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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3389/2014

ATA/1007/2015 du 29.09.2015 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 06.11.2015, rendu le 12.09.2016, REJETE, 8C_816/2015
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3389/2014-FPUBL ATA/1007/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 29 septembre 2015

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Marcel Bersier, avocat

contre

COMMUNE DE CHÊNE-BOUGERIES
représentée par Me Thomas Barth, avocat

 



EN FAIT

1) M. A______ a été engagé le 2 mai 2011 en qualité d'agent technique au sein du service technique communal par la commune de Chêne-Bougeries (ci-après : la commune), avec le statut de fonctionnaire en période probatoire de trois ans. Le 1er octobre 2011, il a été promu responsable des bâtiments de la commune.

2) Le 22 juin 2012, le conseil administratif de la commune a adressé à M. A______ un courrier l'informant qu'il avait pris la décision de mettre un terme à son engagement, avec effet au 31 août 2012. Il était immédiatement libéré de son obligation de travailler.

3) Par acte du 20 août 2012, M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce licenciement, concluant préalablement à ce que la chambre administrative constate l'irrégularité de celui-ci et, principalement, en constate la nullité.

Le courrier du 22 juin 2012 était une décision dont la notification était viciée, de sorte que le recours était recevable. Dite décision, à laquelle il ne pouvait s'attendre, avait été prise en violation de son droit d'être entendu, car il n'avait pas été interpellé pour faire valoir son point de vue. Son congé était abusif car il s'inscrivait dans un contexte de tension avec le secrétaire général. Toutefois la réparation pécuniaire qu'il entendait réclamer n'était pas de la compétence de la chambre administrative. Il avait retrouvé un emploi dès le 1er septembre 2012.

4) Par arrêt du 29 avril 2014 (ATA/289/2014), la chambre administrative a admis partiellement le recours de M. A______, constatant que la résiliation de ses rapports de service était contraire au droit. 

La violation du droit d'être entendu était particulièrement grave. Néanmoins, dans le cas d'espèce, la constatation de la nullité aurait mis en danger la sécurité du droit, dès lors que, dans le cadre de ses compétences organisationnelles, la commune avait pris des dispositions la liant à des tiers pour remplacer le recourant et que ce dernier avait conclu un contrat de travail avec un autre employeur peu après s'être vu notifier sa décision de licenciement. Il s’ensuivait que la décision de licenciement du recourant n’était pas nulle de plein droit.

La question de savoir si, au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y avait lieu que la chambre administrative, par interprétation conforme de l'art. 8 du statut du personnel de la commune de Chêne-Bougeries du 15 avril 1975 (ci-après : le statut) à la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), déterminât les principes d'indemnisation d'un fonctionnaire de la commune licencié sans droit avant qu'il ne soit nommé à titre définitif, pouvait souffrir de demeurer ouverte dès lors que le recourant n'avait pas pris de conclusions en réintégration ni en indemnisation mais des conclusions en constatation de la nullité, respectivement de l’illicéité de son licenciement.

5) Par lettre du 26 septembre 2014, M. A______, a réclamé à la commune le versement de la somme CHF 98'351.55.

Ce montant correspondait à la différence de salaire de CHF 2'980.35 consécutive à son licenciement sur une période de trente-trois mois, durant lesquels il aurait dû rester fonctionnaire de la commune, ainsi qu'elle lui avait fait comprendre au moment de son engagement.

M. A______ a fixé à la commune un délai au 31 octobre 2014 pour qu'elle lui verse le montant précité, augmenté des intérêts à 5% dès le 15 janvier 2014. Il sommait la commune de formaliser un éventuel refus en rendant une décision avant le 31 octobre 2014.

6) Par lettre du 8 octobre 2014, le conseil de la commune a répondu à
M. A______, en précisant que cette réponse n'était pas une décision au sens de l'art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985
(LPA - E 5 10).

L'arrêt de la chambre administrative du 29 avril 2014 avait réglé de façon exhaustive les prétentions de M. A______.

7) Par acte déposé le 7 novembre 2014, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative, concluant principalement à ce qu'il soit dit et constaté que le refus de statuer signifié le 8 octobre 2014 par la commune était assimilable à une décision aux termes de l'art. 4 al. 4 LPA ; à défaut, que le déni de justice formel de la commune, qui avait refusé de répondre à sa requête du
26 septembre 2014, soit constaté, qu'il soit statué en lieu et place de la commune sur cette requête et que la commune soit condamnée à lui verser une indemnité de licenciement de CHF 98'351.55 augmentée des intérêts à 5 % dès le 31 août 2012, ou toute autre indemnité que la chambre administrative fixera en équité ; subsidiairement, que la cause soit renvoyée à la commune pour qu'elle rende une décision susceptible de recours sur sa requête du 26 septembre 2014 ; le tout avec condamnation de l’intimée en tous les frais et dépens de l’instance.

En date du 18 décembre 2012, il avait fait notifier à la commune un commandement de payer d'un montant de CHF 100'000.- à titre interruptif de prescription. La commune avait fait opposition à cette poursuite et avait dès lors su à quoi s'attendre en matière de réclamation pécuniaire de sa part.

Ses prétentions étaient fondées puisque la chambre administrative avait jugé que son licenciement était contraire au droit.

M. A______ a pour le reste avancé plusieurs arguments relatifs au droit à l'indemnité de licenciement et au mode de calcul de celle-ci.

8) Dans sa réponse du 15 décembre 2014, la commune a conclu principalement à ce que le recours soit déclaré irrecevable ; subsidiairement, au rejet du recours et à ce que M. A______ soit condamné à une amende pour témérité au sens de l'art. 88 LPA ; le tout « sous suite de frais et dépens ».

Le document faisant objet du recours émanait du conseil de la commune, lequel n'était pas habilité à prendre des décisions sujettes à recours pour le compte de sa mandante.

La chambre administrative avait déjà réglé de façon exhaustive les prétentions éventuelles de M. A______ dans son arrêt du 29 avril 2014. Cette question était frappée de l'autorité de chose jugée.

M. A______ n'avait pas chiffré de manière intelligible son dommage.

L'introduction par M. A______ d'un recours devant la chambre administrative, s'agissant d'une cause qui avait déjà été tranchée par celle-ci, constituait un procédé téméraire selon l'art. 88 LPA.

9) Dans sa réplique du 15 janvier 2015, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Ses prétentions avaient été sauvegardées par l'envoi d'un commandement de payer à la commune en date du 11 décembre 2012.

M. A______ a par ailleurs avancé des éléments de calcul relatifs à l'indemnité réclamée.

La présente requête constituait un épisode supplémentaire de la procédure qui avait abouti à la constatation de l'illicéité de la résiliation des rapports de service par la commune, de sorte que le recours ne contrevenait nullement aux règles de la bonne foi.

10) Dans sa duplique du 19 février 2015, la commune a persisté dans ses conclusions.

En interjetant recours le 20 août 2012 contre son licenciement du 22 juin 2012, M. A______ connaissait déjà le montant de son nouveau salaire. Il aurait pu faire valoir ses prétentions financières contre la commune à ce moment-là. Les conditions d'une éventuelle révision n'étaient donc pas remplies en l'espèce.

Un commandement de payer notifié à la commune, autorité administrative au sens de l'art. 5 let. f LPA, n'aurait pas pu interrompre une prescription qui n'existait pas dans la présente affaire, laquelle relevait du droit public et non du droit civil ordinaire.

Il convenait en l'espèce de déroger à la pratiquer constante de la chambre administrative de n'allouer aucune indemnité à titre de dépens aux communes de plus de 10'000 habitants compte tenu du travail important engendré par la procédure superfétatoire introduite par M. A______. La commune ne disposait pas de service juridique propre.

11) Dans ses observations du 20 mars 2015, M. A______ a persisté dans ses conclusions.

Étant donné que l'arrêt de la chambre administrative du 29 avril 2014 avait laissé ouverte la question du paiement d'une indemnité, la réparation qu’il avait sollicitée auprès de la commune n'avait pas fait l'objet d'une décision ayant force de chose jugée.

12) La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) La chambre administrative est l’autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative. Les compétences de la chambre constitutionnelle et de la chambre des assurances sociales sont réservées (art. 132 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

Elle examine d'office sa compétence (art. 1 al. 2, art. 6 al. 1 let. b et art. 11 al. 2 LPA).

2) Dans le présent litige, l'examen de la recevabilité peut se limiter à déterminer si le recours interjeté devant la chambre de céans doit se voir opposer l'exception de chose jugée.

Compte tenu des considérants qui suivent, la question de savoir si le refus de la commune de verser au recourant l'indemnité requise constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA pourra souffrir de ne pas être traitée. Il en ira de même du grief de déni de justice formel invoqué par le recourant, qui ne sera pas traité.

3) a. Le droit administratif connaît les principes de la force et de l’autorité de la chose jugée ou décidée. Une décision administrative prise par une autorité ou un jugement rendu par un tribunal devenus définitifs par l’écoulement du délai de recours ou par l’absence de tout autre possibilité de recours ordinaire, notamment, ne peuvent plus être remis en cause devant une autorité administrative ou judiciaire (ATA/268/2014 du 15 avril 2014 consid. 7 ; ATA/168/2013 du 12 mars 2013 ; ATA/480/2012 du 31 juillet 2012 confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8C_699/2012 du 19 novembre 2012 ; ATA/276/2012 du 8 mai 2012 ; ATA/451/2011 du 26 juillet 2011 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, n. 990 ss).

b. Selon la doctrine, l’autorité de chose jugée ou force matérielle de chose jugée (materielle Rechtskraft) se rapporte à la stabilité du contenu d’une décision. On peut également distinguer ici entre autorité de chose décidée, qui se rapporte à la stabilité d’une décision d’une autre administration entrée en force et autorité de chose jugée qui se rapporte à celle d’une décision prise sur recours ou par une juridiction saisie d’une action. Dans le premier cas, la question est simplement celle de la modification d’une décision administrative. On indiquera seulement ici que la révocation partielle ou totale d’une décision exige une pesée de l’intérêt à une application correcte du droit objectif, qui plaiderait par hypothèse pour une modification de la décision, et de l’intérêt à la sauvegarde de la sécurité du droit, qui favorise le maintien de la décision. Dans le second cas, le réexamen approfondi de l’affaire qui a dû être effectué sur recours ou par la juridiction saisie d’une action justifie de reconnaître une plus grande portée à l’autorité de chose jugée : les points tranchés sur recours ou par une juridiction ne pourront être revus, en ce qui concerne les mêmes parties, les mêmes faits et les mêmes motifs, que si des motifs de révision (art. 80 LPA) sont présents. À cet égard, il faut souligner que l’autorité de chose jugée ne se rapporte qu’aux points effectivement tranchés par l’autorité de recours ; il y aura donc lieu de se référer aux motifs de sa décision pour définir la portée de l’autorité de la chose jugée (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 867 à 869).

c. L'exception de chose jugée doit être considérée comme une condition de recevabilité de l'action (Prozessvoraussetzung), de sorte que, si l'exception est admise, la demande est irrecevable (ATA/685/2010 du 5 octobre 2010 ;
ATF 105 II 159 consid. 4).

4) En l'espèce, les prétentions du recourant découlant de ses rapports de service avec la commune ont fait l'objet d'un arrêt de la chambre de céans du 29 avril 2014. Cet arrêt est une décision définitive ayant réglé ces prétentions de façon exhaustive.

En particulier, la chambre de céans y a relevé que le recourant n'avait pris aucune conclusion en paiement d'une indemnité (ATA/289/2014 précité). C’est pour cette raison qu’elle n’a pas examiné si l’intéressé y avait droit.

Il apparaît que le recourant, dans cette première procédure, s’est contenté de prendre des conclusions en constatation de nullité. Il a renoncé explicitement à prendre des conclusions condamnatoires, que ce soit en réintégration ou en paiement d’une indemnité. Il a même fait valoir que la chambre de céans n’était pas compétente pour allouer une telle indemnité. Partant, il ne saurait remédier à une telle renonciation.

Il est du reste relevé que, dans d’autres affaires, des indemnités, conséquence du caractère contraire au droit de la résiliation et du refus de réintégration de la commune, ont été accordées par la chambre de céans à des fonctionnaires (ATA/290/2014 du 29 avril 2014 par exemple).

Par ailleurs et en tout état de cause, le recourant ayant déjà disposé à cette époque de tous les éléments utiles pour déterminer le montant d'une telle indemnité, aucun fait nouveau ne justifie aujourd'hui de réviser cet arrêt (art. 80 let. b LPA).

Par conséquent, la demande en paiement du recourant doit se voir opposer l'exception de chose jugée. Cette demande est irrecevable.

5) La commune a conclu à ce que le recourant soit condamné à une amende pour emploi abusif des procédures.

Il n’appartient pas aux parties de prendre des conclusions visant à la condamnation de leur adverse partie pour emploi abusif des procédures au sens de l’art. 88 LPA (ATA/828/2015 du 11 août 2015 ; ATA/636/2015 du 16 juin 2015 ; ATA/441/2015 du 12 mai 2015). Les conclusions de la commune sur ce point seront donc déclarées irrecevables.

Quoiqu’il en soit, il ne sera pas prononcé d’amende à ce titre.

6) Il résulte de ce qui précède que le recours sera déclaré irrecevable.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Bien qu’elle y ait conclu, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la commune de Chêne-Bougeries, qui compte plus de 10’000 habitants. Celle-ci est en effet réputée disposer de son propre service juridique et ne pas avoir à recourir aux services d’un mandataire extérieur (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/890/2015 du 1er septembre 2015 consid. 12 ; ATA/290/2014 du 29 avril 2014 consid. 13 ; ATA/511/2013 du 27 août 2013 consid. 13 les références citées).

 

* * * * *

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 7 novembre 2014 par M. A______ contre la lettre de l’avocat de la commune de Chêne-Bougeries du
8 octobre 2014 ;

met à la charge de M. A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'aucune indemnité de procédure ne sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marcel Bersier, avocat du recourant, ainsi qu'à
Me Thomas Barth, avocat de commune de Chêne-Bougeries.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen et M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :