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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/825/2007

ATA/542/2007 du 30.10.2007 ( DES ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/825/2007-DES ATA/542/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 30 octobre 2007

dans la cause

 

Monsieur A_______

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ


 


EN FAIT

1. Par décision du 13 janvier 2006, le département de l’économie et de la santé (ci-après : DES) a autorisé Monsieur A_______, né en 1955, domicilié à Genève, à exploiter le café-restaurant à l’enseigne « N_______ », propriété de Monsieur J_______, A______à Carouge. L’horaire d’exploitation de l’établissement était fixé de 04h00 à 24h00.

2. Dans le cadre de l’exploitation du « N_______ », M. A_______ avait un statut d’employé, au bénéfice d’un « contrat d’engagement », signé le 30 novembre 2005 avec M. J_______, d’une durée indéterminée et prévoyant notamment qu’il devait être présent dans l’établissement de 15h00 à 19h00.

3. Le 2 mai 2006, à l’occasion d’un contrôle, la police a constaté qu’une serveuse employée par le « N_______ » était en situation irrégulière et qu’elle avait été engagée par M. J_______. Entendu par les policiers, ce dernier a déclaré qu’il s’occupait du recrutement du personnel et que son frère était responsable des commandes de boissons et de la sécurité. De son côté, M. A_______ a confirmé qu’il ne gérait pas l’établissement de manière personnelle mais que c’est M. J_______ qui s’en occupait.

4. Un nouveau contrôle a été effectué par la police au « N_______ » le 20 juillet 2006. Il a été constaté qu’une autre serveuse était en situation irrégulière et qu’elle avait été engagée par M. J_______. Lors de son audition par les policiers, M. A_______ a à nouveau déclaré qu’il ne gérait pas l’établissement de manière effective, ne procédant notamment pas à l’engagement du personnel, ni à son instruction, et ne s’occupant pas des commandes de boissons ou de la comptabilité.

5. Par décision du 1er février 2007, le DES a suspendu pour une durée de six mois la validité du certificat de cafetier dont M. A_______ était titulaire et a infligé à ce dernier une amende administrative de CHF 3'000.-. En outre, il a ordonné la cessation immédiate de l’exploitation de l’établissement, cette dernière mesure étant exécutoire nonobstant recours. Il était reproché à M. A_______ d’avoir servi de prête-nom et de ne pas avoir géré de manière personnelle et effective le « N_______ ».

6. Par acte du 2 mars 2007, M. A_______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision susmentionnée. Il contestait ne pas avoir exploité l’établissement personnellement et effectivement. Il était présent chaque jour durant trois à quatre heures. Il avait accompli les tâches nécessaires à la gestion de l’établissement et s’était assuré que le personnel respectait ses ordres durant son absence. Malheureusement, à deux reprises, le propriétaire avait engagé des serveuses à son insu, en dépit de consignes strictes. Par ailleurs, il exploitait également un autre établissement appartenant à M. J_______ et n’avait pu raisonnablement refuser l’exploitation, non rétribuée, du « N_______ ». Enfin, à supposer que des infractions puissent lui être reprochées, la sanction était disproportionnée, eu égard à sa situation financière, qu’il souhaitait exposer en audience.

7. Le 3 mai 2007, le DES s’est opposé au recours, les éléments reprochés à M. A_______ étant établis. Il se contentait de soutenir que la sanction était disproportionnée en regard de ses revenus et charges, sans autre démonstration.

8. Le 8 mai 2007, le juge rapporteur a demandé à M. A_______ de produire une copie de sa déclaration d’impôts 2006, ce qu’il a fait le 14 suivant. Il en ressortait pour lui-même et son épouse, un revenu imposable cantonal de
CHF 43'455.- et fédéral de CHF 35'916.-.

9. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 20 juillet 2007, M. A_______ a confirmé son recours. Travaillant dans l’autre établissement de M. J_______, il n’avait pas été en mesure de s’occuper personnellement du « N_______ ». Il s’était un peu senti obligé d’apparaître comme exploitant de ce dernier, car il était employé de M. J_______. Il n’avait jamais été payé pour cela, malgré le contrat signé. Il ne travaillait plus pour M. J_______ depuis cette affaire car celui-ci avait refusé de payer l’amende. Il était actuellement employé dans la restauration et n’avait plus exploité d’établissement depuis la décision du 1er février 2007. Son revenu actuel était de CHF 5'000.- par mois.

Le DES a persisté dans sa décision. Au vu de l’ensemble des circonstances, il considérait que la mesure de suspension du certificat de capacité de M. A_______ avait été, de facto, exécutée. S’agissant de l’amende, la volonté du département était de sanctionner sévèrement le prête-nom. M. A_______ n’avait jamais fait l’objet de sanctions auparavant.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige est circonscrit à l’amende administrative, le recourant ayant cessé d’exploiter le « N_______ » début février 2007 et le DES considérant que la mesure de suspension du certificat de capacité de l’intéressé avait été exécutée, ce dont il lui est donné acte.

3. a. Selon l’article 4 alinéa 1 de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21), l’exploitation de tout établissement régi par la LRDBH est soumise à l’obtention préalable d’une autorisation délivrée par le département. L’alinéa 2 de cet article précise que cette autorisation doit être requise lors de chaque changement d’exploitant ou modification des conditions de l’autorisation antérieure. Cette autorisation est personnelle et intransmissible (art. 15 al. 3 LRDBH).

A teneur de l’article 5 alinéa 1 lettre c, respectivement e LRDBH, la délivrance d’une telle autorisation est subordonnée à la condition que le requérant soit titulaire du certificat de capacité attestant de son aptitude à gérer un établissement soumis à la loi en question et qu’il offre toute garantie, compte tenu notamment de son lieu de domicile ou de résidence et de sa disponibilité, d’une exploitation personnelle et effective de l’établissement.

En vertu de l’article 21 alinéa 1 LRDBH, l’exploitant est tenu de gérer son établissement de façon personnelle et effective.

b. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif (ATA/489/2005 du 19 juillet 2005 et les références citées), une gestion effective consiste en la prise en charge des tâches administratives liées, d’une part, au personnel (engagements, salaires, horaires, remplacements, etc.) et, d’autre part, à la bonne marche de l’établissement (commande de marchandises, fixation des prix, composition des menus, contrôle de la caisse, inventaire, etc.).

4. L’article 12 LRDBH prévoit qu’il est interdit au titulaire d’un certificat de capacité de servir de prête-nom pour l’exploitation d’un établissement soumis à la LRDBH. Cette interdiction vise à prévenir l’exploitation d’établissements par des personnes qui ne répondraient pas à des conditions de capacité et d’honorabilité bien déterminées, avec tout ce que cela comporte comme risque pour le public (ATA/486/2002 du 29 août 2002).

Il ressort des pièces du dossier comme de l’instruction à laquelle le Tribunal administratif a procédé que le recourant ne gérait pas personnellement et effectivement l’établissement en cause, mais que c’est M. J_______ qui le faisait, sans être au bénéfice d’une quelconque autorisation. Les infractions reprochées à M. A_______ sont ainsi établies à satisfaction de droit.

5. En cas d’infractions à la LRDBH, le département peut infliger aux contrevenants une amende de CHF 100.- à CHF 60’000.- (art. 74 ch. 1 LRDBH) et suspendre, pour une durée de dix jours à six mois, l’autorisation d’exploiter ou la retirer (art. 70 LRDBH), cas échéant suspendre ou retirer les autorisations complémentaires délivrées, telles que l’autorisation de prolonger l’horaire d’exploitation (art. 71 al. 1 et 2 LRDBH). Au vu des manquements ci-dessus reprochés au recourant, le principe d’une amende administrative pour violation des articles 12 et 21 LRDBH est justifié.

6. Il reste à en examiner la quotité.

a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/601/2006 du 14 novembre 2006 ; ATA/543/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5, p. 139 ss).

b. En vertu des articles 103 et 104 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 1 lettre a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le CP.

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 5ème éd., Zürich-Bâle-Genève 2006, p. 252, n. 1179). Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (ATA/543/2006 du 10 octobre 2006 ; ATA/451/2006 du 31 août 2006 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp.646-648) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/415/2006 du 26 juillet 2006 et arrêts précités). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/281/2006 du 23 mai 2006). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101 ; ATA/234/2006 du 2 mai 2006).

c. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, le prononcé d'une amende de CHF 3'000.- à l’encontre de la personne qui a servi de prête-nom est conforme à la loi et à la pratique de l'autorité intimée (ATA/776/2001 du 27 novembre 2001 ; ATA/260/2000 du 18 avril 2000 ; ATA/219/2000 du 4 avril 2000 ; ATA/105/2000 du 15 février 2000 ; ATA/104/1999 du 9 février 1999 ; ATA/716/1998 du 10 novembre 1998).

Dans d'autres cas, le Tribunal administratif est resté en deçà du montant habituel de CHF 3'000.-, selon que le recourant se trouvait sur les lieux pratiquement en permanence ou n’avait tiré qu’un faible profit de l’opération de prête-nom. Il a également tenu compte des graves difficultés personnelles et familiales du recourant qui aidait personnellement et financièrement une fille majeure très malade et handicapée ; il a alors diminué le montant de l'amende à CHF 1'500.- (ATA/245/1998 du 21 avril 1998 ; ATA/31/1998 du 27 janvier 1998 ; ATA M. du 9 août 1994). Dans un autre cas, il a réduit l'amende à CHF 1’500.- au motif que la personne intéressée n'avait tiré qu'un faible profit de l'opération de prête-nom (ATA/182/2006 du 28 mars 2006 et les références citées).

Au vu de l’ensemble des circonstances, en particulier la durée de l’activité de prête-nom et le fait qu’il y a été mis fin dès le prononcé de la décision querellée, d’une part, l’absence d’antécédent et la situation financière modeste de M. A_______ d’autre part, le tribunal de céans ramènera l’amende à CHF 1'500.-.

7. Le recours sera ainsi admis partiellement en ce qui concerne l’amende, étant devenu sans objet pour le surplus.

Un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mars 2007 par Monsieur A_______ contre la décision département de l'économie et de la santé du 1er février 2007 ;

dit qu’il est devenu sans objet en tant qu’il vise la cessation d’exploitation de l’établissement N_______ et la suspension pour six mois de la validité du certificat de capacité de cafetier de M. A_______ ;

au fond :

l’admet partiellement pour le surplus ;

fixe l’amende administrative à CHF 1'500.- ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A_______ ainsi qu’au département de l'économie et de la santé.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :