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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4084/2015

ATA/451/2016 du 31.05.2016 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4084/2015-FORMA ATA/451/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 mai 2016

 

dans la cause

 

Mme A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT



EN FAIT

1. En date du 3 novembre 2015, Mme A______ a écrit un courriel à « Info primaire (DIP) » du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP).

Elle-même, mère célibataire travaillant à l’aéroport avec des horaires irréguliers, et ses deux enfants, B______ C______, né le ______ 2009 – qui avait commencé cette année la 3P à l’école publique genevoise – et D______ C______, né le ______ 2012 – qui à ce jour ne fréquentait ni une crèche, ni un jardin d’enfants –, tous citoyens suisses, étaient arrivés dans le canton de Genève au mois de mars 2015, respectivement à la fin juin 2015 (fin de l’année scolaire en Italie).

Son fils D______, qui avait fréquenté la crèche depuis qu’il avait 6 mois en Italie, se retrouvait sans une place dans une crèche à Genève. Selon
Mme A______, l’instruction était une des choses des plus importantes pour les enfants. Il était douloureux de voir son fils souffrir de n’avoir aucune activité, de devoir commencer l’année avec une année de retard, car cela voudrait dire qu’il serait resté deux années à la maison sans avoir eu la possibilité, depuis qu’il était arrivé d’Italie, de se faire des amis et d’avoir des activités. D______ se levait tous les matins pour accompagner son frère à l’école dans l’espoir que sa mère lui dise qu’il pourrait y rester également.

Sa question était de savoir si, même si elle n’arrivait pas à trouver une place de crèche pour cette année, il n’y avait vraiment aucune chance pour qu’il puisse commencer la première primaire (1P) à la rentrée 2016.

2. Par décision du 6 novembre 2015, le DIP, par le service organisation et planification, a indiqué à Mme A______ que, conformément à l’accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007 (HarmoS - C1 O6) ainsi que du droit cantonal, il ne pouvait pas être répondu favorablement à sa demande.

En effet, son fils, étant né après la date de référence du 31 juillet 2012, ne remplissait pas la condition d’admission en août 2016 à l’école primaire publique genevoise. Il serait en revanche admis en première année primaire à la rentrée 2017.

3. Par acte expédié le 21 novembre 2015 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative),
Mme A______ s’est plainte du refus de dérogation de la part du DIP et a conclu à l’acceptation d’une dérogation pour son fils D______ à la rentrée 2016 en 1P lui permettant d’être scolarisé.

Depuis que la famille était à Genève, D______ était avec ses grands-parents à la maison ou avec elle, ce qui avait pour conséquence qu’il n’avait pas encore de compagnons, ne pouvait pas développer ou améliorer sa connaissance de la langue française correctement et s’ennuyait. L’ambiance dans laquelle se trouvait son fils n’était pas la meilleure ; en effet, le grand-père de celui-ci était âgé de 82 ans et souffrait d’atteintes à la santé, en particulier d’un trouble maniaco-dépressif, et sa grand-mère devait s’occuper de son mari, de sorte que celle-ci n’avait plus la possibilité d’être avec D______.

La recourante pouvait comprendre que son fils reste pour l’année scolaire 2015-2016 à la maison, mais elle ne le pouvait pas concernant l’année scolaire suivante. Elle ne pouvait pas avoir la confirmation qu’on lui trouverait une place de crèche l’année prochaine. Elle ne pouvait pas comprendre que son fils commence l’année scolaire en 2017 pour devoir ensuite, comme une grande partie des élèves nés après le 31 juillet, passer un test psychologique afin de sauter une année, ce qui créerait des difficultés à l’enfant dans la mesure où des camarades lui seraient enlevés.

4. Dans sa réponse du 14 décembre 2015, le DIP a conclu au rejet du recours et au déboutement de la recourante de toutes autres, plus amples ou contraires conclusions.

5. Par courrier du 31 mars 2016, le juge délégué de la chambre administrative a demandé au DIP d’indiquer si l’exclusion de l’avancement de l’âge d’entrée à l’école obligatoire s’appliquait toujours depuis la modification de la loi sur l’instruction publique (LIP - C 1 10) et, si tel était le cas, sur quelles bases précisément.

6. Le DIP a répondu par observations du 8 avril 2016, et persisté dans ses conclusions en rejet du recours.

7. Mme A______ n’ayant pas formulé d’observation dans le délai qui lui avait été imparti par courrier du 12 avril 2016, la chambre administrative a, par lettre du 13 mai 2016, informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

8. Pour le reste, les arguments des parties seront repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit ci-après.

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. HarmoS, entré en vigueur le 1er août 2009, a pour but d’harmoniser la scolarité obligatoire au sein des cantons concordataires en accordant les objectifs de l’enseignement et les structures scolaires, d’une part, et, d’autre part, en développant et en assurant la qualité et la perméabilité du système scolaire au moyen d’instruments de pilotage communs (art. 1 HarmoS). Il prévoit que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet
(art. 5 al. 1 HarmoS). Les cantons s’engagent à respecter les caractéristiques structurelles de la scolarité obligatoire telles que définies au chapitre III, dont l’art. 5 HarmoS fait partie, dans un délai maximal de six ans après l’entrée en vigueur de l’accord (art. 12 HarmoS). Selon l’art. 15 HarmoS, l’assemblée plénière de la conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (ci-après : CDIP) décide de la date d’abrogation de l’art. 2 du concordat du
29 octobre 1970 sur la coordination scolaire (ci-après : CICS), qui prévoit notamment que l’âge d’entrée à l’école est fixé à 6 ans révolus au 30 juin, les cantons pouvant avancer ou retarder cette date dans une limite de quatre mois. Au 31 mai 2016, l’art. 2 CICS n’avait pas été abrogé (notamment, recueil des bases légales de la CDIP consultable sur le site : http://www.cdip.ch/dyn/11703.php).

b. Dans son communiqué de presse du 13 mai 2009 annonçant l’entrée en vigueur d’HarmoS au 1er août 2009, la CDIP a relevé « que le jour de référence pour l’entrée à l’école obligatoire ne pourra plus varier comme aujourd’hui au sein d’une fourchette de huit mois. Pour les cantons concordataires, l’âge de l’enfant au 31 juillet déterminera son entrée à l’école enfantine (il devra avoir fêté son 4ème anniversaire avant cette date). Les parents conserveront la possibilité, moyennant une demande, de faire avancer ou repousser l’entrée à l’école de leur enfant ».

c. En même temps qu’HarmoS, est entrée en vigueur la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07), dont le but est notamment d’instituer et de renforcer l’espace romand de formation, en application d’HarmoS (art. 1
al. 1 CSR). Elle comporte des domaines dans lesquels la coopération entre les cantons est obligatoire et fait l’objet d’une réglementation contraignante, et d’autres dans lesquels la collaboration n’est pas obligatoire et fait l’objet de recommandations (art. 2 CSR). Le début de la scolarisation entre dans la première catégorie (art. 3 al. 1 let. a CSR). La convention prévoit que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour déterminant étant le 31 juillet (art. 4 al. 1 CSR). La fixation du jour de référence n’exclut pas les cas de dérogations individuelles qui demeurent de la compétence des cantons (art. 4 al. 2 CSR).

3. a. Dans le canton de Genève, jusqu’au 31 décembre 2015, la durée de la scolarité obligatoire était réglée à l’art. 11 aLIP, du 6 novembre 1940. Cette disposition légale, intitulée « âge d’admission à l’école », avait été modifiée le
10 juin 2011, modification qui était entrée en vigueur le 29 août 2011 et était libellée ainsi :

« 1 La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l’âge de 4 ans révolus au
31 juillet.

2 L’âge d’entrée à l’école obligatoire ne peut être avancé.

3 Le Conseil d’État définit dans le règlement les conditions auxquelles une dispense d’âge peut être accordée à des enfants qui, arrivés au terme de la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés.

4 Sur demande des parents et sous leur responsabilité, le département peut, exceptionnellement et pour de justes motifs, retarder d’une année scolaire l’entrée d’un élève à l’école obligatoire ».

b. L’ancien règlement relatif aux dispenses d'âge du 12 juin 1974 (aRDAge) a été abrogé et remplacé par le règlement relatif aux dispenses d'âge du
21 décembre 2011 (RDAge - C 1 10.18), texte qui ne contient plus aucune disposition traitant des dispenses simples accordées au début de l’enseignement obligatoire. L’art. 2 al. 1 RDAge dispose qu’aucune dispense d'âge n'est accordée à un élève avant la fin de la première année primaire, et
l’art. 1 RDAge précise que la dispense d'âge au sens dudit règlement a lieu au cours de sa scolarité obligatoire, l’élève étant admis dans l'année de scolarité immédiatement supérieure à celle qu'il devrait suivre.

c. Aux termes de l’art. 21 al. 1 du règlement de l’enseignement primaire du
7 juillet 1993 (REP - C 1 10.21) – dans la section afférente aux « inscriptions » –, les enfants qui ont atteint l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet doivent fréquenter l’école dès le début de l’année scolaire suivante, ou y être inscrits dans les 3 jours qui suivent leur arrivée à Genève.

L’art. 22 REP précise que des dispenses d’âge sont accordées, conformément au RDAge.

d. Dans une jurisprudence bien établie, la chambre de céans a régulièrement refusé toute dérogation permettant à des enfants non encore âgés de 4 ans révolus au 31 juillet de commencer la scolarité obligatoire dans l’enseignement public, le texte légal clair ne laissant aucune liberté d’appréciation au DIP (ATA/608/2014 du 29 juillet 2014 ; ATA/227/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/502/2012, ATA/501/2012, ATA/500/2012 et ATA/499/2012 du 31 juillet 2012 ; ATA/419/2012 du 3 juillet 2012 ; ATA/228/2012 du 17 avril 2012 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 2C_491/2012 du 26 juillet 2012 ; ATA/485/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/312/2011 du 17 mai 2011 et les références citées).

4. a. Le 1er janvier 2016 est entrée en vigueur une nouvelle LIP, du 17 septembre 2015, refondue.

L’art. 11 aLIP a été remplacé par l’art. 55 LIP, qui dispose ce qui suit :

« 1 La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l’âge de 4 ans révolus au
31 juillet.

2 Sur demande des parents et sous leur responsabilité, le département peut, exceptionnellement et pour de justes motifs, retarder d’une année scolaire l’entrée d’un élève à l’école obligatoire.

3 Pendant la première année du cycle élémentaire du degré primaire, le département peut autoriser un élève à fréquenter l’école uniquement le matin, sur demande des parents et sous leur responsabilité, pour tout ou partie de l’année scolaire.

4 Le Conseil d’État définit dans un règlement les conditions auxquelles une dispense d’âge peut être accordée à des enfants qui, ayant accompli au moins la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés. »

b. À teneur du rapport de la Commission de l’enseignement, de l’éducation, de la culture et du sport du Grand Conseil chargée d’étudier le projet de loi du Conseil d’État sur l’instruction publique (LIP - C 1 10), du 15 juillet 2015, à la question d’un député « Quel est le bilan des demandes de dérogation concernant l’âge limite au 31 juillet », il a été répondu : « il y a eu un nombre assez important de demandes au début, puis leur nombre a régressé. Une seule demande a été faite cette année, dans le cadre d’une situation familiale compliquée. Ne rouvrons pas ce débat. Certains cantons bafouent le droit fédéral pour des choses hautement plus importantes que de prendre les enfants du mois d’août à l’école, mais si l’on décidait de laisser tous les enfants du mois d’août commencer, cela correspondrait à trois cents élèves en plus sur l’année scolaire, avec les coûts inhérents. Pour rappel, toutes les lois des cantons qui ont adhéré au concordat HarmoS stipulent la date du 31 juillet comme référence. Un bilan est prévu par le concordat six ans après la ratification, soit en 2015. Cette question sera peut-être revue dans ce cadre, même si Genève est le canton avec la rentrée la plus tardive » (PL 11470-A p. 146 s.).

Dans le cadre d’un amendement en deuxième débat, à la suite d’une proposition du groupe MCG de supprimer l’al. 2, le DIP a indiqué que la suppression de cet alinéa lui laissait une petite marge pour faire des exceptions si nécessaire, toutefois sans aller contre la loi. Juridiquement, si l’on devait instaurer des exceptions, elles devraient être précisées dans le règlement, afin de respecter le principe d’égalité de traitement (PL 11470-A p. 147).

La majorité de la commission a décidé d’abroger cet alinéa correspondant à l’al. 2 de l’art. 11 aLPI (PL 11470-A p. 147).

c. À la suite de la refonde de la LIP entrée en vigueur le 1er janvier 2016, ni le RDAge ni le REP n’ont fait l’objet de modifications sur ce point.

5. Il découle de ce qui précède que, depuis le 1er janvier 2016, la LIP maintient clairement le principe de l’entrée à l’école obligatoire dès l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet, n’exclut plus un avancement de l’âge pour y entrer, mais ne prévoit pas non plus d’exception possible audit principe. Comme cela ressort du
PL 11470-A précité, une telle possibilité de dérogation, si elle devait un jour être admise, ne pourrait qu’être prévue expressément par un règlement. Or, ni le RDAge ni le REP n’ont été modifiés dans ce sens.

C’est dès lors à juste titre que, dans ses observations du 8 avril 2016, le département intimé a indiqué que le PL 11470-A ne contrecarrait pas sa volonté de ne pas changer, en l’état à tout le moins, la pratique actuelle.

Ainsi, à ce jour, le DIP est fondé à n’admettre à l’école obligatoire que les enfants ayant atteint l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet de l’année en cours, sans dérogation possible, comme du reste indiqué sur le site internet du DIP relatif à l’enseignement primaire (http://www.ge.ch/enseignement_primaire/inscriptions. asp).

Il n’y a donc pas lieu de s’écarter des jurisprudences précitées, malgré les difficultés financières alléguées par la recourante.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 novembre 2015 par Mme A______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 6 novembre 2015 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Mme A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Mme A______, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :