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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/313/2004

ATA/281/2006 du 23.05.2006 ( TPE ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 03.07.2006, rendu le 27.11.2006, IRRECEVABLE, 1P.399/2006
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/313/2004-TPE ATA/281/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 23 mai 2006

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Gérard Brutsch, avocat

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

DÉPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION



1. Monsieur A______, architecte, est propriétaire de la parcelle n° ______, feuille __ du cadastre de Genève, à l’adresse 13, rue Z______.

Sur ce terrain, situé en troisième zone de construction au sens de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), est édifié un immeuble ancien de quatre étages sur rez-de-chaussée, plus combles non habitables. Ce bâtiment fait partie d’un ensemble des 19ème et début 20ème siècle.

2. Le 16 février 2000, la régie X______ a requis auprès du département de l’aménagement, de l’équipement et du logement, devenu depuis lors le département des constructions et des technologies de l’information (ci-après : le département) une autorisation définitive de construire, visant à aménager les combles, à remettre en état l’enveloppe du bâtiment et à assainir les installations techniques (DD 96'624). Le mandataire du projet était M. A______. Selon les plans annexés à la requête, les sous-sols seraient légèrement restructurés. Entre le rez-de-chaussée et le 4ème étage, une cloison de chacune des cuisines devrait être déplacée afin d’agrandir cette pièce. Au 5ème étage - soit dans les combles - deux appartements devaient être créés, ce qui impliquait la création d’ouvertures en toiture.

3. Les 24 février et 27 mars 2000, la police des constructions a demandé à M. A______ de lui transmettre divers renseignements, en particulier, une copie de l’information aux locataires relative aux travaux et à leur incidence sur les loyers.

M. A______ a informé le département, le 5 avril 2000, qu’il lui enverrait la lettre ultérieurement.

4. Le 20 avril 2000, la police des constructions a demandé une modification du projet qui devait tenir compte du préavis émis par la sous-commission d’architecture.

5. Lors d’une visite effectuée le 2 février 2001, la police des constructions a constaté que des travaux étaient en cours dans l’immeuble 13, rue Z______. Des percements et engravures avaient été effectués dans les murs et dalles de palier, sans autorisation.

Par décision du 6 février 2001, non contestée au Tribunal administratif, le département a ordonné à M. A______ de produire un descriptif détaillé des travaux dans les trente jours et d’arrêter immédiatement le chantier.

6. Dans un courrier du 2 février 2001, enregistré au département le 13 du même mois, M. ______ a sollicité une autorisation de construire par annonce de travaux, concernant :

- la suppression des colonnes montantes de l’électricité des paliers et du téléphone, défectueuses ;

- la pose d’une colonne montante encastrée pour l’électricité des paliers, du téléphone et du téléréseau ;

- le lessivage, l’enduisage et peinture des murs et plafonds de la montée des escaliers du rez-de-chaussée aux combles ;

- la vérification de l’étanchéité de la verrière en toiture, avec colmatage au silicone des verres.

Il s’agissait de travaux d’entretien qu’il effectuait sur recommandation des Services Industriels de Genève (SIG) et de Swisscom et qui n’auraient pas d’incidence sur les loyers.

7. Après examen du descriptif produit par M. A______, la police des constructions a constaté que les travaux envisagés étaient en réalité déjà visés par la requête en autorisation de construire DD ______. Dans un courrier du 21 février 2001, elle a informé l’intéressé que le département ne pouvait accepter le procédé consistant à découper des travaux en plusieurs requêtes successives. Les documents transmis avec la requête en APA ont été joints au dossier DD ______ et M. A______ a été invité à produire un descriptif détaillé des travaux de la cage d’escalier et de photographie de l’état existant.

8. Il résulte du dossier produit par M. A______ que ce dernier avait envoyé un courrier au département, par pli simple, le 26 février 2001. Il indiquait renoncer au traitement de la requête en autorisation de construire ______. Le dossier pouvait être classé. En revanche, la requête déposée le 2 février 2001 devait être instruite.

9. Le 2 septembre 2003, la police des constructions a attiré l’attention de M. A______ sur le fait que, depuis février 2001, le dossier DD ______ était resté sans suite. Aucune réponse n’avait été apportée à sa demande du 21 février 2001. Un inspecteur allait procéder à un constat sur place.

10. Le 25 septembre 2003, le département a constaté qu’aucune suite n’avait été donnée à sa lettre du 2 septembre 2003. L’instruction de la requête en autorisation de construire DD ______ était suspendue depuis plus de deux ans. Il a formellement ordonné à M. A______ de prendre les mesures nécessaires afin que la police des constructions puisse visiter l’immeuble dans un délai de trente jours et ce, sous la menace des peines de droit.

11. a. Une visite du bâtiment a eu lieu le 13 novembre 2003. Dans sa lettre du 16 janvier 2004 à M. A______, le département a relevé que le hall d’entrée de l’immeuble et la cage d’escalier avaient été rénovés. Il en allait de même pour dix logements de 4 pièces situés dans les étages, qui avaient de plus été transformés. Ces travaux avaient été réalisés nonobstant l’ordre d’arrêt de chantier du 6 février 2001 et avant que la requête en autorisation de construire DD ______ n’ait abouti.

Mis devant le fait accompli, le département a délivré l’autorisation de construire sollicitée. Il a renoncé à prendre une mesure visant au rétablissement des appartements dans leur état initial, dont il a estimé qu’elle serait disproportionnée.

b. Aux termes de l’autorisation annexée à ce pli, trois des appartements existants (12 pièces au total), dont le loyer par pièces et par année avant travaux était déjà supérieur à CHF 3'225.-, devaient être loués CHF 45'840.- au total par an après travaux (CHF 3’820.- par pièce et par année). Pour les autres logements, le loyer par pièce et par année était de CHF 3'225.-. Le département a ordonné à M. A______, en sa qualité de propriétaire de l’immeuble, de respecter les termes de l’autorisation de construire dans un délai de 30 jours et de procéder à une rectification des baux dans le sens des loyers maximaux autorisés. L’éventuel trop-perçu devait être restitué aux locataires concernés. Tous les baux et documents utiles devaient être remis au département dans le même délai ainsi que les justificatifs du remboursement.

Vu la gravité tant objective que subjective des infractions et de la récidive, une amende administrative de CHF 15'000.- lui a été infligée.

12. Par acte du 18 février 2004, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif d’une part contre l’autorisation de construire et, d’autre part, contre la décision ordonnant la restitution du trop-perçu et de l’amende.

13. Le 25 mai 2004, le Tribunal administratif a déclaré recevable le recours de M. A______ en ce qu’il visait l’amende de CHF 15'000.- qui lui avait été infligée.

Dans la mesure où ce recours concernait également la délivrance de l’autorisation de construire, le litige relatif à la rectification des baux et au remboursement aux locataires du trop-perçu, le recours était irrecevable et transmis à la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission).

L’instruction de la procédure concernant l’amende était suspendue jusqu’à droit jugé par la commission.

14. Par courrier daté du 18 février 2003 (sic : recte 2004), reçu au département le 20 février 2004, M. A______ a déposé une requête d’autorisation par procédure accélérée concernant

- l’aménagement des combles ;

- l’ouverture des lucarnes ;

- la réparation du lanterneau éclairant la cage des escaliers ;

- la dépose et repose de la couverture et remplacement de la ferblanterie ;

- la piquage et le crépissage des façades rue et cour ;

- le nettoyage des pierres naturelles des façades rue et cour.

Il a précisé que ces travaux n’auraient aucune incidence sur les loyers des appartements existants. La lettre de couverture mentionnait qu’il s’agissait d’une « demande par annonce de travaux » (ci-après : APAT).

15. Le 8 mars 2004, le département a refusé d’enregistrer cette requête, au motif que les travaux étaient identiques à ceux visés par l’autorisation de construire DD ______, déjà délivrée.

16. Le 2 juin 2004, le conseil de M. A______ a rappelé au département qu’une visite avait eu lieu avec des collaborateurs du département dans l’immeuble 13, rue Z______. A cette occasion, il avait été constaté que l’objet de l’autorisation de construire DD ______ et celui de la requête transmise au département le 20 février 2004 étaient différents.

17. a. Le 15 juin 2004, la police des constructions a précisé au conseil de M. A______ que la visite en question avait eu pour but unique une consultation sur l’habitabilité des potentiels d’aménagement dans les combles et non de constater les interventions faites dans l’immeuble. Toutefois, et dans la mesure où les dimensions des lucarnes du séjour augmentaient légèrement la surface habitable, la requête pouvait faire l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation de construire.

b. Le 3 juin 2004, le département a enregistré la requête d’autorisation de construire déposée par M. A______ le 20 février 2004 sous numéro APA ______.

c. Par décision du 23 décembre 2004, le département a refusé de délivrer l’APA ______. Les lucarnes projetées étaient trop importantes et dénaturaient le caractère architectural du bâtiment, ce qu’avait déjà relevé la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) dans son préavis défavorable. Les loyers après travaux, tels qu’ils ressortaient de l’état locatif du 30 juin 2004, ne respectaient pas les conditions 6, 7 et 8 de l’autorisation DD ______. Le loyer des appartement situés dans les étages passait à CHF 4'590.- par pièce et par année et, dans les combles, à CHF 9'332.- par pièce et par année, ce qui était contraire à la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20).

18. M. A______ a recouru à la commission le 8 février 2005. Les dimensions des lucarnes étaient conformes à la législation en vigueur. Des lucarnes similaires avaient été autorisées dans un immeuble voisin.

Le projet APA ______ n’avait rien de commun avec la DD ______. La délivrance de la première autorisation de construire avait été contestée devant la commission. Le loyer des appartements dans les étages n’était pas modifié par les travaux envisagés. Le loyer par pièce et par année des appartements dans les combles n’était pas de CHF 9'332.- mais de CHF 6'990.-.

19. Entendues en audience de comparution personnelle, les parties ont campé sur leur position.

Le département a indiqué qu’il y avait dans les combles deux appartements de 3 pièces et non de 4 pièces. L’état locatif déposé avec l’APA ______ était de CHF 179'280.- pour les étages inférieurs, alors qu’après les travaux visés par la DD ______, il s’élevait à CHF 132'915.-. Les lucarnes, conformes à l’article 130 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L 5 05 01), portaient atteinte à l’esthétique de l’immeuble, protégé selon les article 89 et suivants LCI.

Le conseil de M. A______ a indiqué que ce dernier avait « rentabilisé les travaux de l’APA ______ sur des loyers augmentés postérieurement à 1999, car il (considérait) qu’il n’y avait pas eu de travaux assujettis à la LDTR ».

20. Le 26 avril 2005, le département a précisé le décompte des pièces prévues dans les combles : Il y en avait bien six, distribuées dans deux appartements de 3 pièces chacun. La situation était identique dans le cadre du dossier DD ______.

21. Le 3 juin 2005, la commission a joint les recours et les a rejetés.

M. A______ soutenait en vain avoir renoncé à la requête en autorisation DD ______. Il lui incombait de prouver la réception par le département de la lettre qu’il soutenait avoir envoyée, ce qu’il ne parvenait pas à faire. Les travaux prévus par cette autorisation étaient assujettis à la LDTR. Ceux prévus à l’intérieur des appartements et dans la cage d’escalier étaient terminés, et faisaient l’objet de cette autorisation de construire. La requête APA ______ visait des travaux identiques à ceux prévus dans le premier dossier, sous réserve de l’agrandissement des lucarnes.

Les travaux étant assujettis à la LDTR, c’était à juste titre que le département avait fixé les loyers après travaux et ordonné le rétablissement des loyers autorisés.

L’appréciation du département concernant le refus des lucarnes prévues dans l’APA ______ était fondée, de même que le préavis défavorable de la CMNS. En ce qu’il se fondait sur la LDTR, ce refus n’était pas critiquable. C’était à juste titre que le département avait considéré qu’il y avait 3 pièces par appartement dans les combles.

22. Le 15 juillet 2005, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision.

Dans son recours du 18 février 2004 et dans celui du 15 juillet 2005 devant la commission, il avait fait valoir les éléments suivants :

- Il avait, dans un courrier du 26 février 2001, renoncé à la requête en autorisation enregistrée sous DD ______. Suite à l’envoi de ce pli, le département n’avait pas réagi et l’instruction de la procédure n’avait pas évolué. Les travaux ayant trait à l’aménagement des combles, à la réfection des façades et l’enveloppe extérieure ainsi que divers travaux d’installation, n’avaient jamais été réalisés. Seuls ceux mentionnés dans la requête en autorisation par annonce de travaux du 2 février 2001 avaient été réalisés, de même que des travaux courants d’entretien des appartements au gré du départ des locataires.

- Dès lors qu’il avait renoncé à la requête en autorisation ______, les travaux qu’il avait annoncés dans son courrier du 2 février 2001 n’étaient pas soumis à la LDTR.

- Il contestait tant le principe que le montant de l’amende. Les travaux faisant l’objet de la requête en autorisation par annonce de travaux ne constituaient que de l’entretien courant, et étaient absolument nécessaires en raison de la vétusté de l’installation.

- S’agissant de la procédure en APA, les lucarnes qu’il souhaitait réaliser étaient conformes aux dispositions légales. Des ouvertures similaires avaient été créées dans les immeubles voisins. Cette requête, différente de celle qui avait été traitée dans la DD ______, ne pouvait dès lors pas être refusée en s’appuyant uniquement sur le préavis de la CMNS. En outre, les deux appartements dans les combles comprenaient bien 4 pièces et non 3, ce qu’avait retenu à tort le département.

23. Le 6 septembre 2005, le département s’est opposé tant au recours du 18 février 2004 concernant l’amende de CHF 15'000.- qu’à celui du 15 juillet 2005. Il n’avait jamais reçu de lettre ou de fax indiquant que M. A______ renonçait au projet DD ______. Le recourant était de mauvaise foi  : il se prévalait en effet de cette renonciation, mais avait terminé au préalable les travaux de rénovation intérieure des appartements et ceux de la cage d’escalier visés dans la requête DD ______. De plus, les travaux non encore réalisés avaient été repris dans la requête enregistrée sous APA ______. Il y avait, dans cette manière de procéder, une volonté de découper les travaux en tranches, ce que la LDTR proscrivait.

Les loyers fixés par le département étaient conformes à la jurisprudence et aux dispositions légales en vigueur. L’autorisation DD 96’624 devait dès lors être confirmée.

Le refus de l’APA ______ devait aussi être confirmé, au vu du préavis de la CMNS, motivé et conforme à l’opinion constante de cette commission. Les lucarnes respectaient certes les dimensions maximales autorisées par l’article 130 lettre e LCI ; cela ne signifiait toutefois pas que les impératifs de protection du patrimoine et du caractère architectural du bâtiment l’étaient également.

Tant le projet de l’APA que celui de la DD ______ prévoyaient la création d’appartements de 3 pièces et non de 4 pièces, en tenant compte des dispositions de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05) et du  règlement d’exécution de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 24 août 1992 (RLGL – I 4 05.0).

24. Par décision du 16 septembre 2005, le Tribunal a joint les deux causes sous n° de procédure A/313/2004.

25. Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 24 octobre 2005.

M. A______ a indiqué que les travaux suivants avaient déjà été réalisés :

- remise en état des colonnes techniques du téléphone et de l’électricité ;

- remise en état de la montée d’escalier, soit plus précisément des travaux de peinture nécessaires suite à la remise en état des colonnes montantes électricité et téléphone ;

- remise en état d’un certain nombre d’appartements suite au départ des locataires, six ou sept, selon la mémoire du recourant, sur les dix existant.

Dans les appartements concernés, les parquets avaient été poncés et les peintures refaites. Les installations sanitaires et les cuisines avaient été remises en état lorsque cela s’était avéré nécessaire. Lors de la rénovation des colonnes, le recourant avait posé des tuyaux de chauffage en réserve, destinés aux appartements prévus dans les combles, étant précisé que la centrale de chauffe se trouvait dans l’immeuble voisin - dont il était aussi propriétaire - et qui était suffisante pour les deux bâtiments. Il avait changé les installations de chauffage des appartements libres de locataires lorsqu’elles étaient trop désuètes. Les radiateurs des appartements ayant fait l’objet d’une remise en état étaient neufs et avaient été branchés sur la nouvelle colonne, ce qui était aussi le cas pour l’eau chaude des sanitaires.

L’ascenseur n’avait pas fait l’objet d’une intervention mais M. A______ désirait le changer ; les travaux y relatifs n’étaient pas encore planifiés. Le remplacement de l’ascenseur avait été prévu dans la requête DD ______. Le recourant ne désirait pas procéder à la modification de la distribution des sous-sols prévue dans la requête. Les travaux dans les appartements des locataires n’ayant pas changé seraient réalisées au fur et à mesure de la résiliation des baux.

L’autorisation DD ______ et la procédure APA différaient en ce qui concernait l’aménagement des combles : dans la première, les deux 3 pièces créés devaient être éclairés, côté rue, par deux petites lucarnes ; dans la seconde, il y avait deux appartements de 4 pièces, éclairés chacun côté rue par une grande lucarne, étaient prévus.

Le département a encore indiqué qu’aux termes du constat, tous les appartements avaient été rénovés, ce que le recourant a contesté.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. M. A______ soutient en premier lieu que l’autorisation DD ______ n’aurait pas dû être délivrée, puisqu’il y aurait renoncé par courrier du 26 février 2001.

a. En matière administrative, les faits doivent en principe être établis d'office et, dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle procède à cette recherche, les règles sur la répartition du fardeau de la preuve ne s'appliquent pas. Il n'en demeure pas moins que, lorsque les preuves font défaut, ou si l'on ne peut raisonnablement exiger de l'autorité qu'elle les recueille, la règle de l'article 8 du Code civil du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) est applicable par analogie : pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (Arrêt du Tribunal fédéral 5A.3/1999 consid. 5a du 18 janvier 2000 ; ATF 112 Ib 67; ATA/459/2003 du 10 juin 2003 ; P. MOOR, Droit administratif, Berne 1991, vol II, p. 178 ; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème édition, no 2021 et les références citées).

b. En l’espèce, le département soutient ne pas avoir reçu le courrier dont M. A______ a versé un tirage à la procédure. Dans la mesure où cette lettre a été expédiée par pli simple, le recourant ne peut prouver le contraire. Même s’il le pouvait, le retrait de la requête en autorisation de construire devrait être considérée comme un acte contraire à la bonne foi. En effet, il ressort du dossier qu’un certain nombre de travaux avaient déjà été entrepris dans l’immeuble. M. A______ n’avait manifestement pas renoncé à rénover le bâtiment en question. Le retrait de la requête en autorisation visait plutôt à éviter de déposer une demande d’autorisation de construire globale, avec les charges que cela suppose, ce qui lui permettait de découper les travaux en multiples étapes, en appliquant la tactique dite du « saucissonnage ». En procédant de la sorte, il empêchait les autorités d’apprécier globalement les interventions à faire dans l’immeuble et leur coût, notamment au regard de la LDTR.

A ces éléments s’ajoute le fait que, dans le cadre de la requête n° ______, le département s’est adressé à M. A______ à deux reprises, soit le 2 septembre 2003 par pli simple et le 25 du même mois par courrier recommandé. Ce n’est toutefois qu’à réception de la première des décisions aujourd’hui litigieuses, soit dans son recours au Tribunal administratif, que le recourant a mentionné l’existence du courrier du 26 février 2001.

De plus, le tribunal relèvera que le recourant soutient à tort que l’envoi d’une requête APAT le 18 février 2003 démontrerait qu’il avait renoncé à la requête ______ : en examinant les timbres humides apposés par le département sur la lettre en question, il appert que ce pli a été reçu le 20 février 2004. La date indiquée par le recourant résulte dès lors - et au mieux - d’une erreur de frappe. Ce fait est confirmé par la date écrite à la main par M. A______ sur les demandes d’autorisation en procédure accélérée, annexées à ce pli.

Au vu des éléments qui précèdent, ce grief doit être écarté et le Tribunal administratif retiendra que M. A______ n’a pas retiré la requête en autorisation de construire ______.

3. Il ressort des écritures de M. A______ que ce dernier ne conteste pas que la requête en autorisation de construire ______ soit soumise à la LDTR et qu’en conséquence, les loyers soient fixés par le département.

Les griefs qu’il soulève se fondent uniquement sur le fait qu’il aurait retiré la requête et que les travaux réalisés correspondraient à ceux visés dans la demande déposée le 2 février 2001.

Dès lors que le retrait de la requête en autorisation de construire n’est pas démontré, ces griefs perdent toute substance et l’autorisation délivrée le 16 janvier 2004 doit être confirmée dans son ensemble.

4. M. A______ conteste le refus d’autorisation de construire dans le dossier n° APA ______, fondé d’une part sur la dimension excessive des lucarnes prévues et, d’autre part, sur le montant des loyers, non conformes à la LDTR.

5. a. Selon l’article 89 LCI, l’unité architecturale et urbanistique des ensembles du 19ème siècle et du début du 20ème doit être préservée. L’article 90 alinéa 1 LCI précise que l’article 12 de cette loi est applicable. Selon l’article 12 alinéa 2 LCI , le département peut réduire le vide d’étage jusqu’à 2,40 mètres et déroger aux dispositions de la LCI concernant la distance entre bâtiments et les vues droites, afin de permettre l’aménagement de locaux d’habitation dans les combles, lorsque le gabarit des toitures n’est pas modifié, les nouveaux locaux remplissent les conditions de salubrité et de sécurité requises par leur destination et que le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier et le caractère esthétique de la construction autorisent cette mesure.

Lors de l’instruction de demandes d’autorisation visant des ensembles tels que définis à l’article 89 LCI, le préavis de la commission d’architecture et celui de la CMNS sont requis.

Toutefois, l’article 4 alinéa 1 de la loi sur les commissions d’urbanisme et d’architecture du 24 février 1961 (L 1 55), dans sa teneur postérieure au 11 mars 2004, prévoit que la commission d’architecture n’émet pas de préavis sur les projets qui relèvent de la compétence de la CMNS.

b. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des commissions consultatives, l'autorité de recours observe une certaine retenue, fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/100/2005 du 1er mars 2005 et les références citées ; T. TANQUEREL, La pesée des intérêts vue par le juge administratif in C. A. MORAND, La pesée globale des intérêts, Droit de l’environnement et aménagement du territoire, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1996, p. 201). 5b). En particulier, lorsque la consultation de la CMNS qui est composée de spécialistes en matière d'architecture, d'urbanisme et de conservation du patrimoine, est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA/730/2005 du 2 novembre 2005 ; ATA/37/2005 du 25 janvier 2005).

c. En l’espèce, la CMNS a rendu un préavis motivé, qui a été suivi tant par le département que par la commission. Les critiques formées à son égard par le recourant ne sont pas pertinentes. En effet, s’il n’est pas contesté que l’article 130 RALCI - qui définit les dimensions maximales des jours pouvant être créés dans les toitures dans les quatre premières zones de construction, cet élément n’empêche pas le département de refuser le projet, sauf à vider les articles 89 et suivants LCI de leur contenu. De plus, il ressort du dossier que la CMNS, dans son préavis au sujet de la DD n° 96'624, a précisé que la dimension de la saillie des lucarnes ne devait pas excéder 125 sur 150 cm, afin d’être en harmonie avec les lucarnes autorisées sur l’immeuble voisin, lequel forme un ensemble avec le bâtiment édifié 13, rue Z______. Dès lors, le fait que l’immeuble situé 11, rue Z______ ait, par hypothèse, des lucarnes plus grandes, ne saurait permettre de revenir sur cette position. Les lucarnes que M. A______ désire réaliser selon sa requête APA 23'362 sont trop importantes pour être autorisées. Ce grief sera dès lors aussi écarté.

6. M. A______ critique de plus la manière dont le département a compté le nombre de pièces des appartements à créer dans les combles, dans le cadre de l’APA n° ______.

Le Tribunal administratif relèvera toutefois que les indications de surface prises en compte par le recourant ne tiennent pas compte de la pente des toits, et que les calculs faits par le département ne prêtent pas le flanc à la critique, après vérification sur les plans.

Dans la mesure où le rejet de la requête en autorisation APA ______ doit être confirmé pour des motifs liés à l’esthétique, il n’y a pas lieu d’aller plus avant dans l’examen de ce grief.

7. Le recourant conteste en dernier lieu l’amende de CHF 15'000.- qui lui a été infligée par le département.

a. En vertu de l’article 137 LCI, est passible d’une amende administrative de CHF 100.- à CHF 60'000.- tout contrevenant à la LCI. Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l’amende, du degré de gravité de l’infraction, la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive constituant notamment des circonstances aggravantes (al. 3).

b. Les amendes administratives sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des amendes ordinaires pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001; P. MOOR, Droit administratif : Les actes et leur contrôle, tome 2, Berne 2002, ch. 1.4.5.5 pp. 139-141; P. NOLL et S. TRECHSEL, Schweizerisches Strafrecht: allgemeine Voraussetzungen der Strafbarkeit, AT I, 6ème édition, Zurich 2004, p. 37). C'est dire que la quotité de la peine administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/813/2001 du 4 décembre 2001). En vertu de l'article 1 alinéa 2 de la loi pénale genevoise du 20 septembre 1981 (LPG – E 3 1), il y a lieu de faire application des dispositions générales contenues dans le CPS, sous réserve des exceptions prévues par le législateur cantonal à l'article 24 LPG.

c. Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence. Selon des principes qui n'ont pas été remis en cause, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi (ATA G. du 20 septembre 1994 ; A. GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 2, Neuchâtel, 1984, pp.646-648) et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/245/1999 du 27 avril 1999 ; G. du 20 septembre 1994 ; Régie C. du 8 septembre 1992). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/131/1997 du 18 février 1997). Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/443/1997 du 5 août 1997).

d. L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues à l'article 68 CPS lorsque par un ou plusieurs actes, le même administré encourt plusieurs sanctions (ATF 122 II 182-184; 121 II 25 et 120 Ib 57-58; RDAF 1997 pp. 100-103; ATA/245/1999 du 27 avril 1999; ATA/171/1998 du 24 mars 1998). Selon cette disposition, si l'auteur encourt plusieurs amendes, le juge prononce une peine pécuniaire unique, et dont le montant doit être proportionné à la culpabilité (art. 68 al. 1 CPS). De plus, lorsqu'une personne est sanctionnée pour des faits commis avant d'avoir été condamnée pour une autre infraction, le juge doit fixer la sanction de manière à ce que le contrevenant ne soit pas puni plus sévèrement que si un seul jugement avait été prononcé (art. 68 ch. 2 CPS). Si l'auteur encourt plusieurs amendes, l'article 68 CP n'élargit pas le cadre de la peine applicable (art. 68 ch. 1 al. 2 CPS) et le juge n'en tient compte que lors de la fixation de l'amende en vertu de l’article 63 CPS (M. KILLIAS, Précis de droit pénal général, Berne 1998, p. 170).

e. La règle prévaut selon laquelle l’article 68 chiffre 2 CPS n’est pas applicable lorsque quelqu’un commet des infractions après avoir été condamné en première instance à une peine privative de liberté pour d’autres infractions (le moment déterminant est le prononcé du jugement). Les nouvelles infractions doivent donc être sanctionnées par une peine indépendante. Pour appliquer l’article 68 chiffre 2 CPS, il faut déterminer en premier lieu si les infractions concernées ont été commises – entièrement ou partiellement – avant ou après une première condamnation. Dans le premier cas, il faut encore examiner si un jugement déjà entré en force a clos la première procédure. Dans l’affirmative, il faut alors prononcer une peine complémentaire (JdT 2005 IV 51).

f. En l’espèce, les infractions sanctionnées ont été commises entre le mois de février 2001 et le mois de novembre 2003. Au vu des amendes déjà infligées au recourant dans d’autres procédures (ATA/195/2005 du 5 avril 2005 confirmant notamment une amende de CHF 60'000.-, confirmé par le Tribunal fédéral le 1er novembre de la même année, pour des faits commis entre 1999 et 2001 ; ATA/814/2005 du 29 novembre 2005 constatant qu’aucune peine complémentaire de pouvait être infligée à l’intéressé pour des faits commis entre 2000 et 2002), le prononcé d’une peine complémentaire est impossible, de sorte que le recours sera admis sur ce point.

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis. Un émolument de procédure, en CHF 2'000.-, sera mis à la charge du recourant. Aucune indemnité ne lui sera allouée, le recours étant partiellement admis pour un motif qu’il n’a pas soulevé (art. 87 LPA).

Les faits décrits dans le présent arrêt, de même que ceux ressortant des ATA/814/2005 du 29 novembre 2005 et ATA/195/2005 du 5 avril 2005 pouvant constituer des manquement aux devoirs de la profession exercée par M. A______, une copie du présent arrêt sera transmise à la Chambre des architectes.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 février 2004 par Monsieur A______ contre la décision du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 16 janvier 2004 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision du département du 16 janvier 2004 en tant qu’elle vise l’amende de CHF 15'000.- infligée au recourant ;

le rejette pour le surplus ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 2'000.-;

communique le présent arrêt à Me Gérard Brutsch, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l'information et, pour information, à la chambre des architectes et des ingénieurs.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.


Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :