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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/193/2016

ATA/517/2016 du 14.06.2016 ( ANIM ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.07.2016, 2C_659/2016
Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; PROPRIÉTAIRE ; DÉTENTEUR D'ANIMAL ; OBJET DU LITIGE ; DROIT D'ÊTRE ENTENDU ; AUDITION OU INTERROGATOIRE ; INSPECTION LOCALE ; PROTECTION DES ANIMAUX ; DÉTENTION D'ANIMAUX ; CHIEN ; ÉDUCATION ; DANGER(EN GÉNÉRAL) ; LÉSION TRAUMATIQUE ; OBJET SÉQUESTRÉ ; PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.60.al1 ; Cst.29.al2 ; LChiens.1 ; LChiens.11 ; LChiens.15 ; LChiens.18 ; LChiens.27 ; LChiens.36 ; LChiens.38 ; LChiens.39 ; Cst.5.al2
Résumé : Confirmation du séquestre définitif d'un chien ayant mordu à plusieurs reprises des congénères, ses détenteurs, malgré plusieurs avertissements prononcés par l'autorité intimée, n'ayant pris aucune mesure pour éviter la survenance d'un nouvel incident de même nature.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/193/2016-ANIM ATA/517/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 juin 2016

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES

 



EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______ (ci-après : les époux A______) sont mariés et domiciliés au chemin B______ à C_________, où M. A______ exploitait auparavant le garage D_________ sis à la même adresse.

2) Le 22 décembre 2010, M. A______ a acquis auprès d’un éleveur un chien mâle de race berger allemand, né le ______ 2010.

3) Ce chien a été enregistré dans les banques de données ANIS Animal Identity Service AG (ci-après : ANIS) et AMICUS sous le nom « E______II » (ci-après : E______), RID n° 1______, le détenteur indiqué dès le 14 février 2011 étant Mme A______.

4) E______ mesure actuellement 56 cm au garrot et pèse 42 kg.

5) En juin 2011, la gendarmerie F______ a signalé au service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV ou le service) qu’un promeneur lui avait rapporté que le chien E______ divaguait régulièrement devant le garage D_________, sur le chemin du même nom, sans réel contrôle.

6) Par courrier du 6 juillet 2011, le SCAV a rappelé à Mme A______ ses obligations en matière d’éducation du chien E______ et de prévention des nuisances du fait de son animal.

7) Le 8 août 2011, le SCAV a été informé, par le dépôt d’une formule d’annonce, qu’à la fin du moins de juin 2011, un promeneur, accompagné de son petit-fils et de sa chienne, avait été importuné par E______ vers le chemin B______, ce qui l’avait contraint à effectuer un détour. En passant une nouvelle fois vers la propriété des époux A______, E______ s’en était pris à la chienne. Bien que Mme A______ eût attaché son animal, celui-ci avait réussi à s’échapper et s’était dirigé vers les passants, leur montrant les crocs.

8) Le 16 août 2011, le SCAV a reçu Mme A______ avec son chien, accompagnée de M. A______. Selon le compte rendu de cette rencontre, E______, qui avait tendance à tirer sur sa laisse lors des exercices avec sa détentrice et était réceptif aux ordres « assis » et « couché », avait accepté les manipulations du spécialiste canin, sans réagir aux manœuvres d’intimidation. À son lieu de résidence, le chien avait librement accès à l’intérieur et à l’extérieur, y compris au chemin B______, le jardin n’étant pas clôturé. Selon Mme A______, E______ n’était pas agressif, aimait jouer avec ses congénères et avait tendance à mordiller.

9) Par décision du 18 août 2011, le SCAV a ordonné à Mme A______ de prendre toutes les mesures de sécurité adéquates afin d’éviter que E______ puisse avoir libre accès au chemin public adjacent sa propriété et de lui transmettre avant le 11 janvier 2012 une attestation de compétence certifiant qu’elle avait le contrôle de son chien dans les situations de la vie quotidienne. En cas de non-respect de ces exigences ou de nouvel incident, des mesures plus contraignantes pouvaient être prises.

N’ayant pas été contestée, cette décision est entrée en force.

10) À une date indéterminée, Mme A______ a transmis au SCAV une attestation, datée du 14 janvier 2012, selon laquelle elle avait suivi des cours et réussi un test de maîtrise et de comportement canin (ci-après : TMC).

11) Le 26 janvier 2012, le SCAV a été informé qu’une personne qui s’était promenée avec son chien, de race fox-terrier, devant la propriété non clôturée des époux A______ avait vu surgir E______, qui s’était approché de son animal, « tous poils hérissés ». Hors de tout contrôle et ses maîtres n’intervenant pas, E______ l’avait suivi sur plusieurs mètres.

12) Le 1er février 2012, le SCAV a informé Mme A______ de l’ouverture d’une instruction suite à cet incident, la convoquant à un entretien et à une évaluation de son chien. Par mesure de sécurité publique, l’animal devait être muselé, et tenu en laisse aux endroits où les dispositions légales l’exigeaient.

13) Le 14 février 2012, Mme A______ s’est présentée avec son chien dans les locaux du SCAV. Selon le rapport établi à cette occasion, la conduite de E______ s’était améliorée depuis la précédente observation. Il présentait toutefois encore des difficultés à obéir aux ordres et avait tendance à effectuer des « prises de gueule ». Mise au courant de la dénonciation du 26 janvier 2012, Mme A______ s’était montrée ennuyée et avait indiqué qu’elle ferait plus attention à l’avenir, sa propriété n’étant toutefois pas clôturée.

14) Par décision du 17 février 2012, le SCAV a ordonné à Mme A______ de prendre toutes les mesures de sécurité adéquates afin d’éviter que son chien n’effraie ou ne blesse des personnes ou des animaux, notamment en ne le laissant pas divaguer seul et sans surveillance aux abords de sa propriété. Par ailleurs, le chien devait être tenu en laisse dans tous les accès autorisés sous condition et les cours d’éducation canine devaient être poursuivis, jusqu’à la maîtrise complète de l’animal. En cas de non-respect de ces exigences ou de nouvel incident, le séquestre provisoire du chien pouvait être ordonné.

15) Le 28 février 2012, les époux A______ ont recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après la chambre administrative) contre cette décision, concluant en substance à son annulation, notamment au motif que les dénonciations étaient abusives. E______, qui n’avait pas encore atteint l’âge adulte, était un chien affectueux, qui n’était pas agressif, malgré sa corpulence impressionnante. Preuve en était que lors du cambriolage de leur domicile en octobre 2011, il n’avait pas bronché à la vue des intrus.

16) À compter du 1er mai 2013, Mme A______ a suivi dix cours d’éducation canine.

17) Par arrêt du 21 août 2012 (ATA/540/2012), la chambre administrative a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours des époux A______.

N’ayant pas été contesté, cet arrêt est entré en force.

18) Le 9 avril 2015, le SCAV a été informé, par une formule d’annonce de blessure par un chien, que, la veille, E______, non tenu en laisse, avait attaqué et blessé un congénère de race shar-peï.

19) Le 13 avril 2015, le SCAV a convoqué Mme A______ à un entretien et à une évaluation de son chien. Par mesure de sécurité publique, son chien devait impérativement être tenu en laisse dans les endroits dans lesquels les dispositions légales l’exigeaient et porter une muselière de type « à panier » pour toutes ses sorties.

20) Le 22 avril 2015, Mme A______ a été entendue au sujet des événements du 8 avril 2015 par le SCAV. Le jour de l’incident, alors qu’elle était sortie de chez elle, E______ s’était détaché. Comme sa propriété n’était pas clôturée, il s’était dirigé vers un congénère pour le mordre.

21) Le même jour, E______ a fait l’objet d’une évaluation par une éducatrice canine dans les locaux du SCAV en présence des époux A______. Selon le rapport y relatif, E______ était un chien au caractère bien affirmé, qui avait pris l’habitude d’agir de manière indépendante, sans être recadré par sa détentrice. Dès qu’il était contraint, par exemple de mettre une laisse, il effectuait des « prises en gueule » des avant-bras et des mains, sans toutefois exercer de pression. Mis en présence d’un autre chien, de petite taille, E______ grognait à son voisinage. Il ne répondait pas correctement au rappel et, lorsqu’il finissait par revenir en direction de sa détentrice, il ne s’arrêtait pas vers elle, continuant systématiquement son chemin, ce qui ne dérangeait toutefois pas Mme A______, au motif que E______ restait de toute façon à proximité d’elle. Mme A______ n’apparaissait pas consciente du danger que son chien présentait une fois détaché et non maîtrisé, minimisait systématiquement ses réactions et n’avait pas pris en compte les explications de l’évaluatrice. Elle ne savait en outre pas « lire son chien », le laissant faire comme bon lui semblait, au motif que les bergers allemands qu’elle avait détenus jusqu’à présent avaient toujours été « libres comme l’air ». Elle s’était également montrée détachée au sujet de l’incident du 8 avril 2015, arguant qu’il s’était agi d’une « simple histoire de chiens », l’importance des blessures infligées au shar-peï devant au surplus être relativisée en raison de la peau fragile de cette race. Hormis les remarques et réactions négatives de Mme A______, son époux, qui l’accompagnait dans le même état d’esprit, s’était amusé à faire aboyer les autres chiens présents sur les lieux.

22) Par décision du 28 avril 2015, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SCAV a ordonné à Mme A______ ainsi qu’à toute personne susceptible de détenir E______, sous menace des peines de l’art. 292 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), de prendre toutes les mesures adéquates afin de l’empêcher de quitter le domicile et de le museler lors de ses sorties jusqu’au passage et à la réussite d’un nouveau test de comportement. En cas de non-respect de ces exigences, des mesures plus contraignantes, allant jusqu’au séquestre définitif du chien, pouvaient être prises.

N’ayant pas été contestée, cette décision est entrée en force.

23) Le 26 juillet 2015, E______a été placé à la fourrière cantonale pour chiens (ci-après : la fourrière) en raison d’une divagation sur le domaine public. Il a été restitué à M. A______ le jour même, celui-ci ayant néanmoins bloqué le portail de la fourrière, ce qui avait nécessité l’intervention d’une patrouille.

24) Le 22 décembre 2015, la clinique vétérinaire G______(ci-après : la clinique) a rempli une formule d’annonce de « blessures par un chien à un animal », transmise au SCAV le lendemain. Le jour même, sur le domaine public, E______ avait mordu, au niveau du dos, une congénère de race golden retriever, lui occasionnant une perforation de l’épiderme.

25) Le 23 décembre 2015, le SCAV a établi un rapport en lien avec ces faits. Selon les informations fournies téléphoniquement par l’époux de la détentrice du golden retriever, celle-ci promenait sa chienne aux alentours de la propriété des époux A______ lorsque E______ en était sorti en courant, se précipitant vers leur animal pour le mordre à l’arrière-train, tout en le secouant en tenant la morsure. L’incident s’étant produit si rapidement qu’elle n’avait pas eu le temps de réagir. La chienne avait été conduite à la clinique, où sa plaie avait été suturée. Le soir même, il avait pris contact avec Mme A______ pour l’informer de la situation et avait pu constater que son interlocutrice ne semblait pas consciente du danger que représentait son animal pour la sécurité publique.

26) Le même jour, le SCAV a procédé au séquestre immédiat de E______.

27) Toujours le 23 décembre 2015, le SCAV a informé Mme A______ de l’ouverture d’une instruction suite aux événements de la veille, la convoquant à un entretien fixé au 4 janvier 2016 dans ses locaux. En raison de plusieurs récidives et du non-respect des termes de sa décision du 28 avril 2015, le séquestre immédiat de E______ était en outre ordonné.

28) Le 28 décembre 2015, les époux A______ ont requis du SCAV la levée de ce séquestre et la restitution de leur chien, cette sanction étant disproportionnée. Le jour des faits, leur petite-fille avait ouvert par mégarde la porte de leur logement, par laquelle E______ s’était échappé. Le hasard avait voulu qu’à ce moment une chienne se soit trouvée aux alentours de leur domicile. Dès lors que leur animal considérait leur propriété comme son territoire, il avait voulu protéger la maison et leur petite-fille. À cette fin, E______ avait pincé sa congénère à la queue pour la faire fuir, sans vraiment lui infliger de morsure. À ce jour, malgré tous les soins apportés à son éducation, E______ avait malheureusement provoqué, dans des circonstances similaires, des blessures identiques, lui-même ayant par le passé également été mordu par des congénères. Leur chien était en outre perturbé par les ondes électriques, en particulier par temps humide, de même que par certains véhicules, comme celui du facteur. Ils avaient étudié la possibilité de clôturer leur propriété, ce qui posait encore des problèmes d’accès à la maison voisine, qu’ils louaient à un tiers. Ils envisageaient néanmoins d’entreprendre des travaux dans ce sens dans les meilleurs délais et proposaient que E______ reste attaché dans cette attente.

29) Le 4 janvier 2016, le SCAV a procédé à l’audition de Mme A______, accompagnée de son époux.

Mme A______ a en substance confirmé la teneur du courrier du 28 décembre 2015 au sujet du déroulement des faits du 22 décembre 2015, précisant que E______ ne s’était jamais montré menaçant envers les enfants, qu’il adorait, et n’était pas réactif en présence de congénères. Lorsqu’elle le promenait, elle ne le tenait pas systématiquement en laisse ni ne lui faisait porter de muselière pour éviter qu’il ne devienne agressif et ne se blesse en tentant de l’enlever. Elle lui faisait faire quelques exercices de rappel et de slalom, ce qu’il appréciait. À ces occasions, elle ne croisait en principe personne. Lorsqu’elle voyait toutefois quelqu’un qui avait peur, elle attachait son chien, qui, du reste, ne réagissait pas en présence de coureurs, mais seulement de certains véhicules électriques. Suite à la décision du 28 avril 2015, elle avait suivi quelques cours d’éducation canine, auxquels elle avait toutefois mis en terme après avoir appris que leur prix devait augmenter. Lors de ceux-ci, E______ avait en outre dû porter une muselière et n’avait pas été mis en présence de ses congénères, ce qui était regrettable. En 2011 et 2012, les cas étaient bénins et son chien était encore jeune, E______ ne s’en étant au demeurant pas pris à des humains. Le 26 juillet 2015, son chien avait été placé à la fourrière après qu’il eut cassé son collier et tenté de la suivre sur la voie publique. Pour éviter de nouveaux incidents, elle envisageait de faire clôturer sa propriété. E______ lui manquait beaucoup et elle souhaitait le récupérer, notamment pour assurer sa sécurité ainsi que celle de son mari, dès lors qu’il était leur « sonnette d’alarme ».

30) Par décision du 8 janvier 2016, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SCAV a ordonné, sous menace des peines de l’art. 292 CP, le séquestre définitif de E______ détenu par Mme A______, la condamnant au paiement de divers frais et émoluments et l’informant qu’une amende lui serait infligée par le service des contraventions sur la base du rapport d’infraction qui lui avait été communiqué.

Depuis juin 2011, le chien avait de nombreux antécédents de comportements agressifs à son actif, tant à l’encontre de personnes que de congénères, ce que Mme A______ et son époux avaient systématiquement minimisé, tout comme les blessures infligées aux autres chiens les 8 avril et 22 décembre 2015, se refusant à reconnaître le danger que E______ pouvait représenter pour la sécurité publique. Les intéressés n’avaient mis en œuvre aucune des mesures nécessaires afin d’empêcher que le chien s’échappe de leur propriété, Mme A______ ne tenant pas non plus l’animal en laisse ni ne lui faisant porter la muselière lors de ses sorties, en contradiction avec les termes de la décision du 28 avril 2015. Suite aux événements survenus sur le domaine public le 22 décembre 2015, il n’avait ainsi d’autre choix que d’ordonner le séquestre définitif de E______.

31) Par courrier du 16 janvier 2016, réitéré le 5 février 2016, M. A______ a écrit au SCAV pour l’informer qu’il était bien le détenteur de E______, et non son épouse, à défaut de document attestant du contraire.

32) a. Par acte expédié le 19 janvier 2016, les époux A______ ont recouru auprès de la chambre administrative contre la décision du SCAV du 8 janvier 2016, concluant, « avec suite de frais et dépens », préalablement à un transport sur place et à l’audition du voisinage, et, sur le fond, à son annulation, à la levée du séquestre avec effet immédiat et à la restitution de E______, à la condamnation du SCAV en tous les frais ainsi qu’au versement d’une indemnité pour tort moral.

Le SCAV ne les avait pas entendus avant son intervention, qui était arbitraire. Les conditions pour le prononcé d’un séquestre définitif étaient d’autant moins réalisées que E______ n’était pas un chien agressif, ce dont leurs connaissances étaient prêtes à témoigner, que les blessures infligées à ses congénères étaient bénignes, comme l’attestaient les factures de la clinique, et qu’il n’avait jamais mordu d’humain. Dans la mesure où ils envisageaient de déménager, ils avaient renoncé à clôturer leur propriété, étant précisé que le 22 décembre 2015, le golden retriever, dont la queue était au demeurant déjà fragilisée en raison d’une précédente blessure, se promenait en liberté et n’était pas tenu en laisse. Afin que E______ ne considère plus le chemin B_________ comme son secteur de garde, ils prévoyaient néanmoins d’installer une porte sur leur balcon et avaient trouvé une solution pour fermer le chemin d’accès à leur bien-fonds, moyennant des travaux prochainement réalisés.

b. Ils ont produit un bordereau de pièces, comportant notamment :

– cinq photographies représentant un chien de race berger allemand en compagnie d’un jeune enfant, datées des 29 décembre 2013, 4 et 23 juillet 2015 ;

– une attestation établie par H______ selon laquelle M. A______ était titulaire d’une assurance responsabilité civile pour détenteur de chien ;

– une note d’honoraires de la clinique du 16 juin 2015 pour une intervention sur un chien de race shar-peï le 8 avril 2015, avec un suivi pour un contrôle le lendemain et deux jours plus tard, pour un montant de CHF 1'203.20. Le chien blessé avait subi une « lésion spectaculaire due à la peau propre à la race », qui avait nécessité des points de suture au niveau de la cuisse gauche et de la queue ;

– une note d’honoraires de la clinique du 22 décembre 2015 d’un montant de CHF 254.- suite à une morsure à la croupe d’un chien de race golden retriever intervenue le jour même, qui avait nécessité la pose d’agrafes ainsi qu’un suivi le 4 janvier 2016 ;

– des courriers des 24 décembre 2015 et 6 janvier 2016 adressés au Procureur général, aux termes desquels ils portaient plainte pénale contre toute personne ayant participé au séquestre provisoire de leur chien, mesure ayant été ordonnée sans qu’ils aient été entendus, alors même que E______ n’avait jamais mordu d’humain et qu’il s’était convenablement comporté jusqu’à l’incident du 8 avril 2015.

33) Le 21 janvier 2016, le juge délégué a requis des époux A______ de préciser s’ils entendaient demander la restitution de l’effet suspensif au recours.

34) Le 23 janvier 2016, les époux A______ ont demandé la restitution de l’effet suspensif au recours, précisant par ailleurs qu’ils avaient fait poser une barrière sur le balcon de leur maison et qu’une clôture autour de leur propriété était en cours d’installation. Ils ont annexé à leur courrier une photographie de l’extérieur de leur maison, entourée d’un balcon, dont l’accès était fermé par une porte grillagée à hauteur de balustrade.

35) Dans sa réponse du 1er février 2016, le SCAV a conclu, « avec suite de frais et dépens », au refus de la restitution de l’effet suspensif au recours et, sur le fond, à son rejet et à la confirmation de la décision entreprise.

Les époux A______, entendus le 4 janvier 2016, minimisaient systématiquement les conséquences des agressions perpétrées par leur chien depuis juin 2011, refusant de reconnaître qu’il présentait un danger pour la sécurité publique et qu’une morsure, indépendamment de sa gravité, était la conséquence d’un manque de maîtrise du détenteur de l’animal et révélatrice du fond agressif de ce dernier. Ils n’avaient pas non plus mis en œuvre de mesures pour empêcher E______ de s’échapper de leur propriété, étant précisé que Mme A______ ne le tenait pas en laisse lors des promenades ni ne lui faisait porter de muselière, malgré la décision du 28 avril 2015 entrée en force. La mesure contestée, qui ne pouvait être entreprise que par Mme A______ en sa seule qualité de détentrice du chien depuis le 14 février 2011, à l’exclusion de son mari, était exécutoire nonobstant recours puisqu’il importait de garantir et assurer la sécurité publique sans délai face à un chien de grande taille potentiellement dangereux, qui avait déjà nécessité son intervention par le passé.

36) Le 5 février 2016, les époux A______ ont informé la chambre de céans qu’ils avaient clôturé le chemin d’accès à leur propriété, souhaitant que leur chien puisse rapidement regagner leur foyer. Ils ont annexé à leur courrier une photographie de barrières de chantier grillagées, posées les unes à côtés des autres sur des plots, à l’entrée de leur propriété, faisant respectivement office de portail et de grillage.

37) Par décision du 11 février 2016, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours des époux A______, a ordonné que le chien E______ reste jusqu’à droit jugé en mains du SCAV et ne soit pas donné, vendu ou mis à mort, réservant le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

Dès lors que l’instruction de la cause devait permettre de déterminer si le prononcé de la décision litigieuse était justifié et proportionné, la mise en balance des intérêts en jeu ne permettait en l’état pas de revenir sur le caractère immédiatement exécutoire de la décision, les époux A______ ne faisant valoir aucun intérêt privé prépondérant. Dans la mesure où la décision contestée prévoyait également le séquestre définitif de l’animal, il se justifiait d’ordonner d’office, à titre de mesure provisionnelle et afin de conserver au litige son objet, que le chien E______ reste jusqu’à droit jugé en mains du SCAV.

38) Le 22 février 2016, le juge délégué a retourné aux époux A______ leurs courriers des 11 et 18 février 2016 et leurs annexes, les écritures spontanées n’étant pas admises.

39) Le 26 février 2016, le SCAV a répondu sur le fond du recours, concluant, « avec suite de frais et dépens », à son rejet et à la confirmation de la décision entreprise.

Il reprenait en substance les arguments figurant dans ses précédentes écritures, précisant que Mme A______ avait seule qualité pour recourir, étant donné qu’elle était l’unique détentrice du chien. Au vu des nombreux antécédents de E______, le prononcé du séquestre préventif immédiat se justifiait pour assurer la sécurité publique, dans l’attente d’une décision sur le fond, après l’audition de Mme A______, qui avait eu lieu dans ses locaux le 4 janvier 2016. Il était apparu que celle-ci minimisait les actes de son chien, ainsi que ses conséquences, ce qui laissait à penser que E______ n’était à dessein pas maîtrisé, dans le but de l’utiliser pour assurer la sécurité du couple. Mme A______ n’avait pas appliqué les injonctions et recommandations qui lui avaient été signifiées depuis 2011, auxquelles elle n’entendait pas non plus se soumettre à l’avenir, les époux A______ n’ayant mis en œuvre aucune mesure pour empêcher leur chien de s’échapper de leur propriété. Dans ce cadre, les barrières métalliques installées par les intéressés devant leur maison et la porte du balcon ne constituaient pas des mesures suffisantes, E______ayant réussi à fuguer à plusieurs reprises et développé un instinct prononcé de défense du territoire. Mme A______ n’avait pas non plus suivi les cours requis, ne muselait pas son chien et ne le tenait pas en laisse lors de ses sorties. Les mesures moins incisives prises jusqu’à ce jour n’avaient ainsi pas été aptes à atteindre le but de sécurité publique visé par la loi. Le séquestre ordonné répondait dès lors au principe de proportionnalité.

40) Le 4 mars 2016, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 1er avril 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger. Il renvoyait également aux époux A______ leurs écritures spontanées du 22 février 2016.

41) a. Le 22 mars 2016, les époux A______ ont répliqué, persistant dans les conclusions et termes de leur recours, tout en précisant qu’ils requéraient également l’annulation de la décision de séquestre provisoire du 23 décembre 2015.

E______ était un chien de compagnie familial, bien éduqué, fidèle et doux, qui gardait leur maison et avait un comportement irréprochable avec les humains. Il surveillait également d’un œil attentif leurs petits-enfants et avait subi avec succès plusieurs tests de comportement. En attestaient d’une part le fait qu’il avait pu être emmené sans précautions particulières par des inconnus à deux reprises à la fourrière, et, d’autre part, la liste des signatures de vingt-neuf personnes acquises à leur cause. En 2011 et 2012, E______ n’avait fait aucun mal ni à des humains ni à des chiens, s’étant limité à les suivre, ce qui ne pouvait constituer une agression, les personnes concernées ayant seulement eu peur. Par la suite, il n’avait pas non plus gravement blessé des congénères, les incidents des 8 avril et 22 décembre 2015 s’étant produits dans la même situation, près de leur domicile. Ils avaient à présent clôturé leur propriété pour éviter tout nouvel incident, malgré l’imminence de leur déménagement. De manière plus générale, il n’était pas possible de prévenir tous les problèmes pouvant exister entre canidés de races différentes, qui avaient toujours existé et qui se réglaient directement entre les propriétaires concernés, tout comme les humains pouvaient, eux aussi, s’insulter et parfois même se mordre. Le séquestre constituait une atteinte à la dignité de leur chien ainsi qu’une souffrance physique et morale, à plus forte raison pour un animal élevé dans un milieu familial, auquel « le doute devait profiter ». Le SCAV « prenait leur chien en otage » pour les punir et justifier son activité, cette autorité ne s’étant au demeurant fondée que sur un entretien téléphonique avec l’époux de la détentrice du golden retriever, qui n’était pas présent lors de l’incident du 22 décembre 2015, pour prononcer la mesure contestée.

b. Ils ont annexé à leurs écritures :

– une liste signée par vingt-neuf personnes qui attestaient que le chien E______ n’était ni agressif, ni dangereux et était mis en laisse par Mme A______ lorsqu’elle croisait un congénère ;

– une facture « pour dommages et intérêts » du garage D______,. A______ & Cie adressée le 10 mars 2016 au département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (ci-après : le département) pour le séquestre provisoire et définitif du chien E______.

42) Le 5 avril 2016, le SCAV a dupliqué, persistant dans les termes et conclusions de ses précédentes écritures.

Les affirmations péremptoires des époux A______, selon lesquelles le comportement de leur chien était irréprochable avec les humains, mettaient en évidence qu’ils ne semblaient toujours pas avoir pris conscience du fait que E______ constituait un risque avéré pour la population et ses congénères. Les évènements passés montraient également que E______ était un animal imprévisible, la liste produite ne permettant que d’attester qu’il ne s’en était pas pris aux personnes concernées, ce qui n’effaçait pas les agressions précédemment commises. Par ailleurs, même si un animal était utilisé comme protection, il devait néanmoins pouvoir être maîtrisé et être maîtrisable par son détenteur, ce qui était loin d’être le cas de E______.

43) Le 18 avril 2016, les époux A______ ont répondu aux observations du SCAV, répétant leurs précédents arguments. Il convenait de s’interroger sur la capacité du vétérinaire cantonal à juger le comportement des chiens et ainsi prendre des décisions ordonnant un séquestre, dès lors qu’il n’en avait, selon ses déclarations parues dans la presse, jamais détenu. Une telle mesure était d’autant plus scandaleuse et odieuse que tout animal avait une âme. Ils regrettaient les incidents causés par E______, qui n’étaient toutefois pas susceptibles de se reproduire au regard des mesures prises pour les éviter, leur propriété étant désormais clôturée.

44) Le 3 mai 2016, le juge délégué a retourné aux époux A______ leur courrier du 2 mai 2016 et son annexe, la cause étant gardée à juger depuis le 22 avril 2016 et les écritures spontanées n’étant pas admises.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ces points de vue (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’autorité intimée soutient que M. A______ n’a pas qualité pour recourir, étant donné que son épouse est la seule détentrice du chien E______.

a. Aux termes de l’art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/300/2016 du 12 avril 2016 ; ATA/1308/2015 du 8 décembre 2015 ; ATA/1067/2015 du 6 octobre 2015).

À teneur de la jurisprudence, le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés ; l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 p. 164 ; 137 II 40 consid. 2.3 p. 43 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire proscrite en droit suisse. Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, c'est-à-dire que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2 ; 137 II 40 consid. 2.6.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; ATA/300/2016 précité ; ATA/1308/2015 précité ; ATA/134/2015 du 3 février 2015), le tiers devant lui-même être atteint de manière particulière par le prononcé litigieux (ATF 139 II 279 consid. 2.2 ; 137 III 67 consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

b. En l’espèce, M. A______, qui recourt aux côtés de son épouse, n’était pas partie à la procédure ayant conduit au prononcé de la décision litigieuse, dès lors que Mme A______ est seule détentrice du chien selon les données figurant dans les bases de données ANIS et AMICUS. Il dispose néanmoins d’un intérêt digne de protection à l’annulation de la décision entreprise, dans la mesure où il est susceptible d’avoir des droits sur l’animal. Cette question peut toutefois souffrir de rester indécise, étant donné que son épouse a qualité pour recourir en tant que détentrice du chien concerné par la mesure prise par le SCAV.

3) a. Peuvent notamment faire l’objet d’un recours les décisions finales (art. 57 let. a LPA), soit les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondés sur le droit public fédéral, cantonal et communal au sens de l’art. 4 al. 1 LPA, qui mettent fin à une procédure pour leur récipiendaire. L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant, ainsi que l’exposé des motifs et l’indication des moyens de preuve (art. 65 al. 1 et 2 LPA). La juridiction administrative applique le droit d’office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant et accessoirement par les griefs ou motifs qu’il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés (ATA/1343/2015 précité ; ATA/138/2015 précité ; ATA/336/2014 du 13 mai 2014). Par ailleurs, les conclusions prises postérieurement au dépôt de l’acte créant le lien d’instance, hors du délai de recours, sont irrecevables (ATA/1343/2015 précité ; ATA/643/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/645/2010 du 21 septembre 2010).

b. En l’espèce, les conclusions prises par les recourants dans leur réplique du 22 mars 2016, tendant à l’annulation du séquestre immédiat de leur animal ayant été exécuté le 23 décembre 2015, ne sont pas recevables. Outre le fait qu’elles sont tardives, il s’agit d’une mesure prise dans le cadre de l’instruction du dossier suite aux événements survenus le 22 décembre 2015, avant la prise d’une décision sur le fond. Leurs conclusions à ce titre ne sont donc pas recevables.

4) a. Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 135 I 279 consid. 2.3 p. 282 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2015 du 2 février 2016 consid. 3.1). L’autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_543/2015 du 25 février 2016 consid. 2.1).

b. En l’espèce, il ressort de la procédure que les époux recourants ont été entendus oralement dans les locaux de l’autorité intimée le 4 janvier 2016, avant que la décision litigieuse ne soit prononcée en date du 8 janvier 2016. Le fait qu’ils n’aient pas été entendus avant l’exécution de la mesure de séquestre immédiat de leur chien le 23 décembre 2015 n’y change rien, dès lors que celle-ci visait à sauvegarder la sécurité publique avant le prononcé de la décision au fond, rendue après l’audition des intéressés. Les recourants ont également pu s’exprimer à plusieurs reprises par écrit, tant durant la phase non contentieuse que devant la chambre de céans, ainsi que prendre position sur les arguments du SCAV et y répondre.

c. Il ne sera pas non plus fait droit aux mesures d’instruction complémentaires sollicitées par les recourants, à savoir l’audition de plusieurs personnes, notamment de leur voisinage, ainsi qu’un transport sur place, dès lors que le dossier contient suffisamment d’éléments permettant à la chambre de céans de trancher le litige en pleine connaissance de cause. Les auditions sollicitées ne sont pas de nature à remettre en cause les faits ayant conduit à la décision attaquée, en particulier la morsure infligée par E______ au golden retriever le 22 décembre 2015 ou la blessure causée au shar-peï le 8 avril 2015, les recourants ne contestant au demeurant pas la matérialité de ces faits. Il sera en outre précisé que le dossier comporte déjà un rapport du SCAV suite à l’évaluation de l’animal des recourants le 22 avril 2015 par une éducatrice canine, auquel l’avis des personnes dont les recourants demandent l’audition ne saurait se substituer. Par ailleurs, les photographies de leur propriété produites par les recourants sont suffisantes pour ne pas ordonner un transport sur place.

Il s’ensuit que les réquisitions de preuves des recourants seront rejetées.

5) a. La loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45) a pour but de régir, en application de la loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LFPA - RS 455), les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens, notamment en vue d’assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques (art. 1 let. b LChiens). Il résulte des travaux préparatoires ayant conduit à son adoption que la LChiens n’est pas une loi sur les chiens, mais sur leurs détenteurs et met en particulier l’accent sur la prévention (MGC 2002-2003/XI A-6561 ; ATA/110/2010 du 16 février 2010).

Le département, soit pour lui le SCAV, est compétent pour l’application de la loi et de son règlement d’exécution (art. 3 al. 1 LChiens ; art. 1 al. 1 du règlement d’application de la LChiens du 27 juillet 2011 (RChiens - M 3 45.01).

b. Les art. 10 ss LChiens régissent les conditions de détention et énoncent diverses obligations à charge du détenteur, à savoir celui qui exerce la maîtrise effective sur le chien et qui a de ce fait le pouvoir de décider comment il est gardé, traité et surveillé (art. 11 al. 1 LChiens). Le détenteur doit éduquer son chien, en particulier en vue d’assurer un comportement sociable optimal de ce dernier, et faire en sorte qu’il ne nuise ni au public, ni aux animaux, ni à l’environnement, le dressage à l’attaque étant en principe interdit (art. 15 LChiens). Tout détenteur doit prendre les précautions nécessaires afin que son chien ne puisse pas lui échapper, blesser, menacer ou poursuivre le public et les animaux, ni porter préjudice à l’environnement, notamment aux cultures, à la faune et à la flore sauvages (art. 18 al. 1 LChiens). Cette dernière disposition pose le principe de la maîtrise nécessaire des chiens pour éviter la survenance d’accidents, qui peuvent mettre en cause non seulement le public, les enfants et les personnes âgées étant particulièrement vulnérables, mais également les animaux domestiques, notamment les autres chiens, qui sont souvent victimes d’agressions de la part de leurs congénères (exposé des motifs relatif au PL 10531, p. 36, consultable sur le site http://ge.ch/grandconseil/memorial/seances/570206/33/2/).

c. Les art. 22 ss LChiens sont consacrés aux chiens dangereux. Entrent notamment dans cette catégorie les chiens ayant un comportement agressif ou dangereux au sens de l’art. 26 LChiens, soit ceux, toutes races confondues, ayant attaqué ou gravement blessé un être humain ou un animal et dont la dangerosité avérée est constatée par le département (al. 1). Le département se prononce sur la dangerosité à l’issue de la procédure d’instruction prévue par la loi (al. 2). Si la dangerosité est avérée, le chien est interdit sur le territoire du canton et séquestré en vue de son euthanasie (al. 3). Sont également considérés comme pouvant présenter un danger potentiel les chiens de grande taille, dès 56 cm au garrot, et d’un poids supérieur à 25 kg (art. 27 LChiens).

d. Il appartient au détenteur d’annoncer au département les cas de blessures graves à un être humain ou à un animal causées par son chien et tout comportement d’agression supérieur à la norme, une telle obligation incombant également aux forces de l’ordre et aux vétérinaires (art. 36 al. 1 et 2 LChiens). Selon l’art. 38 LChiens, dès réception d’une dénonciation ou d’un constat d’infraction, le département procède à l’instruction du dossier conformément aux dispositions de la LPA (al. 1). Il peut séquestrer immédiatement l’animal et procéder à une évaluation générale ou faire appel à des experts afin d’évaluer le degré de dangerosité du chien, et ce aux frais du détenteur (al. 2).

À l’issue de la procédure, le département statue et prend, le cas échéant, les mesures prévues à l’art. 39 LChiens (al. 3). En application de l’alinéa 1 de cette dernière disposition, le département peut prononcer et notifier aux intéressés, en fonction de la gravité des faits : l’obligation de suivre des cours d’éducation canine (let. a) ; celle du port de la muselière (let. b) ; la castration ou la stérilisation du chien (let. c) ; le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. d) ; le refoulement du chien dont le détenteur n’est pas domicilié sur le territoire du canton (let. e) ; l’euthanasie du chien (let. f) ; le retrait de l’autorisation de détenir un chien (let. g) ; l’interdiction de pratiquer l’élevage (let. h) ; le retrait de l’autorisation de pratiquer le commerce de chiens ou l’élevage professionnel (let. i) ; le retrait de l’autorisation d’exercer l’activité de promeneur de chiens (let. j) ; la radiation temporaire ou définitive de la liste des éducateurs canins (let. k) ; l’interdiction de détenir un chien (let. l).

Le catalogue des mesures prévues à l’art. 39 al. 1 LChiens concerne tant l’animal que les différents acteurs en interaction avec les chiens. Dans ce cadre, le département dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de la mesure qu’il juge la plus adéquate, tout en étant tenu par les limites du principe de proportionnalité (PL 10531, op.cit., p. 49).

e. Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 Cst., il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/309/2016 du 12 avril 2016 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015).

6) a. En l’espèce, il n’est pas contesté que E______, un chien de grande taille au sens de l’art. 27 LChiens en raison de sa taille et de son poids et donc pouvant présenter un danger potentiel, a mordu une congénère en date du 22 décembre 2015 devant le domicile des recourants, ce qui a donné lieu à une dénonciation de la clinique à l’autorité intimée par le biais d’une formule d’annonce transmise le lendemain au SCAV. Il ressort en particulier de ce document ainsi que de la facture de la clinique du même jour que E______ a mordu une chienne de race golden retriever au niveau de la croupe, lui occasionnant une perforation de l’épiderme qui a nécessité la pose d’agrafes. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, leur chien ne s’est ainsi pas limité à « pincer » la queue de leur congénère, mais lui a infligé une véritable morsure.

Le fait que la détentrice de l’animal mordu n’ait pas été auditionnée mais que seul son mari ait été contacté par le SCAV n’apparaît pas déterminant, dès lors que les faits ayant conduit à l’incident ne sont pas contestés par les recourants, qui se limitent à minimiser la gravité de la morsure dont a fait l’objet le golden retriever. Ils ont ainsi expliqué dans leur courrier du 28 décembre 2015 et lors de leur audition le 4 janvier 2016 que, le 22 décembre 2015, E______ s’était échappé de leur domicile, après que leur petite-fille eut ouvert la porte de leur maison, et s’était dirigé vers une congénère qui se promenait devant leur propriété, qu’il voulait défendre. Le fait que l’autre chien ait ou non été tenu en laisse à ce moment n’y change rien, dès lors que cette question dépasse le cadre du litige, seul le comportement de E______, et de ses maîtres, devant être examiné dans ce contexte.

Ainsi, les recourants, en ne prenant pas les précautions nécessaires afin que leur chien ne puisse leur échapper et blesser des congénères, ont contrevenu à l’art. 18 al. 1 LChiens. Ce faisant, le SCAV était légitimé à prendre les mesures prévues par l’art. 39 LChiens, dans le respect du principe de proportionnalité.

b. Les recourants font valoir que le séquestre définitif de leur chien contrevient au principe de proportionnalité.

Il ressort du dossier qu’à compter du mois de juin 2011, E______ a montré à plusieurs reprises des signes d’agressivité en lien avec la défense de la propriété des recourants. Il a ainsi d’abord montré les crocs à des promeneurs devant la maison des époux A______ à la fin du mois de juin 2011, puis surgi « tous poils hérissés » dans les mêmes circonstances pour suivre d’autres promeneurs le 26 janvier 2012, à chaque fois accompagnés d’un chien. Par la suite, E______, dans les mêmes circonstances, a mordu à deux reprises des congénères, à savoir le 8 avril 2015 une chienne de race shar-peï et le 22 décembre 2015 une autre de race golden retriever, leur occasionnant à chaque fois une perforation de l’épiderme. À ces événements se sont en outre ajoutés deux cas de divagation, E______ ayant été retrouvé sur le domaine public en juin 2011 puis le 26 juillet 2015 et placé à cette dernière occasion à la fourrière.

En lien avec ces événements, E______ a fait l’objet de trois évaluations, à savoir les 16 août 2011, 14 février 2012 et 22 avril 2015. L’évaluatrice canine de l’autorité intimée a en particulier relevé que l’animal avait un caractère bien affirmé, ayant pris l’habitude d’agir de manière indépendante, sans faire l’objet d’aucun recadrage de la part de ses maîtres, et réagissait de manière négative en présence de congénères plus petits que lui.

Les faits susmentionnés ont au surplus fait l’objet de plusieurs mesures prononcées par l’autorité intimée. Ainsi, le 6 juillet 2011, elle a rappelé à Mme A______ ses obligations en matière d’éducation de E______ et de prévention des nuisances dues à ce dernier, puis le 18 août 2011 lui a ordonné de suivre un TMC et de prendre toutes les mesures adéquates afin que son animal ne divague pas sur le domaine public, mesures réitérées le 14 février 2012 en imposant au surplus à l’intéressée de tenir E______ en laisse lors des sorties. Suite à la morsure du shar-peï le 8 avril 2015, le SCAV a, le 28 avril 2015, encore réitéré ces mesures, en ordonnant à Mme A______ de faire en sorte que son chien ne quitte pas sa propriété et de le museler lors de toutes les sorties.

Ces mesures n’ont toutefois pas eu d’effet, dès lors qu’elles n’ont pas empêché E______, le 22 décembre 2015, de sortir de la maison des recourants pour se diriger vers une chienne se promenant avec sa détentrice aux abords de leur propriété et la mordre. Les époux A______ ont par ailleurs expliqué que leur animal était promené sans laisse et sans muselière, malgré les précédentes décisions du SCAV, et qu’ils avaient au surplus mis un terme aux cours d’éducation canine en raison d’un désaccord avec la méthode employée et le prix pratiqué.

Au vu de ces éléments, le SCAV était justifié à prendre une mesure plus incisive que celles précédemment ordonnées, ce d’autant que les recourants n’ont cessé de minimiser les agissements de leur chien, prétendant qu’il n’était pas agressif pour ne pas avoir mordu d’humain jusqu’à ce jour et que les blessures infligées aux autres canidés n’étaient que superficielles. En alléguant qu’il s’agissait de problèmes entre chiens devant se régler entre les propriétaires concernés, ils n’apparaissent pas avoir saisi la portée de la LChiens ni pris conscience de la gravité de la situation, comme l’a relevé l’éducatrice canine lors de l’évaluation du 22 avril 2015, laquelle a également mentionné le comportement négatif et inadéquat des recourants à cette occasion.

Le séquestre définitif de E______, bien que sévère, constitue une mesure respectant le principe de proportionnalité et est seul adéquat pour atteindre le but de sécurité publique visé par la loi. Même si les événements ayant précédé celui qui a conduit au prononcé de la décision litigieuse, tant s’agissant des divagations que du comportement agressif de l’animal, se sont à chaque fois déroulés dans les mêmes circonstances, à proximité immédiate de la propriété des recourants et en présence d’un autre chien, E______ ayant développé un instinct prononcé de défense du territoire, comme l’a relevé le SCAV dans ses écritures, les intéressés n’ont pris à ce jour aucune mesure suffisante pour éviter un nouvel incident. Ils n’ont en particulier pas clôturé leur propriété de manière adéquate, prétendant tantôt qu’ils ne pouvaient le faire en raison de l’accès au chalet voisin qui devait être préservé, tantôt du fait d’un déménagement imminent, qui n’a toutefois pas encore eu lieu. Dans ce contexte, les « travaux » qu’ils ont récemment entrepris n’apparaissent pas suffisants, dès lors qu’il ressort des photographies produites que les intéressés se sont limités à poser, les unes à côté des autres, des balustrades de chantier grillagées, sans qu’une telle installation puisse garantir que E______ ne s’échapperait pas à nouveau. L’installation posée sur leur terrasse n’apparaît pas non plus suffisante et peut être aisément franchie par le chien, le portail étant à hauteur de balustrade. Au demeurant, le fait qu’ils utilisent leur chien pour assurer leur sécurité ne constitue pas encore un intérêt privé suffisant l’emportant sur l’intérêt à la sécurité publique, prépondérant au regard des éléments susmentionnés.

Dans ces circonstances, la gravité et la durée constatées des violations à la LChiens, alliées à l’attitude de déni des recourants face à la situation et aux risques de réitération conduisent à admettre que le séquestre définitif de E______ est conforme au principe de proportionnalité, de sorte que la décision entreprise sera confirmée.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants (art. 87 al. 1 LPA), qui succombent. Aucune indemnité de procédure ne leur sera en outre allouée, les recourants, même s’ils y ont conclu, n’exposant pas avoir encouru de frais à ce titre (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 janvier 2016 par Madame et Monsieur A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 8 janvier 2016 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur A______, au service de la consommation et des affaires vétérinaires et, pour information, à l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires et au Ministère public de la Confédération.

Siégeants : M. Verniory, président, MM. Thélin et Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :