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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2999/2013

ATA/980/2014 du 09.12.2014 sur JTAPI/1308/2013 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : CIRCULATION ROUTIÈRE(DROIT DE LA CIRCULATION ROUTIÈRE) ; CAPACITÉ DE CONDUIRE ; EXPERTISE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.5 ; Cst.29.al2 ; LCR.14 ; LCR.14a ; OAC.11b
Résumé : Les règles de la circulation routière, en particulier celles permettant à l'autorité d'imposer à un individu de se soumettre à une expertise médicale comme condition pour la délivrance d'un permis d'élève conducteur en cas de doute sur sa capacité de conduire un véhicule à moteur, ne sont pas applicables à la personne mineure qui n'est pas titulaire du permis de conduire et ne manifeste pas son souhait de le requérir à brève échéance. Sous l'angle de la proportionnalité, la mesure prononcée par le service cantonal des véhicules est prématurée et n'est pas propre, au vu des circonstances, à atteindre le but visé. Le recours est admis.
En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2999/2013-LCR ATA/980/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 décembre 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 décembre 2013 (JTAPI/1308/2013)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1996, a été interpellé par la police le 19 juillet 2013 à 00h27 à Plan-les-Ouates, pour vol de véhicule.

Il ressort des différents rapports établis dans le cadre de cet évènement, notamment du procès-verbal de l'audition de l'intéressé par la police, que celui-ci se trouvait dans un bar de Carouge avec trois amis, avant de monter avec eux dans un fourgon stationné à la rue B______, prenant place à l'arrière du véhicule, pour rentrer chez lui au Grand-Lancy. Alors qu'il circulait à la hauteur du cycle d'orientation de C______, le conducteur du fourgon avait accéléré à la vue d'une voiture de police municipale, puis s'était retrouvé dans une impasse. Les quatre occupants étaient alors sortis du fourgon et avaient pris la fuite. M. A______ s'était fait arrêter par la police à la hauteur du magasin Coop de D______. Ses amis ne lui avaient pas dit que le fourgon en question avait été volé, mais il s'en était douté.

Sur question de l'agent qui l'avait interrogé, il avait indiqué consommer du cannabis à raison d'un joint par jour et dépenser pour cela CHF 30.- par semaine.

2) Le 24 juillet 2013, l'office cantonal des véhicules, devenu depuis lors le service cantonal des véhicules (ci-après : le SCV) a informé M. A______ que les autorités de police lui avaient transmis le rapport établi à la suite de son infraction du 19 juillet 2013. Un délai de quinze jours lui était accordé pour faire part de ses observations écrites.

L'intéressé n'y a pas donné suite.

3) Le 14 août 2013, le SCV a rendu une décision imposant à M. A______ de se soumettre à une expertise auprès du centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : le CURML) avant toute délivrance d'un permis d'élève conducteur, nonobstant recours, et l'interdisant en l'état de conduire tout véhicule à moteur.

L'intéressé n'était titulaire d'aucun permis de conduire valable. Entendu par la police le 19 juillet 2013, il avait reconnu consommer un joint de cannabis par jour. L'examen de son dossier incitait le SCV à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur. Dès lors, un examen approfondi auprès de l'unité de médecine et de psychologie du trafic du CURML permettrait d'élucider cette question.

Cette mesure allait être inscrite dans le registre fédéral des mesures administratives (ci-après : ADMAS) pour un durée de dix ans.

4) Le 16 septembre 2013, M. A______ a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) et conclu à son annulation.

Il n'avait pas souvenir d'avoir été invité à présenter des observations au SCV avant que la décision litigieuse ne lui soit notifiée ; son droit d'être entendu avait par conséquent été violé. Par ailleurs, le SCV n'était pas fondé à lui ordonner de se soumettre à une expertise sur la base de la de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Les doutes du SCV reposaient sur sa seule déclaration à la police le 19 juillet 2013 et non sur des éléments concrets figurant au dossier. Or, les faits y relatifs ne relevaient en rien de la LCR ; il était mineur et ne possédait pas le permis de conduire.

5) Le 11 novembre 2013, sollicité par le TAPI, le Tribunal des mineurs a indiqué, après y avoir été autorisé par M. A______, que ce dernier avait fait l'objet d'une ordonnance pénale du 23 juillet 2013, suite à son interpellation du 19 juillet 2013, à teneur de laquelle il avait été reconnu coupable de consommation de stupéfiants. Il avait été condamné à une peine prévue par le droit pénal des mineurs. L'obligation de soins dont il avait fait l'objet à cet égard depuis le 23 août 2012 allait être levée prochainement, vu l'insuccès de la mesure.

6) Le 18 novembre 2013, le TAPI a invité les parties à se déterminer sur ce courrier du Tribunal des mineurs d'ici au 27 novembre 2013. Le même délai a été imparti à M. A______ pour produire une copie de l'ordonnance pénale du 23 juillet 2013.

7) Le 26 novembre 2013, le SCV a persisté dans les termes de sa décision du 14 août 2013. Le contenu du courrier du Tribunal des mineurs confirmait que M. A______ était un consommateur de stupéfiants, raison pour laquelle la délivrance de tout permis de conduire était subordonnée à la présentation d'une expertise favorable du CURML. Toutefois, en l'état et en l'absence de requête tendant à la délivrance d'un permis de conduire, la présentation de ladite expertise n'était pas exigée, contrairement à ce que semblait penser le mandataire de M. A______, vu les termes de son recours.

8) Par jugement du 4 décembre 2013, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

S'il était exact que le SCV avait invité l'intéressé à se déterminer par pli simple du 24 juillet 2013 et qu'aucun élément ne permettait de retenir que ce courrier était bien arrivé dans la sphère du recourant, il avait été envoyé à l'adresse exacte de M. A______ et n'était pas revenu en retour au SCV. L'intéressé n'avait en outre pas allégué n'avoir pas reçu ledit courrier, mais simplement qu'il n'en avait pas souvenir. Même à considérer que son droit d'être entendu n'aurait pas été respecté, une éventuelle violation avait été réparée dans le cadre de la procédure de première instance.

M. A______ avait déclaré à la police être consommateur de cannabis à raison d'un joint par jour. La réalité de cette consommation avait été confirmée dans le cadre de la présente procédure par l'indication du Tribunal des mineurs que l'intéressé avait été reconnu pénalement coupable de consommation de stupéfiants et condamné pour ce fait, suite à son interpellation du 19 juillet 2013. M. A______ n'avait pas présenté d'observations particulières s'agissant de cette condamnation. Sa consommation d'un joint par jour devait ainsi être retenue et c'était à juste titre que le SCV avait émis des doutes sérieux sur son aptitude à conduire des véhicules à moteur, lui demandant de fournir une expertise médicale effectuée par le CURML pour obtenir un permis d'élève conducteur. L'autorité n'avait dès lors ni procédé à une application incorrecte de la loi, ni excédé son pouvoir d'appréciation en rendant la décision querellée.

9) Par acte du 20 janvier 2014, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement du TAPI précité et a conclu, sous suite de frais et dépens, à son annulation.

Il persistait dans les termes et explications de son recours du 16 septembre 2013.

Au surplus, il avait sollicité du TAPI le 27 novembre 2013 une prolongation du délai qui lui avait été imparti pour se déterminer sur le courrier du Tribunal des mineurs et produire les pièces requises. Les premiers juges n'avaient pas donné suite à cette demande, rendant le jugement attaqué le 4 décembre 2013. Il n'avait par ailleurs jamais reçu copie des observations du SCV datées du 26 novembre 2013, de sorte qu'il n'avait pas pu y réagir. Dès lors que son droit à la réplique avait été violé à double titre et que son droit d'être entendu avait déjà été violé par le SCV, sans être réparé au stade de la procédure par-devant le TAPI, une réparation de ces vices ne pouvait pas être envisagée et le jugement attaqué devait être annulé. Ce d'autant plus que son absence de détermination avait précisément été retenue à son encontre dans ledit jugement. Enfin, l'exigence de soumission à une expertise médicale, mesure onéreuse, ne se justifiait pas et la décision du SCV violait le principe de la proportionnalité, dans la mesure où, mineur, il n'avait pas de permis de conduire et où une application de la LCR n'était pas motivée.

10) Le 29 janvier 2014, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d'observations.

11) Le 10 février 2014, le SCV a persisté dans les termes de sa décision du 14 août 2013, ainsi que de ses observations du 26 novembre 2013.

12) Le 7 mars 2014, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties, dont il ressort du procès-verbal que :

a. Le père du recourant avait eu connaissance du courrier du SCV invitant M. A______ à se déterminer dans les quinze jours sur sa consommation de stupéfiants, car il ouvrait le courrier destiné à son fils en son absence. Il lui en avait transmis une copie par fax, car il se trouvait à Sion à cette époque. Ils n'avaient jamais été interpellés formellement par le SCV. Sans s'être renseigné directement auprès du CURML, il se doutait que les frais liés à l'expertise requise étaient élevés. Lui et son épouse n'étaient pas prêts à les prendre en charge.

b. Selon la mère du recourant, elle et son époux avaient constaté une évolution favorable de la manière dont leur fils gérait sa consommation de stupéfiants. Elle avait pris pour lui rendez-vous avec un médecin afin de procéder prochainement à une analyse. M. A______ était très motivé, car il cherchait une place d'apprentissage pour la rentrée. Il avait déjà passé des tests d'évaluation qu'il avait réussis.

c. M. A______ avait pris connaissance du courrier du SCV lui demandant de se déterminer notamment sur sa consommation du stupéfiants dans un délai de quinze jours, lorsqu'il était au foyer, mais n'y avait pas donné suite. Il se trouvait actuellement sans revenu et était à la recherche d'une place d'apprentissage. Si la décision litigieuse devait être confirmée, il n'aurait vraisemblablement pas les moyens d'assumer les frais d'une expertise. Il avait réduit sa consommation de cannabis à environ trois joints par semaine, essentiellement le week-end. Il était d'accord que les résultats de ses tests d'évaluation en vue d'un apprentissage, ainsi que des analyses médicales auxquelles il allait se soumettre soient transmis à la chambre de céans. Il avait conscience de l'importance de démontrer que sa situation au regard de sa consommation de stupéfiants n'était pas telle qu'elle doive susciter des doutes quant à la conduite d'un véhicule. Il n'envisageait pas de passer son permis de conduire dans l'immédiat, il pensait attendre 2015.

d. Selon la représentante du SCV, il n'y avait pas de procédure particulière en fonction de l'âge de l'administré ; les courriers le concernant lui étaient adressés, même s'il était mineur. Les parents n'étaient jamais interpellés, même lorsque les courriers impliquaient un certain nombre d'éléments financiers. Le CURML était mentionné comme entité chargée des expertises imposées par les décisions du SCV, car il s'agissait de son interlocuteur habituel. Le destinataire de la décision pouvait s'adresser à une autre entité, pour autant que celle-ci soit reconnue. La question de l'avance de frais de l'expertise figurant dans la décision était un élément mentionné à bien plaire pour le centre.

e. À l'issue de l'audience, les parties ont pris note que, sans suspendre la procédure, le juge délégué entendait attendre l'évolution de la situation professionnelle du recourant pour poursuivre l'instruction, étant précisé que les documents pertinents allaient être fournis par M. A______ et son entourage.

13) Le 11 mars 2014, le recourant a transmis copie d'une attestation du 6 mars 2013 portant sur ses résultats aux évaluations d'entrée en apprentissage du métier de carreleur.

14) Le 17 juin 2014, M. A______ a transmis copie d'un certificat médical émis le 21 mai 2014 par le Docteur E______ attestant être en charge du suivi médical de l'intéressé, notamment concernant sa consommation de THC.

15) Le 4 juillet 2014, le recourant a adressé copie du contrat d'apprentissage du métier de carreleur qu'il avait conclu le 1er juillet 2014 avec une entreprise de la place.

16) Le 18 juillet 2014, un délai au 22 août 2014 a été accordé aux parties pour formuler toute requête complémentaire.

Ni M. A______, ni le SCV ne se sont manifestés.

17) Le 5 septembre 2014, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu par le SCV, lequel ne lui aurait pas laissé l'occasion de se déterminer sur son courrier du 24 juillet 2013 avant de rendre sa décision du 14 août 2013.

b. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 138 II 252 consid. 2.2 p. 255 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_866/2010 du 12 mars 2012 c. 4.1.1 ; 8C_643/2011 du 9 mars 2012 c. 4.3 et réf. citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 5A_150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 consid. 2 et les arrêts cités).

c. En l'espèce, le SCV a envoyé au recourant un courrier du 24 juillet 2013, l'invitant à se déterminer dans un délai de quinze jours quant au rapport établi à la suite de son arrestation du 19 juillet 2013. Dans un premier temps, le TAPI a retenu qu'aucun élément du dossier ne permettait de démontrer avec certitude que ce courrier était bien parvenu au recourant, lequel alléguait ne pas se souvenir de l'avoir reçu. Les premiers juges ont néanmoins considéré que, si une violation du droit d'être entendu du recourant était possible, celle-ci avait été réparée dans le cadre de la présente procédure.

Cependant, lors de l'audience du 7 mars 2014 devant la chambre de céans, tant le recourant que son père ont admis avoir pris connaissance du courrier de l'intimé du 24 juillet 2013, le premier ayant ouvert le courrier de son fils avant de le lui transmettre par fax au foyer dans lequel il se trouvait alors, mais n'y avoir pas donné suite.

En conséquence, dans la mesure où ces déclarations corroborent le fait que l'intéressé, dûment invité à se déterminer, a renoncé à le faire en temps utile, tout doute subsistant concernant une éventuelle violation du droit d'être entendu du recourant par l'autorité intimée sera levé.

3) a. Le recourant se plaint également d'une violation de son droit d'être entendu par le TAPI, lequel ne lui aurait pas transmis copie des observations du SCV du 26 novembre 2013 et n'aurait pas donné suite à sa demande de prolongation du délai pour se déterminer sur le courrier du Tribunal des mineurs du 11 novembre 2013 avant de rendre son jugement du 4 décembre 2013.

b. Outre les principes rappelés ci-dessus, la violation du droit d’être entendu doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 135 I 279 consid. 2.6.1 p. 285 ; 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_1/2013 du 1er mars 2013 consid. 4.1 ; 8C_104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3 ; ATA/68/2013 du 6 février 2013 consid. 3). Une réparation devant l’instance du recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée (ATF 138 I 97 consid. 4.16.1 p. 103 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197 s. ; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 2.1 et références citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 8C_104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3.2 ; 5A_150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; 1C_104/2010 du 29 avril 2010 consid. 2 ; ATA/197/2013 du 26 mars 2013 consid. 4). La possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/304/2013 du 14 mai 2013 consid. 4 c ; ATA/126/2013 du 26 février 2013).

c. En l'espèce, le recourant produit à l'appui de son recours copie d'une lettre de son conseil au TAPI, datée du 27 novembre 2013, sollicitant une prolongation du délai fixé à cette même date pour se déterminer sur le courrier du Tribunal des mineurs du 11 novembre 2013 et produire les pièces demandées. Or, à teneur du dossier, bien que cette requête ait été adressée avant l'expiration du délai imparti (art. 16 al. 2 LPA), il n'apparaît pas que le TAPI y ait donné suite, même dans le sens d'un refus. Il ne ressort pas non plus du dossier qu'une copie des observations du SCV du 26 novembre 2013 ait été transmise au recourant.

Le TAPI ayant rendu son jugement et l'ayant notifié aux parties le 4 décembre 2013, retenant notamment à l'encontre du recourant que celui-ci n'avait pas présenté d'observations particulières s'agissant de sa condamnation du 23 juillet 2013 et de sa consommation de stupéfiants, force est de constater que l'intéressé n'a pas été en mesure de faire valoir pleinement son droit d'être entendu au stade de la première instance.

En seconde instance toutefois, le juge délégué a ordonné plusieurs mesures d'instruction, en particulier une audience de comparution personnelle des parties ainsi que la production de diverses pièces par le recourant en vue d'établir précisément sa situation. Un délai a encore été accordé à l'issue des enquêtes pour formuler toutes requêtes complémentaires, dont les parties n'ont pas fait usage. Dès lors, la chambre de céans étant dotée du même pouvoir de cognition que le TAPI, la violation du droit d'être entendu du recourant, qui a désormais largement pu faire valoir son point de vue, doit être considérée comme réparée dans le cadre de la présente procédure.

4) a. Le recourant estime que la décision du SCV du 14 août 2013 ne serait pas conforme à la loi et serait contraire au principe de la proportionnalité.

b. Aux termes de l'art. 14 al. 1 et 2 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite, à savoir en particulier avoir atteint l'âge minimal requis (let. a), posséder les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffrir d'aucune dépendance l'empêchant de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et ses antécédents doivent attester qu'il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

Selon l'art. 14a al. 1 LCR, le permis d'élève conducteur est délivré si le candidat a réussi l'examen théorique prouvant qu'il connaît les règles de la circulation (let. a) et démontré qu'il possédait les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b). L'attestation requise en vertu de l'al. 1 let. b est apportée par un examen de la vue reconnu officiellement et par une déclaration personnelle sur leur état de santé (art. 14a al. 2 let. b LCR).

À teneur de l'art. 11b al. 1 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51), intitulé « examen de la demande », l'autorité compétente examine si les conditions requises pour délivrer un permis d'élève conducteur, un permis de conduire (art. 5a ss) ou une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel (art. 25 en relation avec l'art. 11a al. 1 let. b) sont remplies. En particulier, elle adresse le requérant à un médecin-conseil désigné par elle-même ou le confie à un institut spécialisé de son choix, si l'aptitude de l'intéressé à conduire un véhicule automobile suscite des doutes (let. a) ou ordonne un examen psychologique ou psychiatrique par un institut désigné par elle-même, si l'aptitude caractérielle ou psychique du requérant à conduire un véhicule automobile suscite des doutes (let. b).

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c p. 222 et les références citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

d. En l'espèce, le recourant, tant à la date de son arrestation qu'à la date du prononcé de la décision querellée, était mineur et n'était pas titulaire du permis de conduire. S'il est devenu majeur au cours de la présente procédure, il n'a jamais manifesté son souhait de requérir à brève échéance un permis d'élève conducteur ; il a au contraire expressément déclaré n'avoir pas l'intention d'entreprendre des démarches en ce sens, à tout le moins pas avant l'année 2015. Par ailleurs, bien qu'il ait été interpellé initialement dans le cadre d'un vol de voiture dont il a été passager, il n'a pas été condamné pour cette infraction. En effet, à teneur du courrier du Tribunal des mineurs du 11 novembre 2013, le recourant a fait l'objet d'une ordonnance pénale uniquement pour la consommation de stupéfiants qu'il avait admise lors de son audition par la police, à l’exclusion d’une infraction pénale à la LCR. Dans ces circonstances, ni cette loi, ni les autres règles en matière de circulation routière ne lui sont applicables en l'état. Ainsi, bien qu'elle eût des doutes quant à l'aptitude du recourant à la conduite, eu égard à sa consommation de cannabis, l'autorité intimée ne pouvait pas fonder sa décision de lui ordonner de se soumettre à une expertise médicale au titre de condition pour la délivrance d'un permis d'élève conducteur sur la base de ces dispositions légales.

Par ailleurs, du point de vue du principe de la proportionnalité, force est de constater que le SCV, en ordonnant au recourant de se soumettre à une expertise médicale, mesure au demeurant onéreuse, comme condition pour demander un permis d'élève conducteur, n'a pas tenu compte du fait qu'entre le jour de l'infraction pour laquelle il a été condamné et celui où il entreprendrait effectivement des démarches en ce sens, sa situation personnelle pouvait considérablement évoluer, y compris favorablement. Or à ce jour, tel a manifestement été le cas. En effet, à teneur du dossier et des pièces produites, le recourant, devenu récemment majeur mais n'entendant pas requérir un permis d'élève conducteur dans l'immédiat, semble avoir réduit sa consommation de cannabis, est suivi par un médecin dans ce cadre et a trouvé une place d'apprentissage. Toutefois, aucun élément du dossier, qu'il s'agisse des déclarations du recourant à la police ou à la chambre de céans, du courrier du Tribunal des mineurs du 11 novembre 2013 ou encore du certificat médical attestant de son suivi dans le cadre de sa consommation de cannabis, ne permet d'établir avec précision les quantités de stupéfiants qu'il consomme réellement, ni l'évolution de cette consommation au jour où il souhaitera requérir un permis d'élève conducteur. Dès lors, la décision litigieuse était trop anticipée pour être propre à atteindre le but visé, à savoir contrôler l'aptitude du recourant à la conduite d'un véhicule à moteur avant de lui délivrer un permis.

Par conséquent, la décision du SCV imposant au recourant de se soumettre à une expertise médicale auprès du CURML avant toute délivrance d'un permis d'élève conducteur s'avère contraire au droit et inadéquate. En la prononçant, l'autorité intimée a outrepassé son pouvoir d'appréciation, dès lors qu’elle n’était pas autorisée, en l’absence de demande du recourant, à prononcer cette mesure.

5) Au vu de ce qui précède, le recours sera admis. La décision du SCV du 14 août 2013, de même que le jugement du TAPI du 4 décembre 2013 seront annulés.

Compte tenu de l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant à la charge de l’Etat de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 janvier 2014 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 décembre 2013 ;

 

au fond :

l'admet ;

annule la décision du service cantonal des véhicules du 14 août 2013, ainsi que le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 décembre 2013 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue au recourant une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au service cantonal des véhicules.

Siégeants : Mme Junod, présidente, M. Dumartheray, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

Ch. Junod

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :