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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3715/2017

ATA/659/2018 du 26.06.2018 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; PLAN DIRECTEUR ; MESURE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ; PLAN DE ZONES ; RÉVISION(PLAN D'AMÉNAGEMENT) ; PLAN D'AFFECTATION ; PLAN D'AFFECTATION SPÉCIAL ; CLASSEMENT(ZONE) ; ZONE DE DÉVELOPPEMENT ; ZONE À BÂTIR ; ZONE AGRICOLE ; POUVOIR D'APPRÉCIATION ; COORDINATION(AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE OU ENVIRONNEMENT)
Normes : LaLAT.12; LaLAT.35; LPA.60.letb; LAT.33.al2; LaLAT.30; LAT.4.al2; LaLAT.10.al9; LAT.1.al2; LAT.3; LaLAT.11.al1
Parties : BADDELEY Lauren, BADDELEY Margareta / GRAND CONSEIL
Résumé : Recours déposé contre une loi de modification des limites de zones créant une zone de développement 3 au lieu-dit « Vailly-Sud / Route de Chancy » de la commune de Bernex, les recourantes étant des voisines. Rejet des différents griefs soulevés, relatifs à l'absence de processus de concertation préalablement à l'adoption de la loi litigieuse, à l'opportunité et à la conformité au PDCn et au PDCom du déclassement litigieux ainsi qu'à la violation de plusieurs principes de la LAT. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3715/2017-AMENAG ATA/659/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 juin 2018

 

dans la cause

 

Madame Margareta BADDELEY
et
Madame Lauren BADDELEY

contre

GRAND CONSEIL

 



EN FAIT

1) Monsieur David BADDELEY et Madame Margareta BADDELEY sont propriétaires de la parcelle n° 7'126 sise 9, chemin de Champ-Manon, sur la commune de Bernex. Madame Lauren BADDELEY est locataire de l'habitation située sur ladite parcelle.

2) Le 14 janvier 2014, le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a élaboré un avant-projet de loi de modification des limites de zones n° 29’955-507 (ci-après : projet de loi n° 29’955-507), créant une zone de développement 3 au lieu-dit « Vailly-Sud – Route de Chancy » de la commune de Bernex (ci-après : la commune).

a. Le périmètre, objet dudit projet, se situe à proximité du futur terminus du prolongement de la ligne de tramway Cornavin-Onex-Bernex (ci-après : TCOB) et en bordure sud de la route de Chancy. Ce secteur, d'une superficie de
57'260 m2, est situé principalement sur trois parcelles privées nos 2'347, 2'408 et 7'227, ceinturées par la route de Chancy et la route de Laconnex. Il concerne également deux parcelles du domaine public cantonal, soit les parcelles n° 7'556 (chemin de Bonne) et n° 7750 (chemin du Champ-Manon pour partie). Ces
biens-fonds sont sis en zone agricole, en continuité immédiate avec le tissu villageois, dont le quartier « Bernex-Soleil » en amont, date des années 80.

b. Le plan directeur cantonal (ci-après : PDCn) 2030, adopté par le Grand Conseil le 20 septembre 2013 et approuvé par le Conseil fédéral le 29 avril 2015, sur la base du rapport d’examen de l’office fédéral du développement territorial (ci-après : ARE) du 13 avril 2015, identifie le secteur de Bernex/Vailly-Sud comme l’un des potentiels à l’échelle du canton se prêtant à une extension sur la zone agricole, permettant notamment la création de logements. Le plan de zone visé par le projet de loi n° 29’955-507 figure parmi ceux qui sont expressément listés en pages 29 et 30 du rapport précité de l’ARE.

Ce projet de modification de zone au lieu-dit « Vailly-Sud – Route de Chancy » a pour but de créer les conditions permettant une extension urbaine sur la zone agricole sur des parcelles enclavées entre le village de Bernex et la ligne du prolongement du tramway TCOB dans le cadre général du « grand projet Bernex » et des objectifs y afférents. Cette extension a pour but de créer un quartier mixte à forte dominante logements, avec des activités économiques et des services en lien avec la place située au terminus du tram. Il vise, à terme, la création de six cents logements et de cent cinquante emplois pour le seul périmètre de Vailly-Sud.

c. Le plan directeur communal (ci-après : PDCom) de Bernex, adopté le
12 juin 2012 par le Conseil municipal de la commune, puis approuvé par le Conseil d'État le 25 juin 2014, fait explicitement référence à « la place du quartier de Vailly » (fiche 5.4).

3) Le 20 mars 2015, le département a soumis l’avant-projet de plan de modification de limites de zones à la commune et aux services concernés. Ce plan a fait l’objet de plusieurs préavis techniques, tous favorables ou favorables sous réserves. Les préavis suivants ont notamment été émis :

a. Le 13 avril 2015, la direction générale de l’agriculture (ci-après : DGAN) s’est déclarée favorable à l'avant-projet projet, sans émettre d'autres observations.

b. Le 13 avril 2015 également, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) s'est déclarée favorable à l'avant-projet sous conditions. Après s'être interrogée sur le type de zone proposé, elle était dorénavant favorable à condition de suivre les recommandations énoncées par l'office de l'urbanisme dans le cadre du « grand projet Bernex ».

c. Le 16 avril 2016, la direction de la planification cantonale et régionale a émis un préavis favorable, relevant que le choix de la zone 3 de développement permettait de garantir une utilisation optimale des surfaces d’assolement
(ci-après : SDA) classées en zone à bâtir selon l'art. 30 al. 1bis de l'ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1). Le périmètre retenu figurait par ailleurs parmi ceux retenus dans le programme de législature et communiqués à la Confédération en vue de l'approbation du PDCn 2030. Le secteur de Vailly figurait parmi les terrains identifiés en tant que parcelles agricoles enclavées, dans la continuité de la zone à bâtir, susceptibles d'être classées en zone à bâtir.

d. Le 24 avril 2015, la commission de l'urbanisme s'est déclarée favorable à l'avant-projet, lequel permettrait la réalisation de logements, en liaison directe avec le village de Bernex et le prolongement futur de la ligne de tram 14.

e. Le 18 mai 2015, la commune s'est déclarée favorable sous réserves. Il était nécessaire d'assurer une continuité entre les futures constructions et le bâti actuel. Le respect des gabarits actuels, situés en zone 4B protégée, devait être assuré, tout comme les trames végétales et les vues sur le grand paysage. Ces éléments devaient conduire à l'élaboration d'une image directrice.

4) Du 17 novembre au 17 décembre 2015, la procédure d'enquête publique relative à l’avant-projet de loi n° 29’955-507 a été ouverte.

a. Cet avant-projet de loi a fait l’objet de dix observations négatives émanant de la commune, de l'association Bernex soleil et de riverains. Les observations portaient principalement sur le zonage (souhait du 4B au lieu de la zone de développement 3), sur la forme urbaine du futur projet urbain et l’attribution du degré de sensibilité II.

b. Par courrier du 14 décembre 2015, Mme Margareta BADDELEY et
M. BADDELEY ont notamment fait valoir leur déception quant à l'avant-projet précité lequel, par l'instauration d'une zone de développement 3, rompait totalement avec l'intégration du village dans la campagne genevoise. Il convenait de garantir que les nouvelles constructions seraient conformes aux règles de la zone 4B protégée, utilisées pour le développement de la commune jusqu'alors, et de limiter leur hauteur, tout en créant une zone d'urbanisation agréable et écologique.

c. Par courriers séparés du 18 mars 2016, l’office de l’urbanisme a répondu aux différentes observations.

Il a notamment indiqué à Mme Margareta BADDELEY et M. BADDELEY que le déclassement en zone 3 de développement était plus approprié pour permettre la réalisation d'un projet urbanistique d'ensemble en lien avec l'arrivée du terminus du tramway et répondre aux attentes de la Confédération et du canton. Les orientations d'aménagement, telles que la densité et les gabarits, seraient définies au stade de l'élaboration du plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) et ne faisaient pas l'objet du présent projet.

5) Parallèlement à cette procédure, le Conseil d’État a déposé le 28 septembre 2016, auprès du Grand Conseil, le projet de loi 11'980 (ci-après : PL 11'980) modifiant les limites de zones sur le territoire des communes de Bernex et Confignon (création de deux zones de développement 3, d’une zone de développement 4A, d’une zone de développement 4A affectée à de l’équipement public, d’une zone de développement industriel et artisanal également destinée, à titre accessoire, à de l’équipement public cantonal, de deux zones de verdure et de deux zones des bois et forêts, au lieu-dit « Bernex Est »).

Le périmètre concerné se situait à l’est de la commune de Bernex et au nord de la commune de Confignon. Le projet visait une densification de la zone à bâtir existante et à une extension de la zone urbaine sur la zone agricole, capables d’accueillir plus de deux mille deux cents logements et près de mille six cents emplois.

6) Le 17 octobre 2016, le Conseil d’État a déposé auprès du Grand Conseil le projet de loi 11'985 (ci-après : PL 11'985) modifiant les limites de zones sur le territoire de Bernex (création d'une zone de développement 3 au lieu-dit
« Vailly-Sud – Route de Chancy » conformément au plan n° 29’955-507.

7) Le PL 11’985 a fait l’objet d’une première procédure d’opposition du
28 octobre au 28 novembre 2016, suivie d’une procédure d’opposition portant sur la déclaration d’utilité publique prévue à l’art. 4 dudit projet de loi, ouverte du
29 novembre au 9 décembre 2016.

8) Le 25 novembre 2016, Mme Margareta BADDELEY et M. BADDELEY ont formé opposition contre le PL 11'985.

Entre le 12 et le 27 novembre 2016, soixante-deux autres personnes ont également formé opposition contre le PL 11'985.

9) À la suite d’un important amendement à sa clause d’utilité publique, une deuxième procédure d’opposition au PL 11'985, annulant et remplaçant la première, a été ouverte du 24 février au 27 mars 2017, suivie d’une nouvelle procédure d’opposition à la déclaration d’utilité publique, ouverte du 28 mars au
7 avril 2017.

10) Le 21 mars 2017, Mme Margareta BADDELEY et M. BADDELEY ont renouvelé leur opposition au PL 11'985.

11) Le 26 mars 2017, Mme Lauren BADDELEY a formé opposition contre le PL 11'985.

12) Le 25 avril 2017, la commission d’aménagement du canton (ci-après : CAC) chargée d’étudier le PL 11’985, ainsi que le PL 11'980 et une motion M 2394 invitant le Conseil d'État à fixer un indice d'utilisation du sol (ci-après : IUS) de 1.4 au minimum sur le périmètre proposé, a rendu son rapport et a notamment recommandé l’adoption du PL 11’985 et le rejet des oppositions.

a. La majorité de la CAC considérait qu’il était opportun de procéder à la modification des limites de zones sur les périmètres de Bernex-Est et Vailly-Sud. Eu égard à la pénurie de logements sévissant dans le canton, il s’agissait d’une contribution importante pour mettre à disposition des concitoyens les logements dont ils avaient besoin. En marge, la création d’une zone industrielle, puis d’activités et de commerce était coûteuse pour obtenir un équilibre entre les logements construits et les activités. L’ensemble revêtait un intérêt public prépondérant lorsqu’étaient pris en considération la réalisation des infrastructures puissantes de mobilité auxquelles ces deux nouveaux quartiers seraient directement reliés, ainsi que le nouveau barreau routier des Abarois qui permettrait une liaison directe de la zone industrielle nouvellement créée et de l’autoroute.

b. La CAC a traité dans son rapport les diverses oppositions formées à l’encontre du PL 11’985, soit notamment celles de Mmes  Margareta et Lauren BADDELEY et celle de M. BADDELEY, en concluant à leur rejet.

L’adoption du plan de zones visé à l’art. 1 du projet de loi discuté entrait pleinement dans les objectifs tant du PDCn 2030 que du PDCom de Bernex.

13) a. Parallèlement au PL 11’985 et au PL 11'980 précités, un avant-projet de PDQ n° 29'948 pour les communes de Bernex et Confignon a été élaboré.

b. Par arrêté du 26 avril 2017, le Conseil d’État a approuvé le PDQ n° 29'948
« Bernex-Est » dans sa version amendée du 5 septembre 2016 et l’a déclaré PDQ au sens de l’art. 10 de loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

14) Le 11 mai 2017, le Grand Conseil a adopté la loi 11'985, dans sa teneur à la suite de la modification de la clause d’utilité publique, et avec un article additionnel portant sur le rejet des oppositions formées contre le projet.

15) Par arrêté du 17 mai 2017, publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 19 mai 2017, le Conseil d’État a publié la loi 11'985.

Le référendum n’a pas été demandé dans le délai expirant le 28 juin 2017.

16) Par arrêtés du 26 juillet 2017, le Conseil d’État a promulgué la loi 11'980 et la loi 11'985, déclarées exécutoire nonobstant recours dès le lendemain de la publication.

Lesdits arrêtés ont été publiés dans la FAO le 28 juillet 2017.

17) Par acte du 12 septembre 2017, déposé le 13 septembre 2017,
Mmes Margareta BADDELEY et Lauren BADDELEY ont interjeté recours contre la loi 11'985 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) concluant, principalement, à sa réformation « de sorte que le déclassement des parcelles visées se fasse en zone 4 » et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi du dossier aux autorités pour une évaluation conforme à la loi, soit en particulier la réalisation d'une « étude sur la conformité de la zone 4 » sur les parcelles concernées.

Il n'y avait pas eu de véritable processus de concertation préalablement à l'adoption de la loi litigieuse, ce qui violait l'art. 4 al. 2 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). Les réunions qui avaient été organisées par les autorités n'avaient eu pour but que de remplir formellement les exigences légales ; les suggestions et observations des riverains n'avaient toutefois eu aucun écho auprès des autorités, mis à part « quelques retouches insignifiantes ».

La loi litigieuse prévoyait par ailleurs de créer une extension urbaine en créant, grâce au déclassement en zone de développement 3, des bâtiments très hauts et massifs. Ce faisant, le projet violait les art. 3 al. 2 let. b et 3 al. 3 LAT, ainsi que les art. 2 al. 1 et 1 al. 3 LaLAT, en ne garantissant pas la bonne intégration du nouveau quartier dans l'environnement construit et dans la zone agricole adjacente.

Le déclassement en zone de développement 3 ne permettant pas un développement harmonieux des lieux, notamment en raison des gabarits admis dans ladite zone, les autorités auraient dû étudier les possibilités de déclasser les parcelles visées en zone 4. Cette dernière zone était plus adéquate dès lors qu'elle permettait la construction d'autant de logements tout en réduisant les gabarits autorisés, et serait conforme tant au PDCn 2030 qu'au PDCom de Bernex. En l'absence d'une telle étude, il apparaissait que les autorités avaient procédé à une évaluation insuffisante des alternatives.

18) Dans sa réponse du 23 novembre 2017, le Grand Conseil a conclu au rejet du recours et à la condamnation des recourantes aux frais de la procédure.

La population avait largement eu l'occasion de se déterminer sur la loi litigieuse, laquelle avait fait préalablement l'objet d'une enquête publique, donnant à chaque intéressé la possibilité de faire des observations, puis une procédure d'opposition. Les réunions auxquelles se référaient les recourantes étaient toutefois liées au futur PLQ et non pas à la modification des limites de zones querellée.

Les dispositions de la LAT et de la LaLAT auxquelles se référaient les recourantes n'étaient pas directement applicables, mais comprenaient des principes obligatoires pour les autorités, dont elles devaient tenir compte lors des prises de décisions. L'adoption du plan litigieux signifiait uniquement que moyennant l'adoption préalable d'un PLQ et le respect d'autres conditions, les parcelles visées pourraient dorénavant accueillir du logement, en lieu et place de la zone agricole. Le détail serait fixé dans un PLQ qui restait à être élaboré.

Le grief des recourantes, selon lequel la zone de développement 3 n'était pas à même de répondre à un développement harmonieux et que les autorités auraient dû étudier les alternatives, relevait de l'opportunité et était donc irrecevable au stade du recours. Sur le fond, ce grief était de toute manière infondé. En préconisant la création d'une zone 4 ou d'une zone de développement 4, les recourantes méconnaissaient l'objectif général d'une utilisation plus judicieuse du sol qui était davantage atteint avec la zone de développement 3, laquelle permettait l'utilisation d’indices d'utilisation du sol (ci-après : IUS) plus élevés.

19) Dans leur réplique du 1er janvier 2018, les recourantes ont persisté dans leurs conclusions.

Il apparaissait pour le surplus que seul le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) avait été consulté sur ce projet, à défaut de la CMNS, alors que le coteau de Bernex relevait d'un site paysager digne d'intérêt. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le contrôle de l'opportunité s'exerçait pleinement et de manière stricte lorsqu'il s'agissait de la prise en considération d'intérêts d'ordre supérieur dont la sauvegarde incombait au canton. En l'occurrence, certains grands principes de la LAT, tels que l'intégration dans le paysage de nouvelles zones de construction, n'étaient pas respectés. Le choix de la zone de déclassement n'était pas anodin puisqu'il avait pour effet de décrire la forme et la morphologie urbaine dans les grandes lignes. Il était évident que le futur PLQ ne serait pas de nature à proposer une urbanisation villageoise intégrée, auquel cas le choix se serait porté sur une zone de développement 4.

20) Par courrier du 10 janvier 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours est dirigé contre la loi 11’985 modifiant les limites de zones sur le territoire de Bernex (création d'une zone de développement 3 au lieu-dit
« Vailly-Sud – Route de Chancy » conformément au plan n° 29’955-507. Cette loi, adoptée par le Grand Conseil 11 mai 2017, constitue une mesure d'aménagement du territoire au sens de l'art. 12 LaLAT.

2) Selon l'art. 35 LaLAT, la décision par laquelle le Grand Conseil adopte un plan d'affectation du sol visé à l'art. 12 LaLAT peut fait l'objet d'un recours à la chambre administrative (al. 1). Le délai pour recourir est de trente jours dès la publication de l'arrêté de promulgation de la loi (al. 2). Le recours n'est par ailleurs recevable que si la voie de l'opposition a été préalablement épuisée (al. 4). La loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) est applicable pour le surplus (al. 5).

En l'espèce, le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente et est donc recevable de ces points de vue.

3) Selon l’art. 35 al. 4 LaLAT, le recours n'est recevable que si la voie de l'opposition a été préalablement épuisée.

En l'occurrence, tant Mme Lauren BADDELEY que Mme Margareta BADDELEY ont formé opposition contre la modification de zone litigieuse, de sorte que le recours est recevable de ce point de vue également.

4) À teneur de l’art. 60 let. b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/632/2011 du 11 octobre 2011). S'agissant des voisins, la jurisprudence a indiqué que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l’intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu’il y ait une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire ou du locataire d’un terrain directement voisin de la construction ou de l’installation litigieuse (ATA/577/2014 du 29 juillet 2014). Les voisins peuvent ainsi recourir en invoquant des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400 ; ATA/214/2007 du 8 mai 2007 ; ATA/101/2006 du 7 mars 2006 ; ATA/653/2002 du 5 novembre 2002 ; ATA/35/2002 du 15 janvier 2002 et les références citées).

En l’espèce, les recourantes sont propriétaire, respectivement locataire, de la parcelle n° 7'126 jouxtant la parcelle n° 2'408, qui se trouve en zone agricole et est classée en zone de développement 3 par le projet de loi litigieux. Leur qualité pour recourir doit ainsi être reconnue.

5) a. Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. a et b LPA et 35 al. 5 LaLAT). Les juridictions administratives n'ont pas de compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

b. Le pouvoir d'examen juridictionnel à propos des décisions appliquant les principes essentiels d'aménagement du territoire doit être reconnu de façon assez large, dans la mesure où la transgression de ces principes n'est pas seulement inopportune, mais constitue également une violation du droit (office fédéral de l'aménagement du territoire, Études relatives à la LAT, 1981, p. 93). Cependant, la présence dans la LAT d'un nombre important de notions juridiques indéterminées laisse à la chambre de céans une marge d'appréciation limitée seulement, en fin de compte, par l'excès ou l'abus de celle-ci (ATA/557/2015 du 2 juin 2015 consid. 4 et les références citées).

c. Aux termes de l'art. 33 al. 2 LAT, le droit cantonal doit prévoir au moins une voie de recours contre les plans d’affectation. Parmi les autorités chargées de cette tâche, l'une d'elles au moins doit disposer d’un libre pouvoir d’examen
(art. 33 al. 3 let. b LAT). Ce libre examen ne se réduit pas à un contrôle complet de la constatation des faits et de l'application du droit ; il comporte aussi un contrôle de l'opportunité (arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2009 du 11 mars 2010 consid. 2.1). L'autorité de recours au sens de l'art. 33 al. 3 let. b LAT ne doit pas nécessairement être une autorité de juridiction administrative chargée par le droit cantonal de statuer sur des recours stricto sensu. Une autorité compétente pour statuer sur des oppositions, par exemple un gouvernement cantonal, peut également satisfaire aux exigences du droit fédéral (ATF 127 II 238
consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_447/2009 précité consid. 2.1).

d. Par ailleurs, la délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 127 II 238
consid. 3b/bb ; 108 Ib 479 consid. 3c) et le contrôle par le juge des choix opérés par le législateur dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité (ATA/557/2015 précité ; ATA/397/2009 du 25 août
2009 ; ATA/621/2004 du 5 août 2004 ; ATA/286/2004 du 6 avril 2004 et les références citées). À cet égard, le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs occasions que le Grand Conseil, en tant qu'autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 1C_447/2009 précité ; 1C_161/2008 du 15 juillet 2008 consid. 2.2 ; 1P.444/2001 du
29 novembre 2001 consid. 3b/bb ; 1P.350/1998 du 27 septembre 2000 consid. 3).

La chambre de céans ne peut donc revoir un plan d'affectation que sous l'angle de la légalité, son opportunité étant examinée au stade de l'opposition, le Grand Conseil ayant un plein pouvoir d'examen (ATA/397/2009 précité ; Jean Charles PAULI, L'élargissement des compétences du Tribunal administratif [dont les compétences ont été reprises par la chambre de céans] en matière d'aménagement du territoire et ses premières conséquences sur la conduite des procédures à Genève, RDAF 2000 I p. 526 ; Thierry TANQUEREL, Le contentieux de l'aménagement du territoire, in 3ème journée du droit de la propriété, 2000, p. 10). Elle ne peut en particulier revoir le choix de l'autorité intimée de déclasser un terrain plutôt qu'un autre, et doit se borner à examiner si la solution adoptée est conforme à la loi (ATA/495/2018 du 22 mai 2018 consid. 7c ; ATA/632/2011 du 11 octobre 2011 consid. 9c).

6) Selon l’art. 1 al. 1 LAT, la Confédération, les cantons et les communes veillent à une utilisation mesurée du sol et à la séparation entre les parties constructibles et non constructibles du territoire. Les plans d’affectation règlent le mode d’utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir (définies aux art. 15 et 15a LAT), les zones agricoles (art. 16 ss LAT) et les zones à protéger (art. 17 LAT). Le droit cantonal peut prévoir d’autres zones d’affectation (art. 18 al. 1 LAT). Il peut régler le cas des territoires non affectés ou de ceux dont l’affectation est différée (art. 18 al. 2 LAT).

7) a. À teneur de l’art. 12 LaLAT, pour déterminer l’affectation du sol sur l’ensemble du territoire cantonal, celui-ci est réparti en zones, dont les périmètres sont fixés par des plans annexés à la présente loi (al. 1). Les zones instituées à l’alinéa 1 sont de 3 types : a) les zones ordinaires b) les zones de développement et c) les zones protégées (al. 2).

b. Parmi les zones ordinaires figurent notamment les zones à bâtir (art. 19 al. 1 à 7 LaLAT), la zone agricole (art. 20 et 21 LaLAT), la zone de bois et forêts (art. 23 LaLAT) et les zones de verdure et de délassement (art. 24 et 25 LaLAT).

c. Les zones de développement ne sont pas soumises à la même réglementation que les zones ordinaires. À teneur de l’art. 12 al. 4 LaLAT, les zones de développement se définissent comme suit : « En vue de favoriser l’urbanisation, la restructuration de certains territoires, l’extension des villages ou de zones existantes, la création de zones d’activités publiques ou privées, le Grand Conseil peut délimiter des périmètres de développement, dits zones de développement, dont il fixe le régime d’affectation. Le Grand Conseil peut créer des zones de développement vouées à des affectations spécifiques qui précisent celles visées aux art. 19, 30 et 30A ou au besoin s’en écartent. À l’intérieur de ces périmètres, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue ».

Selon l’art. 30 LaLAT, les zones de développement sont régies, selon leur affectation, par la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), et par la loi générale sur les zones de développement industriel ou d’activités mixtes du 13 décembre 1984 (LZIAM - L 1 45), cette dernière n’étant pas pertinente en l’espèce.

La LGZD fixe les conditions applicables à l’aménagement et l’occupation rationnelle des zones de développement affectées à l’habitat, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire, ainsi que les conditions auxquelles le Conseil d’État peut autoriser l’application des normes d’une telle zone. Le Conseil d’État peut également autoriser des activités artisanales dans les zones de développement précitées lorsqu’elles ne sont pas susceptibles de provoquer des inconvénients graves pour le voisinage ou le public (art. 1). Toutefois, en application de l’art. 2 al. 1 LGZD, la délivrance d’autorisations de construire selon les normes d’une zone de développement est subordonnée, sous réserve des demandes portant sur des objets de peu d’importance ou provisoires, à l’approbation préalable par le Conseil d’État d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) au sens de l’art. 3, assorti d’un règlement (let. a) et des conditions particulières applicables au projet (let. b).

8) Dans un premier grief, les recourantes se prévalent d'une violation de l'art. 4 al. 2 LAT, dès lors qu'il n'y aurait pas eu de véritable processus de concertation préalablement à l'adoption de la loi litigieuse.

9) a. En vertu de l'art. 4 LAT, les autorités chargées de l'aménagement du territoire renseignent la population sur les plans dont la loi prévoit l'établissement, sur les objectifs qu'ils visent et sur le déroulement de la procédure (al. 1) ; elles veillent à ce que la population puisse participer de manière adéquate à l'établissement des plans (al. 2) ; les plans prévus par la LAT peuvent être consultés (al. 3).

b. Le droit fédéral ne définit pas l'étendue de l'information et de la participation prévues à l'art. 4 LAT. Si l'organisation de séances d'information constitue un moyen efficace de mettre en œuvre cette disposition, il ne s'agit pas d'une obligation légale (DFJP/OFAT, Étude relative à la LAT, n. 7 ad art. 4). L'art. 4 al. 1 LAT implique ainsi que la collectivité publique fournisse à la population l'information qui lui est nécessaire pour se forger valablement une opinion (DFJP/OFAT, op.cit., n. 12 ad art. 4). Il est par exemple envisageable que la mise en consultation d'un dossier suffise à satisfaire aux exigences du droit d'information et de participation prévu par la législation fédérale. Les autorités compétentes disposent ainsi d'un large pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 4 LAT (ATF 133 II 120 consid. 3.2 et les références citées ; ATA/436/2018 du 8 mai 2018 consid. 10b).

La participation des administrés doit intervenir dès la genèse de la planification, c'est-à-dire à un stade où celle-ci n'a pas encore de portée irréversible. Il s'agit non seulement d'asseoir la légitimité démocratique des outils de planification, mais aussi d'éviter autant que possible les diverses oppositions. En principe, toutes les personnes touchées sur le territoire concerné par la mesure d'aménagement doivent être informées, soit par le biais de séances d'information, voire par voie de publication officielle, soit par l'intermédiaire des médias. Toute personne peut par ailleurs demander des renseignements à titre individuel sans avoir à justifier d'un intérêt particulier. Le droit de participation prévu à l'art. 4
al. 2 LAT tend à éviter que les projets soient élaborés à huis clos ou que la population soit mise devant le fait accompli. Celle-ci doit disposer d'un moyen réel d'intervenir effectivement dans le processus, en exerçant une véritable influence sur le résultat à atteindre (DFJP/OFAT, op.cit., n. 3 ad art. 4 ; Peter HÄNNI, Planungs-, Bau- und besonderes Umweltschutzrecht, 2016, p. 140). L'art. 4 al. 1 et 2 LAT donne ainsi un mandat législatif aux cantons, à qui il appartient de déterminer le type d'information et les autorités compétentes
(ATF 135 II 286 consid. 4.1 p. 290 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_266/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1 ; ATA/436/2018 précité consid. 10b).

La participation au sens de l’art. 4 al. 2 LAT comprend toute activité dont le but est d’influencer la prise de décision aux différents niveaux du système politique, sans avoir d’effet contraignant. Elle doit être distinguée des instruments de la démocratie directe – au même échelon institutionnel que l’autorité décisionnelle – et de ceux de la protection juridique – en particulier la procédure d’opposition – ; son but est en effet différent : elle permet une large pesée des intérêts et est ainsi essentielle à la garantie d’une décision conforme aux buts et principes de l’aménagement du territoire. En tant que « garantie de qualité de la planification », la participation, comme l’information, doit être mise en œuvre avant la fin de la pesée globale des intérêts et la prise de décision définitive relative au plan (ATA/251/2018 du 20 mars 2018 consid. 5e ; ATA/170/2015 du 17 février 2015 consid. 7 ; Rudolf MUGGLI, commentaire de la LAT, 2010, n.5 et 8 s. ad art. 4 LAT, avec référence au Message du Conseil fédéral du 27 février 1978 relatif à la LAT, in FF 1978 I 1007 ss, spéc. 1017 s.).

c. En l'espèce, il ressort du dossier que le projet de loi querellé a fait l'objet d'une enquête publique du 17 novembre au 17 décembre 2015, laquelle a donné lieu à dix observations émanant de la commune, de l'association « Bernex-Soleil » et de riverains, dont les recourantes. Par courriers séparés du 18 mars 2016, l’office de l’urbanisme a répondu personnellement aux différentes observations. Par la suite, une première, puis une deuxième procédure d’opposition ont été ouvertes, durant lesquelles toute personne ayant la qualité pour agir, a pu faire valoir ses observations sur le projet de loi querellé. Dès lors, la population de la commune, en particulier les propriétaires de parcelles sises dans le périmètre en cause, les voisins et les associations, ont pu faire valoir leurs positions respectives, leurs souhaits et arguments. La population a ainsi pu réellement influencer la pesée des intérêts effectuée par l'autorité avant sa décision, ce que reconnaissent implicitement les recourantes lorsqu'elles relèvent que les observations des riverains ont donné lieu à « quelques retouches insignifiantes ». À cet égard, il sera relevé que l’art. 4 LAT ne confère pas un droit à ce que les arguments soulevés dans le cadre de l’enquête publique conduisent nécessairement à une modification du plan litigieux.

Dès lors, l’art. 4 al. 2 LAT a été respecté et le grief des recourantes sera écarté.

10) Dans un second grief, les recourantes reprochent l'absence de réflexion sur un déclassement en zone 4, respectivement en zone de développement 4. Selon elles, ces dernières seraient plus adéquates dès lors qu'elles permettent la construction d'autant de logements tout en réduisant les gabarits autorisés, et seraient ainsi conformes tant au PDCn 2030 qu'au PDCom de Bernex.

a. En l'occurrence, les recourantes remettent implicitement en cause le choix d'un déclassement en zone de développement 3, plutôt qu'en zone 4, respectivement en zone de développement 4. Or, comme cela a été rappelé au consid. 5 du présent arrêt, la chambre de céans ne peut revoir une telle question que sous l’angle de la légalité, l’opportunité d’une telle modification devant être examinée au stade de l’opposition par le Grand Conseil, lequel dispose d’un plein pouvoir d’examen. L'opportunité du déclassement ne peut en conséquence être réexaminée par la chambre de céans.

b. Sous l'angle de la légalité, il apparaît que la loi litigieuse est conforme tant au PDCn 2030 qu'au PDCom de Bernex.

La fiche A05 du PDCn 2030, qui traite de la mise en œuvre des extensions urbaines en zone agricole, précise qu'en périphérie de la structure urbaine, une densité élevée doit le plus souvent être recherchée dans lesextensions urbaines sur la zone agricole afin d’en limiter l’emprise (p. 77). La fiche P04 du PDCn 2030, relative au « grand projet Bernex », prévoit notamment, au titre des objectifs d’aménagement, de développer une urbanisation compacte, avec une densité élevée et des formes urbaines diversifiées (p. 302).

Le PDCom de Bernex prévoit que le périmètre visé par la loi litigieuse est un secteur stratégique à valoriser avec l'arrivée du TCOB en 2013 pour constituer une interface de qualité « tram/bus/mobilités douces ». Le plan de synthèse urbanisation/transport/paysage du PDCom de Bernex prévoit un développement à court terme pour le secteur de Vailly, soit à l'horizon 2015-2020. S'il relève encore que la planification d'un P+R provisoire de trois cents places à l'arrivée du tram n'est pas un dispositif satisfaisant pour la commune (fiche 5.4 du PDCom de Bernex), il ne contient aucun élément s'opposant à un déclassement en zone de développement 3. Il sera encore relevé que la portée du PDCom de Bernex doit de toute manière être relativisée dès lors qu'il devait, au plus tard en avril 2018, faire l'objet d'un réexamen, conformément à l'art. 10 al. 9 LaLAT.

Par ailleurs, contrairement à ce que relèvent les recourantes, la CMNS s'est explicitement prononcée sur le projet litigieux dans son préavis du 13 avril 2015. Après s'être interrogée sur le type de zone proposé, elle s'est déclarée favorable au projet, à condition de suivre les recommandations énoncées par l'office de l'urbanisme dans le cadre du « grand projet Bernex ». Enfin, tant la commission de l'urbanisme que la direction de la planification cantonale et régionale ont émis des préavis favorables, cette dernière relevant notamment que le choix de la zone de développement 3 permettait de garantir une utilisation optimale des SDA et que le périmètre retenu figurait parmi ceux retenus dans le programme de législature et communiqués à la Confédération en vue de l'approbation du PDCn 2030.

En l'état, l'adoption de la loi litigieuse - laquelle ne préjuge pas du type de constructions qui prendront place sur le périmètre en question - est conforme au droit et ne viole, en particulier, ni le PDCn 2030 ni le PDCom de Bernex.

Partant, ce grief sera également écarté.

11) Dans un dernier grief, les recourantes exposent que la loi litigieuse violerait plusieurs principes de la LAT (notamment ceux figurant aux art. 1 et 3 LAT) et de la LaLAT, dès lors que la création d'une zone urbaine comprenant des bâtiments hauts et massifs, grâce au déclassement en zone de développement 3, ne permettrait pas la bonne intégration du nouveau quartier dans l'environnement construit.

a. À teneur de l'art. 1 al. 2 LAT, la Confédération, les cantons et les communes soutiennent par des mesures d'aménagement les efforts qui sont entrepris notamment aux fins d'orienter le développement de l'urbanisation vers l'intérieur du milieu bâti, en maintenant une qualité de l'habitatappropriée (let. a bis) et de créer un milieu bâti compact (let. b). Il convient notamment de réserver à l'agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables, en particulier les SDA, et de veiller à ce que les constructions prises isolément ou dans leur ensemble ainsi que les installations s'intègrent dans le paysage (art. 3 al. 2 let. a et b LAT). Les territoires réservés à l'habitat et à l'exercice des activités économiques seront aménagés selon les besoins de la population et leur étendue limitée (art. 3 al. 3 LAT).

Les art. 1 à 3 LAT ne sont pas directement applicables. Ils contiennent des principes, obligatoires pour les autorités, qu'il y a lieu de prendre en compte lors de l'élaboration des plans d'aménagement et de la prise de décision. Il s'agit donc de normes programmatiques, les décisions proprement dites étant prises sur la base du droit cantonal (ATA/197/2014 du 1er avril 2014 consid. 10b ; ATA/473/2009 du 29 septembre 2009 consid. 3a et les références citées ; ATA/441/2006 du 31 août 2006 ; ATA/618/2003 du 26 août 2003 ; Pierre TSCHANNEN, Commentaire LAT, art. 1 n. 3 et art. 3 n. 9 et 10).

Les activités des autorités qui ont des effets sur l'organisation du territoire doivent être guidées par les buts et les principes qui régissent l'aménagement du territoire. Les principes énoncent un ensemble de valeurs ou de critères qui doivent guider les autorités chargées de l'aménagement du territoire dans les décisions à prendre, vu qu'elles disposent dans ce domaine d'une marge d'appréciation relativement grande (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine
GUY-ÉCABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 50 et 53). Selon le Tribunal fédéral, ces principes constituent des éléments d'appréciation et des critères de décision (ATF 115 Ia 353 consid. 3d). Ils servent exclusivement à protéger des intérêts publics (ATF 117 Ia 307 consid. 4b). Ils sont tous de même rang, car la loi n'établit pas de hiérarchie. Ils peuvent se contredire, ce qui oblige alors à apprécier les principes en cause en fonction de leur importance respective dans le cas concret. Les principes n'ont pas, en eux-mêmes, une portée absolue : ils n'affectent en rien la répartition des compétences ou la législation et ne peuvent pas abroger les plans d'affectation en vigueur (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, op. cit., p. 54 et 55 ;
FF 1978 I 1007 ad art. 3 p. 1017).

Les autorités cantonales et communales veillent, dans les limites de leurs compétences, à coordonner leurs efforts pour atteindre les buts fixés par la législation fédérale et cantonale sur l’aménagement du territoire (art. 2 al. 1 LaLAT). Leurs actions se fondent sur les principes énoncés à
l’art. 3 LAT (art. 2 al. 3 LaLAT).

b. Conformément à l'art. 11 al. 1 LaLAT, les autorités cantonales et communales appliquent les principes et les objectifs du PDCn, notamment en veillant à ce que les plans d'affectation du sol soient conformes au PDCn et à son concept de l'aménagement cantonal.

c. En l'occurrence, la loi 11’985 vise la création d'une zone de développement 3 au lieu-dit « Vailly-Sud – Route de Chancy » en lieu et place d'une zone agricole. Comme susmentionné au consid. 10b, ce déclassement est conforme tant au PDCn 2030 qu'au PDCom de Bernex. Le plan litigieux est d'ailleurs expressément listé en pages 29 et 30 du rapport d’examen de l’ARE du 13 avril 2015 annexé au PDCn 2030.

Par ailleurs, les recourantes semblent perdre de vue que le plan querellé est un plan d’affectation général au sens de l’art. 12 LaLAT, et non un PLQ au sens de l’art. 13 al. 1 let. a LaLAT. Il ne contient aucune planification de détail (implantation des bâtiments, volume et destination des constructions, accès, équipements, etc. ; ATA/642/2004 du 24 août 2004 consid. 5). Dès lors, les arguments relatifs à la mauvaise intégration du quartier projeté dans l'environnement construit ne pourront être invoqués, cas échéant, que dans le cadre d’une éventuelle procédure de recours contre le(s) projet(s) de PLQ qui concrétiseront les objectifs de la zone, ainsi que lorsque des autorisations de construire seront sollicitées. À ce stade, rien ne permet de retenir que la modification de limites de zones litigieuse violerait les dispositions et principes susmentionnés. En particulier, tant la direction de la planification cantonale et régionale, que la commission de l'urbanisme et la CMNS ont préavisé favorablement, respectivement favorablement sous conditions, ce projet.

Mal fondé, ce grief sera ainsi écarté.

12) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

13) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, qui succombent
(art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 septembre 2017 par Madame Margareta BADDELEY et Madame Lauren BADDELEY contre la loi 11'985 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Bernex (création d’une zone de développement 3 au lieu-dit « Vailly-Sud – Route de Chancy ») du 26 juillet 2017 ;


 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame Margareta BADDELEY et Madame Lauren BADDELEY, prises conjointement et solidairement ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame Margareta BADDELEY et Madame Lauren BADDELEY, au Grand Conseil, ainsi qu'à l’office fédéral du développement territorial (ARE).

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :