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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2231/2006

ATA/543/2006 du 10.10.2006 ( DT ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT; INCINÉRATION DES DÉCHETS; AMENDE; SANCTION ADMINISTRATIVE
Normes : LGZD.2 ; LGZD.3 ; LGZD.10 ; LGZD.43 ; RGD.32
Résumé : Amende prononcée pour avoir incinéré illicitement des déchets de chantier.En allumant un feu les ouvriers ont contrevenu à la législation. Toutefois, celui-ci n'était pas destiné à l'incinération de déchets de chantier mais à réchauffer un produit de scellement. Il se justifie dès lors de réduire le montant de l'amende à CHF 250.-.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2231/2006-DT ATA/543/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 10 octobre 2006

dans la cause

 

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

I_______ & CIE S.A.


 


1. a. Le 13 décembre 2005, à 10h40, Monsieur V______, inspecteur du service cantonal de gestion des déchets (ci-après : le service cantonal) auprès du département du territoire (ci-après : le DT ou le département) s’est rendu sur un chantier en cours sis route de X______ 68, où il a constaté l’existence d’un feu allumé par des ouvriers de l’entreprise I_______ & Cie S.A. (ci-après : I_______ ou l’entreprise).

b. M. V______ a établi un rapport le 14 décembre 2005, accompagné de photographies.

2. Le 20 décembre 2005, le service cantonal a infligé une amende de CHF 1'000.- à I_______ pour avoir incinéré illicitement des déchets de chantier. Il s’agissait d’une récidive, dans la mesure où une amende de CHF 500.- avait été infligée à cette entreprise le 7 juillet 2004 pour une même infraction.

3. Le 17 janvier 2006, I_______ a contesté l’amende auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la commission). La sanction était disproportionnée, car il s’agissait d’un petit feu, allumé pour tempérer du matériel d’ancrage par conditions climatiques défavorables.

4. Par décision du 3 mai 2006, la commission a admis le recours et a annulé la décision du 20 décembre 2005. Elle a considéré que, se fondant sur les dispositions relatives à l'incinération des déchets, le département avait commis un abus de son pouvoir d’appréciation car le feu ne visait pas l’élimination de déchets de chantier, mais devait permettre de réchauffer du matériel ou les ouvriers. L'appréciation du département violait le but de la loi.

5. Le 20 juin 2006, le département a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre cette décision, concluant à son annulation.

Tout feu allumé et alimenté avec des matériaux de chantiers était interdit par la législation, quel que soit le but dans lequel il avait été allumé. En conséquence, le département n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en sanctionnant le comportement d’I_______, ce d’autant qu’il s’agissait d’une récidive.

6. Le 11 juillet 2006, I_______ s’est opposée au recours. Le feu avait essentiellement eu pour but de réchauffer du matériel nécessaire au chantier en cette rude période hivernale. Les déchets des chantiers étaient transmis systématiquement à une société spécialisée dans leur élimination. S’agissant de la récidive, l’entreprise a relevé qu’elle employait quatre cents personnes à Genève et qu’elle était présente sur un grand nombre de chantiers du canton.

7. Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 11 septembre 2006.

a. Monsieur L______, contremaître d’I_______, a expliqué qu’un ouvrier avait allumé le feu avec des planches qui se trouvaient sur le chantier en vue de réchauffer un produit de scellement. Le feu était resté allumé une partie de la matinée. Le produit en question était rangé dans un conteneur non chauffé. Il savait certes qu’il était interdit d’allumer du feu, mais considérait que le fait de brûler des planches ne présentait pas le même caractère de gravité que l’incinération de déchets. Il n’avait pas pensé commettre une infraction en allumant du bois. M. L______ a encore confirmé que l’entreprise triait les déchets. Il y avait différentes bennes sur le chantier destinées à cette opération.

b. M. V______ n'a pas contesté la présence de bennes. Le chantier était propre. Il s'était renseigné sur les raisons du feu auprès d'un ouvrier qui lui avait répondu que le feu avait été allumé pour se réchauffer. Le simple fait de brûler des déchets de bois était contraire à la loi et les planches étaient susceptibles de dégager des toxines pour peu qu’elles aient été traitées.

c. M. G______, représentant d’I_______, a précisé que la consigne de ne pas faire de feu avait été transmise au personnel et qu’un responsable de la sécurité et de la santé circulait sur les chantiers pour sensibiliser les contremaîtres à ces questions. Il y avait certes eu infraction, mais la sanction était trop sévère.

8. Il ressort encore du dossier les faits suivants :

- Le feu du 13 décembre 2005 avait un foyer d'environ 1 mètre de diamètre. Il était alimenté par des planches de bois d’apparence sèche et non traitées, ainsi que par du bois naturel. Aucun autre déchet n'était présent dans ses abords ;

- Le feu du 7 juillet 2004 était alimenté par des planches en bois et des branchages et son foyer était d’environ trois mètres de diamètre. D’autres déchets de bois étaient en attente d’une incinération ;

- Selon les archives des relevés météorologiques, le 13 décembre 2005, la température oscillait entre 1,6 et 1,8 °C.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) préconise l’élimination des déchets d’une manière respectueuse de l’environnement (art. 30 al. 3 LPE).

Il est ainsi interdit d’incinérer des déchets ailleurs que dans une installation, à l’exception des déchets naturels provenant des forêts, des champs et des jardins, qui peuvent être incinérés en plein air si le procédé ne dégage que peu de fumée. Les cantons peuvent limiter ou interdire l’incinération en plein air dans certaines zones, si l’on peut s’attendre à des immissions excessives (art. 30c al. 2 LPE ; art. 26a de l’ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 - OPair - RS 814.318.142).

3. a. Sur le plan cantonal, la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) règle la gestion de l’ensemble des déchets résultant d’activités déployées sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l’exclusion des déchets radioactifs (art. 1 LGD). Elle prévoit que les déchets combustibles non valorisés doivent être incinérés d’une manière respectueuse de l’environnement et dans les installations appropriées dûment autorisées (art. 2 al. 3 LGD).

Il est interdit d'éliminer ou de déposer des déchets hors des installations publiques ou privées autorisées par le département ou des emplacements aménagés à cet effet et désignés par voie de règlement (art. 10 al. 1 LGD). En particulier, il est interdit d’incinérer en plein air des déchets de chantier (art. 32 al. 2 du règlement d’application de la loi sur la gestion des déchets du 28 juin 1999 -RGD - L 1 20.01).

Sont qualifiés de déchets de chantier ceux provenant de travaux de constructions, de transformations, de démolitions ou d’excavations de matériaux non pollués (art. 3 al. 2 let. d LGD).

b. En cas d’infraction à la LGD ou à ses règlements et arrêtés, une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- peut être prononcée à l’encontre du contrevenant (art. 43 al. 1 let. a et b LGD). Il est tenu compte, dans la fixation de l’amende, du degré de gravité de l’infraction ou du cas de récidive (art. 43 al. 2 LGD).

4. En l’espèce, il n'est pas contesté que les ouvriers de l’intimée ont allumé un feu avec des matériaux issus du chantiers sur lequel ils se trouvaient. Ce faisant ils ont incinéré des déchets de chantier, ce qui est prohibé par la LGD et par son règlement. C'est donc à juste titre que le département a considéré que l'intimée avait violé la loi. Reste encore à examiner la question de la sanction.

5. a. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001 ; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5 pp. 139-141 ; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht : allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 5ème édition, Zurich 1998, p. 40). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/368/2005 du 24 mai 2005 les références citées). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1941 (LPG - E 4 05), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CPS - RS 311.0), notamment l'article 63 CPS, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

b. Il est en effet nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp. 646-648 ; ATA G. du 20 septembre 1994) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/175/2004 du 2 mars 2004 consid. 8 et les références citées). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/131/1997 du 18 février 1997 consid. 5c).

c. L'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/368/2005 déjà cité et les références). Il est ainsi tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction et de la situation du recourant, par application analogique de l'article 63 CPS.

6. En l’espèce, l'intimée reconnaît avoir allumé un feu. Elle explique toutefois que celui-ci n’était pas destiné à l’incinération de déchets de chantier, mais à réchauffer un produit de scellement. Cet argument est corroboré par les photographies prises par l’inspecteur du service cantonal, qui montrent un feu bien contenu, avec des abords propres, sans planches en attente d’être incinérées. Par ailleurs, le contremaître de l'entreprise a exposé être au courant de l’interdiction d’incinérer des déchets. Toutefois, il ne pensait pas que celle-ci s’appliquait également lorsqu'il s'agissait de brûler des planches. Il a encore précisé que le chantier disposait de différentes bennes destinées au tri des déchets.

L’entreprise a également expliqué avoir une personne responsable de la sécurité et de la santé qui circulait sur les chantiers pour sensibiliser les contremaîtres à ces questions et que la consigne de ne pas faire de feu avait été transmise au personnel. S’agissant de la récidive, il y a lieu de retenir que l'intimée emploie quatre cents personnes actives sur de nombreux chantiers à Genève.

Dans ces circonstances, il ne sera pas tenu compte de la récidive et l’amende sera réduite à CHF 250.-.

7. Le recours est ainsi partiellement admis. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du département.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 20 juin 2006 par le département du territoire contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 3 mai 2006 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 3 mai 2006 ;

confirme la décision du 20 décembre 2005 du département du territoire en tant qu’elle inflige une amende à I_______ & Cie S.A. ;

fixe le montant de l’amende à CHF 250.- ;

met à la charge du département du territoire un émolument de CHF 500.- ;

communique le présent arrêt au département du territoire ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et à I_______ & Cie S.A.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges, M. Grant, juge suppléant.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste  adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :