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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2060/2021

ATA/390/2022 du 12.04.2022 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2060/2021-FPUBL ATA/390/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 avril 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Nathalie Subilia, avocate

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Véronique Meichtry, avocate

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1972, a été engagé par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), avec effet au 1er septembre 2013, en tant qu'assistant technique en stérilisation au service de la stérilisation centrale (ci-après : le service), d’abord sous le statut d’auxiliaire, puis sous celui d’employé à compter du 1er juillet 2014.

Il a été nommé fonctionnaire avec effet au 1er septembre 2015.

2) M. A______ a fait l’objet d’entretiens d’évaluation et de développement des compétences (ci-après : EEDC) en date des 20 décembre 2013, 21 novembre 2014 et 18 mai 2015. Ces évaluations ont toutes été qualifiées de bonnes.

3) Le responsable du service, supérieur hiérarchique de M. A______, était, à son arrivée aux HUG, Monsieur B______, puis à compter de septembre 2016 Monsieur C______, et enfin Monsieur D______ dès le 1er avril 2020.

Le service comportait également une responsable de production/certification, soit Madame E______, à qui répondaient trois chefs de groupe, dont Mesdames F______ et G______.

4) Par courrier du 5 mai [recte : avril ] 2016, M. A______ et dix de ses collègues ont écrit au directeur général des HUG pour se plaindre du comportement de l’une de leur collègue, Madame H______, représentante syndicale dans le service, qu’ils qualifiaient de « mobbing ». Cette dernière se vantait notamment qu’elle ferait tout pour faire partir M. B______ de même que les autres collaborateurs ne pensant pas comme elle.

5) Par courriel du 29 mars 2018, Mme F______ a informé M. C______ qu’une collaboratrice, Madame I______, avait sollicité un entretien pour relater un incident survenu le 20 mars 2018 en zone de conditionnement.

Alors que Mme I______ était en train de conditionner des plateaux, M. A______ l’avait interpellée sur un ton agressif pour lui dire que les roulettes utilisées n’étaient pas conformes. Il avait repoussé violemment les plateaux préparés par Mme I______ et s’était montré virulent à son encontre. Quelques minutes plus tard, il était revenu avec un plateau troué qu’il avait jeté sur son plan de travail. Une collègue avait alors réagi pour prendre la défense de Mme I______.

Elle avait également confié que M. A______ avait déjà eu une attitude irrespectueuse à son égard. Lors d’une relève, alors qu’elle se trouvait en tenue civile, M. A______ l’avait interpellée et l’aurait conduite auprès de Monsieur J______, sous couvert d’informations professionnelles, puis l’aurait toisé en disant au précité : « elle est bien foutue, tu ne trouves pas ? ». M. J______, surpris par cette remarque, avait signifié à M. A______ que c’était un manque de respect et que cela ne se faisait pas. Un autre témoin, Monsieur K______, avait également assisté à la scène.

Mme I______ semblait avoir été choquée par cet événement, et en tremblait encore. Elle lui avait déclaré ne pas se sentir en sécurité, d’autant plus si sa hiérarchie ne réagissait pas et ne lui était d’aucun soutien. Elle sollicitait un entretien avec M. C______.

Elle avait indiqué à Mme I______ qu’elle allait rédiger un rapport.

6) En juin 2020, deux collègues de M. A______, soit Mesdames L______ et M______, se sont plaintes du comportement de ce dernier auprès de leur hiérarchie.

7) Le 2 juillet 2020, Mme L______ a adressé un courriel à M. D______ en indiquant notamment que lors de son arrivée dans le service, le 1er mars 2020, elle avait eu pour formateur M. A______. Le 4 mars 2020, il lui avait cogné à trois reprises le sein droit avec son coude. Elle avait eu peur et n’avait rien osé dire. Le 9 mars 2020, il lui avait demandé si elle avait pensé à lui durant le week-end, ce à quoi elle n’avait rien répondu. Le même jour, il était venu par derrière pour lui faire peur, en posant ses mains sur les côtés gauche et droit de sa ceinture. Le 10 mars 2020, il lui avait demandé de lui « faire un bisou ». Face à son refus, il lui avait demandé de lui faire un câlin, ce qu’elle avait également refusé. Pendant cette journée, il était devenu agressif en poussant les (chariots) convoyeurs très forts les uns contre les autres. Il était venu auprès d’elle en la fixant « perversement » sans cligner des yeux. Il avait persisté lorsqu’elle lui avait demandé d’arrêter. Le 12 mars 2020, il lui avait demandé de rester avec lui, lorsqu’une collègue avait demandé de l’aide à un autre poste, et il l’avait appelé « mon poussin » ou « mon petit canard » durant la journée.

Durant le mois de mars 2020, il la regardait constamment et venait toujours là où elle se trouvait. Le 9 juin 2020, il l’avait rattrapée dans les couloirs à 22h30 à la sortie du travail pour lui dire que son mari n’avait pas besoin de venir et qu’il pouvait la ramener. Elle avait refusé. Une fois dehors, M. A______ était allé saluer son mari qui l’attendait dans la voiture. En s’éloignant, il lui avait dit « dommage j’aurais pu te ramener ». Le 10 juin 2020, elle avait remonté sa bretelle de soutien-gorge et M. A______ avait dit « Mmmh ». Très gênée, elle n’avait rien osé répondre. Le 29 juin 2020, M. A______ l’avait appelée pour qu’elle prenne des feuilles. Étant très stressée, elle lui avait répondu rapidement. Lorsqu’il lui avait demandé ce qu’elle avait, elle avait prétexté avoir trop chaud. Il lui avait répondu : « reste ici à la fenêtre, il y a de l’air ». Une collègue travaillant à côté lui avait fait remarquer qu’il était en train de la draguer. Le 1er juillet 2020, M. A______ l’avait agressée en haussant le ton de sa voix et en lui disant : « Pourquoi tu me coupes la parole ? ». Elle n’avait rien répondu car elle se retrouvait paralysée dès qu’il venait vers elle. Vers 21h15, M. A______ l’avait interpellée dans le couloir pour lui « crier dessus » en la regardant fixement. Quand elle le croisait dans les couloirs, il avait toujours un regard « de pervers » et cela la mettait très mal à l’aise et lui faisait peur. Depuis qu’il avait repris le travail, elle ne se sentait pas en sécurité. Elle évitait tout contact avec lui. Lorsqu’elle avait travaillé avec lui, il avait des moments d’agressivité, durant lesquels il balançait les convoyeurs ou parlait mal.

8) Par courriel du même jour également adressé à M. D______,
Mme M______ a indiqué que le 13 juin 2020, entre 12h30 et 13h,
M. A______ avait jeté des roulettes depuis leur hauteur et les avait envoyées au milieu de la salle. Lorsqu’elle lui avait demandé pour quel motif il avait commis ce geste non professionnel, il lui avait répondu avec des gestes et un langage agressif dans ces termes « Toi tu as toujours quelque chose à dire, toi tu es spéciale ».

9) Par courriel du 5 juillet 2020 adressé à M. D______, Madame N______ a indiqué qu’elle avait entendu que plusieurs collègues avaient formé des plaintes contre M. A______, raison pour laquelle elle souhaitait sortir de son silence. Les premiers temps, lorsqu’elle était intérimaire, le précité avait eu des comportements très déplacés. Quelques mois plus tôt, il s’était permis de lui donner une fessée. Il avait également eu des regards insistants et malsains, des propos déplacés qu’elle n’osait pas citer et des comportements enfantins, tels que renverser sur elle le contenu de sa bouteille d’eau, ce qui l’avait fait glisser et avait manqué de la faire tomber.

10) Par courrier du 7 juillet 2020, les HUG ont convoqué M. A______ à un entretien de service devant se dérouler le 22 juillet 2020, en rapport avec les plaintes reçues des collègues de l'intéressé « faisant état d'un comportement irrespectueux à leur égard, se manifestant par un langage et une attitude inappropriés ».

11) À partir du 8 juillet 2020, M. A______ a été en incapacité totale de travail.

12) Le 21 juillet 2020, le représentant syndical de M. A______ a indiqué que l’état de santé de ce dernier ne lui permettrait pas d’assister à l’entretien de service du 22 juillet 2020.

13) L'entretien de service s’est finalement tenu le 3 septembre 2020, sous la forme écrite.

14) Le 9 septembre 2020, les HUG ont envoyé à M. A______ le compte rendu de l'entretien de service, établi et signé par M. D______ et Madame O______, responsable des ressources humaines (ci-après : RH) de la direction des opérations. M. A______ disposait d'un délai de trente jours pour faire valoir ses observations.

Plusieurs témoignages de collègues décrivaient un comportement de sa part constitutif d’atteintes à la personnalité et de harcèlement sexuel. Le compte rendu restituait les « témoignages » de trois collègues s'étant plaintes de son comportement, à savoir Mesdames L______, M______ et N______, selon les éléments qu’elles avaient formulés dans leurs courriels de juillet 2020.

Il était également indiqué que M. D______, après avoir recueilli ces témoignages, s’était renseigné auprès des chefs de groupe et de l’ancien chef de service M. C______ pour savoir si des faits similaires s’étaient déjà produits. Il apparaissait que M. A______ avait été reçu à deux reprises par sa hiérarchie pour des comportements inappropriés avec deux autres collègues femmes.

Le 18 novembre 2019, il avait donné un coup de pied aux fesses de
Madame P______. Sur le moment, ils avaient ri mais le lendemain, elle lui avait demandé de ne plus jamais refaire ce geste, estimant cela irrespectueux. M. A______ avait reconnu qu’il n’aurait pas dû faire ça et avait présenté ses excuses. Mme P______ avait indiqué qu’il parlait parfois de sexe et que c’était déplacé. M. C______ avait reçu M. A______ pour lui demander de faire attention à ses propos et à l’humour utilisé.

Il avait également eu un comportement problématique avec Mme I______ le 20 mars 2018, ainsi qu’une autre fois auparavant.

Les témoignages récoltés faisaient état d’un comportement contraire aux valeurs prônées par l’institution et amenait la hiérarchie à se questionner sur la compatibilité du comportement de l’intéressé avec le bon fonctionnement du service. Malgré les précédentes demandes de sa hiérarchie, M. A______ n’avait pas pris la mesure de la gravité de la situation.

15) Le 5 octobre 2020, M. A______ a formulé ses observations au sujet de l'entretien de service. Il contestait l'ensemble des accusations portées à son encontre. Il se plaignait de la violation de ses droits, en particulier le droit d'être entendu et la présomption d'innocence, et demandait soit que sa version des faits soit acceptée, soit qu'une enquête soit ouverte.

Il contestait l’ensemble des accusations portées par Mme L______, mais dénonçait le comportement de cette dernière à son égard. Elle avait commencé à lui parler de sa vie privée dès leur premier jour de travail ensemble.

Il contestait avoir jeté la roulette comme Mme M______ le prétendait. Il avait poussé la roulette avec le pied vers le poste de Mme Q______, dès lors qu’il l’avait prise à ce poste-là. Il contestait avoir eu un geste et un langage agressif envers Mme M______. Le comportement qui lui était reproché n’avait rien à voir avec un quelconque harcèlement sexuel.

Il contestait avoir donné une fessée à Mme N______ ou lui avoir dit « t’es chaude ». Cette dernière avait ouvert sa veste et lui avait demandé de regarder son décolleté, ce à quoi il lui avait répondu « si t’es chaude va chercher quelqu’un d’autre, moi je suis marié ». Chaque fois qu’elle changeait de coiffure ou de couleur de cheveux, elle venait lui demander ce qu’il en pensait. Elle lui avait dit un jour « Je rêve d’avoir un mari comme toi, parce que mon copain, qui est algérien, ne travaille pas et c’est moi qui le nourris ». Elle lui avait fait des avances, ce dont Monsieur R______était au courant, mais il n’avait jamais donné suite.

Le problème avec Mme P______ avait été réglé avec cette dernière et
M. C______, preuve en était que cet incident n’avait pas été ajouté à son dossier administratif. Il était inacceptable que l’actuel chef de service contacte l’ancien pour le « charger ». Il n’y avait pas eu de rapport et aucune lettre ne lui avait été adressée en lien avec cet incident.

Il contestait la version des faits de Mme I______. Cette dernière n’avait pas suivi les directives de M. C______. Il lui avait alors dit de mettre les dispositifs médicaux sur des roulettes conformes. Or, Mme I______ n’avait pas accepté cette remarque. Il n’avait jamais été convoqué par le chef de service pour cet incident. Il contestait par ailleurs avoir fait des commentaires à un collègue sur Mme I______.

Était joint la copie d’un courriel d’une de ses collègues, Madame S______, vantant ses mérites.

16) Par décision du 23 novembre 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le conseil d'administration (ci-après : CA) des HUG a ordonné l'ouverture d'une enquête administrative, et a suspendu provisoirement M. A______.

17) Par courriel du 3 décembre 2020, Mme O______ a notamment remis à l’enquêtrice désignée (ci-après : l’enquêtrice) le relevé des absences concernant Mmes L______, M______, I______ et M. A______.

18) Par courrier du 7 décembre 2020, l’enquêtrice a notamment informé
M. A______ que des auditions auraient lieu les 10, 15 et 17 décembre 2020, et lui a demandé si lui-même et/ou un représentant souhaitaient y être présents. Une « plaignante » lui avait signifié qu’elle ne souhaitait pas être auditionnée en sa présence. Il était invité à faire parvenir une liste de questions à poser aux « plaignantes » dans l’hypothèse où ni lui ni son représentant ne serait présent. Des auditions ultérieures de confrontation n’étaient pas exclues.

19) L'enquêtrice a procédé aux mois de décembre 2020 et janvier 2021 à dix-sept auditions, dont cinq à la demande de M. A______, auxquelles ce dernier n'a pas participé, et ne s'est pas non plus fait représenter, sauf le 17 décembre 2020, date à laquelle il a lui-même été auditionné.

20) Le 18 janvier 2021, Mme P______ a informé les HUG qu’elle ne souhaitait pas témoigner dans le cadre de l’enquête administrative.

21) Le 25 janvier 2021, les HUG ont transmis à l’enquêtrice les relevés horaires du mois de juin 2020 concernant Mme L______ et M. A______.

22) a. Le 1er février 2021, l'enquêtrice avait rendu son rapport, lequel compte soixante-huit pages.

Il en ressort que cette dernière avait entendu, outre M. A______ et Mmes L______, M______, N______ et I______, plusieurs responsables ou anciens responsables hiérarchiques à savoir MM. D______ et C______ ainsi que Mmes E______, G______, des membres des RH, soit Mme O______ et Monsieur T______, ainsi que sept collègues de M. A______, soit Messieurs R______, J______, U______ et V______ et Mesdames S______, W______ et X______.

Le contenu de ces auditions sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

b. L’enquêtrice a notamment retenu comme établis les faits suivants :

-       M. A______ avait cogné trois fois le sein droit de Mme L______ et posé ses mains sur le côté gauche et droit de la ceinture de cette dernière ;

-       il avait donné un coup de pied aux fesses de Mme P______ ;

-       il avait touché les seins et fesses de plusieurs femmes, selon les propos rapportés par Mme I______ ;

-       il avait, selon Mme M______, tenu plusieurs fois des propos déplacés sur le corps de certaines collègues tels que « elle a un beau cul » ou « elle est bonne », cela accompagné de gestes, cette dernière l’ayant également entendu parler avec un autre collègue de la manière dont ils couchaient avec leurs femmes ;

-       il avait dit à Mme N______ « Mmmmhh t’as un beau cul » ;

-       il avait demandé à M. J______, en parlant de Mme I______ et en présence de cette dernière, « elle est bien foutue tu ne trouves pas ? » ;

-       il appelait Mme L______ « mon petit canard » ou « mon petit poussin », et avait réagi par le son « Mmmmh » alors que cette dernière avait réajusté sa bretelle de soutien-gorge.

Ces actes avaient eu lieu entre personnes de sexe opposé. Les plaignantes craignaient M. A______ et leur santé avait été atteinte à divers niveaux (psychiques et physiques). Ces gestes et propos non désirés et importuns n’étaient pas souhaités par les plaignantes et ce n’était pas parce que l’employé mis en cause n’avait pas voulu obtenir des faveurs sexuelles, ni voulu empoisonner les rapports de travail ou même envisagé un tel résultat que son comportement échappait à la définition du harcèlement sexuel. Ces actes apparaissaient importuns, même en tenant compte de la sensibilité moyenne des femmes, s’étaient déroulés sur le lieu de travail et avaient eu un effet sur les relations de travail. La position de formateur de M. A______ avait créé un rapport de subordination, à tout le moins à l’égard de Mmes L______ et N______, qui rendait plus difficile pour les plaignantes de dénoncer les faits. L’attention de l’intéressé avait été préalablement attirée, par sa hiérarchie, sur le fait que son comportement à l’égard de Mmes I______ et P______ n’était pas approprié. Il semblait pourtant que M. A______ avait persisté dans son attitude hostile et que celle-ci ne permettait pas d’envisager un quelconque amendement ni une prise de conscience de sa part. Il continuait à minimiser les faits en dénigrant les plaignantes. S’agissant des autres remarques, si prises isolément celles-ci ne relevaient pas forcément du harcèlement, prises ensemble, elles contribuaient à créer un climat d’hostilité envers les femmes, où elles se voyaient adresser des avances répétées non sollicitées, ce qui n’était pas adéquat. Si l’on pouvait admettre que les actes précités n’avaient pas visé intentionnellement à rabaisser ses collègues féminines ou à leur faire peur, et qu’il les avait lui-même perçus comme de l’humour, sans réaliser que cela pouvait causer un malaise voire de l’angoisse, il n’en demeurait pas moins qu’il n’était pas adéquat de se comporter ainsi sur son lieu de travail. Ces actes, répétés, de même nature et dans la durée, étaient représentatifs d’actes discriminatoires au sens de l’art. 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (loi sur l’égalité, LEg - RS 151.1) et constitutifs d’harcèlement sexuel. Ils violaient en outre les règles posées par le règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01) et le statut du personnel des HUG (ci-après : le statut).

S’agissant des nombreux actes d’agressivité de M. A______, soit notamment lorsqu’il avait poussé très fort les convoyeurs les uns contre les autres en direction du poste de travail de Mme L______ le 10 mars 2020, jeté de manière agressive depuis sa hauteur des roulettes extrêmement lourdes au milieu de la salle et répondu à Mme M______ de manière agressive le 2 juillet 2020 et lancé, à une date indéterminée, du matériel sur Mme I______, estimant qu’elle n’avait pas utilisé les bonnes roulettes, ce qui aurait pu lui faire très mal, ils ne permettaient pas de retenir un harcèlement psychologique. Toutefois ces actes d’agressivité, combinés avec les remarques d’ordre sexuel, pouvaient être ressentis par les femmes comme renforçant l’hostilité à leur égard, même si l’on pouvait imaginer qu’ils n’étaient pas destinés à faire peur aux plaignantes, mais intervenaient dans des situations d’énervement liées au travail. Ils violaient par ailleurs les règles posées tant par le RPAC que le statut.

Lesdits actes, pris isolément et dans leur ensemble, n’apparaissaient pas d’une gravité telle qu’il conviendrait d’admettre l’existence d’un mobbing, également au vu du nombre de personnes impliquées, ce qui témoignait davantage d’une ambiance de travail délétère que d’une situation de harcèlement.

Si le fait de renverser une bouteille d’eau, de pousser des convoyeurs ou de jeter des roulettes sans viser ni toucher un collègue en particulier ne constituaient pas une atteinte à la personnalité, le fait de le faire en direction d’une personne en particulier, comme dans le cas de Mme I______, relevait d’une telle atteinte, cette dernière ayant pu être blessée.

c. L’enquêtrice a conclu que des actes de harcèlement sexuel à l'encontre de Mmes L______, N______, M______ et I______ avaient été commis par M. A______. Ce dernier avait en outre porté atteinte à la personnalité de Mme I______ et avait, par les différents actes établis ci-dessus, violé les règles posées tant par le RPAC que le statut.

23) Le 8 mars 2021, M. A______ s'est déterminé sur le rapport d'enquête, demandant notamment un complément d'enquête sur neuf points, à savoir sur les éléments médicaux relatifs à son hernie, les instructions de la hiérarchie relatives aux roulettes, la détermination du moyen de transport qu’il utilisait, le témoignage de son ex-femme, le complément des témoignages des personnes interrogées relatif à l’attitude de Mme N______ à l’égard des hommes et plus particulièrement à son égard, l’analyse du fonctionnement « par clans » du service, la prise en compte de cet élément de contexte par rapport à chacun des témoignages, la prise en compte de son statut de formateur vis-à-vis des plaignantes ainsi que la prise en compte de la réalité du travail et de son organisation dans les locaux par rapport aux risques de contacts physiques involontaires.

24) Le 19 mars 2021, l’enquêtrice, invitée à se prononcer sur les observations formulées par M. A______, a indiqué que les points soulevés par l’intéressé ne justifiaient pas un complément d’enquête.

25) Par décision du 10 mai 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, dont l’objet indiquait « révocation », le CA des HUG a indiqué à M. A______ « nous résilions donc le contrat qui nous lie avec effet immédiat au 31 août 2021 » (sic).

Lors de sa séance du 26 avril 2021, le CA des HUG avait décidé de sa révocation, conformément aux art. 16, 17, 20 et 27 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), au regard des conclusions du rapport d’enquête administrative du 1er février 2021 qui avaient démontré une violation des art. 20 et 21 let. a à c du statut.

Il était immédiatement libéré de son obligation de travailler.

26) Par acte posté le 11 juin 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours, principalement à l'annulation de la décision attaquée ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure, subsidiairement à son annulation ainsi qu’au prononcé d’un avertissement à son encontre, plus subsidiairement encore son annulation ainsi que la proposition d’une « mesure de remplacement ».

Dès ses premières années dans le service, il avait constaté que l’ambiance était électrique et chaotique. En mai 2016, lui et dix de ses collègues avaient écrit un courrier pour se plaindre de l’attitude d’une collaboratrice qui tentait d’amener l’équipe à se liguer contre M. B______. Cela avait conduit le service à se scinder en deux groupes. Parmi les collègues en défaveur de M. B______, se trouvait notamment Mme M______. Cette dernière avait commencé à se montrer agressive envers ses collègues d’origine maghrébine. Le clan de Mme M______ avait évolué pour aboutir finalement à un trio composé, outre d’elle-même, de Mmes N______ et L______.

La décision de révocation était infondée. Ses entretiens d’évaluation démontraient qu’il était un collaborateur apprécié de tous, respectueux avec les membres de son équipe, et un excellent travailleur. Ses supérieurs et ses collègues qui avaient témoigné dans le cadre de l’enquête administrative n’avaient pas tari d’éloges à son égard. Il n’avait pas été prouvé qu’il aurait adopté des gestes brusques provoquant de la douleur, un manque de considération et d’écoute, voire une attitude humiliante.

Il n’avait provoqué que deux incidents séparés, de peu de gravité, qui s’étaient immédiatement résolus. Il n’était pas question de nombreuses plaintes répétées sur une longue période. Il s’était toujours montré « d’une grande aisance relationnelle avec ses collègues et sa hiérarchie ». Les dénonciations des plaignantes n’avaient pas été confirmées par les témoins qui avaient au contraire relevé qu’il était un « collaborateur idéal ».

Il n’avait fait l’objet que d’un seul « rappel à l’ordre », dans le cadre d’un incident survenu avec Mme I______, et n’avait plus fait l’objet de remarque depuis lors.

L’existence de « clans » et l’ambiance très électrique avaient créé des tensions au sein du service depuis de nombreuses années, antérieurement aux dénonciations des plaignantes. Il ne pouvait être rendu responsable de la « mauvaise ambiance » au sein du service. Sa « réinsertion » était parfaitement envisageable.

Suite aux dénonciations infondées des plaignantes, les HUG n’avaient jamais cherché à le replacer dans un autre secteur ou un autre poste.

Le CA avait uniquement fondé sa décision sur le rapport d’enquête administrative, sans donner suite à sa demande de complément d’enquête, pourtant parfaitement fondée au regard des très nombreuses questions restées en suspens.

Le CA n’avait pas non plus cherché à trouver une solution moins incisive que la révocation. Conformément au principe de la proportionnalité, si le CA des HUG devait être amené à le sanctionner, ils devaient prononcer un avertissement ou le replacer dans un autre poste, dès lors qu’il était au bénéfice d’une nomination.

27) Le 5 juillet 2021, les HUG ont conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif au recours.

28) Par décision du 15 juillet 2021, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours.

29) Dans leur mémoire de réponse du 30 juillet 2021, les HUG ont conclu au rejet du recours et à ce que le recourant soit condamné en tous les frais et « dépens » de la procédure.

Le recourant avait été révoqué, et non licencié pour motif fondé. Après une analyse approfondie des déclarations des plaignantes, confrontées aux pièces du dossier, aux déclarations du recourant, aux témoignages de la hiérarchie et des collègues ainsi qu’aux autres pièces versées au dossier, plusieurs faits avaient été établis par l’enquêtrice, ce qui ne pouvait prêter le flanc à la critique.

Selon le rapport d’enquête, les déclarations des plaignantes apparaissaient crédibles, constantes et cohérentes, et aucun mobile ne permettait de les mettre en doute. L’existence des manquements reprochés avait été établie à satisfaction de droit. Ces manquements, qui s’étaient étendus sur plusieurs années, violaient gravement et fautivement les devoirs de service et étaient constitutifs de harcèlement sexuel et d’atteinte à la personnalité de plusieurs collègues de travail féminines.

Si, après la remise du rapport, le recourant avait soudainement allégué qu’un complément d’enquête était nécessaire, il n’avait produit aucune pièce à l’appui de ses déclarations ni fait état de l’identité de témoins à entendre, hormis son ex-épouse, susceptibles d’étayer ses dires.

À l’instar des quatre plaignantes, les responsables hiérarchiques du recourant avaient déclaré lors de l’enquête qu’il n’était pas envisageable que le recourant soit réintégré à son poste. Il incombait aux HUG de protéger la personnalité et la santé physique et psychique des membres de son personnel. Le recourant avait par ailleurs déjà été averti par le passé sur le fait que son comportement envers
Mmes P______ et I______ n’était pas approprié. Il avait été procédé à des remises à l’ordre, le recourant persistant néanmoins dans ses attitudes, ce à l’égard de multiples collègues féminines et pendant des années. Seule la révocation était susceptible de restaurer la confiance du personnel du service.

Il n’y avait pas lieu de reclasser le recourant dès lors qu’il avait été révoqué. Même si la voie du licenciement pour motif fondé avait été utilisée, ils n’auraient pas eu à le reclasser, dès lors que cela ne serait revenu qu’à reporter dans un autre service les graves problèmes de comportement du recourant vis-à-vis des femmes.

30) a. Une audience de comparution personnelle des parties s’est tenue le
15 septembre 2021.

b. Le recourant a relevé qu’il existait des « étincelles de racisme à l’encontre des employés d’origine nord-africaine ». Il n’était pas au courant du fait que d’autres personnes que lui auraient fait l’objet de dénonciation, mais il était un peu « l’animateur » du groupe. Il pensait que Mme M______ avait fédéré des personnes autour d’elle. Cette personne ne l’aimait pas, ne lui disait pas bonjour et faisait toutes sortes de chicaneries pour l’embêter dans son travail. Cette histoire l’avait rendu malade et un peu paranoïaque. Il n’osait plus prendre l’ascenseur seul avec une femme. Il était inscrit au chômage. Dans le cas d’une réintégration, il imaginait qu’il irait dans un autre service.

c. La représentante des HUG a indiqué que M. B______ travaillait toujours dans le service, mais dans une fonction d’expert sans responsabilité managériale. Personne d’autre n’avait fait l’objet de plaintes similaires dans le service. Depuis le départ du recourant, des personnes d’origines diverses avaient été engagées, et notamment des personnes originaires d’Afrique du nord. Cette histoire avait eu des conséquences sur l’équipe. Pour les plaignantes, cela avait été un bouleversement professionnel et personnel.

31) a. Une audience de comparution personnelle des parties et d’enquêtes s’est tenue le 17 novembre 2021.

b. M. U______ a indiqué qu’il travaillait dans le service depuis 2010, d’abord comme assistant technique en stérilisation, puis comme responsable de secteur, et enfin depuis mai 2020 comme gestionnaire d’équipements. Le travail dans le service était très physique, répétitif et demandait une grande concentration. Le recourant avait effectivement encadré de nouveaux collaborateurs au secteur de la médecine dentaire puisqu’il faisait partie des personnes de référence dans ce secteur, soit parmi les personnes les plus compétentes. Il n’avait jamais reçu de plainte concernant le recourant pendant qu’il était responsable de secteur, étant relevé qu’il était en arrêt maladie entre septembre 2019 et mai 2020. Les seules critiques reçues à son encontre concernaient le fait qu’il prenait des pauses cigarette trop longues. C’était un service très difficile à gérer, dans lequel il y avait des tensions et des attaques en permanence. Il y avait notamment des dénonciations et des attaques concernant la vie privée ou l’ethnicité. Il y avait déjà eu des enquêtes administratives concernant deux autres collègues.

Lorsqu’il était chef de secteur, il avait pu observer que le recourant était très performant ; l’un des plus rapides en médecine dentaire. Il y avait des clans au sein du service. Il pensait que certains pouvaient aller jusqu’à s’entendre pour faire de fausses déclarations pour faire partir quelqu’un. Mme H______ avait notamment annoncé que le recourant et M. R______seraient les prochains à partir. Mme M______ n’était pas une personne qui apaisait les tensions. Elle était prompte à dénoncer, notamment les dépassements de pause. Le recourant faisait partie des gens qu’elle ciblait par rapport à des questions d’excès de pauses. Il faisait partie du trio qui abattait le plus de travail, ce qui créait des tensions et des jalousies.

c. Mme X______ a indiqué qu’elle travaillait au sein du service en qualité d’agente de stérilisation depuis 2017. Il y avait toujours eu des tensions dans le service, et elles existaient encore à ce jour. Il y avait des inimitiés entre des groupes de personnes. Les gens se regroupaient notamment sur la base de leur origine. Ils étaient également sous pression à cause de la charge de travail. Elle n’avait pas spécialement été formée par M. A______. Mme M______ était au cœur de beaucoup « d’histoires », c’est-à-dire de plaintes ou de diffusion de rumeurs au sujet des collaborateurs. Elle ne s’entendant pas bien avec elle. Elle connaissait bien le recourant, avec qui elle s’entendait bien. Elle ne l’avait jamais vu avoir de comportements déplacés ou une attitude dénigrante à l’égard de Mmes L______, N______ et I______.

d. Madame Y______ a exposé qu’elle travaillait en tant qu’assistante technique en stérilisation dans le service depuis 2016. Elle avait été formée par le recourant en médecine dentaire pendant un mois et cela s’était très bien passé. Normalement, il ne pouvait pas arriver, même accidentellement, qu’il y ait des contacts physiques entre deux collaborateurs à cette occasion. Il s’agissait toutefois de petites zones dans lesquelles il n’était pas exclu de se cogner. Il y avait des tensions dans le service, que cela soit entre des personnes ou entre des groupes. Elle n’avait jamais vu le recourant se comporter de manière problématique envers des collaboratrices, ni de manière différente envers l’une ou l’autre d’entre elles. Elle n’avait en particulier jamais constaté de comportements déplacés ni une attitude dénigrante de la part du recourant envers Mmes L______, N______ et I______ et n’avait jamais entendu ces dernières se plaindre de lui. Les trois précitées ne faisaient pas partie d’un groupe commun. Elle n’avait jamais eu de problème avec Mme M______, mais elle avait entendu qu’elle avait des conflits avec d’autres personnes.

32) a. Une audience de comparution personnelle des parties et d’enquêtes s’est également tenue le 24 novembre 2021.

b. M. D______ a précisé qu’il avait connu le recourant lors de sa prise de fonction en qualité de chef de service en avril 2020. La première personne qui était venue le voir était Mme M______, pour lui rapporter une altercation survenue avec le recourant. Peu de temps après, Mme L______ avait exprimé auprès de Mme E______ un mal-être en lien avec le recourant. Les propos rapportés et la situation psychologique dans laquelle se trouvait cette collaboratrice récemment arrivée l’avaient alarmé. Elle décrivait la présence du recourant comme invasive et l’empêchant de se concentrer sur son travail. Elle était en pleurs lorsqu’il l’avait reçue dans son bureau pour recueillir ses propos. Mme L______ lui avait indiqué s’être également adressée à la cellule de la protection de la personnalité. S’il n’avait pas assisté aux faits qu’elle décrivait, son témoignage et ses émotions lui avaient semblé crédibles. Après ses déclarations, il avait demandé à l’encadrement d’éviter au maximum de faire se rencontrer ces deux collaborateurs. Cela n’avait toutefois pas apaisé le stress et l’émotion palpables chez Mme L______. Quelques semaines plus tard, quelqu’un lui avait signalé un potentiel mal-être chez Mme N______. Il l’avait alors reçue dans son bureau et elle lui avait confié le même genre de situation, qu’elle qualifiait de harcèlement. Elle s’était mise à pleurer et il avait jugé son récit et ses émotions vraisemblables et inquiétants.

Mmes L______ et M______ avaient dit ressentir de l’insécurité. Mmes L______, N______ et M______ n’avaient pas vraiment de caractéristiques communes, que ce soit leur âge ou leur physique. À sa connaissance, elles ne faisaient pas partie d’un clan particulier au sein du service. Les différentes personnes se regroupaient par affinités, mais également en fonction de leur affiliation syndicale ou non ainsi que de leurs origines. Il s’était entretenu avec Mme P______ qui lui avait dit que pour elle l’incident était clos. Il s’était également entretenu avec Mme I______ à son retour d’arrêt maladie, qui lui avait décrit des faits semblables à ceux rapportés par Mmes L______ et N______. Elle disait faire l’objet de pressions au sein du service, certaines personnes l’invitant à revenir sur son témoignage. En tant que chef de service, il ne pouvait envisager une autre mesure que celle qui avait été prise, la position des HUG étant claire face au harcèlement. Dans le contexte de la formation au sein du service, il y avait une nécessaire proximité physique, ne serait-ce que pour se parler dans un environnement bruyant. Si des contacts physiques pouvaient intervenir par inadvertance, il n’avait pas l’impression qu’ils se produisaient si souvent que cela. Le service allait mal depuis 2016 et les tensions perduraient encore. Il n’y avait cependant pas d’autres comportements inappropriés qui avaient été dénoncés depuis le départ du recourant. Il n’avait personnellement jamais été témoin des comportements reprochés au recourant.

c. Mme G______ a précisé qu’elle était cheffe de groupe dans le service depuis le 1er mars 2018. Le recourant n’avait jamais eu de comportement inadéquat en sa présence. M. D______ avait demandé à elle-même ainsi qu’à Mme E______ de modifier les plannings pour que le recourant et Mme L______ n’aient plus à travailler ensemble, suite à un comportement inapproprié de ce dernier. Mme L______ lui avait par la suite rapporté les comportements qu’elle avait dénoncés, entrecoupés de pleurs et de crises de tremblements. À plusieurs reprises durant les semaines suivantes, la précitée n’arrivait plus à garder sa contenance, était perdue, tétanisée, suffoquait. Les déclarations de Mme L______ ne correspondaient pas à ce qu’elle connaissait du recourant. Lorsqu’elle les avait observés, si elle n’avait rien remarqué d’alarmant de la part du recourant, l’attitude de Mme L______ l’avait alarmée, dans la mesure où elle donnait l’impression d’être apeurée par la présence de M. A______. Lorsqu’un jour le recourant était arrivé et s’était adressé à l’équipe de manière normale, elle avait aperçu Mme L______ se retourner et devenir complètement « fermée ». Elle avait attendu que le recourant parte pour reprendre sa position précédente. Son changement d’attitude lui avait paru préoccupant car bien que récemment arrivée, Mme L______ était bien intégrée et n’avait pas de souci avec les autres collaborateurs. Mmes I______ et N______ étaient également bien intégrées et des personnes ouvertes d’esprit. Les trois précitées ne faisaient pas partie d’un clan déterminé à sa connaissance. L’exiguïté des locaux faisait qu’il était possible d’avoir un contact physique involontaire, mais pas sur des parties du corps ciblées, comme les seins ou les fesses. M. C______ et elle-même avaient reçu le recourant et Mme P______ lors de l’incident du coup de pied aux fesses. Le recourant s’était excusé, mais Mme P______ n’avait pas accepté ses excuses. L’incident avait toutefois été considéré comme clos, tant par les deux intéressés, que par elle-même et M. C______. Ce dernier avait enjoint au recourant de faire attention à l’avenir sur le fait qu’un geste considéré comme amical pouvait être perçu comme une agression par l’autre. Elle ne rencontrait pas personnellement de problème particulier avec Mme M______, laquelle était une bonne professionnelle, qui savait se prendre en main et régler ses comptes directement avec les intéressés. Cette dernière pouvait bien s’entendre avec tout le monde mais également avoir des différends avec certaines personnes. Le recourant était également un très bon professionnel, avec lequel elle avait des moments « de bonne rigolade ». Elle n’avait aucun problème dans ses rapports avec lui.

33) Dans ses observations finales du 21 décembre 2021, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours, concluant en sus à sa réintégration.

Les témoins entendus avaient confirmé qu’il régnait une ambiance « de mépris » dans le service, dans lequel les collaborateurs se liguaient entre eux afin d’éliminer celles ou ceux qui ne partageaient pas leurs opinions sociales ou syndicales. Comme cela avait été relevé par M. U______, il apparaissait qu’il avait selon toute vraisemblance été pris pour cible en raison de ses origines et de son amitié avec M. B______, et que depuis le départ de ce dernier, une véritable campagne d’agissements hostiles visant à « le faire tomber » avait été menée. La procédure avait démontré qu’il avait été victime d’un acharnement initié en 2016 par Mme H______ puis repris par Mme M______ au départ de celle-ci. Mme M______, qui était la première à s’être plainte de lui, avait organisé son évincement par son attitude belliqueuse et son inimitié à son égard.

En sept ans, il n’avait pourtant jamais fait l’objet d’une plainte pour harcèlement sexuel. Il avait suffi d’une dispute avec Mme M______, qu’il s’absente pour maladie et qu’un nouveau chef arrive pour que tout à coup les dénonciations fusent. Tant la temporalité que le contenu des dénonciations étaient surprenants.

Aucun des témoins entendus n’avait constaté un comportement déplacé de sa part auprès de l’une ou l’autre des plaignantes. Malgré l’absence de preuve, les HUG s’étaient uniquement fiés aux déclarations de ces dernières, les tenant pour véridiques.

34) Le 21 janvier 2022, les HUG ont persisté dans leurs conclusions.

35) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision intitulée « révocation » prononcée le 10 mai 2021 par le CA des HUG. Bien que ladite décision cite des dispositions légales relatives tant à la résiliation des rapports de service qu’aux sanctions disciplinaires – dont fait partie la révocation , et mentionne « nous résilions le contrat qui nous lie », il ressort de celle-ci que le CA a effectivement pris la décision, lors de sa séance du 26 avril 2021, de révoquer le recourant et non de le licencier.

C’est donc bien selon les règles de la révocation que la conformité au droit de la présente décision doit être examinée.

a. En tant que membre du personnel des HUG, le recourant est soumis au statut en application de l'art. 1 al. 1 let. e LPAC et de l'art. 7 let. e de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 (LEPM - K 2 05). Il est aussi soumis à la LPAC, au RPAC, à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), ainsi qu'au règlement d'application de la LTrait du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01).

3) a. Les HUG sont des établissements publics médicaux du canton de Genève (art. 1 al. 1 LEPM). Les membres de leur personnel sont soumis à la LPAC et au RPAC, sous réserve de dispositions particulières figurant dans la LEPM et le statut.

b. Les devoirs du personnel des HUG sont énumérés aux art. 20 ss du statut. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'établissement et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du statut). Selon l'art. 21 du statut, ils se doivent, par leur attitude, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de même que de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence et de respecter leur horaire de travail. (art. 22 al. 1 et 2 du statut).

c. Selon l'art. 16 LPAC, traitant des sanctions disciplinaires, les fonctionnaires et les employés qui enfreignent leurs devoirs de service, soit intentionnellement soit par négligence, peuvent faire l'objet, selon la gravité de la violation, des sanctions suivantes :

a) prononcé par le supérieur hiérarchique, en accord avec sa hiérarchie :

1° le blâme ;

b) prononcées, au sein de l'administration cantonale, par le chef du département ou le chancelier d'État, d'entente avec l'office du personnel de l'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par le secrétaire général du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement, par le directeur général :

2° la suspension d'augmentation du traitement pendant une durée déterminée,

3° la réduction de traitement à l'intérieur de la classe ;

c) prononcées, à l'encontre d'un fonctionnaire, au sein de l'administration cantonale, par le Conseil d'État ; au sein des services centraux et des greffes du pouvoir judiciaire, par la commission de gestion du pouvoir judiciaire ; au sein de l'établissement par le conseil d'administration :

4° le retour au statut d'employé en période probatoire pour une durée maximale de trois ans,

5° la révocation.

En cas de révocation, le conseil d'administration de l'établissement peut stipuler que celle-ci déploie un effet immédiat si l'intérêt public le commande
(art. 16 al. 2 LPAC).

Le conseil d’administration doit ordonner l’ouverture d’une enquête administrative qu’il confie à une personne qui a les compétences requises dans les hypothèses visées à l’art. 16 al. 1 let. c LPAC, soit notamment pour le prononcé d’une révocation (art. 27 al. 2 LPAC).

d. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en suisse romande, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, n. 55 p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50 p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51 p. 14).

4) L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Pour satisfaire au principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), il faut que la décision prononcée soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu'il existe un rapport raisonnable entre le but d'intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause, en particulier la restriction à la liberté personnelle qui en résulte pour la personne concernée (principe de la proportionnalité au sens étroit ; ATF 136 IV 97 consid. 5.2.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/137/2020 précité ; ATA/118/2016 du
9 février 2016). En particulier, elle doit tenir compte de l’intérêt du recourant à poursuivre l’exercice de son métier, mais elle doit aussi veiller à la protection de l’intérêt public (ATA/694/2015 du 30 juin 2015).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 et les références citées).

5) a. La révocation disciplinaire, qui est la sanction la plus lourde prévue par la loi, implique une faute grave, soit une violation particulièrement grave d'un devoir de service (ATA/137/2020 précité ; ATA/1287/2019 du 27 août 2019 et les références citées). Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un certain caractère infamant vu sa nature. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction (arrêt du Tribunal fédéral 8C_324/2017 du 22 février 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1476/2019 du 8 octobre 2019).

b. Parmi les motifs propres à justifier une révocation disciplinaire, on peut mentionner, à titre d'exemple, la violation du secret de fonction dans un domaine sensible, l'abus des pouvoirs de la fonction, l'indication fausse des heures de travail ou des irrégularités dans le cadre de l'enregistrement du temps de travail, l'alcoolisme ou encore le vol (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références citées).

c. La chambre de céans a notamment confirmé la révocation : d’un agent de sécurité publique qui enregistrait des vidéos pendant des interventions sans l’accord de personnes filmées (ATA/860/2020 du 8 septembre 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_644/2020 du 4 mars 2021) ; d’un fonctionnaire ayant pénétré dans les bureaux RH dont l’accès était restreint aux seules personnes autorisées moyennant un badge (révocation avec effet immédiat : ATA/698/2020 du 4 août 2020, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_530/2020 du 1er juin 2021) ; d'un huissier-chef ayant transmis des documents à des tiers non autorisés, omis de cadrer une subordonnée et adopté d'autres comportements problématiques (ATA/1287/2019 précité) ; d'un intervenant en protection de l'enfant ayant entretenu une relation intime avec la mère des enfants dont il était en charge, et ayant continué à traiter leur dossier (ATA/913/2019 du 21 mai 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_448/2019 du 20 novembre 2019) ; d'un employé administratif au sein de la police ayant fait usage des outils informatiques mis à sa disposition par son employeur pour satisfaire sa curiosité personnelle et transmettre des données confidentielles à des tiers (ATA/56/2019 du 22 janvier 2019, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_161/2019 du 26 juin 2020) ; d'un fonctionnaire ayant dérobé de la nourriture dans les cuisines d'un établissement hospitalier (ATA/118/2016 précité) ; d'un policier ayant frappé un citoyen lors de son audition, alors que ce dernier était menotté et maîtrisé (ATA/446/2013 du 30 juillet 2013, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2013 du 7 juillet 2014) ; d'un fonctionnaire ayant insulté, menacé et empoigné un collègue dans un cadre professionnel (ATA/531/2011 du 30 août 2011) ; d'un fonctionnaire ayant exercé au sein du service des pressions psychologiques et physiques, eu une attitude déplacée et proféré des menaces à l'endroit de collègues de travail, ainsi qu'entretenu des relations intimes avec certaines d'entre elles, alors qu'il était chargé de leur formation (ATA/39/2010 du 26 janvier 2010, confirmé par l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_239/2010 du 9 mai 2011) ; d'un fonctionnaire ayant fréquemment et régulièrement consulté des sites érotiques et pornographiques depuis son poste de travail, malgré une mise en garde préalable et nonobstant la qualité du travail accompli (ATA/618/2010 du 7 septembre 2010). Elle a également confirmé la révocation d'un enseignant qui avait ramené une prostituée à l'hôtel où logeaient ses élèves, lors d'un voyage de classe, organisé sur son lieu de travail et pendant ses heures de service une rencontre à caractère sexuel avec un jeune homme dont il n'avait pas vérifié l'âge réel et dont il ignorait l'activité, puis menacé ce dernier (ATA/605/2011 du 27 septembre 2011).

La chambre administrative a toutefois annulé la révocation et ordonné la réintégration d’un fonctionnaire l’autorité intimée ayant mal établi les faits et abusé de son pouvoir d’appréciation en retenant que le comportement de celui-ci constituait du harcèlement sexuel à l’égard d’une collègue (ATA/137/2020 du 11 février 2020) ; en l'absence de violation des devoirs de service d'un fonctionnaire, pour lequel l'autorité d'engagement n'avait pas pu établir qu'il s'était rendu coupable de faux, seul fait à la base de la décision (ATA/911/2015 du 8 septembre 2015), ou dans le cas d'une fonctionnaire au motif que l'autorité avait renoncé à statuer sur le plan disciplinaire pendant plus d'une année, laissant l'intéressée dans l'incertitude sur sa situation, ce qui allait à l'encontre des principes du droit disciplinaire (ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018).

6) a. Sous le titre marginal « Harcèlement sexuel ; discrimination », l'art. 4 LEg définit le comportement discriminatoire comme un « comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l'appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d'imposer des contraintes ou d'exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d'obtenir d'elle des faveurs de nature sexuelle ». Bien que les exemples cités dans cette disposition ne se réfèrent qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple les plaisanteries déplacées, les remarques sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 3.1 ; 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1 ; 8C_422/2013 du 9 avril 2014 consid. 7.2 et les arrêts cités). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg ; la répétition d'actes ou l'accumulation d'incidents n'est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (Claudia KAUFMANN, in Margrith BIGLER-EGGENBERGER/ Claudia KAUFMANN [éd.], Commentaire de la loi sur l'égalité, 2000, n. 59 ad art. 4 LEg p. 118 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.1.1).

L'énumération de l’art. 4 LEg n'est pas exhaustive (Message du Conseil fédéral du 24 février 1993 relatif à la loi sur l'égalité, FF 1993 I 1163, p. 1219). Sont également qualifiés de harcèlement sexuel les remarques concernant les qualités ou les défauts physiques, les propos obscènes et sexistes, les regards qui déshabillent, les actes consistant à dévisager ou siffler, les avances, les gestes non désirés et importuns (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 du 28 juin 2021 consid. 7.2 ; Rémy WYLER/Boris HEINZER, Droit du travail, 3ème éd., 2014, p. 873 s.).

Selon la jurisprudence, les blagues grivoises peuvent constituer du harcèlement sexuel (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb). Les remarques et plaisanteries sexistes peuvent avoir un impact important sur la victime selon leur durée et leur fréquence. Le potentiel de nuisance de ce type de harcèlement est également susceptible d'être accru lorsque plusieurs personnes y prennent part (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.3.4).

Si une intention de nuire pourrait peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel, l'absence d'une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible. En effet, sauf lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'un chantage sexuel, la motivation de l'auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (Karine LEMPEN, in Gabriel AUBERT et Karine LEMPEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l'égalité, 2011, n. 9 ad art. 4 LEg p. 103 s.).

En cas de harcèlement sexuel, l'employeur a l'obligation de protéger son personnel contre des actes commis par la hiérarchie, des collègues ou des personnes tierces (art. 4 LEg, art. 6 de la loi fédérale sur le travail dans l’industrie, l’artisanat et le commerce du 13 mars 1964 - loi sur le travail, LTr - RS 822.11, art. 2 de l’ordonnance 3 relative à la LTr du 18 août 1993 - OLT 3 - RS 822.113). Son devoir de diligence comporte deux aspects, à savoir prévenir les actes de façon générale et y mettre fin dans les cas concrets.

Selon la jurisprudence fédérale citée par Karine LEMPEN en matière de harcèlement, lors de l’appréciation des preuves, « il n’est pas admissible d’écarter d’emblée les témoignages d’autres employés ayant également été victimes de comportements hostiles et qui éprouvent du ressentiment à l’égard de l’auteur de ceux-ci », sous peine de rendre le harcèlement « quasiment impossible à
démontrer ». De même, vu que les témoins directs des actes de harcèlement font souvent défaut, il n’est « nullement insoutenable de tenir compte d’autres indices et notamment des déclarations de personnes auxquelles la victime s’est confiée » (Karine LEMPEN, in Commentaire romand - Code des obligations I, vol. 2, Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], 3ème éd., 2021, n. 31 ad art. 328 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220 et les arrêts cités).

b. En droit genevois, il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel (art. 2B al. 1 LPAC). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2). L’organisation du travail dans l’administration doit être conçue de telle sorte qu’elle assure des conditions de travail normales aux membres du personnel et leur permette de faire valoir leur personnalité, leurs aptitudes professionnelles et leurs facultés d’initiative (art. 2 al. 1 RPAC). Il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologique et de harcèlement sexuel, par des mesures de prévention et d’information (al. 2).

c. Le Tribunal fédéral a notamment relevé que ne pouvait être qualifié de harcèlement sexuel le fait pour un directeur d’une agence de presse d’appeler l’une de ses employées « belle enfant », dès lors qu'il a été constaté que celui-ci faisait preuve d'aménité à l'égard de cette employée, qui par ailleurs ne s'offusquait pas d'être désignée ainsi. Elle ne pouvait davantage se plaindre de ce qu’un collègue l’ait parfois appelée « bichounette », celle-ci lui répondant alors « bichounet » (arrêt du Tribunal fédéral 4C.276/2004 du 12 octobre 2004 consid. 3). Il en a jugé de même quant à l’utilisation du terme « Mistinguette » (arrêt du Tribunal fédéral 4A_18/2018 précité consid. 3.4).

7) À titre préalable, il convient de relever que les intimés se sont entièrement fondés sur le rapport d’enquête du 1er février 2021 dans la décision litigieuse, faisant leurs les conclusions de l’enquêtrice. Il est ainsi reproché au recourant d’avoir commis une violation des art. 20 et 21 let. c du statut. Les manquements retenus seront examinés successivement ci-après.

a. Il est tout d’abord reproché au recourant d’avoir eu des comportements représentatifs d’actes discriminatoires au sens de l’art. 4 LEg et constitutifs d’harcèlement sexuel à l’égard de Mmes L______, N______, M______ et I______.

L’enquêtrice a notamment retenu comme établi les faits suivants :

- le recourant avait cogné trois fois le sein droit de Mme L______ et posé ses mains sur le côté gauche et droit de la ceinture de cette dernière ;

- il avait donné un coup de pied aux fesses de Mme P______ ;

- il avait touché les seins et fesses de plusieurs femmes, selon les propos rapportés par Mme I______ ;

- il avait, selon Mme M______, tenu plusieurs fois des propos déplacés sur le corps de certaines collègues tels que « elle a un beau cul » ou « elle est bonne », cela accompagné de gestes, cette dernière l’ayant également entendu parler avec un autre collègue de la manière dont ils couchaient avec leurs femmes ;

- il avait dit à Mme N______ « Mmmmhh t’as un beau cul » ;

- il avait demandé à M. J______, en parlant de Mme I______ et en présence de cette dernière, « elle est bien foutue tu ne trouves pas ? » ;

- il appelait Mme L______ « mon petit canard » ou « mon petit poussin », et avait réagi par le son « Mmmmh » alors que cette dernière avait réajusté sa bretelle de soutien-gorge.

Le recourant – qui conteste la plupart desdits faits – réfute avoir commis des actes constitutifs de harcèlement envers ses collègues féminines. À titre préalable, il convient de relever que la présente cause ne traite pas d’une procédure visant la constatation d’éventuelles atteintes à la personnalité, mais le prononcé d'une sanction disciplinaire. Dans ce cadre, la qualification des éventuels actes commis par le recourant n’est pas déterminante, la question essentielle étant de savoir si le recourant a eu des comportements problématiques, et par là enfreint ses devoirs de service.

De manière plus générale, l’enquêtrice a considéré comme étant établis les différents actes d’attouchements, de contacts physiques ainsi que regards insistants dénoncés par Mmes L______, N______, M______ et I______, bien que le recourant les conteste tous.

Le recourant conteste pour sa part la quasi-totalité des événements dénoncés par les précitées. Il est vrai que plusieurs des collègues interrogés, que cela soit par l’enquêtrice ou par le juge délégué, ont affirmé n’avoir jamais constaté de comportements déplacés de la part du recourant à l’égard des quatre précitées. Cela étant, certains événements ont été corroborés par le témoignage direct de collègues tiers, tel notamment l’épisode avec Mme I______ et la remarque sur son physique dont le déroulement a été confirmé par M. J______. D’autre part,
Mme L______ a affirmé avoir constaté plusieurs comportements déplacés du recourant envers Mme N______, tandis que cette dernière a indiqué avoir observé que le recourant regardait Mme L______ de façon insistante et faisait tout son possible pour être proche d’elle. Mme I______ a quant à elle exposé avoir vu le recourant toucher les fesses et les seins de plusieurs femmes, précisant qu’il était très tactile, ainsi que leur envoyer « des petits bisous » qu’il mimait en l’air. S’il est vrai qu’il ressort du dossier et des auditions de plusieurs témoins que certaines dissensions existaient entre le recourant et Mme M______, tel n’est pas le cas concernant Mmes L______, N______ et I______. Les différents témoins entendus, notamment par la chambre de céans, ont également confirmé que les trois précitées ne faisaient pas partie d’un clan commun. Il n’existe dès lors aucune raison de douter des propos concordants rapportés par ces personnes. Comme le relève la doctrine précitée, rien ne commande d’exclure les témoignages d’autres employés ayant également été victimes de comportements hostiles. Enfin, le fait que la plupart des collègues tiers interrogés n’aient pas remarqué de comportements déplacés du recourant à l’égard des quatre précitées ne suffit à exclure qu’il ait existé. Vu la nature des faits reprochés, lesquels sont très rarement susceptibles d’intervenir devant témoins, il n’est pas surprenant qu’il n’y ait que peu de témoins de ceux-ci. En outre, le fait que le recourant ait eu des relations empreintes de courtoisie et de respect avec certaines collègues féminines n’exclut pas le fait qu’il ait eu des comportements problématiques avec d’autres.

Par ailleurs, il ressort du dossier mais également des auditions de M. D______ et de Mme G______ par la chambre de céans, que Mme L______ principalement, ainsi que Mmes I______ et M______ dans une moindre mesure, se trouvaient dans un état de détresse important lorsqu’elles ont dénoncé les faits dont elles s’estimaient victimes (pleurs et tremblements notamment). Cette situation semble avoir perduré pour Mme L______, dont il a été constaté par sa hiérarchie qu’elle se trouvait dans un état alarmant les semaines qui ont suivi, celle-ci apparaissant perdue, tétanisée et même en train de suffoquer. Par ailleurs, il convient de relever que deux des quatre dénonciatrices, soit Mmes N______ et L______, ne se trouvaient pas dans une situation pérenne quant à leur emploi, étant respectivement intérimaire et en période probatoire. Ces éléments, non décisifs à eux seuls, sont toutefois susceptibles de renforcer la crédibilité des déclarations des précitées.

Le recourant conteste avoir volontairement touché la poitrine de Mme L______ avec son coude. La précitée a de son côté fait part de cet événement tant à Mme N______ qu’à Mme M______. Même s’il est étonnant que le recourant ait donné à trois reprises un coup de coude involontaire dans la poitrine de Mme L______ le 4 mars 2020, il ne peut être totalement exclu que cela soit effectivement arrivé par inadvertance, compte tenu, d’une part, de l’exiguïté des postes de travail et de l’environnement bruyant du service nécessitant une certaine proximité physique pour s’entendre, confirmée par différents témoins, et, d’autre part, la nécessité d’une certaine proximité entre les protagonistes, cet incident étant survenu alors que l’intéressée venait de commencer à travailler dans le service et était formée par M. A______. On peut dès lors donner au recourant le bénéfice du doute sur ce point.

Mme L______ s’est également plainte du fait que le recourant l’appelait régulièrement « mon petit canard » ou « mon poussin », qu’il était arrivé derrière elle pour lui faire peur en posant ses mains sur le côté gauche et droit de sa ceinture, qu’il lui avait demandé de lui faire un câlin ou un « bisou », ce qu’elle avait refusé, qu’il la regardait fixement, alors qu’elle lui demandait d’arrêter, et qu’il lui avait demandé si elle avait pensé à lui durant le week-end. Ces éléments sont intervenus dans un très court laps de temps, soit entre les 9 et 12 mars 2020, alors que l’intéressée était arrivée dans le service le 1er mars 2020 seulement, et était formée par le recourant. Cette proximité physique et ces familiarités apparaissent, dans ce contexte, totalement déplacées.

Par ailleurs, le fait de réagir par le son « Mmmmh » lorsque Mme L______ avait fait le geste de remonter sa bretelle de soutien-gorge, de donner une tape sur les fesses de Mme N______ ou de dire à cette dernière « t’es chaude » ou « Mmmh tu as un beau cul » sont clairement des propos et des gestes inacceptables à l’égard de collègues. Il n’apparaît en effet pas que ces comportements seraient intervenus consensuellement, dans le cadre d’une relation particulièrement amicale entre les protagonistes. De plus, les allégations du recourant selon lesquelles il était victime d’avances répétées et insistantes de la part de Mme N______ ne sont rendues vraisemblables par aucun élément au dossier. Bien que le recourant ait indiqué que M. R______était au courant desdites avances, il n’a pas jugé utile de faire interroger ce collègue sur ce point lors de son audition par l’enquêtrice, alors même qu’il avait été explicitement invité par cette dernière à faire part de ses éventuelles questions. M. R______, interrogé sur les relations entre le recourant et ses collègues, n’a fait part d’aucun élément allant dans ce sens.

En outre, malgré les dénégations du recourant à ce sujet, M. J______ a confirmé que l’intéressé lui avait dit, en parlant de Mme I______ et en présence de cette dernière, « elle est bien foutue tu ne trouves pas ? ». Ces propos sont à l’évidence inacceptables à l’égard d’une collègue de travail.

S’agissant en revanche de l’épisode selon lequel le recourant aurait proposé à Mme L______ à la fin d’une journée de travail de la raccompagner à son domicile, aurait salué le mari de celle-ci qui venait la chercher au travail puis aurait dit à cette dernière « dommage j’aurais pu te ramener » ce que le recourant conteste également , il ne relève pas en soi d’une violation de ses devoirs de service. Il en va de même de la remarque « mais reste ici à la fenêtre, il y a de l’air » qui aurait été dite avec un air suggestif par le recourant à Mme L______, qui a été relevée par l’enquêtrice mais n’a pas été spécifiquement « qualifiée » par celle-ci. Ces propos n’apparaissent effectivement pas à même de suggérer des actes ou des idées permettant de reprocher au recourant un comportement déplacé ou irrespectueux envers sa collègue.

Il ressort des déclarations de Mme M______ qu’elle aurait entendu, à une reprise, le recourant et un autre collègue masculin discuter devant le tableau d’affichage des horaires de la manière dont chacun d’eux entretenait des rapports sexuels avec son épouse, propos que le recourant conteste avoir tenu. Le fait de discuter avec un collègue sur son lieu de travail de sa vie intime avec son ou sa partenaire, dans des locaux communs, s’avère inapproprié.

En ce qui concerne le coup de pied aux fesses donné par le recourant à
Mme P______ en 2019, il apparaît que cet épisode est clos de l’avis même des deux protagonistes, cet incident ayant en particulier fait l’objet d’un entretien avec leur hiérarchie. Cet épisode peut être pris en compte à titre d’antécédents du recourant, ce geste étant irrespectueux et déplacé.

b. L’enquêtrice a également retenu que le recourant avait fait preuve de nombreux actes d’agressivité, soit notamment qu’il avait poussé très fort les convoyeurs les uns contre les autres, qu’il avait jeté de manière agressive depuis sa hauteur des roulettes extrêmement lourdes au milieu de la salle, qu’il avait parlé de manière agressive à Mmes M______, L______ et I______, qu’il avait renversé une bouteille d’eau sur Mme N______ et qu’il avait lancé un plateau troué sur le plan de travail de Mme I______, estimant qu’elle n’avait pas utilisé les bonnes roulettes.

S’agissant du fait que le recourant aurait poussé très fort les convoyeurs en les cognant les uns contre les autres, élément rapporté tant par Mme N______ que Mme L______, ces incidents ne peuvent être qualifiés de comportement irrespectueux de l’intéressé directement à leur égard. Ce que les précitées considèrent être une manière de les impressionner, peut aussi relever d’un geste d’emportement passager du recourant dans le cadre de son activité professionnelle, étant précisé qu’il a été relevé par plusieurs personnes dans le cadre de la procédure la difficulté des conditions de travail. Par ailleurs, les explications apportées par le recourant, selon lesquelles les convoyeurs, faits de métal, seraient effectivement bruyants lorsqu’on les déplace ensemble, donne du crédit à cette thèse.

En ce qui concerne le reproche selon lequel le recourant aurait jeté de sa hauteur des roulettes à travers la salle, cet élément n’est pas établi avec suffisamment de certitude, de sorte qu’il ne peut être retenu à son encontre. En effet, le recourant a relevé que ses problèmes de dos l’empêchaient de soulever et jeter les roulettes qui étaient extrêmement lourdes, mais a admis en revanche avoir poussé celles-ci du pied.

En revanche, sans qu’il soit nécessaire de qualifier le type d’atteinte que constituait le fait de renverser une bouteille d’eau sur une collègue, il est indéniable qu’un tel geste, n’intervenant manifestement pas dans un cadre d’un « jeu » entre deux collègues, est totalement irrespectueux. Il en va de même du fait de lancer un objet sur le plan de travail d’une collègue, dès lors que cela aurait pu en outre lui causer une blessure. Si le recourant conteste avoir adopté ces comportements, il n’existe aucun motif, pour les mêmes raisons qu’exposées précédemment, de douter des propos rapportés par les deux dénonciatrices concernées, lesquels ne sont par ailleurs pas sujets à interprétation.

Il n’y a pas de raison de douter du fait que le recourant ait pu connaître des épisodes d’emportement, notamment à l’égard Mmes M______, L______ et I______, tels que celles-ci les ont rapportés. Cela étant, des propos tels que « Pourquoi tu me coupes la parole ? » ou « Toi tu as toujours quelque chose à dire, toi tu es spéciale », ne sont pas d’une violence telle qu’ils seraient, en soi, constitutifs d’une atteinte à la personnalité de celles-ci.

c. Il convient encore d’établir si les faits retenus ci-avant constituent une violation des devoirs de service du recourant, justifiant le prononcé d’une sanction.

À titre préalable, il n’est pas contesté qu’aucun reproche n’est formulé à l’encontre du recourant s’agissant de ses compétences professionnelles, unanimement décrit par ses responsables hiérarchiques et ses collègues comme une personne très compétente dans ses fonctions. Plusieurs de ces collègues l’ont également décrit comme étant une personne drôle, taquine et sympathique.

Il apparaît probable que le recourant se soit emporté à plusieurs reprises sur son lieu de travail, par exemple en cognant des convoyeurs entre eux ou en s’énervant, étant précisé que plusieurs témoins ont confirmé que les conditions de travail étaient difficiles, liées notamment à une mauvaise ambiance dans le service, ainsi qu’à des tâches répétitives et physiques, demandant beaucoup de concentration. On ne saurait toutefois considérer que ces agissements seraient constitutifs d’une violation des devoirs de service.

En revanche, les actes d’hostilité tels que le fait de lancer le contenu d’une bouteille d’eau sur une collègue, ou de lancer du matériel sur le plan de travail d’une autre, sont beaucoup plus problématiques et ne sauraient être tolérés dans un quelconque environnement de travail.

En outre, au vu de ce qui précède, il convient de retenir que le recourant a eu des comportements inadéquats à l'égard de plusieurs collègues féminines – la question de savoir s’ils peuvent être tous qualifiés d’harcèlement sexuel étant sans pertinence se trouvant dans le même service. Même s’il ne saurait être retenu l’existence d’un véritable lien de subordination comme le retient l’enquêtrice, il est vrai qu’une partie des comportements reprochés se sont produits alors que le recourant était le formateur de deux des dénonciatrices à leur arrivée, soit Mmes L______ et N______. Cette position vis-à-vis de ces deux personnes était de nature à rendre plus difficile pour celles-ci de s’opposer, voire de dénoncer les faits litigieux. Il apparaît d’ailleurs que Mme L______ a dénoncé pour la première fois les agissements du recourant en juin 2020, soit juste après la fin de sa période d’essai, son contrat ayant démarré le 1er mars 2020.

En outre, ces comportements se sont déroulés sur une relativement longue période, dès lors qu’ils ont débuté en 2018 et ont perduré jusqu’à l’été 2020, à l’égard de plusieurs de ses collègues, de sorte qu’ils peuvent être qualifiés de systématiques et répétés. Ces comportements déplacés, ajoutés à des actes d’agressivité dirigés envers certaines collègues, apparaissent à l’évidence devoir être qualifiés de manquements aux devoirs du personnel des HUG et justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire.

8) Il convient encore d’examiner si la sanction prononcée par les intimés respecte le principe de la proportionnalité.

Les intimés ont prononcé la révocation du recourant en respectant un délai de trois mois, le libérant toutefois immédiatement de son obligation de travailler. Le recourant indique qu’un « avertissement » aurait dû lui être infligé, voire qu’il aurait pu être déplacé dans un autre service. Or, l’avertissement ne relève plus du catalogue des sanctions disciplinaires et apparaît comme une mesure insuffisante à la lumière des comportements reprochés. En outre, le recourant invoque l’alternative du déplacement – qui n’est pas non plus une sanction disciplinaire, mais relève bien plutôt d’une tentative de reclassement non obligatoire dans ce cadre dans le but de se maintenir au sein de l’administration. Il maintient toutefois que les accusations portées à son encontre résultent d’accusations infondées. Il ne fait ainsi pas preuve d’une remise en cause de son comportement ni ne démontre une prise de conscience prouvant que son déplacement dans un autre service le pousserait à modifier son comportement. Or, les autorités intimées doivent garantir aux membres du personnel une protection de leur personnalité.

Bien qu’il n’ait pas fait l’objet d’un avertissement formel, le recourant admet dans le cadre de son recours qu’il avait été interpellé par sa hiérarchie en 2018 après avoir dit à M. J______, concernant Mme I______ et devant cette dernière, « elle est bien foutue, tu ne trouves pas ? », laquelle lui avait demander de modifier sans délai son comportement. Il reconnaît également avoir eu une discussion avec M. C______ suite à l’incident du coup de pied aux fesses de Mme P______ en 2019, relevant à nouveau ne pas avoir fait l’objet d’un avertissement formel. Malgré les entretiens liés à des actes problématiques de sa part vis-à-vis de deux collègues féminines, il apparaît que le recourant n’a pas modifié son comportement mais a, au contraire, persisté durant l’année 2020 dans des gestes et propos inadaptés sur un lieu de travail.

Vu l’accumulation de comportements inappropriés, la durée sur laquelle ceux-ci se sont étendus, le fait que le recourant était le formateur de certaines des dénonciatrices, l’intérêt public important à ce que les personnes exerçant une fonction au sein de l'administration aient un comportement correct envers leurs collègues, il apparaît que l'intérêt public au bon fonctionnement du service l'emporte sur les intérêts personnels contraires du recourant, engagé en 2013, de continuer à exercer une activité au sein des HUG. Dans ces conditions, la révocation du recourant est une mesure permettant d’éviter toute éventuelle réitération de son comportement importun.

Ainsi, en prononçant la révocation du recourant, les HUG, qui disposent d’un large pouvoir d’appréciation en matière de sanctions disciplinaires, ont respecté le principe de la proportionnalité sous l'angle de l'aptitude, de la nécessité et de la proportionnalité au sens étroit. La décision litigieuse est dès lors conforme au droit.

9) Le recourant semble alléguer, sans formuler de véritables griefs y relatifs, qu’il aurait été prétérité par le fait d’être défendu par Avenir Syndical durant l’enquête administrative. Ce dernier considère notamment que le refus de sa demande de complément d’enquête, formulée le 8 mars 2021 suite à la transmission du rapport d’enquête, serait lié aux tensions existantes entre le syndicat précité et les HUG.

Cette allégation ne résiste toutefois pas à l’examen. En effet, comme soulevé par l’enquêtrice, cette dernière a explicitement invité le recourant à lui indiquer si lui-même et/ou son représentant souhaitaient être présents lors des auditions et l’a invité à faire parvenir une liste de questions à poser dans l’hypothèse où ni lui ni son représentant ne serait présent. Il ne ressort pas du dossier que le recourant ou son représentant syndical aurait donné suite à cette invitation. Il n’a dès lors pas participé ni été représenté dans le cadre des différentes auditions, hormis la sienne. Ce n’est qu’une fois le rapport d’enquête achevé, qu’il a sollicité, notamment, la tenue d’auditions supplémentaires. Sa demande de complément d’enquête a été transmise à l’enquêtrice qui, dans un courriel circonstancié, a exposé point par point les raisons pour lesquelles elle estimait que les requêtes formées par l’intéressé n’étaient pas justifiées et ne nécessitaient pas de complément dans son enquête. L’on voit dès lors mal en quoi les éventuelles tensions existant entre les HUG et Avenir Syndical auraient porté préjudice au recourant. Il apparaît plutôt que celui-ci n’a pas suffisamment participé au processus d'établissement des faits qui lui étaient reprochés.

Pour le surplus, le recourant a eu l’occasion de faire entendre les témoins et de formuler les offres de preuves qu’il souhaitait voir administrer dans le cadre de la présente procédure.

10) Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 juin 2021 par Monsieur A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 10 mai 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nathalie Subilia, avocate du recourant, ainsi qu'à
Me Véronique Meichtry, avocate des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory,
Mmes Lauber et McGregor, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :