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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1497/2011

ATA/607/2011 du 27.09.2011 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.11.2011, rendu le 17.03.2012, REJETE, 2C_892/2011
Descripteurs : ; QUALITÉ POUR RECOURIR ; INTÉRÊT ACTUEL ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; ADMINISTRATION DES PREUVES ; TRAVAIL DU DIMANCHE ; DIMANCHE ; JOUR FÉRIÉ ; PROTECTION DES TRAVAILLEURS ; BESOIN(EN GÉNÉRAL) ; PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : Cst.29; LPA.60; LTr.18.al1; LTr.19.al3; LTr.4; OLT 1.8.al2; OLT 1.27.al1; OLT 1.40
Résumé : Rejet d'un recours formé par une entreprise contre le refus de l'OCIRT de lui accorder une dérogation à l'interdiction de faire travailler ses employés le Vendredi Saint. Ne constitue pas un besoin urgent, au sens des art. 19 al. 3 LTr et 27 al. 1 OLT 1, le souhait d'une entreprise de parfum de pouvoir répondre à brefs délais à des commandes formées par internet par des comités d'entreprise français, pour lesquels le Vendredi Saint n'est pas un jour férié, afin de conserver sa position de leader sur le marché français.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1497/2011-EXPLOI ATA//607/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 septembre 2011

1ère section

 

dans la cause

 

F______ S.A.

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 



EN FAIT

1. F______ S.A. (ci-après : F______) est une société anonyme de droit suisse, dont le siège est à Plan-les-Ouates. Son but est l’achat, la vente de tous produits et toutes opérations annexes ; l’acquisition et la gestion de toutes valeurs mobilières dans toutes sociétés ou entreprises ; l’exploitation du site internet « www.l______.ch » ; toutes opérations commerciales, industrielles, financières, mobilières ou immobilières se rattachant directement aux buts spécifiés, ainsi que l’acquisition, la gestion et l’aliénation de participations.

2. Dans le cadre de cette activité, cette société se procure et acquiert des parfums à l’étranger, les importe en Suisse avant de les réexporter aux comités d’entreprise en France dès qu’elle reçoit les commandes de ceux-ci par le biais de son site internet.

3. Elle emploie vingt-six collaborateurs, dont huit sont affectés à des tâches de secrétariat et douze chargés de la logistique (manutention et expédition).

4. La quasi-totalité de ses employés est constituée de frontaliers de nationalité française.

5. Lors d’un contrôle, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) a constaté que la société employait parfois du personnel pendant les jours fériés genevois. F______ a été invitée à déposer à l’avenir des demandes de dérogation à l’interdiction du travail dominical et des jours fériés lorsqu’elle entendait procéder ainsi.

6. En date du 9 avril 2011, elle a déposé une demande de dérogation pour pouvoir employer huit de ses employés le Vendredi Saint 22 avril 2011, de 09h00 à 14h00.

Elle était une société de service travaillant uniquement avec la France. A ce titre, elle était obligée de se conformer aux jours ouvrables français.

7. Sur demande ultérieure de l’OCIRT, elle a produit la liste des employés concernés, ainsi que l’accord écrit de ceux-ci.

8. Le 18 avril 2011, l’OCIRT a refusé la dérogation sollicitée.

Les conditions de l’art. 27 de la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr - RS 822.11) (recte : art. 27 de l’ordonnance 1 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 - OLT 1 - RS 822.111) n’étaient pas réalisées. En particulier, l’exigence d’un « besoin urgent » n’avait pas été établie. L'octroi d'une dérogation fondée sur cette disposition violerait le principe de l’égalité de traitement à l’égard des autres entreprises du commerce de détail ayant essuyé un refus pour des motifs similaires.

9. F______ a fermé son entreprise le Vendredi Saint 22 avril 2011.

10. Elle a cependant recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) par acte du 18 mai 2011, en concluant préalablement à l’ouverture d’enquêtes. Sur le fond, elle demandait à cette juridiction d’annuler la décision entreprise et de lui accorder « le droit de faire travailler ses collaborateurs et dire que F______ est en droit de faire travailler son personnel le Vendredi Saint ainsi que les autres jours ouvrables français ».

Tous ses partenaires commerciaux étaient des entreprises établies en France. Ses employés étaient majoritairement de nationalité française et domiciliés dans ce pays. L’entreprise leur offrait chaque année, comme jours fériés supplémentaires, les jours fériés français du 14 juillet et du 1er novembre.

Elle recevait environ quatre cents appels téléphoniques par jour relatifs à des commandes de clients, ainsi que des centaines de courriels quotidiens pour des commandes auxquelles elle devait répondre immédiatement. Elle envoyait chaque jour en France, en moyenne, environ sept cents colis, pour un montant moyen de € 500'000.-. Sa position de numéro un sur le marché français lui imposait d’être disponible et joignable pendant les jours ouvrables en France, sans quoi elle risquait de perdre des parts de marché.

Elle avait eu plusieurs entretiens avec Madame Katia Authemayou, inspectrice du travail et collaboratrice au sein de l’OCIRT, au sujet de sa demande. Celle-là avait laissé entendre à l’administrateur de la société que l’obtention de la dérogation sollicitée ne constituait qu’une simple formalité administrative. Les conditions de la bonne foi étaient dès lors violées.

Le Vendredi Saint 22 avril 2011, elle avait enregistré six cents appels pour des renseignements et des commandes auxquels elle n’avait pu donner suite.

L’interdiction qui lui était faite d’employer du personnel le Vendredi Saint n'était pas commandée par l’intérêt public, dès lors que les employés concernés souhaitaient travailler ce jour-là en raison de leur environnement familial et des contre-prestations offertes par l’employeur (majoration de salaire). Ce jour travaillé serait en outre compensé par le repos accordé les 14 juillet et 1er novembre.

Sous l'angle du principe de la proportionnalité, les intérêts privés de F______ étaient dès lors prépondérants.

Le travail de deux personnes aurait en tous les cas dû être autorisé pour permettre l’enregistrement des demandes téléphoniques et assurer les livraisons le lendemain, soit le samedi considéré comme jour ouvrable.

11. Le 20 mai 2011, le TAPI a transmis le recours à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) et joint son dossier à l’envoi.

12. Le 24 juin 2011, l’OCIRT a conclu au rejet du recours.

Ni l’inspectrice susnommée, ni aucun autre membre du personnel de l’OCIRT n’avaient garanti à la recourante que sa demande de dérogation obtiendrait une suite favorable. Plusieurs échanges avaient eu lieu entre les parties avant ladite requête, dans le cadre de trois visites de l’entreprise effectuées par l’OCIRT les 22 avril, 22 juin et 6 juillet 2010. Ayant constaté à ces occasions que la recourante avait employé parfois du personnel pendant les jours fériés, l'OCIRT avait prié celle-ci de déposer, à l’avenir, une demande de dérogation à l’interdiction d’employer des personnes le dimanche et les jours fériés. Dans un courrier du 27 avril 2010, il lui avait expressément précisé qu’une autorisation temporaire lui serait délivrée « dans la mesure où elle répondrait aux exigences légales applicables » en la matière. Le respect de ces exigences lui avait été rappelé dans un courrier du 29 juillet 2010.

La requête de dérogation portant sur un seul jour férié, il s’agissait d’une demande de permis temporaire au sens de l’art. 40 al. 3 OLT 1, relevant de la compétence de l’OCIRT (art. 19 al. 4 LTr).

Faute de besoins urgents, la dérogation demandée ne pouvait être accordée, même s’il en résultait des pertes économiques pour la recourante.

Bien qu’elle ait exclusivement des clients français, F______ n’en était pas moins une entreprise suisse établie en Suisse ; elle ne pouvait se prévaloir des jours ouvrables appliqués dans un autre pays.

Enfin, en concluant à ce que la chambre administrative lui accorde le droit de faire travailler ses employés non seulement le Vendredi Saint, mais également les autres jours ouvrables français, la recourante excédait le cadre du litige et formulait une demande qui relevait non pas de l’OCIRT mais du Secrétariat d’Etat à l’économie (ci-après : SECO) (art. 19 al. 4 LTr en relation avec l’art. 40 al. 3 et 4 OLT 1).

13. Le 26 août 2011, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile et transmis à la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 64 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/77/2009 du 17 février 2009 et références citées). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/5/2009 du 13 janvier 2009 et les références citées).

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de la loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi (ATA/399/2009 du 25 août 2009 consid. 2a ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 consid. 3a et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C.76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 et 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon la jurisprudence, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 consid. 1b p. 36 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.133/2009 du 4 juin 2009 consid. 3 ; 1C.76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; 6B.34/2009 du 20 avril 2009 consid. 1.3 ; H. SEILER, Handkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, n. 33 ad art. 89 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF -RS 173.110 - p. 365 ; K. SPUHLER/ A. DOLGE/ D. VOCK, Kurzkommentar zum Bundesgerichtsgesetz [BGG], Zurich/St-Gall 2006, n. 5 ad art. 89 LTF p. 167). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement rayé du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 p. 374 ; 118 Ib 1 consid. 2 p. 7 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 consid. 3 et 4 ; ATA/175/2007 du 17 avril 2007 consid. 2a ; ATA/915/2004 du 23 novembre 2004 consid. 2b) ou déclaré irrecevable (ATF 123 II 285 consid. 4 p. 286 et ss. ; 118 Ia 46 consid. 3c p. 53 ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C.69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.3 ; ATA/192/2009 du 21 avril 2009 ; ATA/195/2007 du 24 avril 2007 ; ATA/640/2005 du 27 septembre 2005).

La condition de l’intérêt actuel fait défaut en particulier lorsque, par exemple, la décision attaquée a été exécutée et a sorti tous ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 p. 396-398 ; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166 et les références citées ; ATA/328/2009 du 30 juin 2009 consid. 3 ; ATA/192/2009 précité).

Tel est le cas en l'espèce. En effet, la décision de l'OCIRT du 18 avril 2011 rejette une demande de dérogation à l'interdiction de travailler le Vendredi Saint 22 avril 2011. Le 18 mai 2011, date du dépôt du recours, la décision avait sorti tous ses effets, de sorte que la société ne disposait plus d'aucun intérêt actuel à la faire annuler.

3. D’après la jurisprudence, il est renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel lorsque cette condition de recours fait obstacle au contrôle de légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 135 I 79 précité, consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 précité, consid. 1.2 p. 365 ; 129 I 113 consid. 1.7 p. 119 ; 128 II 34 précité, consid. 1b p. 36 ; Arrêt du Tribunal fédéral 6B.34/2009 précité, consid. 3 ; ATA/365/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/351/2009 du 28 juillet 2009 ; ATA/328/2009 précité ; ATA/146/2009 du 24 mars 2009 consid. 3). Cela étant, l’obligation d’entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l’absence d’un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de recours non prévue par le droit cantonal (ATF 135 I 79 précité, consid. 1 p. 82 ; 131 II 361 précité, consid. 1.2 p. 365 ; 128 II 34 précité, consid. 1b p. 36 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.133/2009 précité, consid. 3 ; 1C.76/2009 précité, consid. 2 ; 6B.34/2009 précité, consid. 1.3).

En l'espèce, il n'aurait pas été possible pour F______ de faire contrôler la légalité de la décision attaquée, prononcée quatre jours avant la date objet de la demande, avant que celle-là ne soit exécutée. La même situation est en outre de nature à se reproduire à l'avenir, F______ ayant d'ores et déjà exprimé son désir d'employer une partie de son personnel le Vendredi Saint en général.

Dans ces conditions, il sera renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel. Le recours est ainsi recevable.

4. F______ prie la chambre administrative d'ouvrir des enquêtes pour prouver la véracité des faits qu'elle allègue à l'appui de son recours.

Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 133 III 235 consid. 5.3 p. 250 ; Arrêts du Tribunal fédéral 8C.104/2010 du 29 septembre 2010 consid. 3.2 ; 4A.15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.2 ; ATA/862/2010 du 7 décembre 2010 consid 2 et arrêts cités). Sa portée est déterminée en premier lieu par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 124 I 49 consid. 3a p. 51 et les arrêts cités ; Arrêt du Tribunal fédéral 5A.11/2009 du 31 mars 2009 ; 2P.39/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3.2). Si la protection prévue par ces droits est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui s’appliquent (art. 29 al. 2 Cst. ; Arrêt du Tribunal fédéral 4A.15/2010 précité, consid. 3.1 ; A. AUER/G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, vol. 2, 2e éd., p. 603 n. 1315 ss ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 198). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (Arrêts du Tribunal fédéral 6B.24/2010 du 20 mai 2010 consid. 1 ; 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et arrêts cités).

Tel qu’il est garanti par cette dernière disposition, le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 II 286 consid. 5.1.p. 293 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1C.161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 5A.150/2010 du 20 mai 2010 consid. 4.3 ; 1C.104/2010 du 29 avril 2010 consid. 2 ; 4A.15/2010 précité, consid. 3.1 ; ATA/824/2010 du 23 novembre 2010 consid. 2 et les arrêts cités).

En l'espèce, les faits que F______ entend prouver (activité uniquement centrée sur la France, numéro un de la vente de parfum aux comités d'entreprise, nombre d'employés, nationalité et lieu de résidence de ceux-ci, nombre d'appels téléphoniques et de commandes quotidiens et pendant les jours de fête, désir des salariés concernés d'être employés le Vendredi Saint, fermeture de l'entreprise les 14 juillet et 1er novembre, le fait qu'une inspectrice de l'OCIRT « lui aurait laissé entendre » que la demande de dérogation litigieuse « ne serait qu'une simple formalité ») ne sont pas formellement contestés par l'OCIRT et peuvent être considérés comme admis sans qu'il soit nécessaire de procéder à des enquêtes.

Le dossier étant par ailleurs complet pour statuer, il ne sera pas donné suite à ladite demande.

5. Au terme de son recours, F______ conclut à ce que la chambre administrative annule la décision entreprise et lui accorde « le droit de faire travailler ses collaborateurs et [dise] qu'[elle] est en droit de faire travailler son personnel le Vendredi Saint ainsi que les autres jours ouvrables français ».

Selon l'art. 19 al. 4 LTr, le travail dominical régulier ou périodique est soumis à l’autorisation de l'office fédéral soit, selon l'art. 8 al. 1er OLT 1, le SECO ; le travail dominical temporaire, à celle des autorités cantonales.

Est réputé temporaire au sens de cette disposition le travail qui n’excède pas six dimanches, jours fériés légaux inclus, par entreprise et par année civile, en cas d’interventions sporadiques (art. 40 al. 3 let. a OLT 1) ou qui présente un caractère exceptionnel, en cas d’interventions de durée limitée n’excédant pas trois mois (art. 40 al. 3 let. b OLT 1). Est en revanche réputé régulier ou périodique le travail du dimanche dont le volume temporel excède les critères énumérés à l’art. 40 al. 3 OLT 1.

La requête de dérogation à l'interdiction d'employer du personnel le dimanche et les jours fériés déposée par F______ devant l'OCIRT le 9 avril 2011 et sur laquelle cet office s'est prononcé le 18 avril 2011 portait sur un seul jour férié, soit le Vendredi Saint 22 avril 2011.

Il s'agissait ainsi, aux termes de l'art. 40 al. 3 let. a OLT 1, d'une demande de dérogation portant sur du travail temporaire, relevant de la compétence de l'OCIRT et dont la validité peut être contrôlée par la chambre de céans.

En tant qu'elles visent l'annulation de cette décision, les conclusions de F______ sont recevables.

En revanche, ses conclusions invitant la chambre administrative à constater son « droit de faire travailler son personnel […] les autres jours ouvrables français » ne le sont pas, d'une part, parce qu'elles n'ont pas fait l'objet de la demande initiale et qu'aucune décision n'a été prise sur cet objet, et d'autre part, parce qu'une telle décision relèverait du SECO et non de l'OCIRT, en vertu de l'art. 19 al. 4 LTr.

6. Le recours est ainsi recevable, sous cette dernière réserve.

7. Selon l'art. 18 al.1 LTr, il est interdit d’occuper des travailleurs du samedi à 23 heures au dimanche à 23 heures. Le jour de la fête nationale est assimilé au dimanche, ainsi que les huit autres jours fériés fixés par la loi sur les jours fériés du 3 novembre 1951 (LJF - J 1 45), parmi lesquels figure le Vendredi Saint (art. 20a al. 1 LTr et 1 al. 1er let. b LJF).

L'art. 19 LTr prévoit des dérogations à cette interdiction, qui sont soumises à autorisation (art. 19 al. 1 LTr).  

Conformément à l'art. 19 al. 3 LTr, le travail dominical temporaire est autorisé en cas de besoin urgent dûment établi et moyennant l'octroi d'une majoration de salaire de 50 %, ainsi que le consentement du travailleur.

Aux termes de l'art. 27 al. 1 OLT 1, le besoin urgent est établi lorsque s’imposent :

a. des travaux supplémentaires imprévus qui ne peuvent être différés et qu’aucune planification ou mesure organisationnelle ne permet d’exécuter de jour, pendant les jours ouvrables, ou

b. des travaux que des raisons de sûreté publique ou de sécurité technique exigent d’effectuer de nuit ou le dimanche, ou

c. des interventions de durée limitée, de nuit ou le dimanche, dans le cadre d’événements de société ou de manifestations d’ordre culturel ou sportif procédant des spécificités et coutumes locales ou « des besoins particuliers de la clientèle ».

8. Selon le Tribunal fédéral, les dérogations au principe général de l'interdiction du travail dominical doivent être interprétées restrictivement et non pas extensivement (cf. ATF 126 II 106 consid. 5a p. 109 s. ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.212/2008 du 3 septembre 2008, consid. 5.5 ; 2A.26/2005 du 14 juin 2005, consid. 3.2.2, partiellement reproduit in SJ 2006 I p. 13).

Certes, dans certains domaines, quelques assouplissements sont intervenus. Il n'appartient cependant pas au juge, mais au législateur, de modifier dans la mesure utile la LTr et/ou ses ordonnances d'application. L'introduction de l'art. 27al. 1ter LTr concrétisé à l'art. 26a de l’ordonnance 2 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (OLT 2 - RS 822.112 ; novelle du 8 octobre 2004 entrée en vigueur le 1er avril 2006 ; RO 2006 961, 963), qui a soustrait au régime ordinaire - restrictif - de l'art. 26 OLT 2 les magasins et les entreprises de services situés dans les aéroports et dans les gares à forte fréquentation considérées comme des centres de transports publics constitue un tel assouplissement (cf. Rapport du 17 février 2004 de la Commission de l'économie et des redevances du Conseil national concernant l'initiative parlementaire sur les heures d'ouverture des commerces dans les centres de transports publics [FF 2004 1485] et Avis du Conseil fédéral du 5 mars 2004 sur l'initiative et le rapport précités [FF 2004 1493]). De même, plus récemment, le législateur a adopté l'art. 19 al. 6 LTr (novelle du 21 décembre 2007 en vigueur depuis le 1er juillet 2008 ; RO 2008 2903), qui donne aux cantons la compétence de fixer au plus quatre dimanches par an pendant lesquels le personnel peut être employé dans les commerces sans qu'une autorisation soit nécessaire (sur l'exposé des motifs de cette révision, cf. FF 2007 4051, 4059). En l'absence de disposition comparable applicable au cas d'espèce, il convient d'interpréter restrictivement, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral, les dérogations prévues à l'art. 27 LTr.

En l'espèce, F______ n'invoque ni travaux supplémentaires imprévus, ni raisons de sûreté publique ou de sécurité technique (art. 27 al. 1 let. a et b OLT 1). Sa demande n'intervient pas non plus dans le cadre d'un événement de société ou d'une manifestation locale (art. 27 al. 1 let. c ab initio OLT 1). La seule hypothèse prévue par cette disposition et pouvant entrer en ligne de compte est ainsi celle visée par l'art. 27 al. 1 let. c in fine OLT 1, soit les « besoins particuliers de la clientèle ».

Conformément à la ratio legis de la LTr, ces besoins doivent apparaître prépondérants par rapport à la protection des travailleurs.

Active dans la vente de parfum, F______ ne saurait se prévaloir de tels besoins pour ses clients. Sa demande se fonde sur de pures considérations économiques, non protégées par la notion de « besoin urgent ».

Aucune dérogation ne saurait ainsi lui être accordée sur la base des art. 19 al. 3 LTr et 27 al. 1 OLT 1.

9. F______ ne disposant pas d'un droit à se voir octroyer la dérogation demandée, la décision entreprise est conforme à la loi.

10. Le droit à une décision illégale peut cependant naître de l'application du principe de la bonne foi lorsque certaines conditions sont réunies.

En effet, découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 consid. 4.1 p. 170 ; 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125 ; 126 II 377 consid. 3a p. 387 et les arrêts cités). Les conditions d'application de cette disposition sont au nombre de cinq. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été effectuée à l’égard d’une personne déterminée. Il faut également que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATF 131 II 627 précité, consid. 6.1 p. 637 ; 129 I 161 précité, consid. 4.1 p. 170 ; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123 et les références citées ; Arrêt du Tribunal fédéral 1P.373/2006 du 18 octobre 2006 consid. 2 ; G. MULLER/U. HÄFELIN/F.UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, Zürich 2006, 5ème éd., p. 130ss ; A. AUER/ G. MALINVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne 2006, Vol. 2, 2ème éd., p. 546, n. 1165 ss ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1994, Vol. 1, 2ème éd., p. 430 n. 5.3.2.1).

En l'espèce, F______ soutient que l'inspectrice prénommée de l'OCIRT lui aurait « laissé entendre » que sa demande n'était qu'une simple formalité. Une telle attitude n'est pas assimilable à une promesse au sens exposé ci-dessus. En outre, comme le relève l'OCIRT, les dires de la personne concernée ne pouvaient être interprétés comme impliquant qu'une réponse positive serait nécessairement donnée à la demande, l'attention de F______ ayant été attirée par deux fois, dans le cours de la procédure, sur le fait que sa demande serait admise « dans la mesure où elle répondrait aux exigences légales applicables ».

Le principe de la bonne foi ne saurait ainsi trouver application.

Le recours sera en conséquence rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de F______, qui succombe. Aucune indemnité ne sera par ailleurs allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours de F______ S.A. du 18 mai 2011 contre la décision de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 18 avril 2011 ;

met à la charge de F______ S.A. un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à F______ S.A., à l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail, ainsi qu'au Secrétariat d'Etat à l'économie.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :