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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1810/2011

ATA/31/2012 du 17.01.2012 ( FORMA ) , ADMIS

Descripteurs : ; FORMATION PROFESSIONNELLE ; FRAIS(EN GÉNÉRAL) ; RÉINSCRIPTION ; ORDONNANCE ADMINISTRATIVE ; FRAIS DE FORMATION ; EXAMEN(FORMATION)
Normes : RPAC.12.al1 ; CO.327a ; ROAC.8.al1.letc.ch5
Résumé : Une ordonnance administrative, en l'espèce le MIOPE, qui prévoit qu'en cas d'échec à un examen le collaborateur n'a pas à rembourser les coûts de la formation mais qu'il lui incombe de prendre en charge les frais d'une éventuelle réinscription, implique que le collaborateur n'a pas à supporter la finance d'inscription pour sa première tentative, même en cas d'échec à l'examen final. Inapplicabilité en l'espèce des dispositions du CO régissant le contrat de travail à titre de droit cantonal supplétif.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1810/2011-FORMA ATA/31/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Lorenzo Paruzzolo, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 



EN FAIT

1. Monsieur X______ travaille depuis le 1er novembre 2005 au sein de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC), laquelle dépend de l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE), en tant que gestionnaire de dossiers dans une section de taxation ; il possède le statut de fonctionnaire.

2. En 2007, M. X______ a émis le souhait de suivre une formation lui permettant d'obtenir le brevet de spécialiste en assurances sociales.

3. Le prix de cette formation était de CHF 4'000.- pour l'inscription aux cours, auxquels s'ajoutaient CHF 2'000.- de finance d'inscription à l'examen final.

4. En juillet 2007, M. X______, de même que deux de ses collègues qui entendaient suivre la même formation, ont eu un entretien avec leur supérieur hiérarchique, Monsieur Y______. Il leur a été remis pour signature un document daté du 24 juillet 2007 et une annexe de trois pages.

Le document en cause avait la teneur suivante:

« Concerne : Brevet fédéral de spécialiste en assurances sociales

Par la présente je confirme avoir eu connaissance des directives financières, copies jointes, concernant le remboursement des montants payés par la caisse cantonale genevoise de chômage en cas d'abandon de la formation citée en référence ainsi qu'en cas de démission.

J'autorise par la présente à déduire le montant à rembourser de mon salaire ».

Les trois pages d'annexes, numérotées 18, 19 et 21, étaient des extraits photocopiés de la directive financière 01/2007 du secrétariat d'Etat à l'économie (ci-après : SECO), du 30 septembre 2006, intitulée « Budget 2007 ; indemnisation des frais d'administration des caisses de chômage ».

5. M. X______ a contresigné ce document le même jour, soit le 24 juillet 2007.

6. Les frais de la formation de M. X______, laquelle a été dispensée du mois d'août 2007 à celui de juin 2009, ont été réglés par l'OCE.

7. M. X______ a pris congé du 1er septembre au 2 octobre 2009 afin de préparer la session d'examens, qui se déroulait du 5 au 7 octobre 2009 et à laquelle il a participé, étant précisé que la finance d'inscription avait été réglée par l'OCE, qui ne lui a fait signer aucune reconnaissance de dette.

8. En novembre 2009, M. X______ a appris qu'il avait échoué à ses examens.

9. En septembre 2010, l'OCE a indiqué à M. X______ qu'il entendait prélever la finance d'inscription aux examens, soit CHF 2'000.-, la réussite de ces derniers étant une condition de prise en charge par l'employeur de ladite somme.

10. Le 24 novembre 2010, M. X______ a adressé un courrier à l'OCE. Il s'opposait à la demande de remboursement, cette prétention ne s'appuyant sur aucun fondement contractuel accepté par lui. Il n'avait jamais non plus été informé de ces conditions insolites.

11. Le 20 décembre 2010, l'OCE a répondu à M. X______ qu'il ne pouvait accéder à sa requête. Il avait accepté la demande de formation de M. X______, mais il ressortait clairement des annexes au document signé par l'intéressé le 24 juillet 2007 que les taxes et émoluments perçus pour les examens n'étaient pris en charge par l'employeur qu'en cas de réussite de ces derniers.

12. Le 27 janvier 2011, l'OCE a écrit derechef à M. X______. Son courrier précédent était resté sans réponse.

13. Le 3 février 2011, M. X______ a répondu à l'OCE que les parties avaient un avis opposé qui devait être tranché par une autorité judiciaire. Il appartenait donc à l'OCE de saisir la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'une action en constatation de droit.

14. Le 24 février 2011, l'OCE a écrit au conseil de M. X______. Le directeur de la CCGC souhaitait rencontrer ce dernier et son conseil, et reprendrait contact avec eux.

15. Le 23 mars 2011, il a été donné rendez-vous à M. X______ et à son conseil pour un entretien devant se dérouler le mercredi 30 mars 2011 à 14h30, en présence de Monsieur Z______, directeur de la CCGC, et de Monsieur B______, responsable des ressources humaines de l’OCE.

16. Le 15 avril 2011, M. X______ a écrit à l'OCE. Etant donné que chaque partie persistait dans ses positions, il allait saisir lui-même la justice, mais il estimait anormal qu’il lui incombât de le faire.

17. Le 23 mai 2011, M. X______ a écrit à l'OCE. En vue de la contestation judiciaire, il demandait à recevoir une décision formelle indiquant le montant qui lui était réclamé.

18. Le 17 mai 2011, l'OCE a répondu qu'il s'étonnait de la demande, car M. X______ était déjà en possession de l'ensemble des éléments pour entamer les démarches qu'il estimait nécessaires. A toutes fins utiles, M. X______ avait reçu personnellement une facture de CHF 2'000.- relative aux taxes et émoluments d'inscription pour les examens du brevet fédéral de spécialiste en assurances sociales.

Ce courrier ne mentionnait ni voies ni délai de recours.

19. Le 10 juin 2011, M. X______ a interjeté un recours contre le courrier précité auprès de la chambre administrative, concluant principalement à ce que celle-ci annule la décision de l'OCE et dise que l'OCE, respectivement la CCGC, n'était pas en droit de lui réclamer quelque somme que ce soit à titre de frais liés à la formation de spécialiste en assurances sociales.

La loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) étant muette sur les frais de formation, et l'art. 12 du règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) ne réglant pas la question, il devait être fait application par analogie de l'art. 327a de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220).

Dans ce cadre, seul un accord de nature contractuelle pouvait prévoir un tel remboursement de frais de formation. Or le document du 24 juillet 2007 ne faisait allusion qu'à un abandon de la formation ou à une démission du fonctionnaire. La CCGC devait donc être déboutée de toute prétention à obtenir les CHF 2'000.- litigieux.

20. Le 27 juillet 2011, la CCGC a conclu au rejet du recours.

Si l'on suivait le raisonnement faisant référence à l'art. 327a CO par analogie, le règlement des frais de formation en cause était soumis à la liberté contractuelle. Or la directive financière 01/2007 du SECO, annexée au document du 24 juillet 2007, prescrivait que les taxes et émoluments fixés par la commission d'examens étaient imputables à 100 % en cas de réussite, mais qu'aucune indemnisation n'était accordée dans le cas contraire. Il n'y avait aucun doute sur le sens de cette disposition, et l'intéressé était à même de la comprendre.

21. Le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties le 20 octobre 2011.

Il a demandé à l'OCE de produire dans les meilleurs délais la directive du SECO dans sa forme intégrale.

L'OCE a indiqué qu'il ne suivait pas les directives de l'office du personnel de l'Etat (ci-après : OPE) car il était financé exclusivement par les deniers fédéraux. M. Y______ avait attiré l'attention de M. X______, lors de l'entretien du 24 juillet 2007, sur la teneur de la directive annexée, lui disant qu'il fallait la lire.

M. X______ a déclaré notamment avoir eu une discussion avec un membre du directoire de la CCGC, soit M. Y______. A cette occasion, il avait signé le document daté du 24 juillet 2007. Il lui avait été précisé qu'il devrait rembourser les frais de formation s'il abandonnait la formation en cours, s'il ne se présentait pas aux examens, ou encore s'il quittait son poste moins de deux ans après la réussite du diplôme. Il n'avait pas été question spécifiquement des frais d'examen, en particulier il ne lui avait pas été dit qu'il devrait rembourser la finance d'inscription en cas d'échec.

Un délai au 31 octobre 2011 a été donné aux parties pour demander d'autres actes d'instruction, faute de quoi la cause serait gardée à juger.

22. Le 20 octobre 2011, l'OCE a transmis la directive du SECO, et a indiqué n'avoir pas d'autres actes d'instruction à demander.

23. Le 31 octobre 2011, M. X______ a transmis des observations complémentaires suite à la communication de la directive du SECO.

Celle-ci ne concernait que les rapports bilatéraux entre une caisse de chômage et le SECO. Il ne s'agissait pas d'un règlement du personnel des caisses de chômage.

Il n’avait signé aucune reconnaissance de dette et n'avait pas demandé l'avance de fonds.

Enfin, il était soumis au droit genevois de la fonction publique. Or les directives de l'OPE prévoyaient que le candidat qui échouait au premier examen ne devait pas rembourser les coûts de la formation.

Aucun acte d'instruction complémentaire n'était nécessaire.

24. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. S'agissant de l'acte attaquable, le courrier désigné comme décision querellée ne contient certes pas toutes les mentions prévues par l'art. 46 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il matérialise néanmoins les prétentions de l'OCE vis-à-vis de son employé, et constitue ainsi une décision au sens de l'art. 4 LPA dès lors qu'il s'agit d'une mesure individuelle et concrète constatant l'existence d'une obligation.

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est dès lors recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2. Le recourant est fonctionnaire de la CCGC.

Selon l'art. 8 al. 1 let. c ch. 5 du règlement sur l’organisation de l’administration cantonale du 5 décembre 2005 (ROAC - B 4 05.10), la CCGC est un service de l'OCE, qui est lui-même une subdivision du département de la solidarité et de l'emploi (ci-après : DSE).

Il s'ensuit que le droit genevois de la fonction publique est applicable au présent litige, en vertu de l'art. 1er al. 1 let. a LPAC.

3. Il appert par ailleurs que les frais de fonctionnement des caisses de chômage sont pris en charge par la Confédération, ainsi qu'il ressort de l'art. 92 de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0) et de l'ordonnance concernant l'indemnisation des frais d'administration des caisses de chômage du 12 février 1986 (RS 837.12).

4. En principe, les dispositions du droit des obligations ne sont pas applicables comme telles aux contestations portant sur des rapports de travail de droit public, mais elles peuvent s'appliquer à titre subsidiaire et par analogie, comme droit cantonal supplétif (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_404/2008 du 5 décembre 2008 consid. 2.2) en particulier, si ce n'est exclusivement (voir à cet égard l'arrêt du Tribunal des conflits, ATA/908/2010 du 20 décembre 2010, consid. 3a), lorsque le droit de la fonction publique y renvoie de façon expresse.

5. Concernant la formation des membres de l'administration cantonale, la LPAC ne prévoit qu'un principe général, à savoir qu'il convient d'utiliser et développer le potentiel des collaboratrices et des collaborateurs en fonction de leurs aptitudes et de leurs qualifications (art. 2A let. c LPAC).

Selon l'art. 12 al. 1 RPAC, le perfectionnement professionnel des membres du personnel de l’administration est garanti ; à cet effet, ils peuvent demander ou être appelés à suivre des cours ou à effectuer des stages : a) dans des écoles spécialisées ; b) dans un autre service ou un autre département ; c) dans une autre administration; d) dans une entreprise privée. Les buts, l’orientation, la doctrine générale, ainsi que les modalités financières du perfectionnement professionnel sont définis paritairement (art. 12 al. 2 RPAC).

6. Dans le cadre d'un corpus de directives de gestion du personnel (mémento des instructions de l'OPE, ci-après MIOPE ; http://domem.ge.ch/miope), l'OPE a adopté le 1er février 2000 la directive MIOPE 05.01.01 « Demande de prise en charge des frais de formation + formules à utiliser ». Celle-ci n'exclut aucun département ou service de l'administration cantonale de son champ d'application.

Sous point 7.3 (« Examens »), dernier alinéa, il y est prévu que le collaborateur qui échoue à un examen ne doit pas rembourser les coûts de la formation. Par contre, l'employeur-Etat ne prend pas en charge les frais d'une réinscription, qui sont à la charge du participant.

7. La directive précitée constitue une ordonnance administrative. Une telle ordonnance ne lie pas le juge, mais celui-ci la prendra en considération, surtout si elle concerne des questions d'ordre technique, tout en s'en écartant dès qu'il considère que l'interprétation qu'elle donne n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (ATA/97/2011 du 15 février 2011 consid. 4 ; cf. également ATA/11/2012 du 10 janvier 2012 consid. 6b et les références citées).

8. En l'espèce, la réglementation prévue par le MIOPE n'apparaît contraire ni à la LPAC ou au RPAC, ni aux principes généraux du droit public, et peut donc être retenue par la chambre administrative – ce d'autant plus qu'il s'impose à l'administration de respecter ses propres directives, sous peine d'adopter un comportement contradictoire et, partant, contraire aux règles de la bonne foi protégée par les art. 5 al. 3 et 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Les examens subis par le recourant constituant sa première tentative, il n'avait dès lors pas à supporter les frais de la finance d'inscription en cas d'échec.

9. Il découle de ce qui précède que l'art. 327a CO ne saurait trouver ici application à titre de droit cantonal supplétif. Les parties, qui ont dans leurs écritures analysé la situation juridique sous cet angle, n'ont cependant pas indiqué quels motifs permettaient de retenir cette disposition à titre de droit supplétif, si ce n'est le silence de la LPAC et du RPAC sur la question de la prise en charge des frais de formation. Force est toutefois de constater qu'un renvoi n'est à tout le moins pas prévu expressément par le droit genevois de la fonction publique.

Quoi qu'il en soit, le document signé par le recourant le 24 juillet 2007 n'envisage pas l'hypothèse d'un échec à l'examen. Quant à la directive du SECO, qui était annexée - de manière tronquée - à ce document, elle concerne les rapports financiers entre deux entités administratives, et n'a pas pour vocation de régir les rapports de travail au sein de la fonction publique cantonale. Dès lors, la mention selon laquelle les taxes et émoluments d'examens sont imputables - c'est-à-dire versés ou remboursés au canton par la Confédération - en cas de réussite, mais non dans le cas contraire, ne pouvaient pas être interprétés par le recourant comme signifiant qu'il aurait à rembourser lui-même CHF 2'000.- à la CCGC en cas d'échec à ses examens.

10. Le recours sera ainsi admis, la chambre administrative constatant que le recourant n'avait pas à supporter les frais de sa première tentative aux examens du brevet de spécialiste en assurances sociales.

Conformément à l'art. 87 al. 1 2ème phr. LPA, aucun émolument ne sera mis à la charge de l’intimé. En revanche, une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge de l'Etat de Genève, sera allouée au recourant, qui obtient gain de cause (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 juin 2011 par Monsieur X______ contre la décision de l'office cantonal de l'emploi du 17 mai 2011.

au fond :

l'admet ;

dit que Monsieur X______ n'a pas à supporter les frais de sa première tentative aux examens du brevet de spécialiste en assurances sociales, effectuée en octobre 2009 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue à Monsieur X______ une indemnité de CHF 1'000.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lorenzo Paruzzolo, avocat du recourant ainsi qu'à l'office cantonal de l'emploi.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :