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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4171/2006

ATA/242/2007 du 15.05.2007 ( DES ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; CHAUFFEUR DE TAXI ; AUTORISATION D'EXERCER ; HONNEUR
Normes : LTaxis.11.al1; RTaxis.5
Résumé : Condition d'honorabilité. La LTaxis ne prévoit pas la possibilité de retirer ou suspendre l'autorisation d'exploiter en cas d'infraction à la législation ou aux conditions particulières de ladite autorisation, contrairement à l'ancien droit, qui permettait au département de prononcer, en tenant compte de la gravité de l'infraction ou de sa réitération, une suspension ou un retrait de l'autorisation d'exploiter, indépendamment de la suspension ou du retrait de la carte professionnelle de chauffeur de taxi.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4171/2006-DES ATA/242/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 15 mai 2007

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ


 


EN FAIT

1. Monsieur A______, né en 1969, domicilié à Meyrin, a obtenu la carte professionnelle de chauffeur de taxi le 20 octobre 1994 et exerce cette activité depuis lors, en qualité de chauffeur employé.

2. Suite à l’entrée en vigueur, le 15 mai 2005, de la loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (LTaxis - H 1 30) l’intéressé a déposé, en date du 7 avril 2006, auprès du service des autorisations et patentes du département de l’économie et de la santé (ci-après : le département), une requête en vue de l’obtention d’une autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant.

3. Par décision du 11 octobre 2006, le département a refusé l’autorisation sollicitée.

En procédant à l’examen des conditions propres à la délivrance de ladite autorisation, l’autorité compétente avait constaté que l’intéressé faisait l’objet de poursuites en cours et d’actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 1'500.-. Dès lors, il n’offrait pas les garanties de solvabilité exigées par la loi, les poursuites à son encontre étant en rapport avec son activité professionnelle dans le transport de personnes.

4. Par courrier mis à la poste le 9 novembre 2006, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée concluant à l’octroi de l’autorisation sollicitée. Il estimait discutable le motif invoqué pour le refus de sa requête.

5. Le 15 décembre 2006, le département s’est opposé au recours. Celui-ci n’était pas recevable faute de désignation de la décision attaquée et de conclusions. Les créances à l’origine d’une part des deux actes de défaut de biens dont faisait l’objet l’intéressé pour un montant total de CHF 697,10 et, d’autre part de deux poursuites au stade de la saisie pour un montant total de CHF 904.-, correspondaient à des impôts cantonaux ou fédéraux pour 1999, 2000, 2001 et 2002. Il s’agissait de dettes en relation avec l’activité professionnelle de chauffeur de taxi, car il serait choquant qu’un chauffeur de taxi ayant ce type de dettes obtienne le droit à un usage accru du domaine public, qui impliquait des avantages tels que les droits d’utiliser les places de stationnement pour taxis ou de s’engager sur les voies de bus.

Par ailleurs, l’intéressé faisait l’objet d’autres poursuites en cours, dont une, d’un montant de CHF 37'800.-, émanait de son employeur pour la mise à disposition du véhicule servant de taxi.

Enfin, il avait fait l’objet d’un retrait de permis de conduire pour une durée de trois mois et avait déposé ce document le 14 août 2006 auprès de l’autorité compétente. Il ressortait des pièces produites que le motif de retrait était un excès de vitesse au volant d’une voiture.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l'article 65 alinéa 1 LPA, l'acte de recours contient sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. En outre, il doit contenir l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. A défaut, un bref délai pour satisfaire à ces exigences est fixé au recourant, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

  Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas en soi un motif d’irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitudes les fins du recourant (ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 ; ATA/118/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/775/2005 du 15 novembre 2005 et la jurisprudence citée). Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (P. MOOR, Droit administratif, Vol. II, Berne 2002, 2ème éd., p. 674 n. 5.7.1.4). Des conclusions conditionnelles sont en revanche irrecevables (ATA précités).

Dans le cas d’espèce, le recourant, qui agit en personne, a joint à son recours la décision querellée. Par ailleurs, il conclut expressément à la délivrance de l’autorisation refusée par le département, et l’on peut comprendre de sa motivation succincte qu’il estime infondé l’unique motif de refus opposé par l’autorité. Aussi, le recours doit-il être déclaré recevable.

 

 3. Lors de son entrée en vigueur, la LTaxis a abrogé la loi sur les services de taxis du 26 mars 1999 (aLTaxis).

Parallèlement, le règlement d’exécution de la loi sur les services de taxis du 8 décembre 1999 (aRTaxis) a été abrogé par le règlement d’exécution de la LTaxis, du 4 mai 2005 (RTaxis – H 1 30.01).

4. a. Selon l’article 53 alinéa 1 LTaxis, les chauffeurs de taxi titulaires de la carte professionnelle de chauffeur employé ou de chauffeur indépendant sans employé au sens de l’aLTaxis, qui, lors de l’entrée en vigueur de la loi, exercent de manière effective leur profession, se voient délivrer la carte professionnelle de chauffeur de taxi prévue par la nouvelle législation.

b. Les chauffeurs de taxi qui, lors de l’entrée en vigueur de la loi, exercent de manière effective leur profession en qualité d’indépendants, sont autorisés à poursuivre leur activité durant une année, à l’échéance de laquelle ils doivent avoir satisfait aux conditions de l’article 11 alinéa 1 LTaxis s’ils entendent continuer à exercer leur profession en qualité d’indépendant (art. 53 al. 3 et 4 LTaxis). Ils doivent solliciter du département une nouvelle autorisation ad hoc. Si le département constate que le requérant ne remplit pas les conditions de renouvellement de l’autorisation, il lui impartit un ultime délai pour satisfaire à celles-ci et l’avertit qu’à défaut et à l’échéance dudit délai, l’autorisation d’exploiter sera révoquée (art. 53 al. 4 LTaxis).

5. a. S’agissant du permis de service public, durant la première année après l’entrée en vigueur de la LTaxis, les exploitants d’un taxi sans permis de stationnement, titulaires du brevet d’exploitant avant le 1er janvier 2004 ou exerçant leur activité en vertu de l’article 58 aRTaxis, ont droit à bénéficier d’un permis de service public, pour autant qu’ils exercent de manière effective leur profession et ne sont pas déjà au bénéfice d’un tel permis, sans qu’il soit tenu compte du numerus clausus instauré par l’article 20 LTaxis (art. 58 al. 2 let. a et b LTaxis). Ces permis sont délivrés contre paiement d’une taxe unique dont le montant dépend de la date du début de l’activité, sans interruption, dans la profession (art. 21 al. 4 et 58 al. 4 LTaxis).

b. Le permis de service public confère à son titulaire d’un droit d’usage accru du domaine public, lui permettant, dans certaines limites, de s’arrêter aux stations de taxis dans l’attente de clients et d’utiliser les voies réservées aux transports en commun ainsi que d’emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte (art. 19 al. 2 LTaxis).

6. Le recourant a déposé en temps utile la requête tendant à être autorisé à exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant.

7. Aux termes de l’article 11 alinéa 1 LTaxis, l’autorisation est délivrée à une personne physique lorsqu’elle est au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi (let. a), se voit délivrer un permis de service public (let. b), dispose d’une adresse professionnelle fixe dans le canton de Genève à laquelle elle peut être atteinte, notamment par téléphone ou par le biais de la centrale à laquelle elle est affiliée (let. c), justifie de sa solvabilité et de son affiliation à une caisse de compensation (let. d) et est propriétaire ou preneur de leasing d’un véhicule répondant aux exigences du droit fédéral et de la LTaxis, immatriculé à son nom dans le canton de Genève (let. e).

8. Le département a refusé l’autorisation sollicitée au motif que le recourant n’avait pu justifier de sa solvabilité.

Selon l’article 5 alinéa 1 RTaxis, la solvabilité est examinée sur la base d’un relevé des offices des poursuites et des faillites du lieu du domicile du requérant. Le département peut considérer que n’offre pas les garanties de solvabilité suffisantes le requérant dont les poursuites dirigées à son encontre sont en rapport avec son activité professionnelle dans le transport de personnes et ont abouti à une saisie infructueuse ou un acte de défaut de biens après faillite (art. 5 al. 2 RTaxis).

9. In casu, le recourant a fait l’objet de deux actes de défaut de biens concernant des créances fiscales. Le département ne peut être suivi lorsqu’il soutient qu’elles sont en rapport avec l’activité professionnelle de l’intéressé dans le transport de personnes. En effet, l’impôt cantonal sur le revenu et la fortune n’est pas lié à l’exercice d’une profession spécifique et il n’y a pas d’assujettissement spécial pour les contribuables exerçant leur activité professionnelle dans le transport de personnes. Par ailleurs, il n’y a pas lieu de lier le droit d’usage accru du domaine public dont disposent les titulaires d’autorisation d’exploiter un taxi de service public à l’acquittement de l’impôt ordinaire, sauf à rajouter une exigence non prévue par le législateur, étant rappelé que le permis de service public est déjà subordonné au paiement d’une taxe unique (art. 21 al. 4 LTaxis). Les mêmes considérations sont valables pour l’impôt fédéral direct qui frappe tout revenu d’une activité lucrative.

10. Le département soutient par ailleurs que M. A______ n’offre pas les garanties de moralité et de comportement suffisantes pour se voir délivrer une carte professionnelle de chauffeur de taxi, raison pour laquelle l’autorisation d’exploiter un taxi de service public doit lui être refusée.

a. La carte professionnelle de chauffeur de taxi confère à son titulaire le droit d’exercer l’activité de chauffeur de taxi ou de limousine, en qualité d’indépendant, d’employé d’un chauffeur indépendant ou d’une entreprise de taxis ou de limousines, ou encore de locataire d’un véhicule d’une entreprise de taxis de service public (art. 6 al. 1 LTaxis). Cette autorisation est délivrée par le département lorsque le requérant remplit les conditions posées par l’article 6 alinéa 2 LTaxis, dont celle d’offrir des garanties de moralité et de comportement suffisantes (art. 6 al. 2 let. c LTaxis).

b. Le département peut notamment considérer que n’offre pas ces garanties suffisantes le requérant qui, dans les trois ans précédant le dépôt de la requête, s’est vu infliger un retrait de permis de conduire en application des articles 16c ou 16d LCR, soit des fautes graves dans le domaine de la circulation routière (art. 3 al. 3 let. c RTaxis).

11. a. L’autorisation d’exploiter un taxi de service privé en qualité d’indépendant permet à son titulaire de transporter professionnellement des personnes, dans le cadre d’un usage commun du domaine public dévolu à la circulation et au stationnement de l’ensemble des véhicules (art. 9 al. 1 let. a, 10 et 19 al. 1 LTaxis). Elle est délivrée par le département à une personne physique lorsqu’elle remplit les conditions cumulatives suivantes (art. 10 al. 1 let. a - e LTaxis) : être au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi ; disposer d’une adresse professionnelle fixe dans le canton, à laquelle elle peut être atteinte ; justifier de sa solvabilité et de son affiliation à une caisse de compensation ; être propriétaire ou preneur de leasing d’un véhicule répondant aux exigences du droit fédéral et de la LTaxis, immatriculé à son nom dans le canton ; disposer d’une place de stationnement privée pour garer son taxi en dehors des périodes de circulation.

b. La LTaxis ne prévoit pas la possibilité de retirer ou suspendre l’autorisation d’exploiter en cas d’infraction à la législation ou aux conditions particulières de ladite autorisation, contrairement à l’ancien droit, qui permettait au département de prononcer, en tenant compte de la gravité de l’infraction ou de sa réitération, une suspension ou un retrait de l’autorisation d’exploiter, indépendamment de la suspension ou du retrait de la carte professionnelle de chauffeur de taxi (art. 29 et 30 aLTaxis). Si une base légale n’est pas nécessaire pour révoquer une autorisation dont le bénéficiaire ne remplit plus les conditions d’octroi, elle est en revanche nécessaire lorsqu’il s’agit, par cette mesure, de sanctionner un comportement (P. MOOR, Droit administratif, vol. 2, Berne, 1991, p. 330-331). Ainsi, dans le cadre législatif actuel, l’autorisation d’exploiter ne peut-elle être révoquée, respectivement refusée que si le détenteur ou le requérant ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 10 LTaxis, pour un taxi de service privé, l’article 11 LTaxis pour un taxi de service public, ou l’article 14 LTaxis pour une limousine.

En l’espèce, le département ne pouvait donc pas refuser l’autorisation d’exploiter un taxi de service public au motif que le recourant ne présentait pas de garanties d’honorabilité suffisantes, condition d’octroi de la carte professionnelle.

12. Le recours sera ainsi admis partiellement. La décision attaquée sera annulée et le dossier renvoyé à l’autorité intimée pour nouvelle décision après nouvel examen des conditions d’octroi de l’autorisation sollicitée.

13. Un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du département et un émolument de CHF 300.- à celle du recourant qui n’obtient que partiellement gain de cause (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 novembre 2006 par Monsieur A______ contre la décision du département de l’économie et de la santé du 11 octobre 2006 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision attaquée ;

renvoie le dossier au département intimé pour nouvelle décision dans le sens des considérants ;

met à la charge du département de l’économie et de la santé un émolument de CHF 700.- ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 300.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au département de l'économie et de la santé.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

P. Pensa

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :