le département, après consultation de la commune, peut déroger aux distances prescrites à l'alinéa 2 si les conditions locales font apparaître que l'interdiction de construire qui en découle ne repose sur aucun motif pertinent d'aménagement du territoire ou d'environnement (al. 3) ».

Selon le DAEL, l’un des bâtiments projeté se trouverait à 17 mètres de l’axe de la route ce que le recourant n’a pas contesté. En outre, les circonstances locales ne justifient aucune dérogation au sens de l’article 11 alinéa 3 LRoutes précité.

Pour toutes ces raisons, le recours contre le refus d’autorisation de construire sera rejeté.

B. Ordre d’évacuation et de remise en état :

9. a. Selon l’article 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation ou modifier la configuration du terrain.

b. Par constructions ou installations, on entend toutes choses immobilières ou mobilières édifiées au-dessus ou au-dessous du sol ainsi que toutes leurs parties intégrantes et accessoires (art. 1 al. 1 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 - RALCI - L 5 05 01).

Tel est le cas de l’aire de stationnement réalisée sur la parcelle litigieuse.

Il sera relevé à ce stade que ces aménagements sont « englobés » dans la demande d’autorisation dont le refus est confirmé par le présent arrêt. Ils ne sauraient dès lors être autorisés à l’occasion d’une nouvelle procédure.

10. Lorsqu’une construction ou une installation n’est pas conforme aux prescriptions de la LCI et de ses dispositions d’application, le département peut notamment ordonner la remise en l’état, la suppression ou la démolition (art. 129 lit. e et 130 LCI).

11. Pour être valable, un ordre de mise en conformité, qui comporte celui de supprimer les installations litigieuses, doit en outre respecter les conditions suivantes, en application des principes de la proportionnalité et de la bonne foi (ATA L. du 23 janvier 1993 confirmé par ATF non publié du 21 décembre 1993 ; ATF 111 Ib 221 consid. 6 et jurisprudence citée) :

a. L’ordre doit être dirigé contre le perturbateur (ATF 114 Ib 47-48 ; 107 Ia 23).

b. Les installations en cause ne doivent pas avoir été autorisées en vertu du droit en vigueur au moment de leur réalisation (ATF 104 Ib 304 ; ATA C. du 25 août 1992).

c. Un délai de plus de trente ans ne doit pas s’être écoulé depuis l’exécution des travaux litigieux (ATF 107 Ia 121 = JdT 1983 I 299).

d. L’autorité ne doit pas avoir créé chez l’administré concerné – par des promesses, des informations, des assurances ou un comportement – des expectatives, dans des conditions telles qu’elle serait liée par le principe de la bonne foi (ATF 117 Ia 287 consid. 2b et jurisprudence citée ATA L. du 23 février 1993 confirmé par ATF non publié du 21 décembre 1993 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd. 1991, n° 509, p. 108 ).

En particulier, les installations litigieuses ne doivent pas avoir été tolérées par l’autorité d’une façon qui serait constitutive d’une autorisation tacite ou d’une renonciation à faire respecter les dispositions transgressées (RDAF 1982 p. 450 ; ATA L. du 23 février 1993 précité).

e. L'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit doit l'emporter sur l'intérêt privé de l'intéressé au maintien des installations litigieuses (ATA/887/2004 du 16.11.2004 et jurisprudence citée).

12. a. Le recourant ne conteste pas avoir construit les aménagements litigieux. Il est ainsi perturbateur par comportement.

b. Le recourant fait valoir qu’il entrepose ses véhicules depuis plus de vingt ans sur la parcelle litigieuse sans avoir fait l’objet d’aucune plainte et que partant il bénéficie de droits acquis. Cet argument tombe à faux. Ce sont en effet les travaux entrepris dès septembre 2003 qui sont reprochés. Ceux-ci ne peuvent, à l’évidence, pas être mis au bénéfice de la prescription trentenaire. En outre, il est patent que le département n’a jamais toléré les installations litigieuses. Celui-ci n’ayant cessé d’ordonner la cessation du chantier dès qu’il en a eu connaissance.

c. Reste à examiner si l’évacuation et le rétablissement de l'état antérieur ne porteraient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du recourant. Celui-ci invoque en effet les investissements opérés lors de la réalisation des travaux, se chiffrant à quelques CHF 57'760,80.

L'ordre de démolir une construction édifiée sans permis et pour laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en principe pas contraire au principe de la proportionnalité. L'autorité renonce toutefois à une telle mesure si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit. Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit cependant s'attendre à ce qu'elle se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.180/2002 du 19 décembre 2002). Les constructions et installations réalisées hors des zones à bâtir et non conformes à l'affectation de la zone violent, dans la règle, le droit fédéral de l'aménagement du territoire et doivent être démolies; elles ne peuvent bénéficier d'une autorisation exceptionnelle a posteriori (ATF 112 Ib 405 consid. 3 = JdT 1988 I 450 ; arrêt du Tribunal fédéral du 18 août 1992 in ZBL 1993 p. 80 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral du 25 octobre 1995 in RJ ASPAN n° 1196).

En l'espèce, l'intérêt public à prendre en compte est principalement celui lié au respect de la loi. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de souligner l'importance du maintien de la zone agricole dans le canton de Genève; "s'agissant de constructions édifiées dans la zone agricole dans un canton déjà fortement urbanisé où les problèmes relatifs à l'aménagement du territoire revêtent une importance particulière, l'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emporte sur celui, privé, du recourant à l'exploitation de son entreprise sur le site litigieux" (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.83/1993 du 21 décembre 1993 consid. 2b).

L'intérêt privé du recourant, atteint par l’ordre de remise en état, est essentiellement de nature pécuniaire et, d'autre part, constitué par des besoins de convenance personnelle. Au surplus, les investissements opérés lors de la réalisation sans autorisation des aménagements litigieux ne sauraient justifier leur maintien. Il suffirait sinon de mettre l’autorité devant le fait accompli pour être mis au bénéfice d’une situation contraire au droit.

Enfin, la mesure envisagée est apte à atteindre le but visé et l’on ne voit pas quelle autre mesure moins incisive s’imposerait qui respecterait mieux les intérêts privés du recourant et permettrait néanmoins de retrouver une situation conforme au droit. Au vu de ce qui précède, l'intérêt public au respect de la zone agricole dans le canton de Genève l'emporte sur l'intérêt privé du recourant de continuer à profiter des aménagements qu'il a érigés illicitement.

13. Pour toutes ces raisons, l'ordre d’évacuer tous les aménagements réalisés et de remettre la parcelle en son état antérieur dans un délai de 90 jours sera confirmé.

C. Amende administrative :

14. Le recourant estime enfin que l’amende de CHF 10'000.- qui lui a été infligée est injustifiée.

a. Est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- tout contrevenant à la loi cantonale sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (art. 137 al. 1 LCI). Le montant maximum de l’amende est de CHF 20'000.- lorsqu’une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (art. 137 al. 2 LCI). Il est tenu compte dans la fixation du montant de l’amende du degré de gravité de l’infraction, la récidive étant considérée comme une circonstance aggravante (art. 137 al. 3 LCI).

Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5 pp. 139-141 ; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/368/2005 du 24 mai 2005 les références citées). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CPS - RS 311.0), notamment l'article 63 CPS, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

c. Il est en effet nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648 ; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/175/2004 du 2 mars 2004 consid. 8 et les références citées). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/131/1997 du 18 février 1997 consid. 5c).

d. L'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/368/2005 déjà cité et les références). Il est ainsi tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction et de la situation du recourant, par application analogique de l'article 63 CPS.

En l’espèce, la faute du recourant est avérée, de sorte que le principe de l’amende est justifié.

Quant à la gravité de la faute, elle est incontestable. Non seulement, le recourant a entrepris des travaux sans autorisation, mais il est passé outre les deux ordres d’arrêt de chantier qui lui ont été notifiés. En persévérant dans son comportement illégal, il a fait montre d’un mépris persistant pour les décisions de l’autorité. De plus, les travaux effectués en violation de l’article 1 LCI ne sont pas autorisables, de sorte que le maximum de l’amende est de CHF 60'000.-.

Le recourant n'a pas fait état de difficultés patrimoniales particulières. Il n'y a donc pas lieu de retenir des motifs personnels qui justifieraient de s'écarter du montant retenu par l'administration.

Au vu de l’ensemble des circonstances, l’amende qui représente 1/6ème du maximum prévu par la loi est fondée dans son principe et mesurée dans sa quotité, respectant pleinement le principe de la proportionnalité et la jurisprudence du Tribunal administratif en la matière.

15. Au vu de ce qui précède, les recours seront rejetés.

Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme

déclare recevables le recours interjeté le 2 décembre 2003 par Monsieur S__________ contre la décision du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement du 4 novembre 2003, ainsi que le recours du 20 juillet 2004 contre la décision du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement du 1 juillet 2004 et le recours interjeté le 22 février 2005 contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 4 janvier 2005 ;

au fond

les rejette;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.- ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par-devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Roger Mock, avocat du recourant ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement ainsi qu’à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeants : M. Paychère président, M. Thélin, Mme Junod, juges, MM. Torello et Bellanger, juges suppléants.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :