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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3322/2011

ATA/268/2014 du 15.04.2014 sur JTAPI/998/2012 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : ; DROIT FISCAL ; INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION ; QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR ; FORCE MATÉRIELLE ; CHOSE JUGÉE ; POUVOIR D'EXAMEN
Normes : LPA.60.al1.leta ; LPA.60.al1.letb ; LCP.80.al1 ; LCP.81.al2 ; LCP.84.al1.letd ; LPA.61.al1 ; LPA.61.al2
Résumé : La problématique juridique de la soulte et de son imposition a été réglée par un jugement du Tribunal administratif qui a, faute d'un recours au Tribunal fédéral, acquis force de chose jugée. Le calcul de l'administration fiscale relatif à l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers est exact. Recours rejeté. La qualité pour recourir d'un des recourants peut souffrir de rester ouverte vu le sort du recours.
En fait
En droit

 

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3322/2011-ICC ATA/268/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 avril 2014

2ème section

 

dans la cause

 

Messieurs A______ et B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2012 (JTAPI/998/2012)


EN FAIT

1) Le 13 juillet 2004, Messieurs A______ et B______, copropriétaires de la parcelle n° 1______ sise ______, rue F______ de la commune de H______ et ______, rue I______, comportant une habitation à plusieurs logements, ont conclu un acte d’échange avec soulte avec Messieurs D______ et E______, copropriétaires de la parcelle n° 2______, sise ______, route G______, commune de J______, sur laquelle existent des garages, une habitation à un seul logement, et une habitation à plusieurs logements.

Le chiffre 11 de l’acte d’échange précisait que la valeur du bien-fonds n° 1______ était de CHF 2’700’000.-, alors que la valeur de la parcelle n° 2______ n’était que de CHF 1’200’000.-, d’où le versement d’une soulte en faveur de MM. A______ et B______ d’un montant de CHF 1’500’000.- (ATA/842/2010 du 30 novembre 2010 consid. 3).

2) Le 10 août 2005, MM. A______ et B______ ont remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leurs déclarations d’impôt respectives sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) pour l’année 2004. Ils ont déclaré chacun une soulte de CHF 750’000.- (CHF 1’500’000.- : 2) ainsi qu’une valeur d’acquisition de CHF 597’270.- (CHF 1’194’540.- : 2). Le gain immobilier imposable s’élevait ainsi à CHF 152’730.- (CHF 750’000.- - CHF 597’270.-).

3) Le 31 octobre 2005, l’AFC-GE a notifié deux bordereaux séparés à MM. A______ et B______ concernant l’IBGI. L’AFC-GE a arrêté pour chacun l’IBGI à CHF 30’546.- correspondant au 20 % du gain immobilier imposable (20 % de CHF 152’730.-).

4) Le 30 octobre 2006, l’AFC-GE a notifié deux bordereaux séparés à MM. A______ et B______ pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après : ICC) 2004 et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2004.

a. M. A______ a élevé réclamation contre son bordereau le 27 novembre 2006, puis a formé recours auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), contre la décision sur réclamation.

Par décision du 19 juillet 2010 (DCCR/1071/2010), la CCRA a admis partiellement le recours de M. A______. La part de la soulte revenant à M. A______, soit CHF 750’000.-, devait être soumise à l’impôt sur l’IBGI au sens des art. 80 ss de la loi sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05) et non à l’impôt ordinaire.

Par arrêt du 30 novembre 2010 (ATA/842/2010), le Tribunal administratif (ci-après : TA), devenu la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), a confirmé la décision précitée. Le bénéfice dégagé de CHF 750’000.-, correspondant à la part de la soulte reçue par M. A______ devait être soumis à l’IBGI au sens des art. 80 ss LCP. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un recours.

b. A une date inconnue, M. B______ et Madame C______ (ci-après : les époux B______) ont également formé réclamation à l’encontre de leur taxation ICC et IFD 2004, puis ont formé recours auprès de la CCRA contre la décision sur opposition de l’AFC-GE du 14 mai 2010.

Par courrier du 5 mai 2011, les époux B______ ont déclaré retirer leur recours.

Par jugement de retrait du 10 mai 2011 (RTAPI/164/2011), le TAPI a rayé la cause du rôle.

5) Le 15 avril 2011, l’AFC-GE a adressé des bordereaux rectificatifs pour l’ICC et l’IFD 2004 à M. A______, établis sur la base des considérants de la décision de la CCRA du 19 juillet 2010.

6) Le 5 mai 2011, l’AFC-GE a notifié aux époux B______ des bordereaux rectificatifs pour l’ICC et l’IFD 2004.

7) Dans un même courrier non daté, MM. A______ et B______ ont sollicité la restitution du montant de CHF 30’546.- correspondant à l’IBGI prélevé le 31 octobre 2005 sur la soulte de CHF 750’000.-.

8) Le 19 mai 2011, l’AFC-GE a écrit à MM. A______ et B______. Elle ne pouvait accéder favorablement à leur requête dans la mesure où la CCRA avait considéré que la soulte devait être soumise à l’IBGI au sens des art. 80 et ss LCP, ce que le TA avait confirmé dans son arrêt du 30 novembre 2010.

9) Dans un courrier du 6 juin 2011 signé uniquement par M. A______, MM. A______ et B______ ont écrit au service de taxation de l’AFC-GE, demandant audit service de bien vouloir reconsidérer sa position.

10) Dans un courrier du 7 juillet 2011 signé uniquement par M. B______, MM. A______ et B______ se sont adressés au directeur adjoint du service des personnes physiques de l’AFC-GE pour se voir restituer le montant de CHF 30’546.- imposé à tort. Ce courrier a été considéré par l’AFC-GE comme étant une réclamation.

11) Par décision sur réclamation du 29 août 2011 adressée à M. A______, l’AFC-GE a rejeté la réclamation du 7 juillet 2011. La soulte de CHF 1’500’000.- reçue dans le cadre de l’échange de la parcelle n° 1______ avec la parcelle n° 2______ devait être appréhendée comme de la gestion de patrimoine privé, conformément à l’arrêt du TA du 30 novembre 2010.

Le détail des éléments ayant servi à calculer l’impôt sur la soulte reçue pour la part représentant la plus-value sur la parcelle n° 1______ était le suivant :

Valeur de la soulte en pourcent des valeurs échangées : 55,56 %

Soit : CHF 1’500’00.- / CHF 2’7000’000.- x 100

Valeur d’acquisition de la parcelle n° 1______ : CHF 2’150’000.- dont 55,56 % = CHF 1’194’540.-

Soit : Valeur de la soulte CHF 1’500’000.- - CHF 1’194’540.- = CHF 305’460 taxable à 20 %, soit CHF 61’092.- et donc pour chacun CHF 30’546.-.

12) Par décision sur réclamation du 29 août 2011 adressée à M. B______, l’AFC-GE a rejeté la réclamation du 7 juillet 2011. La motivation de cette décision était la même que pour celle de son frère.

13) Par acte du 29 septembre 2011, signé par MM. A______ et B______, les précités ont interjeté recours auprès du TAPI. L’AFC-GE avait erré en considérant la soulte de CHF 1’500’000.- comme un bénéfice, alors qu’il ne s’agissait en réalité que d’un complément de prix de vente destiné à équilibrer la notion d’échange convenu.

Etaient joints au recours la décision sur réclamation du 29 août 2011 de l’AFC-GE adressée à M. A______, l’arrêt du TA du 30 novembre 2010 ainsi que le courrier de l’AFC-GE du 19 mai 2011 adressé à MM. A______ et B______.

Le TAPI a enregistré le recours sous le numéro de cause A/3322/2011 avec pour unique recourant M. A______.

14) Le 30 mars 2012, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours de M. A______. La CCRA puis le TA avaient considéré que l’échange conclu s’inscrivait dans le cadre de l’administration de la fortune privée, de sorte que le bénéfice dégagé de CHF 750’000.-, correspondant à la part de la soulte reçue devait être soumis à l’IBGI.

15) Par jugement du 27 août 2012, le TAPI a rejeté le recours. La CCRA, confirmée en cela par le TA, avait considéré que la soulte de CHF 1’500’000.- versée à MM. A______ et B______ dans le cadre de l’échange des parcelles en cause devait être considérée comme un bénéfice résultant de l’aliénation d’un bien immobilier, réalisé dans le cadre de la gestion de la fortune privée de M. A______, et que ce bénéfice devait, par conséquent, être soumis à l’IBGI. L’arrêt du TA du 30 novembre 2010 n’ayant pas fait l’objet d’un recours, il était devenu définitif et ne pouvait plus être remis en cause devant le TAPI. Le montant de CHF 750’000.- devait ainsi être soumis à l’IBGI. C’était donc en vain que M. A______ demandait le remboursement du montant de CHF 30’546.- perçu au titre de l’IBGI.

La page de garde dudit jugement ne mentionnait que M. A______ comme partie recourante et seul ce dernier (et l’AFC-GE) était nommé pour la notification du jugement.

Le jugement a été envoyé pour notification le 5 septembre 2012.

16) Par acte recommandé posté le 4 octobre 2012, signé par MM. A______ et B______, ces derniers ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant à son annulation. L’AFC-GE avait fait une interprétation erronée du terme « soulte » en considérant cela comme un bénéfice. Selon le dictionnaire Larousse, une soulte « consistait en une somme d’argent, qui, dans un partage ou un échange, compensait l’inégalité de valeur des lots ou biens échangés ». Si l’AFC-GE était suivie dans son raisonnement, cela reviendrait à dire que si le bien transmis par MM. D______ et E______ avait eu une valeur inférieure au bien qu’ils leur avaient cédé, cela aurait été considéré comme une perte, ce qui serait absurde. Les différentes instances judiciaires n’avaient pas analysé leur thèse, se contentant de considérer la justification de la taxation et non son calcul mal fondé en raison de la mauvaise interprétation du terme « soulte ».

17) Le 10 octobre 2012, le TAPI a produit son dossier, sans formuler d’observation.

18) Le 19 novembre 2012, l’AFC-GE a remis à la chambre administrative diverses pièces parmi lesquelles figurait « l’attestation du montant à consigner au sens de l’art. 86A LCP » datée du 7 octobre 2004 relative à l’acte d’échange entre MM. A______ et B______ et MM. D______ et E______ du 13 juillet 2004. Selon cette pièce, la soulte se montait à CHF 1’500’000.-, la valeur d’acquisition s’élevait à CHF 1’194’540.-, le gain immobilier imposable s’élevait à CHF 305’460.- (CHF 1’500’000.- - CHF 1’194’540.-). Le taux à appliquer était de 20 % dans la mesure où MM. A______ et B______ avaient acquis la parcelle n° 1______ le 11 novembre 1997 et l’avaient échangée le 13 juillet 2014, soit une durée de possession de plus de six ans.

19) Le 26 novembre 2012, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties, à laquelle ont participé MM. A______ et B______ et une représentante de l’AFC-GE.

a. La représentante de l’AFC-GE a expliqué que MM. A______ et B______ avaient formé une réclamation contre les taxations ICC et IFD 2004, notifiées pour l’un en 2006 (M. A______) et pour l’autre au début de l’année 2007 (M. B______). La procédure concernant le premier nommé avait débouché sur l’arrêt du TA du 30 novembre 2010 (ATA/842/2010 précité). Le contentieux relatif à la taxation de M. B______ avait fait l’objet d’un accord devant le TAPI le 20 mai 2010. Un arrangement était intervenu avec l’AFC-GE et la cause avait été rayée du rôle. L’accord avait été conclu le 5 mai 2011 et le recours avait été retiré moyennant remise d’un bordereau rectificatif pour l’ICC et l’IFD 2004.

Après avoir résumé les différents actes de la présente procédure, la représentante de l’AFC-GE a noté que, curieusement, le TAPI avait rendu un arrêt qui ne concernait que le recours de M. A______.

b. M. A______ maintenait son recours. C’était à tort que l’AFC-GE considérait la soulte comme un bénéfice.

c. M. B______ maintenait avoir également fait recours auprès du TAPI contre la décision sur réclamation du 29 août 2011. Il n’avait pas reçu de jugement de la part du TAPI. Il y avait toujours eu une confusion entre son frère et lui.

20) Le 7 janvier 2013, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Tant la CCRA que le TA s’étaient déjà prononcés sur l’objet du litige. Ils avaient considéré que la soulte de CHF 1’500’000.- versée à MM. A______ et B______ dans le cadre de l’échange des parcelles devait être considérée comme un bénéfice résultant de l’aliénation d’un bien immobilier, réalisé dans le cadre de la gestion de la fortune privée des intéressés, et que ce bénéfice devait par conséquent être soumis à l’IBGI. L’arrêt du TA du 30 novembre 2010 était définitif et ne pouvait plus être remis en cause faute de recours au Tribunal fédéral. C’était ainsi à juste titre que l’AFC-GE avait refusé le remboursement du montant de l’AFC-GE perçu au titre de l’IBGI.

21) Le 8 janvier 2013, le juge délégué a écrit aux parties, leur fixant un délai au 18 janvier 2013, repoussé au 21 mars 2013, pour formuler toute requête complémentaire, ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

22) Dans un courrier du 18 mars 2013 signé par M. A______, celui-ci a écrit au juge délégué. Il intervenait pour son propre compte ainsi que celui de son frère. Il précisait que pour rétablir l’équilibre de l’échange entre les biens de valeur inégale, lui et son frère avaient versé une soulte que leur notaire avait considérée, à tort, comme étant un bénéfice, et l’AFC-GE avait suivi cette appréciation de manière aveugle. S’ils n’avaient pas payé de soulte, ils auraient fait un bénéfice.

Aucune procuration n’était jointe audit courrier.

23) Sur ce, la cause a été gardée à juger le 21 mars 2013.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/806/2013 du 10 décembre 2013 ; ATA/407/2013 du 2 juillet 2013 consid. 2 ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013 consid. 1 ; ATA/193/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/68/2012 du 31 janvier 2012 ; ATA/191/2011 du 22 mars 2011).

3) a. A teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/186/2014 du 25 mars 2014 ; ATA/199/2013 du 26 mars 2013 ; ATA/343/2012 du 5 juin 2012 et les références citées).

b. Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l’art. 103 let. a de l’ancienne loi fédérale d’organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (aOJ – RS 173.110) et qui était, jusqu’à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l’art. 98a de la même loi (ATA/399/2009 du 25 août 2009 ; ATA/207/2009 du 28 avril 2009 et les arrêts cités). Elle correspond aux critères exposés à l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), en vigueur depuis le 1er janvier 2007, que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (Arrêts du Tribunal fédéral 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1 ; 1C_76/2007 du 20 juin 2007 consid. 3 ; 1C_69/2007 du 11 juin 2007 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001, pp. 4126 ss et 4146 ss).

c. L’intérêt digne de protection représente tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l’annulation de la décision attaquée. Cet intérêt consiste donc dans l’utilité pratique que l’admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Cet intérêt doit être direct et concret ; en particulier, le recourant doit se trouver, avec la décision entreprise, dans un rapport suffisamment étroit, spécial et digne d’être pris en considération. Il doit être touché dans une mesure et avec une intensité plus grande que l’ensemble des administrés. Le recours d’un particulier formé dans l’intérêt général ou d’un tiers est exclu (ATF 138 II 162 consid. 2.1.1 ; ATA/586/2013 du 3 septembre 2013 et les arrêts cités ; François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative in Thierry TANQUEREL / François BELLANGER, Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 43 ss).

d. L’intérêt doit être direct et concret ; en particulier, la personne doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération, respectivement qu’elle soit touchée avec une intensité supérieure que les autres personnes, ce qui doit être examiné en rapport avec les circonstances concrètes (ATF 133 II 468 consid. 1 ; ATF 133 V 188 consid. 4.3.1 ; ATF 124 II 499 consid. 3b ; Arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4). Tel n’est pas le cas de celui qui n’est atteint que de manière indirecte ou médiate (ATF 130 V 202 consid. 3 ; 133 V 188 consid. 4.3.1). D’une manière générale, la jurisprudence et la doctrine n’admettent que de manière relativement stricte la présence d’un intérêt propre et direct lorsqu’un tiers désire recourir contre une décision dont il n’est pas le destinataire (ATF 133 V 239 consid. 6.3). Les tiers ne sont en effet pas touchés par une décision de la même manière que son destinataire formel et matériel, dans la mesure où elle ne leur octroie pas directement des droits ni leur impose des obligations (François BELLANGER, op. cit., p. 43 ss).

4) En l’espèce, MM. A______ et B______ ont interjeté recours auprès du TAPI en ne visant que la décision sur réclamation du 29 août 2011 portant sur l’ICC et l’IFD 2004 de M. A______ et c’est cette seule décision qu’ils ont jointe à leur recours. Dès lors, l’objet du litige se limitait à la situation fiscale du précité (art. 65 al. 1 LPA).

Toutefois, dans la mesure où les recourants ont plaidé en personne, le TAPI aurait dû instruire et se déterminer sur la qualité pour recourir de M. B______, et ce afin d’éviter tout formalisme excessif.

Malgré cela, la chambre de céans renoncera à renvoyer le dossier au TAPI, dans la mesure où cette question peut souffrir de rester ouverte vu le sort du recours.

5) Les recourants allèguent que l’AFC-GE a fait une mauvaise interprétation du terme « soulte » et que cette dernière ne devait pas être soumise à l’IBGI.

6) Selon l’art. 80 al. 1 LCP, l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers a pour objet le bénéfice net provenant de l’aliénation d’immeubles ou de parts d’immeubles sis dans le canton, ainsi que certains gains que ces immeubles procurent sans aliénation.

Lors d’un partage ou d’un échange, l’impôt est perçu immédiatement sur la soulte reçue pour la part qui représente une plus-value de l’immeuble aliéné (art. 81 al. 2 LCP).

L’impôt est perçu de l’aliénateur ou du bénéficiaire du gain sur le montant global du bénéfice ou du gain nets au taux de 20 % lorsqu’il l’a été pendant six ans au moins, mais moins de huit ans (art. 84 al. 1 let. d LCP).

7) Le droit administratif connaît les principes de la force et de l’autorité de la chose jugée ou décidée. Une décision administrative prise par une autorité ou un jugement rendu par un tribunal devenus définitifs par l’écoulement du délai de recours ou par l’absence de tout autre possibilité de recours ordinaire, notamment, ne peuvent plus être remis en cause devant une autorité administrative ou judiciaire (ATA/168/2013 du 12 mars 2013 ; ATA/480/2012 du 31 juillet 2012 confirmé par Arrêt du Tribunal fédéral 8C_699/2012 du 19 novembre 2012 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/451/2011 du 26 juillet 2011 ; Ulrich HAEFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 990 ss).

Selon la doctrine, l’autorité de chose jugée ou force matérielle de chose jugée (materielle Rechtskraft) se rapporte à la stabilité du contenu d’une décision. On peut également distinguer ici entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d’une décision de première instance entrée en force et autorité de chose jugée qui se rapporte à celle d’une décision prise sur recours ou par une juridiction saisie d’une action.

Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d’une décision administrative. On indiquera seulement ici que la révocation partielle ou totale d’une décision exige une pesée de l’intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l’intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision.

Dans le second cas, le réexamen approfondi de l’affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d’une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l’autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision sont présents. A cet égard, il faut souligner que l’autorité de chose jugée ne se rapporte qu’aux points effectivement tranchés par l’autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 296-297 n. 867 à 869).

8) En l’espèce et comme le retient à juste titre le TAPI dans son jugement du 27 août 2012, la CCRA, puis le TA, ont considéré que la soulte de CHF 1’500’000.- versée à MM. A______ et B______ par MM. D______ et E______ dans le cadre de l’échange des parcelles en cause (la parcelle n° 1______ de MM. A______ et B______ dont la valeur était de CHF 2’700’000.- contre la parcelle n° 2______ de MM. D______ et E______ dont la valeur était de CHF 1’200’000.-) devait être considérée comme un bénéfice résultant de l’aliénation d’un bien immobilier, réalisé dans le cadre de la gestion de la fortune privée de M. A______, et que ce bénéfice devait, par conséquent, être soumis à l’IBGI (DCCR/1071/2010 consid. 9 et ATA/842/2010 précité consid. 9).

L’arrêt du TA du 30 novembre 2010 est devenu définitif dans la mesure où il n’a pas fait l’objet d’un recours par-devant le Tribunal fédéral.

La question juridique relative au traitement fiscal de la soulte a ainsi été définitivement tranchée, de sorte que celle-ci doit être soumise à l’IBGI.

Le grief des recourants sera rejeté.

9) Reste à contrôler le calcul de l’impôt effectué par l’AFC-GE.

Le TAPI ne s’est pas prononcé sur ce point. Toutefois, dans la mesure où la chambre de céans jouit du même pouvoir de cognition que le TAPI (art. 61 al. 1 et 2 LPA) et dispose de tous les éléments pour se prononcer, il se justifie - par économie de procédure - de traiter cette problématique sans renvoyer le dossier au TAPI.

La valeur de la parcelle n° 1______ appartenant à MM. A______ et B______ était de CHF 2’700’000.-, alors que la valeur de la parcelle n° 2______ n’était que de CHF 1’200’000.-, d’où le versement d’une soulte en faveur de MM. A______ et B______ d’un montant de CHF 1’500’000.-. Ce sont donc bien MM. D______ et E______ qui ont versé CHF 1’500’000.- à MM. A______ et B______ pour compenser l’inégalité de valeur des parcelles échangées et non le contraire comme le soutiennent à tort les recourants.

Selon les pièces de la procédure et notamment « l’attestation du montant à consigner au sens de l’art. 86A LCP » datée du 7 octobre 2004, la soulte se montait à CHF 1’500’000.-, la valeur d’acquisition s’élevait à CHF 1’194’540.- (CHF 597’270.- x 2), le gain immobilier imposable s’élevait à CHF 305’460.- (CHF 1’500’000.- - CHF 1’194’540.-). Le taux à appliquer était de 20 % dans la mesure où MM. A______ et B______ avaient acquis la parcelle n° 1______ le 11 novembre 1997 et l’avaient échangée le 13 juillet 2004, soit une durée de possession de plus de six ans. Ainsi, le montant à consigner s’élevait à CHF 61’092.- (20 % de CHF 305’460.- ; art. 84 al. 1 let. d LCP), soit pour chacun des frères un montant de CHF 30’546.- à titre d’IBGI.

En conséquence, le calcul effectué par l’AFC-GE ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé.

10) Au vu de ce qui précède, le recours de MM. A______ et B______ sera rejeté dans la mesure où il est recevable. Un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge de MM. A______ et B______, pris conjointement et solidairement (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 4 octobre 2012 par Messieurs A______ et B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 août 2012 ;

met à la charge de Messieurs A______ et B______, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’000.- ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Messieurs A______ et B______, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :