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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1318/2016

ATA/220/2017 du 21.02.2017 ( PRISON ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1318/2016-PRISON ATA/220/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 février 2017

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Madame B______, curatrice

contre

OFFICE CANTONAL DE LA DÉTENTION

et

ÉTABLISSEMENT DE CURABILIS

 



EN FAIT

1. Par ordonnance du 26 mai 2009, la chambre d’accusation de la Cour de justice a prononcé un non-lieu à l’encontre de Monsieur A______ du fait de son irresponsabilité sur le plan pénal, et a ordonné un traitement thérapeutique institutionnel en milieu fermé, mesure prolongée par le Tribunal d’application des peines et des mesures le 21 mars 2013.

2. Le 23 février 2010, le Tribunal tutélaire, devenu depuis lors le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : TPAE), a prononcé à l’encontre de M. A______ une mesure d’interdiction accompagnée d’une mise sous tutelle, laquelle a été transformée en curatelle de portée générale suite à l’entrée en vigueur du nouveau droit de la protection de l’adulte le 1er janvier 2013.

3. Le 2 juillet 2014, M. A______ a été transféré au sein de l’établissement de Curabilis (ci-après : Curabilis ou l’établissement).

4. Le 16 avril 2016, l’agent de détention de service de Curabilis a établi un rapport d’incident. Le jour même, à 15h20, M. A______, mécontent de ne pas avoir reçu son traitement médical à 15h00 précises, avait tenu des propos insultants envers le personnel, qui lui avait alors enjoint de regagner sa chambre jusqu’au soir. En présence de deux autres agents de détention et de deux infirmières, M. A______, qualifiant cette mesure d’autoritaire et de tortionnaire, avait tenté d’empêcher la fermeture de sa cellule en s’agrippant au cadre de la porte, tout en hurlant et criant puis en saisissant la cheville de l’un des gardiens. Les agents de détention avaient néanmoins réussi à le pousser dans sa cellule, qu’ils avaient refermée. L’intervention, qui s’était déroulée dans le calme et sans violence, avait pris fin à 15h32.

5. Par courrier expédié le 28 avril 2016, M. A______ a adressé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) un recours. Le 16 avril 2016, il avait été privé de la « navette » de 15h00 et avait appris, alors qu’il était enfermé dans sa cellule, qu’il avait été sanctionné, sans connaître ni l’auteur de cette mesure, ni son motif. Il avait formellement interpellé la direction de l’établissement, qui ne lui avait jamais répondu.

6. Le 4 mai 2016, le juge délégué a invité Madame B______, curatrice de M. A______ désignée par le TPAE, à lui indiquer s’il entrait dans le cadre de son mandat de représenter M. A______ devant la chambre de céans ou si, de son point de vue, le recours s’inscrivait dans l’exercice d’un droit strictement personnel.

7. Le 12 mai 2016, Mme B______ lui a répondu que le dépôt d’un recours en matière administrative n’entrait pas dans l’exercice d’un droit strictement personnel et qu’il était sujet à représentation. Elle ratifiait dès lors le recours déposé par M. A______, sans pour autant s’associer à son contenu ni vouloir se déterminer à son sujet, et s’en rapportait à justice.

8. Dans sa réponse du 16 juin 2016, l’office cantonal de la détention (ci-après : l’office) a conclu au constat de l’absence de capacité de discernement de M. A______ et à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le recours était irrecevable en l’absence de capacité d’ester en justice de M. A______, qui n’avait pas l’exercice des droits civils en raison de la mesure de curatelle de portée générale dont il faisait l’objet. Bien que sa curatrice eût ratifié le recours, elle ne s’associait pas pour autant à son contenu, l’autorité de protection de l’adulte n’ayant pas non plus donné son consentement et M. A______ ne disposant pas de la faculté d’agir seul, en l’absence de capacité de discernement. En tout état de cause, le fait que M. A______ n’ait pas bénéficié de la « navette », soit une mesure organisationnelle sous la forme d’un horaire défini permettant aux détenus de passer de leur étage au lieu de vie commun ou inversement, et ait été contraint de regagner sa cellule en raison de son état d’excitation, qui n’était plus compatible avec la vie en communauté, ne constituait pas une décision administrative ni une sanction, mais une mesure opérationnelle, limitée dans sa durée, la personne concernée ayant la possibilité de réintégrer le groupe lors du repas suivant.

Sur le fond, M. A______ n’exposait que très partiellement les faits s’étant déroulés le 16 avril 2016 ni n’apportait le moindre élément permettant de prouver ses allégués, sa version étant au demeurant contredite par le rapport d’incident établi par l’agent de détention de service le jour des faits, en présence d’autres membres du personnel, qui n’avait aucun intérêt à rapporter des éléments inexacts à l’encontre d’un détenu.

9. Le 30 juin 2016, M. A______ a été transféré à la prison dans l’attente d’un transfert ultérieur vers un établissement d’exécution de peine.

10. Le 12 juillet 2016, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 12 août 2016 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

11. Aucune des parties ne s’est déterminée à l’issue du délai imparti.

 

EN DROIT

1. La chambre de céans examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/15/2017 du 10 janvier 2017 ; ATA/601/2016 du 12 juillet 2016 ; ATA/549/2016 du 28 juin 2016 ; ATA/1059/2015 du 6 octobre 2015).

2. a. À teneur de l’art. 60 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), ont qualité pour recourir les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée (let. b).

b. Sont considérées comme des décisions au sens de l’art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). Quant aux décisions fondées sur l’art. 4A LPA, elles portent sur des actes illicites de l’autorité compétente, qui sont fondés sur le droit fédéral, cantonal ou communal et qui touchent les droits ou obligations d’une personne ayant un intérêt digne de protection (art. 4A
al. 1 LPA).

Les mesures internes, qui organisent l’activité concrète de l’administration, ne peuvent être attaquées en tant que telles par des recours, qui ne sont en principe ouverts que contre des décisions, voire contre des normes (ATF 136 I 323 consid. 4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 consid. 4.1.2 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 ; ATA/15/2017 précité ; ATA/1059/2015 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 666).

c. Aux termes de l’art. 67 du règlement de l’établissement de Curabilis du 19 mars 2014 (RCurabilis - F 1 50.15), la personne détenue a l’obligation de respecter les dispositions dudit règlement, les directives du directeur général de l’office, du directeur de Curabilis, du personnel pénitentiaire ainsi que les instructions du personnel médico-soignant. Elle doit observer une attitude correcte à l’égard des différents personnels, des autres personnes détenues et des tiers (art. 68 RCurabilis), l’insubordination et les incivilités à l’encontre des personnels de Curabilis le fait de troubler l’ordre ou la tranquillité, dans le site ou les environs immédiats, et d’adopter un comportement contraire au but de Curabilis étant notamment interdits (art. 69 al. 1 let. b, m et n RCurabilis).
Selon l’art. 70 RCurabilis, une personne détenue enfreint le RCurabilis ou contrevient au plan d’exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la gravité de l’infraction, lui est infligée (al. 1), à savoir
(al. 4) l’avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximale de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b), l’amende jusqu’à CHF 1'000.- (let. c) et les arrêts pour une durée maximale de dix jours (let. d), lesquels sont exécutés dans les cellules prévues à cet effet (al. 10).

3. En l’espèce, les faits rapportés par le recourant ne font pas état d’un processus disciplinaire engagé à son encontre qui se serait terminé par une décision sous la forme d’une sanction, l’intéressé n’indiquant pas non plus quel droit de fond ou quelle disposition du RCurabilis aurait été violé.

Il ne ressort en particulier pas du dossier qu’une quelconque décision aurait été rendue à son encontre. Au contraire, la mesure prise par les agents de détention, telle que retranscrite dans le rapport d’intervention du 16 avril 2016, qui a consisté à raccompagner le recourant dans sa cellule après l’incident, a trait à l’organisation interne de l’établissement, en vue du maintien de l’ordre au sein de celui-ci. Cette mise en chambre ne constitue au demeurant pas une sanction figurant dans le catalogue de l’art. 70 RCurabilis, le recourant n’alléguant pas avoir séjourné dans une cellule prévue à cet effet. Il n’apparaît pas davantage avoir mis en demeure la direction de l’établissement pour qu’une décision soit rendue, n’étayant ses allégués d’aucun élément ou document tangible.

La mesure prise le 16 avril 2016 par les agents de détention n’est ainsi pas sujette à recours.

4. Il s’ensuit que le recours est irrecevable.

Compte tenu de ce qui précède, les questions de la capacité du recourant pour agir et de son intérêt actuel à recourir peuvent demeurer ouvertes.

5. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et, vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 28 avril 2016 par Monsieur A______ contre la mesure organisationnelle prise le 16 avril 2016 par l’établissement de Curabilis ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à Madame B______, curatrice, à l’office cantonal de la détention ainsi qu’à l’établissement de Curabilis.

Siégeants : M. Verniory, président, M. Thélin, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le la greffière :