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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1139/2012

ATA/419/2012 du 03.07.2012 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1139/2012-FORMA ATA/419/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 juillet 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Madame M______

contre

DÉPARTEMENT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1. Madame M______ (ci-après : Mme C______ M______) et Monsieur D______ M______ domiciliés à Bellevue, sont les parents de F______, née le 2 août 2008.

2. En décembre 2009, le directeur ad interim de l’enseignement primaire du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP), a adressé une lettre circulaire à tous les parents concernés relativement à la « mise en œuvre du Concordat HarmoS - Age d’admission en 1ère classe enfantine » (ci-après : HarmoS).

Ledit concordat était entré en vigueur le 1er août 2009 et visait, notamment, à harmoniser au niveau suisse la durée des degrés d’enseignement et leurs principaux objectifs. Il avait également un impact sur l’âge d’entrée en première classe enfantine dès la rentrée 2010. Le DIP avait prévu une période de transition pour l’entrée en vigueur de l’art. 5 al. 1 dudit concordat, selon lequel « l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet ».

Aussi, à la rentrée 2010, une dispense d’âge simple pour les élèves entrant en première année était accordée pour ceux nés avant le 30 septembre 2006. A la rentrée 2011, l’obligation scolaire à 4 ans entrait en vigueur au 31 août concernant les enfants nés avant le 31 août 2007. Dès la rentrée 2012, la date de référence était fixée au 31 juillet pour tous les élèves nés jusqu’au 31 juillet 2008. De plus, dès la rentrée 2013-2014, la dispense d’âge simple serait totalement supprimée et la nouvelle date de référence pour l’entrée à l’école primaire publique fixée à 4 ans au 31 juillet. Les institutions de la petite enfance avaient été informées de ces mesures depuis plusieurs mois et le magazine « Les clefs de l’école » du mois d’avril 2009 avait diffusé cette information auprès des parents.

Afin de garantir la cohérence des décisions sur le plan intercantonal, le DIP n’entendait pas accorder de dérogation à des « difficultés de force majeure ». Une demande pouvait être adressée au service de la scolarité, qui examinerait la situation.

3. En novembre 2010, le directeur ad interim de l’enseignement primaire du DIP a écrit une nouvelle fois à tous les parents concernés pour rappeler la teneur du courrier précédent et la fixation au 31 juillet comme date de référence de l’âge d’entrée à l’école. Ainsi, seront scolarisés lors de la rentrée 2011 les enfants nés entre le 1er octobre 2006 et le 31 août 2007, sans dérogation possible. Il était ensuite indiqué, en caractères gras : « en conséquence, votre enfant, né-e après le 31 août 2007, sera scolarisé-e à la rentrée 2012 ».

4. Le 6 mars 2012, Mme C______ M______ a envoyé au directeur ad interim de l’enseignement primaire une demande de dérogation pour F______ afin qu’elle puisse commencer l’école à la rentrée 2012. Elle était séparée depuis peu, avec trois enfants à charge, et se trouvait devoir affronter des difficultés financière. Le fait de devoir mettre sa fille à la crèche ou de devoir le faire garder une année supplémentaire grèverait fortement son budget déjà limité.

5. Par pli recommandé du 19 mars 2012, la directrice générale de l’enseignement primaire a refusé la dérogation sollicitée, confirmant que F______ serait scolarisée à la rentrée 2013. Les familles concernées par les nouvelles dispositions du concordat avaient été informées suffisamment tôt pour adapter leur organisation en conséquence. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) l’avait confirmé aux termes de plusieurs arrêts.

6. Par acte posté le 18 avril 2012, Mme C______ M______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative, en reprenant son argumentation, et en concluant à l’annulation de la décision attaquée ainsi qu’à l’octroi de la dérogation sollicitée. Ses problèmes financiers perduraient. Elle allait divorcer. Sa grande fille allait commencer à fin août un apprentissage et ne pourrait plus s’occuper de sa cadette. Elle ne disposait pas des moyens financiers permettant d’engager une jeune fille au pair. La preuve en étaient les états financiers de son institut de beauté, dont le bénéfice avait été de CHF 11’003.- en 2011.

7. Le 21 mai 2012, le DIP a conclu au rejet du recours. Sa décision était conforme tant aux dispositions législatives en vigueur qu’à une jurisprudence constante de la chambre administrative, qui, dans plusieurs arrêts récents, avait rejeté les recours interjetés à l’encontre des décisions de refus de dérogation.

8. Le 6 juin 2012, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 131 et 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. HarmoS a pour but d’harmoniser la scolarité obligatoire au sein des cantons concordataires en accordant les objectifs de l’enseignement et les structures scolaires d’une part, et d’autre part, en développant et en assurant la qualité et la perméabilité du système scolaire au moyen d’instruments de pilotage communs (art. 1 HarmoS). Il prévoit notamment que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet (art. 5 al. 1 HarmoS). Les cantons s’engagent à respecter les caractéristiques structurelles de la scolarité obligatoire telles que définies au chap. III, dont l’art. 5 fait partie, dans un délai maximal de six ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Selon l’art. 15 HarmoS, l’assemblée plénière de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (ci-après : CDIP) décide de la date d’abrogation de l’art. 2 du concordat intercantonal sur la coordination scolaire du 29 octobre 1970 (CICS - C 1 05), qui prévoit notamment que l’âge d’entrée à l’école est fixé à 6 ans révolus au 30 juin, les cantons pouvant avancer ou retarder cette date dans une limite de quatre mois. Au 13 avril 2011, l’art. 2 CICS n’avait pas été abrogé (Recueil des bases légales de la CDIP consultable sur le site : http://www.cdip.ch/dyn/11703.php).

Dans son communiqué de presse du 13 mai 2009 annonçant l’entrée en vigueur de HarmoS au 1er août 2009, la CDIP a relevé « que le jour de référence pour l’entrée à l’école obligatoire ne pourra plus varier comme aujourd’hui au sein d’une fourchette de huit mois. Pour les cantons concordataires, l’âge de l’enfant au 31 juillet déterminera son entrée à l’école enfantine (il devra avoir fêté son 4ème anniversaire avant cette date). Les parents conserveront la possibilité, moyennant une demande, de faire avancer ou repousser l’entrée à l’école de leur enfant ». Cette dernière précision a été répétée dans la feuille d’information sur l’école enfantine obligatoire publiée le 17 juin 2010 par la CDIP, disponible en ligne sur le site http://www.cdip.ch/dyn/15414.php.

3. En même temps qu’HarmoS, est entrée en vigueur la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07), dont le but est notamment d’instituer et de renforcer l’espace romand de formation, en application de HarmoS (art. 1 al. 1 CSR). Elle comporte des domaines dans lesquels la coopération entre les cantons est obligatoire et fait l’objet d’une réglementation contraignante, et d’autres dans lesquels la collaboration n’est pas obligatoire et fait l’objet de recommandations (art. 2 CSR). Le début de la scolarisation entre dans la première catégorie (art. 3 al. 1 let. a CSR). La convention prévoit que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour déterminant étant le 31 juillet (art. 4 al. 1 CSR). La fixation du jour de référence n’exclut pas les cas de dérogations individuelles qui demeurent de la compétence des cantons (art. 4 al. 2 CSR).

4. Selon l’art. 11 al. 1 de la loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10), la scolarité obligatoire comprend neuf années scolaires complètes. Les enfants âgés de 6 ans révolus y sont astreints dès le début de l’année scolaire ; ils achèvent leur scolarité obligatoire à la fin de l’année scolaire au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 15 ans révolus. L’école enfantine, quant à elle, comprend des classes facultatives destinées aux enfants de 4 et 5 ans (art. 24 LIP). Elle est intégrée dans l’enseignement primaire (art. 21 let. a LIP).

Un règlement détermine les conditions d’octroi des dispenses d’âge pour l’admission à l’école (art. 11 al. 1 LIP).

Sur la base de cette délégation, le Conseil d’Etat a édicté le règlement relatif aux dispenses d’âge du 12 juin 1974 (RDAge - C 1 10.18), dont l’art. 1 prévoit :

« L’âge d’entrée à l’école obligatoire est fixé à 6 ans révolus au 30 juin. Par voie de conséquence, les enfants qui atteignent :

a) l’âge de 6 ans révolus au 30 juin sont astreints à la scolarité obligatoire et doivent entrer en 1ère année primaire dès le début de l’année scolaire ;

b) l’âge de 5 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 2ème classe facultative de la division enfantine ;

c) l’âge de 4 ans révolus au 30 juin peuvent être admis dans la 1ère classe facultative de la division enfantine ».

En dérogation à la disposition précitée, des dispenses d’âge peuvent être accordées aux élèves de l’enseignement public (art. 2 RDAge). L’art. 3 RDAge, intitulé « dispenses simples - modalités transitoires » prévoit, qu’au moment de l’inscription à l’école et sauf demande contraire des parents, une dispense d’âge simple est accordée spontanément à la rentrée 2010 pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu’au 30 septembre 2006 et, à la rentrée 2011, pour les élèves entrant en 1ère classe enfantine nés jusqu’au 31 août 2007 (art. 3 al. 1 let. a et b RDAge). Cette disposition vise à atténuer l’impact du passage du système actuel instauré par le CICS, permettant d’avancer ou de reculer de quatre mois la date de référence, au système HarmoS, qui instaure une date de référence contraignante (Exposé des motifs à l’appui du projet de loi autorisant le Conseil d’Etat à adhérer à HarmoS - PL 10350 - p. 11, consultable sur le site http://www.ge.ch/grandconseil/moteurPdf.asp?typeObj=PL&numObj=10350). L’alinéa 2 de cette disposition précise que, dès la rentrée 2012, tous les enfants âgés de 4 ans révolus au 31 juillet doivent être scolarisés en 1ère classe enfantine.

Contrairement à la dispense d’une année ou plus prévue à l’art. 4 RDAge, qui peut être accordée à un enfant en âge de fréquenter la 2ème enfantine jugé apte, du point de vue psychopédagogique et médical, à suivre sans difficultés une classe de 1ère primaire, à l’issue d’une procédure initiée par une demande écrite et motivée des parents, la dispense d’âge simple présente un caractère automatique. Son but, mentionné dans l’ancienne teneur de l’art. 3 RDAge - qui prévoyait qu’elle était octroyée aux enfants nés jusqu’au 31 octobre - était de permettre aux enfants concernés de fréquenter le même degré que leurs camarades nés avant le 1er juillet.

Le règlement ne prévoit pas d’autres cas de dispense d’âge que ceux susmentionnés. En particulier, il ne permet plus d’octroyer des dispenses d’âge simples pour des enfants nés après le 30 septembre 2006 pour la rentrée 2010, respectivement après le 31 août 2007 pour la rentrée 2011, et après le 31 juillet 2008 pour la rentrée 2012. A partir de la rentrée 2013-2014, la dispense d’âge simple sera totalement supprimée et la nouvelle date de référence pour l’entrée à l’école primaire publique sera le 31 juillet. Il ne contient pas de clause réservant la possibilité de dérogations dans des situations exceptionnelles.

5. Certes, dans sa lettre circulaire de décembre 2009 adressée à tous les parents concernés par la mise en œuvre d’HarmoS pour les enfants devant être admis en 1ère enfantine, après avoir précisé qu’en vue de garantir la cohérence des décisions sur le plan intercantonal il n’entendait pas accorder de dérogations, le DCTI a invité les familles pouvant être confrontées à des difficultés de force majeure par l’entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l’art. 3 RDAge, à s’adresser à lui pour qu’il examine leur situation. Force est ainsi de constater que le DCTI a, d’entrée de cause, laissé penser que des dérogations seraient possibles. Par la suite, il a cependant précisé, sans être contredit, qu’aucune dérogation ne serait accordée pour les rentrées 2011-2012, et que pour les rentrées ultérieures, la dispense d’âge simple sera totalement supprimée. En l’espèce, la recourante n’a pas reçu la lettre précitée du DIP de novembre 2010 dont elle ne saurait dès lors se prévaloir.

F______ est donc soumise à ce régime puisqu’elle fêtera son 4ème anniversaire le 2 août 2012 et elle devra donc attendre la rentrée scolaire 2013.

Dans une jurisprudence bien établie, la chambre de céans a régulièrement refusé toute dérogation, en dernier lieu pour les enfants nés après le 31 juillet 2007 (ATA/485/2011 du 26 juillet 2011 ; ATA/312/2011 du 17 mai 2011 et les références citées).

6. Un projet de loi a été déposé le 24 octobre 2011 afin de proposer que les enfants ayant 4 ans révolus le jour de la rentrée scolaire puissent être admis à l’école (PL 10884). Cependant, cette modification législative n’a pas encore été adoptée, de sorte qu’en l’état, il n’y a pas lieu de s’écarter des jurisprudences précitées, malgré les difficultés financières et organisationnelles alléguées par la recourante.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.-sera mis à la charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 avril 2012 par Madame C______ M______ contre la décision du département de l’instruction publique, de la culture et du sport du 19 mars 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame C______ M______ ;

dit qu’il ne lui est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame C______ M______ ainsi qu’au département de l’instruction publique, de la culture et du sport.

 

Siégeants : Mme Hurni, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :