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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1015/2004

ATA/642/2004 du 24.08.2004 ( GC ) , REJETE

Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; AFFECTATION; PLAN D'AFFECTATION; POUVOIR D'EXAMEN
Normes : LALAT.12; LALAT.15A, al.3; LGZD.5A al.2; LALAT.15A, al.4
Résumé : Le pouvoir d'examen juridictionnel à propos des décisions appliquant les principes essentiels d'aménagement du territoire doit être reconnu dans la mesure où la transgression de ces principes constitue une violation du droit. La délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire. Large pouvoir d'appréciation reconnu au Grand Conseil. En l'espèce, tant sur le plan communal que cantonal, il y a une volonté clairement exprimée de densifier les zones à bâtir de manière différenciée, en tenant compte de leur lieu de situation et de leur environnement et de leur attribuer une affectation respectueuse du droit fédéral. La modification de la zone litigieuse s'inscrit ainsi dans le cadre de l'art. 21 al.2 LAT et est conforme aux objectifs d'urbanisme visés.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1015/2004-GC ATA/642/2004

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 août 2004

dans la cause

 

Monsieur Jean-Pascal B.

Monsieur Pierre-Alain B.

Madame Martha S.

Monsieur Valery C.

Monsieur Paul E.

Madame Susanne et Monsieur Christian R.

Madame Jacqueline et Monsieur Jean S.

Madame Françoise T.

Monsieur Diego A.

Madame Faouzia B.

Monsieur Gilbert C.

Monsieur Alan M.

Madame Michèle et Monsieur Jean-François P.

Monsieur Manuel B.

C. HOLDING S.A.

T. S.A.
représentés par Me Pierre Louis Manfrini, avocat

contre

GRAND CONSEIL


1. La commune de Cologny (ci-après : la commune) est propriétaire de la parcelle 1905 d’une surface de 5'342 m2 au lieudit « La Louchette ». Cette parcelle, située à l’angle de la route de Vandoeuvres et de la route du Guignard, est incorporée dans le périmètre « Mon Plaisir » situé au sud du village. Autrefois, classée en zone 5 (villas), elle a été déclassée en zone de développement 4B destinée à des équipements publics par la loi 7540 du 22 janvier 1998 concernant tout le périmètre précité.

2. Courant 2003, la commune a entrepris le processus de modification du régime des zones de construction ainsi que l’établissement d’un projet de plan localisé de quartier (PLQ) sur la parcelle précitée.

Le 27 février 2003, ces deux projets ont fait l’objet d’une résolution du conseil municipal de la commune, lequel a décidé à l’unanimité de préaviser favorablement l’avant projet de loi sollicitant la modification des limites de zones de la parcelle communale « La Louchette » telle que proposée dans le plan no 29’282-516 ainsi que le PLQ no 29’282-516.

En application du nouveau plan de zone, la parcelle « La Louchette » devenait une zone de développement 4B, également destinée à des équipements publics, à laquelle était attribué un degré de sensibilité (DS) II, au sens de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB – RS 814.41).

En d’autres termes, la parcelle de « La Louchette » pouvait abriter – outre des équipements publics – des logements.

3. Régulièrement nanti du projet, le département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (le département) a recueilli les préavis.

S’agissant de la modification des limites de zones, le service des forêts, nature et paysage (SFNP) du département de l’intérieur, de l’agriculture et de l’environnement, a émis, le 10 mars 2003, un préavis favorable.

La direction du patrimoine et site a émis le 18 février 2003 un préavis défavorable, retenant que la partie de la parcelle réservée à un équipement public semblait insuffisante pour permettre la construction d’un édifice tout en préservant la rangée de chênes (ancienne trace d’un chemin historique) dans un environnement de qualité.

La commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS) a émis un préavis défavorable, se référant à ceux de la sous-commission nature et site du 28 février 2003 et du groupe « Etudes d’aménagement » du 3 mars 2003. Le premier de ces deux préavis, rendu dans le cadre de l’étude du PLQ et de la modification de zone, demande que le périmètre de conservation du cordon boisé sis le long de la route de Vandoeuvres soit élargi. Ce site possède des arbres d’une valeur exceptionnelle et figure à l’inventaire des voies suisses, inscrit en valeur d’importance nationale et en valeur d’importance locale pour la route du Guignard. Au vu de ce site exceptionnel, une zone tampon devrait être mentionnée sur le terrain réservé pour un équipement public sur une distance d’au moins deux fois la couronne des arbres à protéger. Le second de ces préavis, établi également dans le cadre de l’étude du PLQ et de la modification de zone, estime que les conditions ne sont pas réunies pour garantir la conservation, dans un environnement de qualité, de la rangée de chênes. Il suggère que la partie inférieure de la parcelle devienne « non aedificandi » afin de préserver les qualités exceptionnelles du site aux alentours de la route de Vandoeuvres et de celle du Guignard.

4. Une enquête publique a été ouverte du 25 avril au 26 mai 2003.

Vingt-trois propriétaires voisins de la parcelle en cause ont manifesté leur opposition par acte des 15 et 22 mai 2003.

En substance et en résumé, le projet portait atteinte à l’environnement et à la protection des sites. Il violait la hiérarchie des actes de planification, intervenant avant même que soient connus les résultats de l’enquête publique ouverte en février 2003 en relation avec le projet de plan directeur communal de la commune. La modification des limites de zones contrevenait au principe de la sécurité du droit postulé par l’article 21 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700). Enfin, les constructions projetées ne respectaient pas les prescriptions de distance de l’article 34 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), ni celles de l’article 11 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes - L 1 10).

5. Dans sa délibération du 26 juin 2003, le conseil municipal de la commune a approuvé le projet de loi de modification des zones de « La Louchette » selon le plan 29’282-516 du 19 mars 2003.

6. Le 27 août 2003, le Conseil d’Etat a déposé auprès du Grand Conseil le projet de loi précité.

Il résulte de l’exposé des motifs que cette parcelle était à l’origine destinée à la réalisation d’une salle communale. Aujourd’hui, la nécessité urgente de réaliser une crèche et des appartements communaux commandait de permettre la construction de logements sur cette parcelle. L’exposé des motifs de 1998 présentait le déclassement de la partie haute du périmètre « Mon Plaisir » au nord dans le but de construire des appartements bien situés à des prix abordables. Contrairement aux réalisations qui avaient vu le jour sur cette zone de développement, la commune entendait bien respecter cette destination sur le bas du périmètre. Le projet tenait compte de la protection de la nature existante, notamment de la lignée de chênes le long de la route de Vandoeuvres.

7. La procédure d’opposition s’est ouverte le 10 septembre 2003.

Par acte du 30 septembre 2003, les 23 voisins précités ont fait valoir leur opposition en reprenant pour l’essentiel leurs précédents arguments.

8. Le 21 janvier 2004, la commission d’aménagement du canton a déposé son rapport.

Après avoir procédé à l’audition des autorités communales et des opposants, elle a accepté l’ensemble du projet à l’unanimité des 14 commissaires présents.

9. En date du 13 février 2004, le Grand Conseil a rejeté les oppositions et adopté la loi no 9069 modifiant les limites de zones de la parcelle « La Louchette » selon le plan 29’282-516 (ci-après : la loi).

Cette loi publiée dans la Feuille d’avis officielle (FAO) n’a fait l’objet d’aucun référendum.

L’arrêté de promulgation, publié dans la FAO du 14 avril 2004, indiquait la voie et le délai de recours au Tribunal administratif.

10. Par acte du 13 mai 2004, Mesdames et Messieurs Jean-Pascal B., Pierre-Alain B., Martha S., Valery C., Paul E., Susanne et Christian R., Jacqueline et Jean S., Françoise T., Diego A., Faouzia B., Gilbert C., Alan M., Michèle et Jean-François P., Manuel B., C. Holding S.A. et T. S.A. (ci-après : les voisins ou les recourants) ont recouru auprès du Tribunal administratif en concluant à l’annulation de la loi.

Préalablement, ils ont sollicité un transport sur place ainsi que l’audition de différents représentants de la CMNS, du service des forêts ainsi qu’un représentant de l’entreprise ayant effectué une expertise privée de la lignée de chênes du bas de la parcelle de « La Louchette ».

a. La loi violait le principe de la sécurité du droit de l’article 21 LAT. La dernière modification de zone remontait au 22 janvier 1998. Depuis lors, aucune circonstance de fait ou de droit n’était intervenue, de telle sorte que les conditions de l’article 21 alinéa 2 n’étaient pas réalisées. S’agissant des éventuels besoins de logements, cet élément était connu, sinon prévisible, en 1998. La commune disposait déjà d’une autre solution, si tant est que le projet de densification du secteur de « La Tulette », qui permettait la construction de 220 logements, était à l’étude. La nécessité d’une crèche ne justifiait pas la modification de la zone actuelle. La modification de zone ne procédait que d’un changement de conception des autorités communales.

b. La loi contrevenait aux exigences de la protection de l’environnement. La lignée de chênes centenaires, dont l’implantation correspondait au tracé d’une ancienne voie romaine, constituait un site figurant à l’inventaire des voies suisses en qualité d’objet d’importance nationale. Aussi bien la législation fédérale que cantonale emportait l’obligation de protéger ce site. La construction des quatre bâtiments qui occupait la parcelle 2011 aurait déjà causé des dommages conséquents aux chênes en question et toute nouvelle construction ne manquerait pas d’accroître l’assèchement hydrique dont souffraient d’ores et déjà les arbres. Référence était faite à la déclaration des représentants du service des forêts, de la protection de la nature et du paysage ainsi qu’à une expertise effectuée par Monsieur Antoine Gerber de l’entreprise « Les artisans de l’arbre Sàrl » le 6 février 2004. La distance de protection de huit mètres qui ressortait de l’exposé des motifs de la loi était insuffisante. La CMNS et la direction du patrimoine et des sites avaient d’ailleurs émis tous deux des préavis négatifs.

c. La loi violait le plan directeur cantonal (PDC) qui avait notamment comme objectif la protection du patrimoine historique rural caractéristique du paysage genevois.

d. La loi violait le principe de la coordination au sens de l’article 25a LAT. En écartant sans autre examen les griefs des recourants, tendant à la protection de l’environnement et au respect du PDC, le Grand Conseil s’était abstenu de procéder à une pesée globale des intérêts en cause violant par là-même le principe de coordination matérielle. La loi était également entachée d’un défaut de coordination formelle. En application de l’article 6 alinéa 12 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35), le principe de coordination commandait de soumettre simultanément à une enquête publique le projet de modification des limites de zones et le projet de PLQ.

11. Dans sa réponse du 29 juin 2004, le Grand Conseil s’est opposé au recours.

a. Les voisins confondaient la notion de plan d’affectation général avec celle de plan d’affectation de détail. En l’espèce, le plan de zone ne fixait aucun détail constructif. L’argumentation des recourants, reposant sur une prémisse de base erronée, était donc vaine.

b. Depuis 1998, le canton avait adopté un nouveau PDC, lequel avait force obligatoire pour les autorités de planification (art. 9 LAT et 11A al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30). A cela s’ajoutait l’aggravation de la crise du logement. En particulier, pour la commune de Cologny, cette demande avait été multipliée par cinq en l’espace de sept ans (observations du 4 juillet 2003 du Conseil administratif de la commune, suite aux oppositions formées dans le cadre de l’enquête publique). Les voisins étaient mal venus d’invoquer leur bonne foi de propriétaires dès lors que, lorsqu’ils avaient acquis leur terrain, ils savaient que la parcelle 1905 était constructible et qu’une salle communale y était prévue. Leur réelle motivation était que la parcelle en question reste vierge de toute construction. La modification de zone litigieuse ne faisait qu’adapter le statut juridique de la parcelle aux besoins et aux circonstances actuels et ne violait en rien la sécurité du droit.

c. Les arguments tendant à la protection de l’environnement résultaient de l’assimilation du plan de zones litigieux à un plan d’affectation du sol de détail. Le SFNP avait délivré un préavis favorable à la loi. Aucun élément ne permettait d’admettre que la préservation des chênes avait pour conséquence l’inconstructibilité de la parcelle de « La Louchette ».

d. En invoquant une prétendue violation du PDC, les opposants se méprenaient sur la portée du plan de zone litigieux. En lui-même, un tel plan n’était pas de nature à déprécier des sites naturels ou bâtis d’importance.

e. L’argumentation ayant pour objet une prétendue violation du principe de coordination était tout aussi vaine. L’article 25a alinéa 1 LAT posait le principe d’une coordination des procédures lorsque l’implantation ou la transformation d’une construction ou d’une installation nécessitait des décisions émanant de plusieurs autorités. En l’espèce, la seule décision simultanée avait trait à l’attribution du DS aux bruits rattaché à la zone, ce que la loi prévoyait expressément en son article 2.

Quant à l’article 6 alinéa 12 LGZD, il prévoyait la faculté, et non pas l’obligation, de soumettre à l’enquête publique un projet de PLQ simultanément à un projet de déclassement de zones.

Enfin, peu importait que le déclassement litigieux ne porte que sur une seule parcelle : La superficie de la parcelle en cause ainsi que sa forme étaient suffisamment étendues pour que l’on doive en inférer que la présence d’une lignée de chênes à l’extrémité sud du terrain, fussent-ils centenaires et remarquables, n’était pas susceptible d’entraîner l’inconstructibilité complète de celui-ci.

12. Le 16 août 2004, le conseil des recourants a informé le tribunal que M. Diego A. ne souhaitait plus participer à la procédure initiée le 13 mai 2004.

1. a. Le Tribunal administratif est compétent pour connaître des recours dirigés contre des lois par lesquelles le Grand Conseil adopte les plans de zones (art. 35 al. 1 LaLAT). Le délai pour interjeter recours est de 30 jours, dès la publication de l'arrêté de promulgation (art. 35 al. 2 LaLAT).

En l'espèce, le recours a été interjeté devant la juridiction compétente et en temps utile. Il est donc recevable de ce point de vue.

b. En tant que propriétaires voisins dont les biens-fonds sont situés à proximité immédiate de la zone considérée, les recourants ont qualité pour agir, conformément aux articles 33 alinéa 3 lettre a LAT et 60 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

c. Toutefois, selon l'article 35 alinéa 4 LaLAT, pour que le recours soit recevable, les recourants doivent avoir préalablement utilisé la voie de l'opposition. Tel est le cas en l'espèce. Il est également recevable de ce point de vue là.

2. Selon l’article 35 alinéa 5 LaLAT, la LPA est applicable aux plans adoptés par le Grand Conseil.

3. Le pouvoir d'examen juridictionnel à propos des décisions appliquant les principes essentiels d'aménagement du territoire doit être reconnu dans la mesure où la transgression de ces principes constitue une violation du droit. La délimitation des zones est une question qui relève surtout de la politique générale de l'aménagement du territoire (ATF 108 Ib 479 consid. 3c p. 484). Le contrôle par le juge des choix opérés par le législateur dans ce domaine ne saurait par conséquent toucher aux pures questions d'opportunité (art. 61 al. 2 LPA; ATA/621/2004 du 5 août 2004 et les références citées).

Le Tribunal fédéral a rappelé que le Grand Conseil, en tant qu'autorité cantonale supérieure de planification, possède un large pouvoir d'appréciation (ATF 1A.140/1998 - 1P.350/1998 du 27 septembre 2000, consid. 3; ATF 1P.444/2001 du 29 novembre 2001, consid. 3b bb).

4. La LAT modifiée le 20 mars 1998 est entrée en vigueur le 1er septembre 2000 (RO 2000 2042 - 2046). Elle est applicable aux procédures en cours, en vertu de l'article 52 alinéa 1 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RO 2000 2047). Les nouvelles dispositions de la LAT n'apportent pas de modification quant à la notion et à la portée d'un déclassement qui est en fait un plan d'affectation selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral (ATF 123 II 231; 124 II 391 et ss).

5. En l'espèce, le plan querellé est très clairement un plan d'affectation général au sens de l'article 12 LaLAT. Il ne peut être qualifié de plan localisé de quartier au sens de l'article 13 alinéa 1 lettre a LaLAT, dès lors qu'il ne contient aucune planification de détail (implantation des bâtiments, volume et destination des constructions, accès, équipements, etc.). L'attribution d'un DS à la zone ne fait pas non plus de ce plan un plan spécial au sens de l'article 13 alinéa 1 lettre f LaLAT, car cette disposition ne vise que les plans traitant uniquement de cette attribution (art. 15 al. 3 de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement - LaLPE – K 1 70).

Le plan querellé est donc bien un plan d’affectation général au sens de l’article 12 LaLAT (ATA/286/2004 du 6 avril 2004).

L’argumentation des recourants s’épuise en une suite de considérations sans pertinence en l’espèce, si tant est qu’ils semblent confondre le stade de la planification générale avec l’aménagement du site. Il convient au contraire de garder présent à l’esprit que l’admission du plan à ce stade n’est pas un blanc-seing donné à la réalisation des aménagements projetés, dont les détails ne sont d’ailleurs pas encore arrêtés.

Il s’ensuit que les conclusions préalables des recourants, à savoir un transport sur place et l’audition de témoins, seront écartées, le résultat de ces mesures d’instruction n’étant pas pertinent pour la solution de la question soumise au tribunal de céans.

6. Il convient d’emblée de relever qu’en entreprenant une démarche de modification de limite des zones, la commune a fait usage de la faculté prévue par les articles 15 alinéas 3 et 4 LaLAT et 5A alinéa 2 LGZD.

7. L’article 21 alinéa 2 LAT prévoit que lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d’affectation feront l’objet des adaptations nécessaires.

8. a. En l’espèce, la parcelle rattachée initialement à la zone de fond 5 a été déclassée en zone de développement 4B, destinée à des équipements publics, suite à l’adoption de la loi no 7540 du 22 janvier 1998. Depuis cette date, le canton a adopté un nouveau PDC qui a force obligatoire (ATA/891/2003 du 2 décembre 2003 et les références citées).

Le PDC se compose du concept de l’aménagement du territoire et du schéma directeur, lequel est constitué de fiches de projets et de mesures ainsi que d’une carte. L’un des objectifs majeurs du PDC est de développer une politique du logement répondant à une demande diversifiée de la population (fiche 1,ch. 1.5). La fiche 2.03 prévoit expressément la densification de la cinquième zone (villas) par la modification du régime des zones. Les villages sont traités à la fiche 2.06. L’objectif est de permettre une évolution raisonnable des villages, en utilisant notamment dans la zone 4B et 4B développement, les terrains à bâtir selon l’indice usuel de 0,6 si le site le permet et de réaliser des immeubles d’habitation et/ou d’activités plutôt que des villas, en veillant toutefois à respecter la morphologie du village. Enfin, les sites, paysages et patrimoine bâti doivent être préservés (fiche 3 ch. 3.7).

b. Le 15 mai 2003, la commune de Cologny a adopté un nouveau PDC. Celui-ci est actuellement soumis à l’approbation du Conseil d’Etat. La fiche de coordination 2.04 prévoit « l’urbanisation du secteur « Mon plaisir » tout en tenant compte des traces à conserver d’un très ancien chemin menant du lieudit « Les vignes blanches », plus au sud, et se dirigeant vers Vandoeuvres ; ce chemin est bordé de chênes magnifiques, probablement à l’emplacement d’une ancienne voie romaine ».

c. Au vu de ce qui précède, il faut admettre qu’aussi bien sur le plan cantonal que sur le plan communal, il y a une volonté clairement exprimée de densifier les zones à bâtir de manière différenciée, en tenant compte de leur lieu de situation et de leur environnement et de leur attribuer une affectation respectueuse du droit fédéral.

d. A cela s’ajoute que la crise du logement sur le territoire du canton de Genève ne cesse de s’aggraver. Début août 2004, le taux de vacances des logements n’était plus que de 0,15 % (site officiel de l’Etat de Genève : www.geneve.ch au 9 août 2004). Pour la commune de Cologny en particulier, il est impératif de répondre à une demande de logements en constante progression, étant relevé que celle-ci manque d’appartements pour jeunes couples (rapport de la commission de l’aménagement du 21 janvier 2004).

e. Enfin, la modification se résume finalement à introduire la mixité sur la parcelle entre les équipements publics et le logement. Ce n’est donc pas la constructibilité en tant que telle de la parcelle qui peut être remise en cause à ce stade, mais bien seulement la nature des constructions qu’elle devient susceptible d’abriter. Or, la modification apportée par la nouvelle loi correspond exactement aux affectations usuelles de la zone de développement 4B, réservée principalement aux maisons d’habitation comportant en principe plusieurs logements (art. 19 al. 2 LaLAT).

f. Il n’est pas anodin non plus de relever qu’en 1998, le projet de loi de déclassement de la partie haute du périmètre « Mon Plaisir » était initié dans le but de construire des appartements bien situés à des prix abordables. Or, tel n’a pas été le cas, les immeubles construits depuis lors sont en PPE et de très haut standing, ceux-là mêmes acquis par la plus grande partie des recourants.

g. Au vu de ce qui précède, la modification de la zone de développement 4, utilité publique, en développement 4 utilité publique également destinée aux logements, élaborée en fonction de l’évolution des circonstances aussi bien sur le plan juridique que matériel, s’inscrit dans le cadre de l’article 21 alinéa 2 LAT d’une part et est rigoureusement conforme aux objectifs d’urbanisme tels que définis ci-dessus d’autre part.

9. Les recourants soutiennent que la loi ne respecte pas les exigences de la protection de l’environnement, eu égard en particulier à la lignée de chênes qui bordent la route de Vandoeuvres.

Ils font grand cas des préavis négatifs rendus par les différentes commissions de la direction du patrimoine et des sites, en particulier le groupe Etudes d’aménagement et la sous-commission nature et site. Or, ces deux préavis se réfèrent sans distinction au projet de loi de modification de zones et au PLQ. Il s’ensuit que leur valeur de référence dans la cause objet du litige est moindre. La CMNS quant à elle n’a pas émis de préavis spécifique se référant aux deux préavis précités. La direction du patrimoine et des sites a également émis un préavis défavorable, mais les motifs invoqués procèdent encore une fois de la confusion entretenue entre un plan d’affectation général et un plan d’affectation spécial. Il ne saurait donc être retenu dans la présente cause.

C’est le lieu de rappeler ici que dans le cadre de la modification de limites de zones, la loi n’impose comme seul préavis obligatoire que celui de la commune (art. 15 ss LaLAT). Aucune autre loi ou règlement – que ce soit la LCI, la LGZD, la LPMNS, la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0) ou encore le règlement sur la conservation de la végétation arborée du 27 octobre 1999 (L 4 05.04) – ne prévoit l’obligation de requérir d’autres préavis, en particulier celui de la CMNS. C’est donc à juste titre que le département et l’autorité intimée ont estimé pouvoir s’écarter des préavis négatifs de la CMNS et de ses services, et cela en application de la jurisprudence constante selon laquelle une valeur moindre est accordée aux préavis qui ne sont pas obligatoires (ATA/505/2004 du 8 juin 2004 a contrario et les références citées).

Quant au préavis favorable du SFNP, les recourants l’ignorent délibérément. Il est vrai que ces spécialistes ont relevé que le simple constat des qualités paysagères, historiques et écologiques des chênes, ainsi que leur âge avancé, ne présumaient en rien de leur vitalité et de leur capacité à réagir à certains changements de milieu de vie. En l’état de la législation, seules des directives provisoires appelées à être édictées en vertu de l’article 16 du règlement L 4 05.04 préconisent de s’abstenir de toute intervention dans un espace vital équivalant à deux fois le rayon de la couronne des arbres, tout en réservant les dérogations.

Le Tribunal administratif ne peut que constater que cet argument, ayant pour objet la distance à respecter par rapport à la couronne des chênes en question, est étranger au problème qui lui est soumis, son examen devant être étudié dans le cadre du PLQ.

En conséquence, les arguments des recourants, eu égard à la protection de l’environnement, ne sont pas fondés pour autant qu’ils soient pertinents.

10. Les recourants invoquent encore une violation de la hiérarchie des actes de planification au sens de l’article 25a LAT. En particulier, ils estiment que le projet de loi et le PLQ auraient dû faire l’objet d’une mise à l’enquête publique simultanée. Ce faisant, les recourants méconnaissent la portée de l’article 6 alinéa 12 LGZD. En effet, le terme même de cette disposition, en indiquant que le département « peut » procéder à une enquête publique simultanée d’un  projet de plan localisé de quartier portant sur un périmètre situé à l’intérieur de la nouvelle zone à créer, est constitutif du pouvoir d’appréciation du département en la matière.

Quant à la coordination imposée par l’article 25a alinéa 1 LAT, elle ne concerne, comme le relève fort opportunément l’autorité intimée, que l’hypothèse où des décisions émanant de plusieurs autorités sont nécessaires. En l’espèce, l’unique décision avec laquelle l’autorité d’adoption du plan de zone litigieux doit rendre une décision simultanée concerne l’attribution du DS. Or, la loi querellée prévoit expressément l’attribution du DS II à la parcelle concernée. Les recourants ne contestent d’ailleurs pas cet élément.

11. Au vu de ce qui précède, le recours ne peut être que rejeté.

Un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Aucune indemnité ne sera allouée.

* * * * *

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mai 2004 par Mesdames et Messieurs Jean-Pascal B., Pierre-Alain B., Martha S., Valery C., Paul E., Susanne et Christian R., Jacqueline et Jean S., Françoise T., Diego A., Faouzia B., Gilbert C., Alan M., Michèle et Jean-François P., Manuel B., C. Holding S.A. et T. S.A. contre la loi no 9069 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Cologny, au lieudit « La Louchette », selon le plan 29’282-516 ;

au fond :

dit que Monsieur Diego A. ne fait plus partie de la procédure ;

rejette le recours;

met à la charge des recourants un émolument de CHF 2'000.-, pris conjointement et solidairement;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

communique le présent arrêt à Me Pierre Louis Manfrini, avocat des recourants, au Grand Conseil et à l’office fédéral du développement territorial à Berne.

 

Siégeants :

M. Paychère, président, Mme Bovy, MM. Schucani, Thélin, juges, M. Grant, juge suppléant.

 

 

Au nom du Tribunal Administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :