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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1320/2012

ATA/501/2012 du 31.07.2012 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1320/2012-FORMA ATA/501/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 juillet 2012

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur S______
représentés par Me Mauro Poggia, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1. Madame et Monsieur S______, domiciliés à Genève, sont les parents d'Y______, née le 20 août 2008.

2. Au mois de décembre 2009, la direction générale de l’enseignement primaire du département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP) a écrit à l’ensemble des parents concernés pour les informer de la mise en œuvre de l’accord intercantonal sur l’harmonisation de la scolarité obligatoire du 14 juin 2007, entré en vigueur le 1er août 2009 (HarmoS - C 1 06). L’art. 5 al. 1 de ce dernier prévoyait que « l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet ». La mesure serait introduite progressivement et cela de la façon suivante : à la rentrée 2010, la dispense d’âge simple serait accordée aux enfants nés avant le 30 septembre 2006 ; à la rentrée 2011, les enfants nés le 31 août 2007 ou avant cette date pourraient entrer en 1ère enfantine ; dès la rentrée 2012, application d’HarmoS, avec obligation scolaire à 4 ans et date de référence au 31 juillet (date butoir pour tous les élèves de 1ère enfantine : 31 juillet 2008) ; à partir de la rentrée 2013-2014, la dispense d’âge simple serait totalement supprimée et la nouvelle date de référence pour l’entrée à l’école primaire publique sera le 31 juillet, à 4 ans.

Ce courrier se terminait ainsi, le premier paragraphe cité étant en caractères gras :

« En vue de garantir la cohérence des décisions sur le plan intercantonal, le DIP n'entend pas accorder de dérogation.

Nous sommes toutefois conscients que l'application des dispositions prévues peut confronter certaines familles à des difficultés de force majeure. Si tel devait être le cas, vous pouvez vous adresser au service de la scolarité de la direction générale de l'enseignement primaire qui examinera votre situation ».

3. Le 28 février 2012, les époux S______ ont adressé au DIP une demande de dérogation afin de permettre à Y______ d'intégrer l'école à la rentrée 2012-2013, fixée au 27 août 2012. A ce moment-là, elle aurait en effet 4 ans révolus. HarmoS offrait aux cantons la faculté d’accorder des dérogations à la date de référence de l’âge d’admission à l’école, fixée au 31 juillet mais Genève n'avait pas fait usage de cette possibilité. Un projet de loi était en cours d’examen devant le Grand Conseil, visant à assouplir le système mis en place (PL 10884). Y______ était à même de suivre l'école élémentaire. En outre, son frère, né le 1er août 2003, était toujours au bénéfice d'une dispense simple et il serait incompréhensible que les cinq années les séparant soit portées à six au plan scolaire pour une simple question administrative.

4. Par pli recommandé du 19 mars 2012, le DIP a refusé la dérogation sollicitée, confirmant qu'Y______ serait scolarisée à la rentrée 2013. Aucune dérogation ne pouvait être accordée malgré les motifs exposés. Les dispositions légales ne le permettaient pas.

5. Par acte posté le 7 mai 2012, les époux S______ ont recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), en concluant à l’annulation de la décision attaquée et à ce que le DIP soit invité à examiner si une dérogation sollicitée pouvait être accordée.

La loi sur l’instruction publique du 6 novembre 1940 (LIP - C 1 10) instaurait la scolarité obligatoire pour les enfants dès l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet. Selon une modification législative entrée en vigueur le 28 août 2011, l'âge d'entrée à l'école obligatoire ne pouvait pas être avancé. Auparavant, une telle dérogation était possible. Elle avait été supprimée « sans base légale supérieure ». En outre, la législation vaudoise permettait une telle dérogation, de sorte que le principe de l'égalité de traitement et la garantie de l'accès à l'enseignement obligatoire étaient violés.

6. Le 5 juin 2012, le DIP a conclu au rejet du recours. Sa décision était conforme tant aux dispositions législatives en vigueur qu’à une jurisprudence constante de la chambre administrative, qui, dans plusieurs arrêts récents, avait rejeté les recours interjetés à l’encontre des décisions de refus de dérogations. HarmoS instaurait des règles structurelles en matière de scolarité obligatoire, dont l'âge de 4 ans révolus au 31 juillet pour entrer à l'école. Les cantons avaient la possibilité, et non l'obligation, de prévoir des cas de dérogations individuelles. Genève avait choisi l'option de ne pas instaurer de régime d'exception en ce qui concernait l'avancement de cet âge. Le canton de Vaud avait fait un choix différent de Genève. Toutefois la législation vaudoise, en consultation et qui ne serait pas en vigueur avant le 1er août 2013, n'avait pas d'incidence sur le régime genevois. Selon un avis de droit, le PL 10884, retiré depuis, n'était pas conforme à HarmoS.

7. Le 11 juin 2012, la chambre administrative a accordé aux parties un délai échéant le 6 juillet 2012 pour formuler d'éventuelles requêtes d'acte d'instruction complémentaire.

8. Le 6 juillet 2012, les époux S______ ont persisté dans leurs conclusions. Des dérogations individuelles pouvaient se fonder directement sur le concordat, nonobstant le texte de l'art. 11 al. 2 LIP. Leur enfant était parfaitement à même de commencer l'année scolaire 2012-2013 dans le cadre de l'enseignement élémentaire scolaire, étant particulièrement éveillée. Ne pas donner suite à la demande de dérogation la concernant serait ressenti comme discriminant non seulement par eux mais également par elle.

9. Ces observations ont été transmises au DIP pour information et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 131 et 132 al. 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. HarmoS a pour but d’harmoniser la scolarité obligatoire au sein des cantons concordataires en accordant les objectifs de l’enseignement et les structures scolaires, d’une part, et, d’autre part, en développant et en assurant la qualité et la perméabilité du système scolaire au moyen d’instruments de pilotage communs (art. 1 HarmoS). Il prévoit notamment que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour de référence étant le 31 juillet (art. 5 al. 1 HarmoS). Les cantons s’engagent à respecter les caractéristiques structurelles de la scolarité obligatoire telles que définies au chapitre III, dont l’art. 5 fait partie, dans un délai maximal de six ans après l’entrée en vigueur de l’accord. Selon l’art. 15 HarmoS, l’assemblée plénière de la CDIP décide de la date d’abrogation de l’art. 2 du CICS, qui prévoit notamment que l’âge d’entrée à l’école est fixé à 6 ans révolus au 30 juin, les cantons pouvant avancer ou retarder cette date dans une limite de quatre mois. Au 30 juin 2012, l’art. 2 CICS n’avait pas été abrogé (recueil des bases légales de la CDIP consultable sur le site : http://www.cdip.ch/dyn/11703.php).

Dans son communiqué de presse du 13 mai 2009 annonçant l’entrée en vigueur d’HarmoS au 1er août 2009, la CDIP a relevé « que le jour de référence pour l’entrée à l’école obligatoire ne pourra plus varier comme aujourd’hui au sein d’une fourchette de huit mois. Pour les cantons concordataires, l’âge de l’enfant au 31 juillet déterminera son entrée à l’école enfantine (il devra avoir fêté son 4ème anniversaire avant cette date). Les parents conserveront la possibilité, moyennant une demande, de faire avancer ou repousser l’entrée à l’école de leur enfant ». Cette dernière précision a été répétée dans la feuille d’information sur l’école enfantine obligatoire publiée le 17 juin 2010 par la CDIP, disponible en ligne sur le site http://www.cdip.ch/dyn/15414.php.

3. En même temps qu’HarmoS, est entrée en vigueur la convention scolaire romande du 21 juin 2007 (CSR - C 1 07), dont le but est notamment d’instituer et de renforcer l’espace romand de formation, en application d’HarmoS (art. 1 al. 1 CSR). Elle comporte des domaines dans lesquels la coopération entre les cantons est obligatoire et fait l’objet d’une réglementation contraignante, et d’autres dans lesquels la collaboration n’est pas obligatoire et fait l’objet de recommandations (art. 2 CSR). Le début de la scolarisation entre dans la première catégorie (art. 3 al. 1 let. a CSR). La convention prévoit que l’élève est scolarisé dès l’âge de 4 ans révolus, le jour déterminant étant le 31 juillet (art. 4 al. 1 CSR). La fixation du jour de référence n’exclut pas les cas de dérogations individuelles, qui demeurent de la compétence des cantons (art. 4 al. 2 CSR).

4. a. Dans le canton de Genève, la durée de la scolarité obligatoire est réglée à l’art. 11 LIP. Cette disposition légale a été modifiée le 10 juin 2011, modification qui est entrée en vigueur le 29 août 2011 et est libellée ainsi :

«  1 La scolarité est obligatoire pour les enfants dès l’âge de 4 ans révolus au 31 juillet.

2 L’âge d’entrée à l’école obligatoire ne peut être avancé.

3 Le Conseil d’Etat définit dans le règlement les conditions auxquelles une dispense d’âge peut être accordée à des enfants qui, arrivés au terme de la première année du cycle élémentaire, sont jugés aptes du point de vue scolaire, psychologique et médical à fréquenter une classe destinée normalement à des élèves plus âgés.

4 Sur demande des parents et sous leur responsabilité, le département peut, exceptionnellement et pour de justes motifs, retarder d’une année scolaire l’entrée d’un élève à l’école obligatoire ».

b. L’ancien règlement relatif aux dispenses d'âge du 12 juin 1974 (aRDAge) a été abrogé et remplacé par le règlement relatif aux dispenses d'âge du 21 décembre 2011 (RDAge - C 1 10.18), texte qui ne contient plus aucune disposition traitant des dispenses simples accordées au début de l’enseignement obligatoire.

c. Le PL 10884 a été retiré.

5. En l’espèce, Y______ est née le 20 août 2008. Elle est soumise au régime d’admission à l’école prévu par l’art. 11 LIP. Cette disposition ne donne pas droit à l’examen d’une dérogation. Sous cet angle, l’option prise par le Conseil d’Etat d’imposer, dès la rentrée scolaire 2012, un respect strict de la condition de l’âge est conforme tant au texte concordataire qu’à ceux de la CRS et de la LIP. Le DIP a ainsi refusé à juste titre d’entrer en matière sur la demande de dérogation et le texte légal clair ne lui laissait aucune liberté d’appréciation.

6. Les recourants soutiennent que le refus de dérogation de l’administration contreviendrait au principe d'égalité de traitement et à la garantie de l'accès à l'enseignement obligatoire dès lors que les enfants scolarisés dans le canton de Vaud peuvent bénéficier de dérogations alors que tel n’est pas le cas des élèves genevois.

a. Une décision ou un arrêté viole le principe de l’égalité de traitement garanti par l’art. 8 Cst. lorsqu’il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu’il omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente (ATF 131 I 1 consid. 4.2 p. 6/7 ; 129 I 346 consid. 6 p. 357 ss ; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125 ; V. MARTENET, Géométrie de l'égalité, Zürich-Bâle-Genève 2003, p. 260 ss).

Le fait que les cantons édictent des réglementations propres dans le cadre de leurs compétences est une conséquence du fédéralisme suisse. Le lieu de domicile est ainsi un critère de distinction pertinent. Dès lors qu'en l'espèce, comme vu ci-dessus, la réglementation genevoise s'inscrit dans le cadre autorisé par HarmoS, de la CRS et de la LIP, le fait qu'elle ne soit pas identique à celle - en vigueur ou en projet - du canton de Vaud n'est d'aucun secours aux recourants.

b. Rien ne permet de comprendre en quoi le fait de ne pas prévoir de dérogation à la date de référence pour l'âge à atteindre pour l'entrée à l'école pourrait constituer d'une quelconque manière une violation de la garantie de l'accès à l'enseignement obligatoire. L’enfant sera en effet scolarisé conformément aux conditions ordinaires, dont celles ayant trait à l’âge.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Un émolument de CHF 400.-sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 mai 2012 par Madame et Monsieur S______ contre la décision du département de l'instruction publique, de la culture et du sport du 19 mars 2012 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge conjointe et solidaire de Madame  et Monsieur S______ ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mauro Poggia, avocat des recourants ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction a.i. :

 

 

C. Sudre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :