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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2591/2004

ATA/458/2005 du 21.06.2005 ( ASAN )

Descripteurs : PROCEDURE; DEMANDE DE RECUSATION
Normes : LOJ.96 al.2; LOJ.97 litt.b; LOJ.99
Résumé : Une demande de récusation est tardive lorsqu'elle est déposée près de trois semaines après les faits fondant la demande et également lorsque le demandeur a laissé le juge procéder après les faits.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2591/2004-ASAN

DÉCISION

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 21 juin 2005

sur récusation

dans la cause

 

 

Monsieur J__________

représenté par Me Guillaume Ruff, avocat

 

 

contre

Madame H.__________

 

dans la cause l’opposant

au

DÉPARTEMENT DE L'ACTION SOCIALE ET DE LA SANTÉ



1. Le 10 novembre 2004, le département de l’action sociale et de la santé (ci-après : le DASS) a infligé au Dr J__________, médecin répondant de la société P__________S.A. (ci-après : le Dr J__________ ou le requérant et la permanence) une amende d’un montant de CHF 5'000.- au motif qu’il avait employé, en qualité de médecin, une personne qui n’avait pas encore la reconnaissance de son titre étranger et qui n’était pas encore, de ce fait, autorisée à pratiquer la médecine dans le canton de Genève.

2. Le 19 décembre 2004, le Dr J__________ a recouru contre la décision précitée et le 25 février 2005, le DASS a répondu au recours concluant à son rejet.

3. Le 8 avril 2005, les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle. Le Dr J__________ a déclaré qu’il était persuadé que la personne concernée dans la procédure au fond était de nationalité suisse et qu’elle allait faire reconnaître son diplôme français par les autorités helvétiques. Elle avait bien reçu un patient à la permanence le 18 décembre 2002, car le médecin urgentiste était occupé.

4. Postérieurement à l’audience, le juge délégué a encore demandé et obtenu, le 11 avril 2005, le dossier de la procédure pénale ayant opposé le ministère public au Dr J__________. Elle a également requis et obtenu des renseignements de l’office de la main d’œuvre étrangère, qui relève du département de l’économie, de l’emploi et des affaires extérieures.

5. Le Dr J__________ a été informé tant des démarches de la juge déléguée, par mémo du 11 avril 2005, que de la réception du dossier pénal, par mémo du 19 du même mois.

6. Par pli recommandé daté du 28 avril 2005 et reçu au greffe du Tribunal administratif le 3 mai de la même année, le Dr J__________ a demandé la récusation de Mme H.__________, juge délégué, au motif que ce magistrat lui avait adressé quantité de remarques désobligeantes lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 28 avril 2005 et avait démontré sa méconnaissance du sujet, l’audience étant émaillée de malentendus.

7. Le 3 mai 2005, le juge délégué s’est déterminé concluant à l’irrecevabilité de la requête du Dr J__________ au motif que celle-ci était tardive, car elle ne datait que du 28 avril 2005.

8. Le même jour, le président du Tribunal administratif a interpellé Monsieur le Procureur général afin qu’il se détermine sur la demande de récusation dont Mme H.__________ faisait l’objet.

9. Par lettre du 27 mai 2005, reçue au greffe du Tribunal administratif le 1er juin 2005, Monsieur le Procureur général conclut au rejet de la demande, dans la mesure où elle était recevable, car elle paraissait tardive, comme l’avait mentionné le juge délégué.

10. Le 2 juin 2005, le greffe du Tribunal a transmis par courrier et par télécopieur les réponses du juge délégué et de Monsieur le Procureur général au requérant, lui impartissant un délai au lundi 6 juin 2005 à 15h00 s’il entendait déposer des observations supplémentaires.

Le 6 juin 2005, le greffe a reçu une lettre, datée du 3 juin 2005, expédiée par l’avocat constitué par le Dr J__________. Le tribunal avait omis de tenir compte de la constitution de cet avocat, avec élection de domicile, en date du 4 mai 2005. Il convenait dès lors de lui accorder un délai supplémentaire, afin qu’il puisse déposer une écriture concernant la demande de récusation.

Le 7 juin 2005, le tribunal a imparti au conseil du recourant un nouveau délai au 16 juin 2005 pour se déterminer sur les observations à la demande de récusation alors déposée par le recourant en personne.

11. Par acte du 16 juin 2005, le conseil du recourant a formé des observations. Le Dr J__________ avait assisté à une audience de comparution personnelle en date du 8 avril 2005 alors qu’il plaidait encore en personne. Il imputait au juge délégué à l’instruction de la cause une attitude agressive, des remarques désobligeantes, la remarque selon laquelle il aurait détourné la loi et une mauvaise connaissance de celle-ci, obligeant ledit magistrat à se renseigner auprès de l’autorité intimée. Compte tenu de ces éléments, le Dr J__________ avait considéré que le juge était prévenu à son égard. Les mesures d’instruction postérieures n’avaient pas été prises à la demande du recourant, mais à l’initiative du tribunal. La lettre de l’intéressé au juge délégué à l’instruction de la cause, datée du 28 avril 2005, devait être considérée comme une demande de récusation. En lui reprochant d’avoir détourné la loi, le magistrat concerné avait manifesté son avis avant le temps d’émettre une opinion pour le jugement et avait ainsi violé l’article 91 lettre e LOJ. Les termes vifs qu’il avait employé à l’égard du recourant pouvaient faire douter de son impartialité au sens de l’article 91 lettre I LOJ. Il y avait lieu dès lors d’inviter le juge à préciser s’il avait tenu ou non les propos qui lui étaient imputés.

1. Selon l’article 98 alinéa 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ – E 2 05), la requête comportant une demande de récusation doit être remise au président de la juridiction dans laquelle siège le magistrat concerné. Selon la jurisprudence du tribunal de céans, la demande de récusation adressée par erreur au magistrat concerné est néanmoins considérée comme recevable (ATA/643/2004 du 24 août 2004 ; ATA/450/2002 du 25 juin 2002).

2. Le requérant s’est vu offrir la faculté de se déterminer sur les observations du juge dont il demande la récusation ainsi que sur celles du Procureur général, qui lui ont été transmises. Son conseil a déposé le 16 juin 2005 des déterminations sur les observations du magistrat concerné et du Procureur général.

3. Selon l’article 99 alinéa 1er LOJ, le président de la juridiction concernée recueille les observations du juge dont la récusation est demandée ainsi que celle du Ministère public. Il ne peut accomplir d’autres actes de procédure, hormis la transmission desdites écritures à l’auteur de la demande de récusation, afin qu’il se détermine le cas échéant, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (Arrêt du Tribunal fédéral 1P.730/2001 du 31 janvier 2002, consid. 2.2).

Il n’y a donc pas lieu de procéder à des enquêtes.

4. A teneur de l’article 96 alinéa 2 LOJ, les parties doivent proposer la récusation dès qu’elles ont acquis la connaissance des faits sur lesquels est fondée leur demande.

Dans une cause jugée le 9 octobre 2001 (ATA/635/2001 du 9 octobre 2001), le tribunal de céans a considéré qu’une demande de récusation était tardive, violant ainsi l’article 96 alinéa 2 LOJ, lorsqu’elle a été formée plus de trente jours après que le requérant avait eu l’occasion de lire la phrase qu’il contestait dans une décision rendue à propos de la restitution de l’effet suspensif.

En l’espèce, le requérant se plaint de l’attitude en audience du magistrat instructeur. Il s’agit de faits qui, s’ils étaient avérés, se seraient déroulés le 8 avril 2005 en présence du requérant lui-même. Quant à la demande de récusation, elle est datée du 28 avril et est parvenue au greffe du tribunal de céans le 3 mai. Il s’est écoulé donc un délai de près de trois semaines entre la connaissance des faits fondant, selon le requérant, la demande de récusation, soit l’audience au cours de laquelle ils se seraient produits et la demande elle-même. De surcroît, le juge a procédé ultérieurement à l’audience. Qu’il l’ait fait de sa propre initiative ou à la demande des parties est sans pertinence à cet égard, car la juridiction de céans est tenue d’instruire d’office en application de l’article 19 LPA.

Un délai de trois semaines doit être considéré comme trop long pour retenir que le requérant a fait preuve de la diligence qui était attendue de lui en application de l’article 96 alinéa 2 LOJ. La demande de récusation est tardive, partant irrecevable. Elle l’est également au regard de l’article 97 lettre b LOJ, car le demandeur en récusation a laissé procéder après l’audience de comparution personnelle des parties.

5. Le requérant, qui succombe, sera condamné aux frais de la procédure, arrêtés en l’espèce à CHF 750.- (ATA/635/2001 précité).

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable la requête en récusation déposée le 28 avril 2005 par Monsieur J__________ ;

met à la charge du requérant un émolument de CHF 750.- ;

communique la présente décision à Me Guillaume Ruff, avocat de Monsieur J__________, à Madame le juge H.__________, au département de l'action sociale et de la santé ainsi que, pour information, à Monsieur le Procureur général.

Siégeants : M. Paychère, président, Mme Bovy, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :