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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3757/2017

ATA/666/2018 du 26.06.2018 sur JTAPI/1098/2017 ( RECUS ) , REJETE

Descripteurs : COMPÉTENCE DROIT À UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE ET IMPARTIALE ; COMPOSITION DE L'AUTORITÉ ; DEMANDE ADRESSÉE À L'AUTORITÉ ; RÉCUSATION ; EXERCICE D'UNE FONCTION DANS DES PROCÉDURES DIFFÉRENTES ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; MOTIVATION DE LA DÉCISION ; CONSTRUCTION ET INSTALLATION ; PERMIS DE CONSTRUIRE
Normes : LPA.62.al2; LPA.64.al2; LPA.65; LPA.15A.al1.letf; LPA.15A.al4
Résumé : Tardiveté de la demande de récusation déposée trois mois après le dépôt du recours devant le TAPI. La présence de la magistrate dont la récusation était demandée était indiqué sur le site internet du pouvoir judiciaire. En tout état, pas d'apparence de prévention pour la magistrate ayant rejeté plusieurs recours contre une autorisation de démolir un bâtiment et qui est chargée des recours contre l'autorisation de construire sur la parcelle du bâtiment dont elle a confirmé l'autorisation de détruire. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3757/2017-RECUS ATA/666/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

et

B______ SA

représentée par Me Daniel Peregrina, avocat

et

Madame C______

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 16 octobre 2017 (JTAPI/1098/2017)


EN FAIT

1) Le bâtiment commercial n° 1______, érigé sur la parcelle n° 2______, feuille _______de la commune de Genève-Cité, à l'adresse D______, est propriété de la B______ SA (ci-après: B______). Un cinéma y a été exploité jusqu'en 2004, sous l'enseigne « E______ » (ci-après : E______). Il abrite également des arcades notamment le long de la rue D______.

2) Par décision 2 octobre 2015 (M 3______), le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le DT), a autorisé la démolition du bâtiment.

Cette autorisation était notamment subordonnée à l'entrée en force de l'autorisation de construire du projet remplaçant le bâtiment à détruire, aucun chantier en vue de sa démolition ne pouvant être ouvert dans l'intervalle.

3) Le 9 novembre 2015, cinq recours ont été déposés auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l'autorisation de démolition, et toutes les procédures attribuées à Madame C______, ______ du TAPI (ci-après : la magistrate). Celle-ci a ensuite siégé avec différents juges assesseurs pour traiter lesdits recours, soit ceux de :

-          Monsieur F______ (cause A/3926/2015 6 LCI), déclaré irrecevable par jugement du 18 décembre 2015 (JTAPI/1495/2015) ;

-          Monsieur G______, le groupe Facebook « Touchez pas au E______ » et l'Association pour la sauvegarde du E______ - ensuite mise hors de cause (cause A/3927/2015 6 LCI), déclaré irrecevable par jugement du 28 janvier 2016 (JTAPI/90/2016), entraînant la notification d'une décision d'irrecevabilité des demandes d'intervention reçues dans le cadre de cette procédure (DITAI/55/2016 du 28 janvier 2016) ;

-          Messieurs A______ (cause A/3924/2015 6 LCI) et H______ (cause A/3925/2015 6 LCI), rejetés après leur jonction par jugement du 28 janvier 2016 (JTAPI/102/2016) ;

-          La Fédération des architectes suisses, FAS section Genève (cause A/3922/2015 6 LCI), déclaré irrecevable par jugement du 18 avril 2016 (JTAPI/400/2016), que la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) a confirmé par arrêt du 26 octobre 2016 (ATA/903/2016).

4) M. G______ a par la suite formé réclamation, le 4 mars 2016, contre les dépens mis à sa charge dans le jugement JTAPI/90/2016 (cause A/751/2016 6 LCI), rejetée par jugement du 22 mars 2016 (JTAPI/319/2016).

Il a par ailleurs déposé une réclamation à l'encontre du jugement JTAPI/1495/2015 pour se plaindre des dépens mis à la charge de M. F______ (cause A/785/2015 6 LCI), déclarée irrecevable par jugement du 22 mars 2016 (JTAPI/321/2016).

5) MM. A______ et H______ ont également chacun déposé une réclamation le 4 mars 2016 pour contester les dépens mis à leur charge dans le jugement (JTAPI/102/2016), laquelle a été admise partiellement par jugement JTAPI/333/2016du 30 mars 2016 (causes jointes sous le n° A/750/2016 6 LCI), les dépens à la charge de M. H______ ayant été diminués en raison de sa situation personnelle.

6) Toutes ces procédures sont aujourd'hui terminées.

7) Par décision du 8 mai 2017, le DT a délivré à B______ une autorisation de construire un bâtiment regroupant des activités commerciales, des logements pour étudiants, un parking public et d'abattre des arbres sur les parcelles nos 2______, 4______ et 5______, rue D______.

8) Par acte du 7 juin 2017, M. A______, agissant en personne, a recouru auprès du TAPI contre cette autorisation, concluant à son annulation. La procédure a été ouverte sous le numéro de cause A/2503/2017 6 LCI.

9) L'instruction de la cause a débuté par l'envoi d'un accusé de réception avec demande d'avance de frais du 15 juin 2017, signé par la greffière et portant le numéro de cause A/2503/2017 6 LCI, et la transmission à B______ du recours de M. A______ par le biais d'un courrier signé par la greffière et portant ledit numéro de cause.

10) Le 17 juillet 2017, B______ a adressé ses observations au TAPI, concluant à l'irrecevabilité du recours de M. A______, en utilisant, dans son courrier d'accompagnement, la formule d'appel « Madame la Présidente ».

11) Le TAPI a transmis ses observations à M. A______ en date du 21 juillet 2017 avec la mention que le dossier pouvait être consulté au greffe du TAPI.

12) Le 11 août 2017, le DT a adressé ses observations au TAPI en utilisant la formule d'appel « Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Juges assesseurs ».

13) Cette écriture a été transmise par le TAPI à M. A______ en date du 16 août 2017.

14) Le 5 septembre 2017, M. A______ a adressé sa réplique au TAPI en utilisant la formule de politesse « Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Juges assesseurs ».

15) Par courrier du 11 septembre 2017, M. A______ a demandé la récusation de la magistrate. Cette dernière lui avait « refusé le droit de participer à la procédure » relative à l'autorisation de démolir E______ en déclarant son recours irrecevable, et mis d'importants dépens et émoluments à sa charge qui semblaient relever d'une mesure de rétorsion tant ils dépassaient les pratiques habituelles. Elle avait également déclaré irrecevables les recours des personnes qui avaient été invitées par le TAPI à participer à la procédure, tout en facturant le procédé.

Cette procédure a été ouverte sous le numéro de cause A/3757/2017.

16) Par courrier du 21 septembre 2017, sous la plume de son conseil,
B______ s'est opposé à la demande de récusation, la qualifiant d'abusive.

17) La magistrate s'est déterminée sur la demande de récusation le 22 septembre 2017, concluant à son rejet dans la mesure de sa recevabilité.

18) M. A______ a persisté dans les termes de sa demande le 5 octobre 2017.

19) Par courrier du même jour, le DT s'en est rapporté à justice sur la question de la récusation de la magistrate.

20) Par décision du 16 octobre 2017, la délégation du TAPI a déclaré irrecevable la demande de récusation formée par M. A______.

La demande était tardive car elle intervenait plus de trois mois après l'ouverture de la procédure, alors que, dès le début de l'instruction de son recours, M. A______ savait ou à tout le moins avait en mains tous les éléments nécessaires pour se rendre compte que la cause avait été attribuée à la magistrate, en prêtant attention aux références indiquées. La procédure portait le numéro de cause A/2503/2017 6 LCI, référence à la chambre ______ dont la présidente était Mme C______, ce qui avait été indiqué dès l'ouverture de la procédure et figurait sur le site internet du Pouvoir judicaire. Tel avait été déjà le cas s'agissant du recours qu'il avait déposé contre l'autorisation de démolir, alors enregistré sous le numéro de cause A/3924/2015 6 LCI.

21) Le 17 novembre 2017, M. A______ a formé recours contre cette décision, en adressant son acte au TAPI.

22) Par jugement sur compétence JTAPI/1222/2017 du 22 novembre 2017, le TAPI a déclaré irrecevable le recours du 17 novembre 2017 de M. A______ et l'a transmis à la chambre administrative pour raison de compétence.

23) Le 5 décembre 2017, le DT s'en est rapporté à justice quant à la demande de récusation.

24) Le 7 décembre 2017, la magistrate a indiqué faire siens les considérants de la décision du 16 octobre 2017.

25) Dans sa réponse du 22 décembre 2017, B______ a conclu à l'irrecevabilité du recours et à la condamnation de M. A______ au paiement d'une amende pour téméraire plaideur.

26) Le 18 janvier 2018, M. A______ a fait usage de son droit à la réplique et persisté dans ses arguments et conclusions, maintenant qu'il avait agi dès qu'il s'était rendu compte de l'identité de la magistrate en charge de sa procédure.

27) Le 22 janvier 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La société intimée soutient que l'acte déposé au TAPI le 17 novembre 2017 n'aurait pas dû être considéré comme un recours mais comme une demande de révision dont le traitement relevait de la compétence du TAPI.

a. La chambre administrative est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 132 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05). Sauf exceptions prévues par la loi, elle statue sur les recours formés contre les décisions des autorités et juridictions administratives au sens des art. 4, 4a, 5, 6 al. 1 let. a et e et 57 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10 ; art. 132 al. 2 LOJ).

b. Le recours est formé par écrit et adressé à la juridiction administrative appelée à en connaître (art. 64 al. 1 LPA). Selon l'art. 64 al. 2 LPA, le recours adressé à une autorité incompétente est transmis d'office à la juridiction administrative compétente et le recourant en est averti. L'acte est réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité.

c. Aux termes de l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1) ; l'acte de recours contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d'irrecevabilité (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que la chambre administrative et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/18/2017 du 10 janvier 2017 ; ATA/29/2016 du 12 janvier 2016).

L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/18/2017 précité ; ATA/29/2016 précité).

d. En l'espèce, le recourant, qui agit en personne, a intitulé son écriture « recours », terme qu'il utilise à plusieurs reprises. Même en l'absence de conclusions formelles en ce sens, son objectif est manifestement d'obtenir la récusation de la magistrate qu'il estime partiale et, partant, l'annulation de la décision lui refusant ladite récusation. Rien ne permet non plus d'affirmer que le recourant aurait été de mauvaise foi et aurait sciemment adressé son recours à la mauvaise juridiction, à des fins dilatoires.

C'est ainsi à raison que le TAPI a considéré l'acte comme un recours et l'a transmis à la chambre administrative pour raison de compétence en application de l'art. 64 al. 2 LPA. Le recours est ainsi recevable de ce point de vue.

2) a. Le délai de recours est de trente jours s'il s'agit d'une décision finale ou d'une décision en matière de compétence (art. 62 al. 1 let. a LPA), et de dix jours s'il s'agit d'une autre décision (art. 62 al. 1 let. b LPA). Le délai court dès le lendemain de la notification de la décision (art. 62 al. 3 LPA).

Aux termes de l'art. 57 let. c LPA, le recours contre une décision incidente n'est ouvert que si celle-ci cause un préjudice irréparable ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. La décision sur récusation est une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure, par opposition à une décision finale (ATF 126 I 203 consid. 1). En droit genevois, elle est susceptible d'un recours immédiat car elle cause un préjudice irréparable, le recourant ayant un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 126 V 244 consid. 2a ; ATA/657/2015 du 23 juin 2015).

b. Si la décision indique, par erreur, un délai supérieur au délai légal, le recours peut être formé jusqu'à l'expiration du délai indiqué (art. 62 al. 2 LPA).

La loi préserve ainsi la bonne foi des administrés, lorsque ceux-ci se fient à des indications données par les autorités. Toutefois, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que si la partie sans connaissances juridiques peut se fier à l'indication inexacte du délai de recours contenue dans la décision cantonale, il n'y a pas de protection pour la partie dont l'avocat eût pu déceler l'erreur à la seule lecture du texte légal, sans recourir à la jurisprudence ou à la doctrine
(ATF 135 III 374 consid. 1.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_408/2015 du 8 octobre 2015 consid. 2.1).

c. En l'espèce, le recours porte sur la décision du TAPI refusant la récusation, requise par le recourant, de la magistrate du TAPI en charge de la procédure administrative ouverte suite à son recours du 7 juin 2017.

Selon la jurisprudence susmentionnée, cette décision, incidente, est susceptible d'un recours immédiat, soit dans le délai de dix jours suivant sa notification, dès lors qu'elle cause un préjudice irréparable à l'intéressé. Or, la décision attaquée indiquait par erreur un délai de trente jours. Le recourant a agi à l'intérieur de ce délai, de sorte que son recours est recevable de ce point de vue également.

3) L'objet du litige porte sur la recevabilité, singulièrement son éventuelle tardiveté, de la demande de récusation formée le 11 septembre 2017 par le recourant à l'encontre de la magistrate en charge de la procédure administrative ouverte suite à son recours du 7 juin 2017.

4) a. En vertu de l'art. 15A al. 1 let. f LPA, les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions se récusent s'ils pourraient être prévenus de toute autre manière, notamment en raison d'un rapport d'amitié ou d'inimitié avec une partie ou son représentant. Les juges, les membres des juridictions et les membres du personnel des juridictions qui se trouvent dans un cas de récusation sont tenus d'en informer sans délai le président de leur juridiction (art. 15A al. 3 LPA).

b. La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), à l'instar de la protection conférée par l'art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), permet au plaideur de s'opposer à une application arbitraire des règles cantonales sur l'organisation et la composition des tribunaux, y compris les prescriptions relatives à la récusation des juges. Elle permet aussi, indépendamment du droit cantonal, d'exiger la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à faire naître un doute sur son impartialité ; elle tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération ; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 131 I 24 consid. 1.1 ; ATA/309/2017 du 21 mars 2017). Un risque de prévention ne doit dès lors pas être admis trop facilement, mais doit se justifier par des motifs particulièrement importants (ATF 122 II 471 consid. 3b ; ATA/284/2017 du 14 mars 2017).

c. Selon un principe général, exprimé en droit genevois à l'art. 15A al. 4 LPA, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3), dès lors qu'il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l'autorité pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2). Le moment de la connaissance du motif de récusation peut se décomposer en deux temps : il faut, d'une part, connaître l'identité de la personne récusable et savoir qu'elle sera appelée à participer à la procédure et, d'autre part, connaître l'origine du possible biais (ATA/284/2017 précité).

Cela ne signifie toutefois pas que l'identité des personnes appelées à statuer doive nécessairement être communiquée de manière expresse au justiciable, dans la mesure où il suffit que leur nom ressorte d'une publication générale, facilement accessible, par exemple l'annuaire officiel ou le site internet officiel du canton, pour que celui-ci doive demander la récusation en tout début de procédure (ATA/199/2015du 24 février 2015 et les références citées). La partie assistée d'un avocat est en tout cas présumée connaître la composition régulière de l'autorité (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 ; ATA/153/2018du 20 février 2018 ; ATA/282/2015 du 17 mars 2015). Selon la jurisprudence de la juridiction de céans, une demande de récusation formée plus de trente jours (ATA/635/2001 du 9 octobre 2001), respectivement trois semaines (ATA/458/2005 du 21 juin 2005) après la connaissance des faits déterminants est tardive, notamment lorsque le requérant a laissé procéder (ATA/437/2011du 7 juillet 2011).

5) En l'espèce, il ressort du dossier qu'avant la présente procédure administrative relative à l'autorisation de construire sur la parcelle où est situé E______, le recourant s'était déjà adressé au TAPI pour former recours contre l'autorisation de démolir E______, puis pour s'opposer aux frais et dépens qui avaient été mis à sa charge suite au rejet de son recours. Dans les deux cas, c'est la même magistrate qui avait été en charge du traitement des procédures, lesquelles portaient chacune un numéro de cause se terminant par le chiffre ______. Les jugements rendus par la magistrate et ses assesseurs datent respectivement des 28 janvier et 30 mars 2016, soit plus d'une année et demie avant que le recourant ne forme sa demande de récusation à l'encontre de ladite magistrate.

Il n'en va pas différemment des comportements dont se plaint le recourant en lien avec les autres procédures liées aux recours déposés contre l'autorisation de démolir E______, auxquelles lui-même n'était pas partie. Toutes ont été tranchées par la magistrate et ses différents assesseurs entre le 18 décembre 2015 et le 18 avril 2016. Or, il ressort du dossier et des termes du recourant lui-même qu'il savait que cette même magistrate était également en charge de ces procédures.

S'agissant de la procédure initiée par le recours au TAPI du 7 juin 2017, elle a commencé par des courriers contenant le numéro de la cause, lequel se termine, à l'instar de toutes les procédures susmentionnées, par le chiffre ______.

Il ressort d'ailleurs de la procédure que, tant l'accusé de réception du recours adressé par le TAPI au recourant que les courriers de transmission dudit recours aux parties intimées, étaient à la seule signature de la greffière et portaient ce même numéro de cause. Pourtant, aussi bien l'intimée que le DT ont répondu au recours en adressant leur écriture à « Madame la Présidente ».

Or, ainsi que le relève le TAPI dans la décision entreprise, une simple recherche sur le site internet du Pouvoir judiciaire http://ge.ch/justice/composition-du-tribunal-administratif-de-premiere-instance aurait suffi pour vérifier l'identité du magistrat siégeant, sans que l'assistance d'un avocat ne soit nécessaire. La composition du TAPI est ainsi facilement accessible, si bien que le recourant était lui aussi en mesure de connaître, dès le début de la procédure, les noms des magistrats qui y siégeaient, de constater ainsi que la magistrate visée était toujours membre de cette juridiction, qu'elle présidait la chambre en charge de sa seconde procédure également, et, par conséquent, était susceptible de traiter sa cause.

Aussi, en tant qu'elle n'a été formulée que le 11 septembre 2017, soit trois mois après avoir reçu les premiers courriers du TAPI, la demande de récusation formulée par le recourant est tardive.

Partant, c'est à bon droit que le TAPI l'a déclarée irrecevable, et la décision attaquée sera confirmée.

6) En tout état, ainsi que le relève le TAPI, selon une jurisprudence constante, la garantie du juge impartial ne commande pas la récusation d'un juge au simple motif qu'il a, dans une procédure antérieure - voire dans la même affaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_151/2012 du 4 juin 2012 consid. 2.2) -, tranché en défaveur du requérant (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2.2). Seules des circonstances exceptionnelles permettent de justifier une récusation dans de tels cas, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne serait pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (ATF 138 VI 142 consid. 2.3). Ces conditions n'étant en l'espèce pas remplies, de sorte que même si elle avait été déclarée recevable, la demande de récusation aurait également été rejetée au fond.

7) L'intimée requiert la condamnation du recourant à une amende pour téméraire plaideur (art. 88 LPA).

Conformément à la jurisprudence constante de la chambre de céans, les conclusions des parties à cet égard sont irrecevables (ATA/589/2017du 23 mai 2017). Quoi qu'il en soit, compte tenu notamment du fait que le recourant a agi en personne, il ne sera pas prononcé d'amende à ce titre.

8) Au vu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée à l'intimée, à la charge du recourant (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 novembre 2017 par Monsieur A______ contre la décision du Tribunal administratif de première instance du 16 octobre 2017 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à B______ SA, à la charge de Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à B______ SA, au département du territoire, à Madame C______, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :