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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/477/2009

ATA/685/2010 du 05.10.2010 ( ANIM ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ; NORME ; DÉCISION ; CHOSE JUGÉE
Normes : LChiens.10 ; RChiens.21.al1 ; RChiens.21.al5 ; RChiens.21.al22
Résumé : Le Tribunal administratif ne peut revoir la portée d'un acte qualifié de décision générale par le recourant, alors que le Tribunal fédéral, dans un précédent arrêt portant sur le même objet, avait qualifié ledit acte de normatif et qu'il en avait contrôlé sa validité formelle et matérielle. Recours dès lors irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/477/2009-ANIM ATA/685/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 octobre 2010

2ème section

dans la cause

 

 

 

Madame P______
représentée par Me Robert Assaël, avocat

contre

DÉPARTEMENT DES AFFAIRES RÉGIONALES, DE L’ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1. Le 1er octobre 2003, le Grand conseil du Canton de Genève a adopté la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens (ci-après : LChiens - M 3 45). Cette loi est entrée en vigueur le 29 novembre 2003.

L'art. 10 al. 1 LChiens prévoit, dans sa teneur du 22 février 2007 entré en vigueur le 31 juillet 2007, que le département, en collaboration avec les communes et après consultation des milieux intéressés, définit les lieux où les chiens ne sont pas admis (let. a), doivent être tenus en laisse (let. b), peuvent pénétrer sans laisse sous la maîtrise de leur détenteur (let. c) ou peuvent être laissés en liberté sous la responsabilité de leur détenteur (let. d).

Le département veille à ce qu'il existe sur le territoire cantonal un nombre suffisant de lieux où les chiens ne sont pas admis, de lieux où l'accès aux chiens est autorisé sous conditions et de lieux où les chiens peuvent accéder librement (art. 10 al. 2 LChiens).

2. Le 17 décembre 2007, le Conseil d'Etat a adopté un nouveau règlement d'application de la LChiens (RChiens - M 3 45.01), entré en vigueur le 1er janvier 2008).

L'art. 21 al. 1 let. j RChiens dispose que les lieux dans lesquels les chiens ne sont pas admis sont les parcs publics tels que désignés par arrêté du département en charge du service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV).

Aux termes de l'art. 21 al. 5 RChiens, le département et les communes, par l'intermédiaire de leur exécutif et après consultation de la commission consultative en matière de gestion des chiens (ci-après : la commission), sont habilités à désigner, en fonction des besoins, d'autres accès interdits.

L'art. 22 RChiens énumère à son al. 1 les lieux dans lesquels les chiens doivent être tenus en laisse et prévoit également à son al. 2 que le département et les communes, par l'intermédiaire de leur exécutif, après consultation de la commission, sont habilités à désigner, en fonction des besoins, d'autres accès autorisés sous conditions.

3. Le département du territoire (ci-après : DT), dont les compétences en la matière ont été reprises par le département des affaires régionales, de l'économie et de la santé (ci-après : DARES), a pris un arrêté le 20 décembre 2007 (ci-après : l'arrêté) désignant les parcs interdits aux chiens, en se fondant notamment sur l'art. 10 LChiens. Il a ainsi établi une liste de 65 parcs répartis sur 17 communes, dont l'accès a été refusé aux chiens.

Cet arrêté a été publié dans la Feuille d'Avis Officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO), le 20 décembre 2007. La teneur de cette publication était la suivante : "Arrêté désignant les parcs interdits aux chiens du 20 décembre 2007. Le DT, vu la loi sur les conditions d'élevage, d'éducation et de détention des chiens (…), vu l'art. 10 de ladite loi qui oblige le DT, en collaboration avec les communes et après consultation des milieux intéressés, de définir notamment des lieux où les chiens ne sont pas admis quelle que soit leur race (…) arrête : prend note que les parcs suivants sont interdits aux chiens (…) Lancy : École et parc Cérésole - Parc de la Mairie - Parc du Gué - Parc Emile-Dupont, Parc Louis-Bertrand, Square des Rambossons, Parc Marignac, Parc Chuit, Parc des Sous-Bois, Parc Promenade des Fraisiers, Parc de la Pralie (…) ".

Aucune voie de droit ni délai de recours ne figuraient à la fin de cet arrêté.

4. Le 1er février 2008, Madame P______, domiciliée au Petit-Lancy, a interjeté un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral concluant à l'annulation des art. 21 al. 1 let. j, 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens ainsi que de l'arrêté.

Le RChiens constituait un acte normatif. L'arrêté devait être qualifié d'"ordonnance dépendante à destination des administrés du canton de Genève" et était, à ce titre, susceptible d'être déféré au Tribunal fédéral. Cet arrêté de portée générale violait l'interdiction de l'arbitraire, les principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs. En effet, à l'instar de ce que le Tribunal fédéral avait déclaré dans un précédent arrêt (ATF 133 I 145), avant d'imposer de nouvelles obligations disproportionnées et injustifiées aux propriétaires de chiens, il appartenait d'abord aux autorités de faire appliquer les mesures déjà prévues par la loi, lesquelles étaient suffisantes à assurer la sécurité publique. L'idée que des parcs publics devaient être réservés aux personnes qui n'aimaient pas les chiens, était en soi arbitraire. Le fait d'interdire à tous les chiens, quelle que soit leur race, la fréquentation des parcs publics, était manifestement disproportionné, n'avait aucun sens et ne reposait sur aucun motif objectif. L'arrêté violait également l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) en tant qu'il prévoyait que tous les parcs publics de la commune de Lancy étaient interdits aux chiens ainsi que l'art. 10 al. 2 LChiens lequel prescrivait que le département devait se montrer équitable. Le principe de la légalité avait également été violé. Les art. 21 et 22 RChiens prévoyant que l'exécutif des communes pouvait décider d'interdire ou de conditionner l'accès à un lieu pour un chien, violaient le cadre de l'art. 10 LChiens. En effet, ce dernier disposait que seul le département était compétent pour définir les lieux dans lesquels les chiens n'étaient pas admis ou ne l'étaient que sous conditions. La délégation de compétence prévue dans le règlement ne reposait donc sur aucune base légale. Les art. 21 et 22 RChiens n'étaient en outre pas suffisamment précis pour être conformes aux principes de la légalité. Par ailleurs, leur densité normative était insuffisante pour permettre à l'autorité d'interdire d'autres lieux en fonction des besoins. Le département avait manifestement outrepassé le cadre de l'art. 10 al. 2 LChiens en adoptant l'arrêté. A cet égard, la recourante s'est exprimée comme suit : "les autorités cantonales de Lancy - et le département qui s'est visiblement contenté d'en prendre note - ont pris la décision politique d'interdire aux chiens la fréquentation de tous les parcs publics, à l'exception d'un seul. On est en effet loin du partage le plus équitable possible des espaces entre ceux où les chiens peuvent accéder librement, ceux où ils sont admis sous conditions et ceux qui leur sont interdits, ainsi que l'envisageait la commission qui a examiné le projet". Le DARES n'avait nullement procédé à l'examen que lui commandait de faire l'art. 10 al. 2 LChiens.

5. Dans sa réponse du 2 avril 2008, le DARES, soit pour lui le SCAV, a conclu au rejet du recours, à la confirmation des art. 21 al. 1 let. j, 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens et de l'arrêté.

6. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours susmentionné (Arrêt du Tribunal fédéral, 2C_118/2008 du 21 novembre 2008).

Dans le cadre de l'examen de la recevabilité du recours interjeté, il a indiqué ce qui suit : "le règlement cantonal est à l'évidence un acte normatif cantonal. Il est plus difficile de qualifier l'arrêté qui établit la liste des 65 parcs publics dont l'accès est interdit aux chiens. On pourrait y voir une série de décisions générales (…). Cela signifierait que la qualité pour recourir serait subordonnée au fait d'habiter à proximité de parcs déterminés et d'être effectivement touché par la limitation contestée de l'usage commun de cette partie du domaine public. Cela aurait aussi des conséquences quant à l'épuisement des instances cantonales. Dans une telle hypothèse, en effet, il y aurait une voie de recours cantonale, vraisemblablement devant le Tribunal administratif. Il n'y a cependant pas lieu de pousser plus loin cette réflexion, car l'arrêté peut être assimilé à une norme générale et abstraite dans la mesure où il établit une liste de parcs interdits aux chiens qui couvre une grande partie de l'ensemble des parcs publics du canton de Genève, concerne tous les détenteurs de chiens genevois et a été édicté conformément à la procédure législative. Les actes attaqués tombent donc sous le coup de l'art. 82 let. b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)" (Arrêt du Tribunal fédéral précité).

Au surplus, les 65 parcs interdits aux chiens par l'arrêté se trouvaient à proximité des écoles, des places de jeux et des établissements médico-sociaux, soit ceux susceptibles d'être le plus souvent utilisés par les enfants et les personnes âgées. De ce fait, ledit arrêté n'était pas arbitraire et, partant, pas manifestement contraire au principe de la proportionnalité. Il n'y avait pas lieu d'examiner la question de savoir s'il y avait une atteinte à l'attribution des compétences prévues par l'art. 10 LChiens, faute de grief motivé dans ce sens. Les art. 21 al. 5 et 22 al. 2 RChiens ne violaient au surplus pas le cadre fixé par l'art. 10 LChiens qui octroyait des compétences "au département", les communes n'intervenant que dans le cadre d'une collaboration. Le Conseil d'Etat pouvait en effet sans arbitraire partir du fait que les communes genevoises, en tant que corporations administratives autonomes étaient habilitées à édicter leurs propres prescriptions sur l'utilisation du domaine public communal, en particulier sur l'usage des parcs publics. De telles prescriptions communales pouvaient aussi porter - en complément du droit cantonal - sur l'accès des chiens au domaine public communal. La densité normative des art. 21 al. 5 et 22 al. 2 Rchiens était suffisante. Enfin, l'argument de la recourante selon lequel le DARES était sorti du cadre fixé par l'art. 10 al. 2 LChiens, en édictant l'arrêté litigieux, en violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire était infondé. Le DARES avait entrepris une consultation, le 8 novembre 2006, auprès de la Ville de Genève et de toutes les communes urbaines puis, en décembre 2007, auprès de l'ensemble des communes genevoises, pour qu'elles désignent les parcs interdits aux chiens. Ces propositions avaient par la suite été soumises à la commission instaurée par l'art. 22 LChiens. Le DARES avait ainsi lui-même décidé des lieux interdits aux chiens, après avoir procédé aux consultations susmentionnées. Enfin, le nombre de parcs publics interdits aux chiens en proportion de l'ensemble des parcs publics de la commune de Lancy, soit 11 parcs sur 16, démontrait que l'équilibre recherché par l'art. 10 al. 2 LChiens avait été respecté par le DARES.

7. Le 12 février 2009, Mme P______ a interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre l'arrêté du 20 décembre 2007, concluant, préalablement, à la comparution personnelle des parties et, principalement, à l'annulation dudit arrêté du 20 décembre 2007.

Ce dernier devait être qualifié de décision générale, comme l'avait rappelé le Tribunal fédéral dans son arrêt du 21 novembre 2008. Elle disposait de la qualité pour recourir : elle était propriétaire d'un chien, habitait la commune de Lancy et l'arrêté litigieux lui interdisait de promener son chien dans les trois parcs se trouvant à proximité de son domicile. L'arrêté précité, publié dans la FAO du 28 décembre 2007, n'indiquait aucune voie ni délai de recours, en violation de l'art. 46 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Par ailleurs, la qualification de décision générale dudit arrêté ressortait pour la première fois des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral qui lui avait été notifié le 13 janvier 2009. Interjeté dans les trente jours suivant la notification de l'arrêt du Tribunal fédéral, le présent recours était par conséquent recevable et emportait effet suspensif. Sur le fond, l'arrêté litigieux violait son droit d'être entendu, dès lors qu'elle n'avait pu faire valoir d'observations. Il ne respectait pas le principe de proportionnalité. L'arsenal législatif en vigueur était suffisant pour assurer le respect du but prévu par la loi, à savoir notamment la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques. Il incombait aux autorités de faire appliquer la loi actuelle avant d'imposer de nouvelles obligations "disproportionnées", comme l'avait, selon elle, relevé le Tribunal fédéral dans un de ses arrêts (ATF 133 I 145). Dans ces circonstances, interdire à tous les chiens, quelle que soit leur race, la fréquentation des parcs publics, était une mesure manifestement disproportionnée. La règle de l'aptitude n'était en tous les cas pas réalisée. L'arrêté litigieux allait induire une concentration des chiens dans certains lieux, ce qui n'était certainement pas de nature à assurer la sécurité publique. Le DARES avait violé l'art. 10 LChiens en outrepassant le cadre de l'art. 10 al. 2 LChiens. En effet, les autorités communales de Lancy et le DARES qui s'étaient contentés d'"en prendre note" avaient pris la décision politique d'interdire aux chiens la fréquentation de tous les parcs publics, à l'exception d'un seul. Il n'y avait ainsi de loin pas de partage "le plus équitable possible des espaces entre ceux où les chiens peuvent accéder librement, ceux où ils sont admis sous conditions et ceux qui leur sont interdits", ainsi que l'avait envisagé la commission ayant examiné le projet de loi. Les faits et pièces démontraient par ailleurs que le DARES s'était contenté d'entériner la décision arbitraire de la commune de Lancy. Il n'avait nullement procédé à l'examen que lui commandait de faire l'art. 10 al. 2 LChiens et avait ainsi abusé de son pouvoir d'appréciation.

8. Le 15 avril 2009, le DARES a répondu et notamment conclu, préalablement, au retrait de l'effet suspensif du recours, à l'irrecevabilité du recours et si le recours était recevable, principalement, à la condamnation de la recourante à une amende pour téméraire plaideur, subsidiairement, au rejet du recours et à la condamnation de la recourante à une amende pour téméraire plaideur.

Par arrêt du 21 novembre 2008, le Tribunal fédéral était entré en matière sur le recours de l'intéressée et l'avait rejeté. Il avait écarté lui-même l'hypothèse selon laquelle l'arrêté pouvait être qualifié de décision générale. Le Tribunal fédéral avait en effet jugé que l'arrêté constituait bien une norme et qu'aucune voie de recours cantonale n'était ainsi ouverte. Si le Tribunal fédéral avait douté de la qualification juridique de l'arrêté querellé, il aurait procédé à un échange de vue ou aurait déclaré le recours irrecevable. Partant, le recours devait être déclaré irrecevable. L'arrêt du Tribunal fédéral avait par ailleurs acquis force de chose jugée le jour de son prononcé. Or, à la lecture des conclusions prises par la recourante dans le cadre du présent recours, il apparaissait que l'objet du litige était identique à celui de son recours au Tribunal fédéral. Le litige porté devant ce dernier concernait en effet les mêmes parties et portait sur le même objet. Examiner ce qui avait déjà été jugé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 21 novembre 2008 constituait une violation du principe général de l'autorité de chose jugée. La recourante faisait ainsi un usage abusif des procédures prévues par la loi. Son comportement méritait d'être sanctionné d'une amende pour téméraire plaideur.

Si toutefois le Tribunal administratif devait s'estimer compétent, force était de constater que le délai pour recourir était largement échu. L'arrêté avait été publié dans la FAO du 28 décembre 2007. L'intéressée avait ainsi jusqu'au 1er février 2009 pour déposer son recours, lequel devait être déclaré irrecevable pour cette raison également.

En tous les cas, le recours devrait être rejeté. L'arrêté devant être qualifié de norme cantonale, la recourante ne pouvait faire valoir son droit d'être entendue. L'interdiction d'accès pour les chiens dans certains parcs respectait le principe de proportionnalité. Le principe de l'interdiction aux chiens de certains lieux, lequel existait depuis la loi du 1er octobre 2003, n'avait fait l'objet d'aucun recours. La mesure interdisant l'accès aux chiens de certains parcs souvent fréquentés par des enfants, poursuivait un objectif d'intérêt public puisqu'elle permettait de prévenir efficacement tout risque d'accident. Cette interdiction s'appliquait de façon mesurée dès lors qu'elle ne concernait que 65 parcs, représentant moins de 1 % du territoire cantonal. Comme l'avait au surplus relevé le Tribunal fédéral, les parcs publics interdits aux chiens représentaient moins de 26 % de la surface totale des espaces verts accessibles à la population (parcs, promenades, jardins publics) du canton de Genève, témoignant d'une juste répartition sur tout le territoire cantonal et garantissant un nombre élevé d'espaces et autres lieux d'ébats à disposition des propriétaires de chiens. Partant, la mesure d'interdiction respectait le principe de proportionnalité. Le DARES n'avait pas violé l'art. 10 LChiens en outrepassant le cadre de la délégation législative. Il ne s'était pas contenté de "prendre note" des différents parcs ou espaces verts interdits aux chiens, comme l'alléguait la recourante. Bien au contraire, celui-ci avait mené une discussion de plus d'un an avec les différents exécutifs communaux du canton. Ceci ressortait d'ailleurs clairement de l'arrêté. Ces éléments avaient été au surplus confirmés par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 21 novembre 2008.

Enfin, compte tenu de l'irrecevabilité du présent recours, le DARES s'opposait à la restitution de l'effet suspensif.

9. La recourante a répliqué le 15 mai 2009. Le Tribunal fédéral avait procédé à un contrôle abstrait de l'arrêté. Il avait relevé que la question de savoir si cet acte pouvait être qualifié de décision générale, partant susceptible d'un recours auprès du Tribunal administratif, souffrait de rester ouverte, vu que dans tous les cas, ledit acte remplissait les critères d'un acte normatif au sens de l'art. 87 al. 1 LTF et que le recours était ainsi recevable, vu l'absence de voie de droit cantonale pour le contrôle abstrait.

10. Le DARES a dupliqué le 30 juin 2009.

Persistant dans ses conclusions, il a confirmé la possibilité pour la recourante de faire procéder à un contrôle concret de la norme querellée lorsqu'une décision d'application serait prise. La recourante avait soutenu une thèse devant le Tribunal fédéral afin de soumettre l'arrêté querellé à un contrôle abstrait ; ayant vu son recours rejeté, elle soutenait à présent la thèse opposée en qualifiant le même acte normatif de façon différente ceci afin d'obtenir prématurément le contrôle concret de l'arrêté querellé devant le tribunal de céans.

11. Dans ses observations complémentaires du 15 juillet 2009, la recourante a persisté dans son raisonnement et ses conclusions.

12. Le 8 septembre 2009, le DARES a requis qu'un jugement sur partie, limité à la question de la recevabilité du recours, soit rendu.

13. Le 16 novembre 2009, la ville de Lancy a informé le tribunal de céans que la mise en place de l'interdiction d'accès aux chiens dans ses parcs était toujours au stade de la sensibilisation, les panneaux de signalisation à l'entrée des parcs ayant été installés quelques mois auparavant seulement. Dans l'ensemble, en 2009, les propriétaires de chiens avaient respecté la nouvelle réglementation en vigueur. En 2008, 40 plaintes avaient été enregistrées en lien avec des problèmes de chiens et, en 2009, 26 seulement.

14. Le 4 septembre 2009, le juge délégué a tenu une audience de comparution personnelle des parties.

a. Mme P______ a déclaré que la majorité des promenades qu'elle faisait, accompagnée de son chien, se situait au Parc Louis-Bertrand ainsi que dans les parcs Emile-Dupont, Chuit et Cérésole, soit ceux situés à côté de chez elle. Le parc Navazza et les bords de l'Arve et du Rhône étaient loin de chez elle. Elle devait dorénavant prendre sa voiture deux à trois fois par semaine pour pouvoir laisser courir son chien dans les bois de Jussy, à Choulex ou au bord de la Seymaz. Les personnes qui allaient promener leur chien dans les petits parcs étaient ainsi contraintes de rester sur les trottoirs. De plus, les endroits autorisés étaient trop éloignés pour les personnes âgées. Elle souhaitait que la commune de Lancy soit interpellée pour savoir quel bilan elle avait tiré depuis février 2008 suite aux interdictions.

b. Le juriste du DARES a indiqué qu'à sa connaissance, le département ne s'était écarté d'aucun avis émis par une commune. Celui-là était libre de s'écarter, comme il l'avait d'ailleurs fait, de l'avis de la commission, même si elle était composée de spécialistes. Avant le prononcé de l'arrêté, une consultation avait été entreprise auprès des autorités des communes comme cela résultait dudit texte, mais il n'y avait pas eu d'enquête publique.

15. Le 17 novembre 2009, la cause a été gardée à juger.

16. Le 23 novembre 2009, la recourante a sollicité l'appel en cause de la Ville de Lancy.

EN DROIT

1. Dans le présent litige, l'examen de la recevabilité implique de déterminer si le recours interjeté devant le tribunal de céans doit se voir opposer l'exception de chose jugée.

2. Le droit administratif connaît les principes de la force et de l’autorité de chose jugée ou décidée : un jugement rendu par un tribunal devenu définitif par l’écoulement du délai de recours ou par l’absence de toute autre possibilité de recours ordinaire notamment, ne peut plus être remis en cause devant une autorité administrative ou judiciaire.

L'exception de chose jugée doit être considérée comme une condition de recevabilité de l'action (Prozessvoraussetzung), de sorte que, si l'exception est admise, la demande est irrecevable (ATF 105 II 159 consid. 4 ; J.-F. POUDRET, Commentaire de la loi sur l'organisation judiciaire, N. 1.3.2.15 ad art. 43 OJ).

Il y a autorité de la chose jugée quand la prétention litigieuse est identique à celle qui a déjà fait l'objet d'un jugement en force. Tel est le cas lorsque, dans l'un et l'autre procès, les parties ont soumis au juge la même prétention en se fondant sur les mêmes motifs juridiques et les mêmes faits. L'autorité de la chose jugée s'attache en principe au seul dispositif du jugement. Cela n'empêche toutefois pas qu'il faille parfois recourir aux motifs pour déterminer la portée exacte du dispositif (ATF 123 III 16 consid. 2a p. 18 ; 121 III 474 consid. 4a p. 477 ; 119 II 89 consid. 2a p. 90 ; 115 II 187 consid. 3b p. 189 ss ; 106 II 117 consid. 1 p. 118 ; F. GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., Berne 1983, p. 320 ss). De plus, lorsque le dispositif du jugement se réfère expressément aux considérants, ceux-ci en deviennent partie intégrante et, partant, acquièrent force de chose jugée. Ainsi, lorsqu'un tel dispositif conclut un jugement de renvoi, les considérants lient les autorités auxquelles la cause est renvoyée (ATF 120 V 233 consid. 1a p. 237 ; 113 V 159 ; F. GYGI, op. cit. p. 323).

En l'espèce, l'intéressée a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral le 1er février 2008, concluant à l'annulation des art. 21 al. 1 let. j, 21 al. 5 et 22 RChiens ainsi qu'à l'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2007. Le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 21 novembre 2008, est entré en matière, tant sur le fond que sur la forme. Il a toutefois rejeté ledit recours au motif que l'arrêté ne violait aucun des principes soulevés par l'intéressée. En particulier, la densité normative des normes réglementaires a été considérée comme suffisante, les principes de légalité et de proportionnalité avaient été respectés et enfin la prétendue violation du principe de l'interdiction de l'arbitraire était infondée. Conformément à l'art. 61 LTF, cet arrêt est entré en force dès son prononcé.

Dans son recours interjeté auprès du tribunal de céans, l'intéressée a conclu une nouvelle fois à l'annulation de l'arrêté précité. Or, les parties aux deux procédures sont les mêmes et les prétentions de l'intéressée sont identiques, en tant que cette dernière conclut une seconde fois à l'annulation de l'arrêté précité. Les faits à l'origine des deux recours sont en tous points similaires. Dans les deux cas, la recourante, domiciliée à Lancy et propriétaire d'un chien, conteste l'arrêté du 20 décembre 2007 dressant une liste de parcs interdits aux chiens. Bien plus, l'argumentation juridique développée devant le tribunal de céans en vue de faire annuler l'arrêté litigieux, hormis celle relative à la qualification de décision générale de l'arrêté, est exactement identique à celle figurant dans son recours en matière de droit public. La recourante invoque ainsi à nouveau la violation du principe de la légalité et celui de la proportionnalité et développe les mêmes motifs à l'appui de son recours.

Il ressort ainsi clairement des éléments susmentionnés que la recourante tente de faire contrôler une seconde fois un arrêté dont la validité a déjà été examinée et confirmée par le Tribunal fédéral.

La recourante tente de justifier sa démarche en alléguant que le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 21 novembre 2008, a qualifié l'arrêté de décision générale et que le Tribunal administratif est dès lors saisi d'un contrôle concret.

Il n'est cependant pas concevable de provoquer un nouvel examen d'un même acte en le qualifiant de façon différente.

3. Le DARES a conclu à ce que la recourante soit condamnée à une amende pour emploi abusif des procédures.

Il n’appartient pas aux parties de prendre des conclusions visant à la condamnation de son adverse partie pour emploi abusif des procédures au sens de l’art. 88 LPA (ATA/396/2006 du 26 juillet 2006). Les conclusions du DARES sur ce point seront donc déclarées irrecevables.

4. Il résulte de ce qui précède que le recours sera déclaré irrecevable.

5. Vu le caractère irrecevable dudit recours, la demande d'appel en cause devient sans objet.

6. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée.

 

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable le recours interjeté le 12 février 2009 par Madame P______ contre l'arrêté du département du territoire du 20 décembre 2007 ;

déclare irrecevables les conclusions du département des affaires régionales, de l’économie et de la santé fondées sur l'art. 88 LPA ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de la recourante ;

dit qu'il ne lui sera alloué aucune indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat de la recourante ainsi qu'au département des affaires régionales, de l’économie et de la santé.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :